L’Art de péter/Chapitre troisiéme

Florent-Q., rue Pet-en-Gueule, au Soufflet (p. 24-29).

CHAPITRE TROISIÉME.

Diviſion du Pet.



APrès avoir expliqué la nature & la cauſe du Pet, il ne nous reſte plus qu’à procéder à ſa juſte diviſion, & à éxaminer ſes eſpéces différentes que nous définirons enſuite & dont nous donnerons les affections.

Réflexion Problématique.

Il s’éleve ici naturellement une queſtion, & cette queſtion eſt un vrai problême, la voici.

Comment procéder à la juſte diviſion d’un Pet, dira quelque curieux incrédule ? Faut-il le méſurer à l’aulne, au pied, à la pinte, au boiſſeau ? Car, quæ ſunt eadem uni tertio, ſunt eadem inter ſe. Non : voici la ſolution qu’en a donnée un excellent Chimiſte, rien même de plus facile & de plus naturel. Enfoncez, dit-il, votre nez dans l’anus, la cloiſon du nez diviſant l’anus également, vos narines formeront les baſſins d’une eſpéce de balance dont votre nez ſervira alors. Si vous ſentez de la péſanteur en meſurant le Pet, ce ſera un ſigne qu’il faudra le prendre au poids ; mais ſi vous le trouvez trop petit pour mériter l’expérience, faites comme les Gentils-hommes Verriers, ſoufflez au moule tant qu’il vous plaira, je veux dire juſqu’à ce qu’il ait acquis un volume raiſonnable.

On diviſe donc les Pets en Vocaux & en Muets, & on ſoutient cette diviſion beaucoup plus éxacte que celles de ces petits Grimauds de Grammairiens qui diviſent les Lettres en Voyèles & en Conſonnes, & qui n’apperçoivent point le grand nombre de défauts que renferme une pareille dénomination. Ces Meſſieurs effleurent la matiére, mais faiſons-la leur ſentir & goûter telle qu’elle eſt.

Les Vocaux ſon proprement appellés Pétards du mot péter, parce qu’ils ſe manifeſtent de certaines eſpéces différentes de ſons, comme ſi le bas ventre étoit rempli de Pétards. C’eſt le ſentiment de Jodochus Willichius dans ſes Théſes du Pétard.

Or le Pétard n’eſt autre choſe qu’un éclat engendré avec bruit par des vapeurs ſéches. Il eſt grand ou petit ſelon la variété de ſes cauſes ou de ſes adjoints. Le Grand pétard eſt pleinement vocal ou vocal par excellence, & le Petit eſt appellé ſemi-vocal.

Le Grand Pet-pétard ou vocal plein, eſt celui qui ſe fait avec grand bruit, tant à cauſe du calibre qui eſt ample & ſpatieux, (comme ſont ceux des Payſans) que par rapport à la grande multitude de vents qui ſont produits ou par la grande quantité d’alimens flatueux, ou par l’imbécillité de la chaleur naturelle du ventricule & des inteſtins.

Pour faire mieux ſentir cette définition, & pour la prouver invinciblement, on peut faire ici la comparaiſon des canons, des groſſes veſſies, & des Pédales, &c. & l’application en ſera peut-être plus ſenſible que la démonſtration des Tonnerres, eſſayée par Ariſtophanes, parce que quiconque entreprend de démontrer un Pet doit ſe ſervir d’un moyen convenable palpable & connu.