L’Arc d’Ulysse/La Pavane

L’Arc d’UlysseÉditions Georges Crès et Co (p. 141-142).

LA PAVANE

Au souvenir de M. Wilfrid Challemel.


Dans un parc irréel composé par le Nôtre,
Sur ces fonds transparents des pastels de Watteau,
Et ces gazons roussis où l’Automne se vautre,
Une Robe à paniers se pâme, Allegretto !
Que lutine un galant Pourpoint. Le jeu plaît au
Bon apôtre.

Mais plus près, adossée aux torses d’Aegipan
Dont la gaîne interrompt les rampes à balustres,
La troupe de gala des Princesses s’épand.
Eros, qui sur ses doigts compte, ô Belles, vos lustres,
Fouille d’un œil très fat en vos gorges illustres.
Sacripant !

Les Nuques de satin sont aux baisers en butte.
Hors des vasques d’onyx un jet d’eau s’effila.
L’odeur de bergamote avec les jasmins lutte.
Et c’est Rameau qui donne aux violons le la.
L’âme de Lulli chante aux hautois et sur la
Saquebute.

Quand le Duc pour danser s’avance, quel brocard
Ne s’émousse au plastron de sa grâce ancienne ?
Hors des basques l’épée en verrouil, avec art
Il tend, sous un flot de vieille valencienne,
Ses doigts bleus de saphirs à la patricienne
De brocart.

La dame alors fait signe aux pages de la Jupe
Qui haussent la grand’ queue au rythme du ballet.
La danse est grave et lente où sa jampe s’occupe.
Le désir fait serment de très humble valet.
Quel diadème ! Ophir tremble aux rubis balais
De sa buppe.

La vieille France en hauts talons cambre les reins.
Le fin tricorne, aux airs de la flûte traverse
Vire et bat les deux temps scandés au tambourin.
Cependant qu’une belle aux lèvres peintes, perce
Charnellement des yeux le cavalier adverse,
Qui l’étreint.

Les Robes de parade à belle aune étalées
— Lampas d’orgueil sertis de perles sur le pan —
Et la lente Pavane à travers les allées,
Ce sont les pas comptés de Monseigneur le Paon,
Les gloires que la roue en pierrerie épand,
Ocellées.