L’Arc d’Ulysse/Prix académique

L’Arc d’UlysseÉditions Georges Crès et Co (p. 92-94).

PRIX ACADÉMIQUE

Ainsi parla Mécènes :


« En vain j’ai transvasé mon savoir du Larousse ;
J’ai Terroir et Patois délayés, délayés,
En Contes plus vaseux que le Marais Vernier :
Les Quarante, qui sont Trente-deux, me repoussent.

Pourtant ma prose autant que leur nez sent le mucre.
Pourtant j’ai fait briller — chez ceux qui m’ont reçu —
Le ton moutarde de mon meilleur pardessus,
Et mon crâne libidineux en pain de sucre.

Des jaloux ! Masson craint en moi le garde-note.
Dame, j’inventorie aussi. L’Ombre d’Allais
Lui souffla qu’aux hardes du Fétiche j’allais
Épingler des item et commenter les bottes.

Fâcheux culte du Droit qui des Lettres m’exile !
— « J’ai le mépris des Lois », m’a dit Jean Richepin.
Chez Monsieur Freycinet : « — Que me veut ce robin ?
« J’ai fait mon testament. Filez, vieux Codicille ».

Du grand Aicard gémit la petite musette :
« — Vient-il, cet Ostrogoth du pays des pommiers
« Me ravir méchamment ma place de Premier,
« De premier dans le rire amusé des gazettes ? ».

Ainsi je n’ai pas eu même une voix. Pas une !
Non, pas même la tienne, oublieux Hanotaux !
Que je laissais toujours faire quine au loto,
Aux parlottes de notre obscurité commune.

Eh bien ! que ma revanche éclate sur le monde,
Hameaux du Canton de Bridge-Aldemar compris.
Et puisque je n’ai pu distribuer de prix
Académiques, bah ! je m’en passe, et j’en fonde,

Pour Rimeurs du fer à friser qui font des grâces,
Pour le Queux qui réchauffe au four de vieux poisson,
Pour le maigre bas bleu, pour le large chausson,
Et pour les ouvriers qui n’ont pas fait leurs classes.

Ainsi j’achète un pot de ta gloire, Foloppe,
Magnifique potard, hâvrais tel Casimir.
S’en vont jusqu’au croupion les Primaires jouir,
La dame-auteur jusqu’en ses trompes de Faloppe.

Vers le mérite lourd je ménerai l’enquête.
Et j’inscrirai la somme au dos du compagnon.
C’est mon droit, car j’ai l’œil finaud du maquignon,
Mon sûr instinct va droit à la plus grosse bête.

Mais ces lauriers, dont ma tempe demeure nue,
Dire que je les paie à des fronts étrangers !
Ladre en secret, je rage à me sentir grugé,
Et j’approuve tout bas mon gendre qui me hue ! »