L’An deux mille quatre cent quarante/42


CHAPITRE XLII.

Les gazettes.


Rentré dans le premier sallon, je vis sur la table de larges feuilles de papier, deux fois plus longues que les gazettes angloises. Je me jettai précipitamment sur ces feuilles imprimées. Je reconnus qu’elles portoient pour titre : Nouvelles publiques & particulieres. Comme à chaque page rien n’égaloit ma surprise & mon étonnement, tout décidé que j’étois à ne plus m’étonner, je vais transcrire les articles qui m’ont le plus frappé, selon que ma mémoire pourra toutefois me les représenter.



De Pékin, le…


On a donné devant l’empereur la première représentation de Cinna, tragédie françoise. La clémence d’Auguste, la beauté, la fierté des caractères ont fait une grande impression sur toute l’assemblée.

Oh ! dis-je à mon voisin : voilà un gazetier bien impudent, bien menteur ! Lisez… Mais, me répondit-il avec sang froid, rien n’est plus certain. J’ai bien vu jouer à Pékin l’Orphelin de la Chine. Apprenez que je suis mandarin & que j’aime les lettres, autant que la justice. J’ai traversé le canal royal[1]. Je suis arrivé ici en près de quatre mois ; encore me suis-je amusé en route. J’étois curieux de voir ce fameux Paris dont on parloit tant, afin de m’instruire de mille choses qu’il faut absolument voir sur les lieux pour les bien apprécier. La langue françoise est commune à Pékin depuis deux cents ans, & à mon retour j’emporterai plusieurs bons livres que je traduirai. — Monsieur le mandarin ! vous n’avez donc plus votre langue hiéroglyphique, & vous avez abrogé cette loi singulière qui défendoit à chacun de vous, de mettre le pied hors de l’empire ? — Il a bien fallu changer notre langue & adopter des caractères plus simples, dès que nous avons voulu faire connoissance avec vous. Cela n’étoit pas plus difficile que d’apprendre l’Algèbre & les Mathématiques. Notre empereur a cassé cette loi antique, parce qu’il a jugé fort raisonnablement, que vous ne ressembliez pas tous à ces prêtres que nous avions nommés des Demi-Diables, à cause qu’ils vouloient allumer jusques parmi nous le flambeau de leur discorde. Si l’époque m’est présente, une connoissance plus étroite & plus intime s’est faite à l’occasion de plusieurs planches de cuivre que vous avez gravées. Cet art étoit nouveau pour nous, & il fut singulièrement admiré. Depuis nous vous avons presque égalés. — Ah ! j’y suis. Les dessins de ces planches représentoient des batailles : ils nous furent envoyés par cet Empereur poëte auquel Voltaire adressa une jolie épitre ; & notre Roi, ayant chargé de leur exécution ses meilleurs artistes, en a fait présent au Roi charmant de la Chine. — Justement : eh bien ! depuis ce tems-là la communication s’est établie, & de proche en proche les sciences ont volé d’un pays à un autre, comme des lettres de change. Les opinions d’un seul homme sont devenues celles de l’univers. C’est l’imprimerie, cette auguste invention, qui a propagé la lumière. Les tyrans de la raison humaine, avec leurs cent bras, n’ont pu arrêter son cours invincible. Rien n’a été plus rapide que cette commotion salutaire, donnée au monde moral par le soleil des arts : il a tout inondé d’un éclat vif, pur & durable.

Le bâton ne règne plus à la Chine ; & les mandarins ne sont plus des espèces de préfets de collège. Le petit peuple n’est plus lâche & fripon, parce qu’on a tout fait pour lui élever l’ame : de honteux châtimens ne le courbent plus dans l’avilissement ; il a reçu des notions d’honneur. Nous vénérons toujours Confutzée, presque contemporain de votre Socrate, qui, comme lui, ne subtilisa pas sur le principe des êtres, mais se contenta de publier que rien ne lui est caché, & qu’il punira le vice, comme il récompensera la vertu. Notre Confutzée eut même un avantage sur le sage de la Grèce. Il n’abattit point avec audace ces préjugés religieux qui, faute d’appuis plus nobles, servent de base à la morale des peuples. Il attendit patiemment que, sans bruit & sans effort, la vérité se fît jour par elle-même. Enfin, c’est lui qui a prouvé qu’un monarque devoit nécessairement être un philosophe pour bien régir ses états. Notre Empereur conduit toujours la charrue, mais ce n’est point une vaine cérémonie ou un acte d’ostentation puérile…

Combattu par le désir de lire & d’écouter tout à la fois, je prêtois l’oreille d’un côté, & mon œil, non moins avide, parcouroit de l’autre les pages de cette étonnante gazette. Mon ame étoit comme partagée en deux fonctions contraires… voici ce que je lisois.



De Jedo, capitale du Japon, le…


Le descendant du grand Taïco, qui a fait du Daïri une idole impuissante et révérée, vient de faire traduire l’Esprit des Loix, & le Traité des délits & des peines !

On a promené dans toutes les rues le vénérable Amida, mais personne ne s’est fait écraser sous les roues de son char.

On entre librement au Japon, et chacun y profite avidement des arts étrangers. Le suicide n’est plus une vertu parmi ce peuple ; il a remarqué que c’étoit l’ouvrage du désespoir ou d’une insensibilité folle et coupable.



De Perse, le…


Le Roi de Perse a diné avec ses freres, lesquels ont de très beaux yeux. Ils l’aident dans le gouvernement de l’empire. Leur principale fonction est de lui lire les dépêches. Les livres sacrés de Zoroastre et le Sadder sont toujours lus & respectés ; mais il n’est plus question ni d’Omar ni d’Ali.


Du Mexique.


De la ville de Mexico, le…


Cette ville acheve de reprendre son ancienne splendeur sous l’auguste domination des princes descendans du fameux Montezume. Notre Empereur, à son avénement au trône, a fait reconstruire le palais, tel qu’il étoit du tems de ses peres. Les Indiens ne vont plus sans linge & nuds pieds. On a dressé au milieu de la principale place une statue de Gatimozin étendu sur des charbons ardens ; au bas sont écrits ces mots : Et moi, suis-je sur un lit de roses !

Expliquez-moi ceci, dis-je au mandarin. Comment ! est-il défendu de nommer cet empire la Nouvelle Espagne ? Le mandarin me répondit :

Lorsque le vengeur du Nouveau Monde eut chassé les tyrans, (Mahomet & César fondus ensemble n’auroient point encore approché de cet homme étonnant,) ce vengeur formidable se contenta d’être législateur. Il déposa le glaive pour montrer aux nations le code sacré des loix. Vous n’avez point d’idée d’un pareil génie. Sa voix éloquente sembloit celle d’un dieu, descendu sur la terre. L’Amérique fut partagée en deux empires. L’empereur de l’Amérique septentrionale réunit le Mexique, le Canada, les Antilles, la Jamaïque, St. Domingue. L’empereur de l’Amérique méridionale eut le Pérou, le Paraguay, le Chili, la terre Magellanique, les pays des Amazones. Mais chacun de ces royaumes eut un monarque particulier, soumis lui-même à une loi générale ; à peu près comme de votre tems on voyoit le florissant empire d’Allemagne divisé en plusieurs souverainetés, qui toutefois ne faisoient qu’un corps sous un seul chef.

Ainsi le sang de Montezume, longtems obscur & caché, est remonté sur le trône. Tous ces monarques sont des rois patriotes, qui n’ont pour objet que de maintenir la liberté publique. Ce grand homme, ce fameux législateur, ce negre en qui la nature épuisa son génie, leur a soufflé à tous son ame grande & vertueuse. Ces vastes États reposent & fructifient dans une concorde parfaite ; ouvrage tardif, mais infaillible de la raison. Les fureurs de l’ancien monde, ces guerres puériles & cruelles, l’inutilité de tant de sang répandu, la honte de l’avoir versé, enfin, les sottises des ambitieux pleinement démontrées, ont suffisamment instruit le nouveau continent à faire de la paix l’auguste dieu de leurs contrées. Aujourd’hui la guerre deshonoreroit un État, comme le vol deshonore un particulier… Je continuois & d’écouter & de lire…



Du Paraguay.


De la ville de l’Assomption, le…


On a donné une grande fête en mémoire de l’abolition de l’esclavage honteux où étoit réduit la nation sous l’empire despotique des jésuites ; & depuis six siecles l’on regarde comme un bienfait de la Providence d’avoir détruit ces loups-renards dans leur dernier asyle. Mais en même tems la nation, qui n’est point ingrate, avoue qu’elle a été arrachée à la misere, formée à l’agriculture & aux arts par ces mêmes jésuites. Heureux s’ils se fussent bornés à nous instruire & à nous donner des loix saintes de la morale !



De Philadelphie, Capitale de Pensilvanie.


Ce coin de la terre, où l’humanité, la foi, la liberté, la concorde, l’égalité se sont réfugiées depuis huit cents années, est couvert des cités les plus belles, les plus florissantes. La vertu a fait ici plus que le courage n’a opéré chez les autres peuples ; & ces généreux quakers[2], les plus vertueux des hommes, en offrant au monde le spectacle d’un peuple de freres, ont servi de modele aux cœurs qu’ils ont attendris. On sait qu’ils sont en possession depuis leur origine de donner à l’univers mille exemples de générosité & de bienfaisance. On sait qu’ils furent les premiers qui refuserent de verser le sang des hommes, & qui ayent regardé la guerre comme une extravagance imbécille & barbare. Ce sont eux qui ont détrompé les nations, victimes misérables des débats de leurs rois. On publiera incessamment le recueil annuel où sont consignées les vertus pratiques qui mettent à leurs loix le sceau de la perfection.



De Maroc, le…


On a découvert une comète qui s’avance vers le soleil. C’est la trois cent cinquante-unieme qu’on observe depuis que cet observatoire est fondé. Les observations faites dans l’intérieur de l’Afrique correspondent parfaitement aux nôtres.

On a puni de mort un habitant qui avoit frappé un François, conformément à l’ordonnance du souverain, qui veut que tout étranger soit regardé comme un frere qui vient visiter ses meilleurs amis.



De Siam, le…


Notre navigation fait les plus étonnans progrès. On a lancé en mer six vaisseaux à trois ponts : ils sont destinés pour des courses lointaines.

Notre roi se fait voir à tous ceux qui désirent envisager son auguste physionomie : il n’est point de monarque plus affable, sur-tout lorsqu’il se rend à la pagode du grand Sommona-Codom.

L’Éléphant blanc est à la ménagerie, & n’est plus qu’un objet de curiosité, parce qu’il est parfaitement dressé au manege.



De la Côte de Malabar, le…


La veuve de ***, belle, jeune & dans tout l’éclat de son âge, a pleuré sincérement la mort de son mari qu’on a brûlé tout seul ; & après avoir porté le deuil encore plus dans le cœur que sur ses habits, elle s’est remariée à un jeune homme qu’elle a aimé tout aussi tendrement. Ce nouveau lien la rend plus chere & plus respectable à ses concitoyens.



De la Terre Magellanique, le…


Les vingt isles fortunées, qui vivoient sans se connoître dans toute l’innocence & le bonheur du premier âge, viennent de se réunir. Elles forment maintenant une association vraiment fraternelle & réciproquement utile.



De la Terre de Papous[3], le…


En avançant dans cette cinquieme partie du monde, les découvertes de jour en jour deviennent plus vastes, plus intéressantes : on est surpris à chaque pas de sa richesse, de sa fertilité, des peuples nombreux qui y vivent en paix. Ils peuvent dédaigner nos arts. Le moral y est encore plus étonnant que le physique. Le soleil, en éclairant ces terres immenses, plus grandes que l’Asie & l’Afrique, n’y apperçoit pas un seul infortuné ; tandis que notre Europe, si petite, si chétive & toujours divisée, a presque durci son sol d’ossemens humains.



De l’Isle de Taïti dans la mer du sud, le…


Lorsque Mr de Bougainville découvrit cette isle fortunée, où régnoient les mœurs de l’âge d’or, il ne manqua pas de prendre possession de cette isle au nom de son maître. Il s’embarqua ensuite & ramena un Taïtien, qui en 1770 fixa pendant huit jours la curiosité de Paris. On ne savoit pas alors qu’un François ému de la beauté du climat, de la candeur de ses habitans, & plus encore des malheurs qui attendoient ce peuple innocent, s’étoit caché pendant que ses camarades s’embarquoient. À peine les vaisseaux furent-ils éloignés qu’il se présenta à la nation ; il l’assembla dans une vaste plaine & lui tint ce langage.

« C’est parmi vous que je veux rester pour mon bonheur & pour le vôtre. Recevez-moi comme un de vos freres. Vous allez voir que je le suis, car je prétends vous sauver du plus affreux désastre. Ô peuple heureux, qui vivez dans la simplicité de la nature ! savez-vous quels malheurs vous menacent ? Ces étrangers si polis que vous avez reçus, que vous avez comblés de présens & de caresses, que je trahis en ce moment, si c’est les trahir que de prévenir la ruine d’un peuple vertueux ; ces étrangers, mes compatriotes, vont bientôt revenir & améneront avec eux tous les fléaux qui affligent les autres contrées. Ils vous feront connoître des poisons & des maux que vous ignorez. Ils vous apporteront des fers, & dans leur cruel raisonnement ils voudront vous prouver encore que c’est pour votre plus grand bien. Voyez cette pyramide élevée, elle atteste déja que cette terre est dans leur dépendance, comme marquée dans l’empire d’un souverain que vous ne connoissez pas même de nom. Vous êtes tous désignés pour recevoir des loix nouvelles. On fouillera votre sol, on dépouillera vos arbres fruitiers, on saisira vos personnes. Cette égalité précieuse, qui regne parmi vous, sera détruite. Peut-être le sang humain arrosera ces fleurs qui se courbent sous le poids de vos innocentes caresses. L’amour est le dieu de cette isle. Elle est consacrée, pour ainsi dire, à son culte. La haine & la vengeance prendront sa place. Vous ignorez jusqu’à l’usage des armes ; on vous apprendra ce que c’est que la guerre, le meurtre & l’esclavage… »

À ces mots ce peuple pâlit & demeura consterné. C’est ainsi qu’une troupe d’enfans, qu’on interrompt dans leurs aimables jeux, palpitent d’effroi, lorsqu’une voix sévere leur annonce la fin du monde & fait entrer dans leur jeune cerveau l’idée des calamités qu’ils ne soupçonnoient pas.

L’orateur reprit : « Peuples que j’aime & qui m’avez attendri ! Il est un moyen de vous conserver heureux & libres. Que tout étranger qui débarquera sur cette rive fortunée soit immolé au bonheur du pays. L’arrêt est cruel ; mais l’amour de vos enfans & de votre postérité doit vous faire chérir cette barbarie. Vous frémiriez bien plus, si je vous annonçois les horreurs que les Européens ont exercées contre les peuples qui, comme vous, avoient la foiblesse & l’innocence pour partage. Garantissez-vous de l’air contagieux qui sort de leur bouche. Tout, jusqu’à leur sourire, est le signal des infortunes dont ils méditent de vous accabler ».

Les chefs de la nation s’assemblerent, & d’une voix unanime décernerent l’autorité à ce François qui se rendoit le bienfaiteur de toute la nation, en la préservant des plus horribles calamités. La loi de mort contre tout étranger fut portée & exécutée avec une rigueur vertueuse & patriotique, comme elle fut exécutée jadis dans la Tauride, peut-être chez un peuple, selon les apparences, aussi innocent, mais jaloux de rompre toute communication avec des peuples ingénieux, mais en même tems tyranniques & cruels.

On apprend que cette loi vient d’être abolie, parce que plusieurs expériences réitérées ont prouvé que l’Europe n’est plus l’ennemie des quatre autres parties du monde ; qu’elle n’attente point à la liberté paisible des nations qui sont loin d’elle ; qu’elle n’est plus jalouse à l’excès du despotisme honteux de ses souverains ; qu’elle ambitionne des amis, & non des esclaves ; que ses vaisseaux vont chercher des exemples de mœurs simples & vraies, & non de viles richesses, &c. &c. &c.



De Petersbourg le…


Le plus beau de tous les titres est celui de législateur. Un souverain est presque un Dieu pour une nation lorsqu’il lui donne des loix sages & constantes. On répete encore avec transport le nom de l’auguste Catherine II ; on ne s’entretient plus de ses conquêtes & de ses triomphes ; on parle de ses loix. Son ambition fut de dissiper les ténebres de l’ignorance, de substituer à des coutumes barbares des loix dictées par l’humanité. Plus heureuse, plus grande que Pierre le Grand, parce qu’elle fut plus humaine, elle s’apliqua, malgré tant d’exemples contraires, à faire de son peuple un peuple heureux & florissant. Il le fut, malgré les orages publics & domestiques qui battirent son trône & l’ébranlerent. Son courage a sû raffermir une couronne que l’univers se plaisoit à voir sur son front. Il faut remonter dans l’antiquité la plus reculée, pour rencontrer un législateur qui ait eu autant de dignité & de profondeur. — Les fers qui chargeoient le laboureur ont été brisés, il a levé la tête & s’est vu avec joie au rang des hommes. L’artisan du luxe a cessé de voir sa profession plus lucrative & plus honorable. Le génie de l’humanité a dit à tout le nord : Hommes ! soyez libres, & souvenez-vous, races futures, que c’est à une femme que vous devez ce que vous êtes.

Selon le dernier dénombrement des habitans de toutes les Russies, le relevé monte à quarante-cinq millions d’hommes. On n’en comptoit que quatorze en 1769. Mais la sagesse du législateur, son code humain, le trône de ses successeurs solidement affermi, parce qu’ils furent généreux & populaires, tout a rendu la population égale à l’étendue de cet empire, plus vaste que celui des Romains, que celui d’Alexandre. La constitution du gouvernement n’est cependant plus militaire. Le souverain ne se dit plus autocrate, & l’univers, en général, est trop éclairé pour admettre cette forme odieuse[4].



De Varsovie, le…


L’Anarchie la plus absurde, la plus outrageante aux droits de l’homme né libre, la plus accablante pour le peuple, ne trouble plus la Pologne. L’auguste Catherine II a jadis merveilleusement influé sur les affaires de ce royaume ; & l’on se souvient avec reconnoissance, que c’est elle qui a rendu au paysan sa liberté personnelle & la propriété de ses biens.

Le roi de Pologne est décédé à six heures du soir, & son fils est paisiblement monté sur le trône le même jour ; il a reçu à cet effet l’hommage de tous les nobles palatins.



De Constantinople, le…


Ce fut un grand bonheur pour le monde, lorsque le Turc, au XVIII siecle, fut chassé de l’Europe. Tout ami du genre humain a applaudi à la chûte de cet empire funeste, où le monstre du despotisme étoit caressé par d’infâmes bachas, qui ne se prosternoient devant lui que pour le surpasser dans ses épouvantables vexations. Le fils, long-tems exilé, rentra dans l’héritage de ses peres, non humilié, mais triomphant, mais robuste & en état de le cultiver. Les usurpateurs du trône des Constantins disparurent dans la boue de leurs antiques marais ; & ces barrieres que la superstition, & la tyrannie, son inséparable & affreux collegue, avoient mises aux arts & à la raison, depuis les rives de la Save & du Danube jusques sur les bords de l’ancien Tanaïs, furent brisés par un peuple du Nord avec la main de fer qui les soutenoit. La philosophie reparut dans son premier sanctuaire, & la patrie des Themistocles & des Miltiades embrassa de nouveau la statue de la liberté. Elle s’éleva aussi fiere & aussi grande que sous les beaux jours où elle brilloit avec tant d’éclat. Elle s’étendit dans son ancien domaine, & l’on ne vit plus un Sardanapale, dormant du sommeil de la barbarie entre un visir & un cordeau, tandis que ses vastes États languissans & dépouillés étoient plongés dans le sommeil de la mort.

Le souffle vivifiant de la liberté les anime aujourd’hui. C’est un esprit créateur qui opère des prodiges inconnus aux nations esclaves. Les États du Grand Seigneur furent d’abord le partage de ses voisins ; mais deux siecles après ils ont formé une République que le commerce rend florissante & formidable.

On a donné un bal masqué où étoit jadis le serrail. On y a servi les vins les plus exquis, & toutes sortes de rafraîchissemens, avec une profusion qui ne déroboit rien à l’extrême délicatesse. Le lendemain on a représenté la tragédie de Mahomet dans la salle de spectacle, bâtie sur les débris de l’ancienne mosquée dite Ste Sophie.


De Rome[5], le…


L’Empereur d’Italie a reçu au capitole la visite de l’evêque de Rome, qui lui a porté très-respectueusement les vœux qu’il adresse au ciel pour la conservation de ses jours & la prospérité de son Empire[6]. Ensuite l’Évêque s’est retiré à pied, avec toute l’humilité d’un vrai serviteur de Dieu.

Tous les beaux monumens antiques qu’on a fouillés dans le Tibre, où ils étoient ensevelis depuis tant d’années, viennent d’être placés dans les différens quartiers de Rome : on a sû les retirer sans élever dans l’air aucune exhalaison dangereuse.

L’Évêque de Rome s’occupe toujours à donner un code de morale raisonnée & touchante. Il publie le Catéchisme de la raison humaine. Il s’applique surtout à fournir un nouveau degré d’évidence aux vérités vraiment importantes à l’homme. Il tient registre de toutes les actions généreuses, illustres, charitables : il les publie en caractérisant chaque espèce de vertu. Juge des rois & des nations par son ardent amour pour l’humanité, il règne par l’empire invincible que donne l’esprit de sagesse, de justice & de vérité. Il concilie les différends des peuples : il les appaise. Ses bulles écrites en toutes sortes de langues n’annoncent point des dogmes obscurs, inutiles, semences de divisions éternelles ; mais parlent d’un Dieu, de sa présence universelle, d’une vie à venir, de la sublimité de la vertu. Le Chinois, le Japonois, l’habitant de Surinam, du Kamtschatka les lisent avec fruit.



De Naples, le…


L’Académie des belles-lettres de Naples a adjugé le prix au nommé ***. Le sujet étoit de déterminer au juste ce qu’étoient les Cardinaux dans le dix-huitième siécle ; les mœurs & les idées de ces singuliers personnages ; ce qu’ils disoient, ce qu’ils faisoient dans la prison du conclave ; & le moment précis où ils sont redevenus ce qu’ils étoient lors de l’enfance du Christianisme. L’auteur couronné a satisfait pleinement aux vues de l’Académie. Il a donné jusqu’à la description de la barette & du chapeau rouge. Cette dissertation n’est pas moins divertissante que profonde.

On a représenté sur le théâtre de la foire la farce de St. Janvier, autrefois si sérieuse. On sait que le miracle de la liquéfaction de son sang se renouvelloit chaque année. On a parodié cette risible extravagance avec un sel qui a réjoui toute la nation.

Les trésors de notre Dame de Lorette[7], qui avoient servi à nourrir & habiller les pauvres, viennent d’être appliqués à la construction d’un aqueduc, attendu qu’il n’y a plus de nécessiteux. On doit faire le même emploi des richesses de l’ancienne cathédrale de Tolède, détruite en dix-huit cent soixante-sept. Voyez à ce sujet les dissertations savantes de *** imprimées en 1999.



De Madrid, le…


Ordonnance que personne n’ait à se nommer Dominique, attendu que c’est ce barbare qui a jadis établi l’Inquisition[8]. Ordonnance que le nom de Philippe II sera rayé de la liste des rois d’Espagne.

L’esprit laborieux de la nation se manifeste de jour en jour par des découvertes utiles dans tous les arts, & l’Académie des Sciences vient de donner un nouveau systême de l’électricité, fondé sur plus de vingt mille expériences particulières.



De Londres, le…


Cette ville est trois fois plus grande qu’elle ne l’étoit au dix-huitième siécle, & comme toute la force d’Angleterre peut résider, sans danger, dans sa capitale, parce que le commerce en est l’ame, & que le commerce d’un peuple Républicain n’entraîne pas après lui les atteintes funestes qu’il porte aux monarchies, l’Angleterre a toujours suivi son ancien systême. Il est bon, parce que ce n’est point le monarque qui s’enrichit, mais les particuliers : de-là naît l’égalité qui empêche l’excessive opulence & l’excessive misère.

L’Anglois est toujours le premier peuple de l’Europe : il jouit de l’ancienne gloire d’avoir montré à ses voisins le gouvernement qui convenoit à des hommes jaloux de leurs droits & de leur bonheur.

On ne fait plus de processions pour la mémoire de Charles I ; l’on voit mieux en politique.

On vient d’ériger la nouvelle statue du protecteur Cromwell. On ne sauroit dire si le marbre dont elle est composée est blanc ou noir, tant il est mêlangé. Les assemblées du peuple se tiendront dorénavant en présence de cette statue, parce que le grand homme qu’elle représente est le véritable auteur de l’heureuse & immuable constitution[9].

Les Écossois & les Irlandois ont présenté requête au parlement, afin qu’il eût à abolir les noms d’Écosse & d’Irlande, & qu’ils ne fissent plus qu’un corps d’esprit & de nom avec l’Angleterre, comme ils n’en font qu’un par le patriotisme qui les anime.



De Vienne, le…


L’Autriche, qui de tout tems est en possession de donner des Princesses charmantes à toute l’Europe, annonce qu’elle a sept beautés nubiles. Elles épouseront les Princes de la terre qui donneront le plus beau témoignage de la tendresse de leurs peuples.



De la Haye, le…


Ce peuple laborieux, qui a fait un jardin du terrain le plus ingrat & le plus marécageux, qui a porté tous les trésors épars sur la terre dans un lieu où il ne croît pas un caillou, exerce constamment son étonnante industrie, & montre à l’univers ce que peuvent le courage, la patience & l’emploi du tems. Cet amour extrême de l’or n’est plus si vif. Cette République a sû devenir plus puissante en découvrant les pièges qui préparoient sourdement sa ruine. Elle a reconnu qu’il étoit plus facile de donner des digues à l’océan irrité, que de résister à un métal corrupteur ; & aujourd’hui elle se défend aussi courageusement contre les atteintes du luxe, que contre les assauts de la mer.



De Paris, le…


Douze navires de six cent tonneaux sont arrivés en cette capitale & y ont entretenu l’abondance. On y mange du poisson qu’on n’achète point dix fois sa valeur. Le nouveau lit de la Seine, creusé de Rouen à cette ville, exige quelques réparations. On a affecté à cette dépense un million & demi tiré du trésor national. Cette somme suffira, parce qu’on ne se servira ni de régisseurs ni d’entrepreneurs.

Le luxe dévorateur, le luxe insolent, le luxe puéril, le luxe capricieux, le luxe extravagant ne règnent plus sur les bords de la Seine ; mais bien le luxe d’industrie, le luxe qui crée de nouvelles commodités, qui ajoute à l’aisance, ce luxe utile & nécessaire, si facile à distinguer, & qu’il ne faut pas confondre avec ce luxe d’ostentation & d’orgueil qui insulte aux fortunes particulières[10], en même tems qu’il achève de les dissoudre & par l’effet & par l’exemple.

On a reblanchi la statue du célèbre Voltaire. C’est celle-là-même que les gens de lettres les plus distingués par leurs talens & leur équité lui ont érigée de son vivant. Son pied droit, comme on sait, foule la face ignoble de F*** ; mais comme le mépris public a beaucoup défiguré la face de ce Zoïle, on voudroit réparer ce monument qui doit attester à tous les sots critiques la honte qui les attend. Comme on n’a point conservé le portrait du barbouilleur qui écrivoit un ouvrage périodique pour vivre, on demande quelle tête d’animal lâche, envieux & malfaisant, on pourroit substituer à la sienne ?

Le Parisien a des notions distinctes sur le droit naturel, politique & civil. Il ne s’imagine plus bêtement avoir donné en propriété à un autre homme sa personne & ses biens. Il sait toujours proférer des bons mots, composer des chansons & des vaudevilles ; mais il a appris en même tems à donner à ses plaisanteries un corps solide.



Je tournois, je retournois ma feuille volante. Je voulois y lire encore quelques curieux articles. J’y cherchois celui de Versailles, & mes yeux avides ne le découvroient point. Le maître de la maison s’apperçut de mon embarras & me demanda ce que je cherchois ? Ce qu’il y a de plus intéressant dans le monde, lui répondis-je ; les nouvelles du lieu où siége ordinairement la cour, l’article Versailles, enfin, si détaillé, si varié, si amusant dans la gazette de France[11]. Il se mit à sourire & me dit : « je ne sais ce qu’est devenue la gazette de France. La nôtre est celle de la vérité, & l’on n’y commet jamais le péché d’omission. Le monarque réside au sein de la capitale. Il est là sous les regards de la multitude. Son oreille est toujours prête pour entendre ses cris. Il ne se cache point dans une espèce de désert, environné d’une foule d’esclaves dorés. Il demeure au centre de ses États, comme le soleil réside au milieu de l’univers. C’est un frein de plus qui le retient dans les bornes du devoir. Il n’a point d’autre organe pour apprendre ce qu’il doit savoir que cette voix universelle, qui perce directement jusqu’à son trône. Gêner cette voix seroit aller contre nos loix ; car le monarque est l’homme du peuple, & le peuple ne lui appartient pas.



  1. Le canal royal coupe la Chine du midi au septentrion dans un espace de six cent lieues. Il se joint à des lacs, à des rivières, &c. Cet Empire est rempli de ces canaux utiles, dont plusieurs ont dix lieues en droite ligne : ils servent à l’approvisionnement de la plupart des villes & bourgs. Les ponts ont une hardiesse & une magnificence supérieures à tout ce que l’Europe offre de merveilleux en ce genre. Et nous, petits, foibles & mesquins dans tous nos monumens publics, nous n’employons notre industrie, nos instrumens & nos rares connoissances, qu’à orner des choses de pure vanité & à dresser de magnifiques bagatelles. Presque tous les chef-d’œuvres de nos arts ne sont que des jouets d’enfans.
  2. Comment les Princes du Nord refuseroient-ils de se couvrir d’une gloire immortelle en abolissant dans leurs contrées l’esclavage, en rendant au cultivateur du moins sa liberté personnelle ? Comment n’entendent-ils pas le cri de l’humanité qui les invite à cet acte glorieux de bienfaisance ? Et de quel droit retiendroient-ils dans une servitude odieuse & contraire à leurs vrais intérêts, la partie la plus laborieuse de leurs sujets, lorsqu’ils ont devant les yeux l’exemple de ces Quakers qui ont donné la liberté à tous leurs esclaves Negres ? Comment ne sentent-ils pas que leurs sujets seront plus fideles, en étant plus libres, & qu’ils doivent cesser d’être esclaves pour devenir des hommes ?
  3. La Terre de Papous est située à 4000 lieues de Paris.
  4. Qui eût dit, il y a quatre-vingt ans, qu’on porteroit à Petersbourg nos modes, nos perruques, nos brochures, nos opéra-comiques, auroit passé à coup sûr pour un extravagant. Il faut consentir paisiblement à passer pour un fou, lorsqu’on a quelque idée qui surpasse l’horison des idées vulgaires. Tout en Europe tend à une révolution soudaine.
  5. Que le nom de Rome est exécrable à mon oreille ! Que cette ville a été funeste à l’Univers ! Que depuis sa fondation, due à une poignée de brigands, elle a été fidèle à ses premiers instituteurs ! Où trouver une ambition plus ardente, plus profonde, plus inhumaine ? Elle a étendu les chaînes de l’oppression sur l’univers connu. Ni la force, ni la valeur, ni les vertus les plus héroïques, n’ont préservé les nations de l’esclavage. Quel démon présidoit à ses conquêtes & précipitoit le vol de ses aigles ! Ô funeste République ! Quel monstrueux despotisme eut de si détestables effets ! Ô Rome, que je te hais ! Quel peuple que celui qui alloit par le monde détruisant la liberté de l’homme & qui a fini par abattre la sienne ! Quel peuple que celui qui, environné de tous les arts, goûtoit le spectacle des gladiateurs, fixoit un œil curieux sur un infortuné dont le sang s’échappoit en bouillonnant ; qui exigeoit encore que cette victime, en repoussant la terreur de la mort, mentît à la nature à son dernier moment, en paroissant flatté des applaudissemens que formoit un million de mains barbares ! Quel peuple que celui qui, après avoir été injuste dominateur de l’univers, souffrir, sans murmurer, que tant d’empereurs tournassent le couteau dans ses propres flancs, & qui manifesta une servitude aussi lâche que sa tyrannie avoit été orgueilleuse ! C’étoit peu : la superstition la plus absurde, la plus ridicule, devoit s’asseoir à son tour sur le trône de ces despotes ; elle devoit avoir pour ministres l’ignorance & la barbarie. Après avoir égorgé au nom de la patrie, on égorgea au nom de Dieu. Pour la première fois le sang coula pour les intérêts chimériques du ciel : chose inouïe & dont le monde n’avoir point encore eu d’exemples. Rome fut le gouffre empesté d’où s’exhalèrent ces fatales opinions qui divisèrent les hommes & les armèrent l’un contre l’autre pour des fantômes. Bientôt elle engendra sous le nom de Pontifes, qui se disent vicaires de Dieu, les monstres les plus odieux. Comparés à ces tigres qui portoient les clefs & la tiare, les Caligulas, les Nérons, les Domitiens ne sont plus que des méchans ordinaires. Les peuples, comme frappés d’une massue pétrifique, végètent mille ans sous une théocratie despotique. L’Empire Sacerdotal couvre tout, éteint tout dans ses ténebres. L’esprit humain ne marque son existence que pour obéir aux décrets d’un homme déifié. Il parle : & sa voix est un tonnerre qui consume. On voit les Croisades, un tribunal d’Inquisiteurs, des proscriptions, des anathémes, des excommunications, foudres invisibles, qui vont frapper au bout du monde. Le Chrétien, la foi & la rage dans le cœur, n’est point rassasié de meurtres. Un monde nouveau, un monde entier est nécessaire pour assouvir sa fureur : il veut par la force faire adopter à autrui sa croyance. C’est l’image du Christ qui est le signal de ces horribles dévastations. Partout où elle paroît, le sang coule par torrens ; & encore aujourd’hui, cette même Religion légitime l’esclavage des malheureux qui arrachent des entrailles de la terre cet or dont Rome est la plus impudente idolâtre. Ô toi, ville aux sept montagnes ! Quel essaim de calamités est sorti de ton sein infernal ! Qu’es-tu ? Pourquoi influes-tu si puissamment sur ce globe infortuné ? Le malfaisant Arimane a-t-il son siège sous tes murailles ? Touchent-elles aux voûtes des enfers ? Es-tu la porte par où entre le malheur ? Quand sera-t-il brisé ce talisman fatal qui a perdu, il est vrai, de sa force, mais à qui il en reste encore assez pour nuire au monde ? Ô Rome, que je te hais ! Que du moins la mémoire de tes iniquités vive ! qu’elle fasse ton opprobre ! qu’elle ne s’efface jamais, & que tous les cœurs embrasés d’une juste haine ressentent la même horreur que j’ai pour ton nom !
  6. Le trône du despotisme s’appuie sur l’autel, qui ne le soutient que pour l’engloutir.
  7. Depuis quinze siécles nous ne voyons dans toute l’Europe d’autres monumens que des églises de mauvais goût avec de hauts clochers pointus. Les tableaux qu’on y voit n’offrent pour la plupart que des peintures hideuses & dégoûtantes. Que de monastères richement dotés ! Que d’universités opulentes ! Que de chapitres ! Que d’asyles ouverts à la fainéantise & au jargon théologique ! C’est cependant dans les tems où les peuples furent les plus pauvres qu’on trouva le secret d’élever des cathédrales & des temples très-couteux. Combien les nations seroient-elles florissantes, si elles eussent employé en aqueducs, en canaux, les sommes immenses inutilement dépensées à enrichir des prêtres & des moines ?
  8. Toute ame, en qui le fanatisme religieux n’a point éteint les sentimens d’humanité, est brûlée d’indignation & déchirée de pitié à la vue des barbaries, des tourmens recherchés que la fureur religieuse a fait inventer aux hommes. L’histoire des Cannibales & des Antropophages est moins horrible que la nôtre. Torquemada, inquisiteur d’Espagne, se vantoit d’avoir fait périr par le fer & le feu plus de cinquante mille hérétiques ; & partout nous trouvons les traces ensanglantées de la férocité religieuse. Est-ce là cette loi divine qui se dit l’appui de la politique & de la morale ?
  9. J. J. Rousseau attribut la force, la splendeur & la liberté de l’Angleterre a la destruction des loups dont elle étoit jadis infesté. Heureuse nation ! elle a chassé des loups mille fois plus dangereux, qui dévastent encore les autres climats.
  10. Quand ne verra-t-on plus cette inégalité prodigieuse de fortunes, cette opulence excessive qui multiplie les indigences extrêmes, qui fait naître tous les crimes ! Quand ne verra-t-on plus un pauvre ouvrier ne pouvant sortir par le travail d’une misère où le retiennent les propres loix de son pays ! Tel autre tendant une main défaillante, redoutant à la fois & l’œil & le refus de son semblable ! Quand ne verra-t-on plus de ces monstres qui, d’un œil distrait, lui refusent un morceau de pain ! Quand ces mêmes hommes cesseront-ils d’affamer une ville où les denrées se vendent comme dans un fort assiégé ! Mais les finances sont épuisées, le commerce est généralement tombé, le peuple est harassé de ses infortunes : tout soufre, & les mœurs éprouvent, par conséquent, un relâchement affreux. Hélas ! hélas ! hélas !
  11. Que l’imprimerie est un cruel fléau lorsqu’elle sert à annoncer à une nation entière que tel homme a été tel jour jouer le rôle d’esclave à la cour ; que tel autre s’est deshonoré avec toute la pompe imaginable ; que celui-ci a enfin obtenu le fruit de ses bassesses. Quel recueil de platitudes ! quel style lâche & rampant !