L’Anti-Justine ou les délices de l’Amour (1864)/19

Vital Puissant ? (p. 56-59).

CHAPITRE XIX.

Du père juste et du vit grisonnant.

On sera sans doute surpris de ce qu’on va lire, d’après les sentiments que je viens de professer ; ne me préjuge pas, téméraire ; pour me connaître et prononcer, attends.

Je connaissais un de ces gourmets de plaisir, gros homme vigoureux, lubrique à l’excès, nommé Montencon ; il m’avait donné souvent à dîner rue Trousse-Vache, où il demeurait ; il m’y avait fait enconner la petite Vitsucette, sa maîtresse, en me la tenant lui-même ; il m’avait même procuré la fille de son hôtesse, petit bijou, séduite par son amant, un noble appelé de Foutanes, qui l’avait enfin rendue putain ; elle nous amusa toute une après-dînée. Montencon ayant grisé la jolie Adélaïde Hochepine, il eut la politesse de me la faire enconner le premier et chatouiller les couilles par sa maîtresse ; ensuite il l’encula, également chatouillé par Vitsucette ; je la refoutis après que la Vitsucette de Montencon me l’eut lavée ; mais celui-ci nous dit : « J’ai mes raisons ; j’embouche la jolie garce ! » L’ayant embouchée et lui ayant fait avaler son foutre, en haine de Foutanes, j’en fus dégoûté ainsi que de la Vitsucette, dite la Baiseuse, à laquelle il en faisait autant. Je n’y étais plus retourné. Ce fut cet homme que j’invitai à dîner dans mon magasin pour aguerrir et m’élargir un peu ma fille, car j’avais fait donner séparément aux trois payeurs à gros vits de Vitnègre (MM. l’Élargisseur, Percecul et Cognefort) l’espoir de la retrouver ou sa pareille.

Montencon était connu de Conquette, dont il avait foutu la mère avant la vérole ; il n’en avait que plus d’envie de le mettre à la fille ; je le trouvai dans l’escalier en arrivant moi-même. Je l’introduisis ; il demeura immobile de joie et d’admiration en voyant une femme si belle… J’avais à faire ; je ne restai qu’un moment en lui disant que je lui laissais ma fille pour compagnie. Il balbutia en me reconduisant : « Elle est ravissante ; quel goût dans sa parure ! comme elle est chaussée ! quel dommage qu’un Vitnègre ait eu ce pucelage-là !… — Vitnègre ?… elle est pucelle !… — Oh ! mon ami, puis-je y aller et tâcher de mettre au moins une corne à ce gredin-là ? — Fais ce que tu pourras, mais je doute du succès avec ton poil gris. Il n’y a que les catins blasées qui souffrent les barbons vigoureux et libertins ; avec les pucelles sages, il faut être tendre, et tu as la figure d’un satyre ou d’un réprouvé ; mais tentes-y. »

Après mon départ, Montencon essaya d’abord de la galanterie… mais n’y gagnant rien, il culbuta Conquette à l’improviste sur le foutoir, et comme il était vigoureux, il lui approcha, en la contenant d’une main, le vit des lèvres du con. Cependant, il ne put l’enfiler ; un coup de cul en arrière le débusquait ; il allait la menacer de la poignarder, lorsque je rentrai. Conquette se rajusta sans marquer d’humeur ; je dis tout bas à Montencon : « Le pucelage ? — C’est un diable, j’en serai réduit à me branler… — Tu la foutras… »

Nous nous mîmes à table ; Conquette parla comme à l’ordinaire à Montencon et rit même avec lui tout haut devant moi ; il lui demanda d’où venait qu’elle ne s’était pas laissé enconner ? « Fi donc ! répondit-elle ; hé ! d’où vient ? l’aurais-je souffert ?… — Parce que je bandais comme un carme. — Vous parlez comme un Vitnègre. » Montencon ne me raconta pas moins ses entreprises en termes savoureux ; il loua la beauté de la conque, le soyeux du poil, la blancheur des fesses, la fermeté des tétons, le rosé du bouton, l’élasticité et l’ivoire du ventre, des cuisses ; il exalta le pied, la jambe de la belle. Conquette, ainsi louée, rougissait et n’en était que plus modeste. Je répondis que j’étais le seul qui foutît ma fille, à laquelle j’avais sauvé la vie et que j’avais déflorée il y avait huit jours, et je racontai toute l’histoire. « Vous la foutez ? — Et qui donc la foutra ?… Je suis deux fois son père. » Montencon se mordit les lèvres, Conquette m’embrassa.

Pendant tout le dîner, nous admirions le voluptueux tour de hanches de madame Poilsoyeux, à chaque fois qu’elle se levait pour demander un plat ou donner des assiettes ; elle avait un joli soulier rose à talons verts élevés, minces, des bas de soie à coins rosés ; je lui demandai si elle était jarretée au-dessus du genou ? « Certainement, dit-elle, toujours. — En ce cas, repris-je, montrez-nous la plus jolie jambe qu’il y ait au monde. » Elle refusait, mais nous l’en pressâmes tant, que pour se débarrasser de nos prières elle mit le pied sur une chaise et nous montra jusqu’au-dessus du genou une jambe à faire damner un moribond.

Nous entrâmes en rut, Montencon et moi, mais nous nous modérâmes ; le grisonnant ribaud, dans un moment où ma fille était sortie, me proposa de l’enivrer en mettant du champagne qu’il avait apporté dans son vin rouge, au lieu d’eau ; je feignis d’y consentir, mais avant que Conquette rentrât j’allai au-devant d’elle et l’avertis de tout, puis j’ajoutai : « Ma raisonnable fille, il faut qu’il te le mette ; je l’ai amené exprès pour cela, mais je ne savais comment faire. J’y réfléchissais quand sa proposition m’a tiré d’embarras ; tu feindras de t’enivrer, j’en ferai autant, et par ce moyen jamais il n’aura un pied sur toi. Il a l’engin assez gros, quoique moyen ; après lui, je t’aurai Trait-d’Amour, mon ancien secrétaire, un joli garçon qui achèvera de t’élargir suffisamment pour l’engin du payeur que tu préfères. Il est averti de ton existence, et je ne lui ai demandé que quelques semaines pour lui procurer ta vue ; laisse-moi donc faire, ma reine, j’empêcherai tout ce qui ne conviendrait pas. — Je te suis soumise, dispose de moi, me dit-elle, je me suis trop mal trouvée de t’avoir désobéi… » Nous rentrâmes ; entre les deux portes elle se découvrit un téton et me le fit baiser. Montencon avait arrangé la carafe au vin de champagne ; Conquette, prévenue, le remarqua, s’en procura une autre d’eau, et réserva le vin pour griser Montencon lui-même ; mais le ribaud était inenivrable autrement que par les beaux yeux et les autres charmes de ma voluptueuse Conquette Ingénue.