L’An deux mille quatre cent quarante/19

Chap. XX.  ►


CHAPITRE XIX.

Le Temple.


Nous tournâmes le coin d’une rue, & j’apperçus au milieu d’une belle place un temple en forme de rotonde, couronné d’un dôme magnifique. Cet édifice soutenu sur un seul rang de colonnes avoit quatre grands portails. Sur chaque fronton on lisoit cette inscription : Temple de Dieu. Le tems avoit déja imprimé une teinte vénérable à ses murailles ; elles en avoient plus de majesté. Arrivé à la porte du temple, quel fut mon étonnement lorsque je lus dans un tableau ces quatre vers tracés en gros caractères :

Loin de rien décider sur cet Être Suprême,
Gardons, en l’adorant, un silence profond,
Sa nature est immense & l’esprit s’y confond,
Pour savoir ce qu’il est, il faut être lui-même.

Oh ! pour le coup, lui dis-je à voix basse, vous ne direz pas que ceci soit de votre siécle. — Cela ne fait pas plus l’éloge du votre, reprit-il, car vos théologiens devoient s’en tenir-là. Mais cette réponse qui semble avoir été faite par Dieu même, est restée confondue parmi les vers dont on ne faisoit pas grand cas ; je ne sais cependant s’il y en a de plus beaux pour le sens qu’ils renferment, & je crois qu’ils sont ici à leur véritable place.

Nous suivimes le peuple qui, d’un air recueilli, d’un pas tranquille & modeste, alloit remplir la profondeur du temple. Chacun s’asseyoit à son tour sur des rangs de petits siéges sans dos, & les hommes étoient séparés des femmes. L’autel étoit au centre ; il étoit absolument nud, & chacun pouvoit distinguer le prêtre qui faisoit fumer l’encens. À l’instant où sa voix prononçoit les cantiques sacrés, le chœur des assistans élevoit alternativement la sienne. Leur chant doux & modéré peignoit le sentiment respectueux de leur cœur ; ils sembloient pénétrés de la majesté divine. Point de statues, point de figures allégoriques, point de tableaux[1]. Le saint nom de Dieu mille fois répété, tracé en plusieurs langues, régnoit sur toutes les murailles. Tout annonçoit l’unité d’un Dieu ; & l’on avoit banni scrupuleusement tout ornement étranger : Dieu seul enfin étoit dans son temple.

Si on levoit les yeux vers le sommet du temple, on voyoit le ciel à découvert ; car le dôme n’étoit pas fermé par une voûte de pierre, mais par des vitraux transparens. Tantôt un ciel clair & serein annonçoit la bonté du Créateur ; tantôt d’épais nuages qui fondoient en torrens, peignoient le sombre de la vie & disoient que cette triste terre n’est qu’un lieu d’exil : le tonnerre publioit combien ce Dieu est redoutable lorsqu’il est offensé ; & le calme des airs qui succédoit aux éclairs enflammés annonçoit que la soumission désarme sa main vengeresse. Quand le souffle du printems faisoit descendre l’air pur de la vie, comme un fleuve balsamique ; alors il imprimoit cette vérité salutaire & consolante, que les trésors de la clémence divine sont inépuisables. Ainsi les élémens & les saisons, dont la voix est si éloquente à qui sait l’entendre, parloient à ces hommes sensibles & leur découvroient le maître de la nature sous tous ses rapports[2].

On n’entendoit point de sons discordans. La voix des enfans mêmes étoit formée à un plein chant majestueux. Point de musique sautillante & profane. Un simple jeu d’orgue (lequel n’étoit point bruyant,) accompagnoit la voix de ce grand peuple, & sembloit le chant des immortels qui se mêloit aux vœux publics. Personne n’entroit ni ne sortoit pendant la priére. Aucun Suisse grossier, aucun quêteur importun ne venoit interrompre le recueillement des fidèles adorateurs. Tous les assistans étoient frappés d’un religieux & profond respect ; plusieurs étoient prosternés, le visage contre terre. Au milieu de ce silence, de ce recueillement universel, je fus saisi d’une terreur sacrée : il sembloit que la divinité fût descendue dans le temple & le remplissoit de sa présence invisible.

Il y avoit des troncs aux portes pour les aumônes, mais ils étoient placés dans des passages obscurs. Ce peuple savoit faire des œuvres de charité sans le besoin d’être remarqué. Enfin dans les momens d’adoration le silence étoit si religieusement observé, que la sainteté du lieu, jointe à l’idée de l’Être Suprême, portoit dans tous les cœurs une impression profonde & salutaire.

L’exhortation du Pasteur à son troupeau étoit simple, naturelle, éloquente par les choses encore plus que par le style. Il ne parloit de Dieu que pour le faire aimer ; des hommes, que pour leur recommander l’humanité, la douceur & la patience. Il ne cherchoit point à faire parler l’esprit, tandis qu’il devoit toucher le cœur. C’étoit un père qui conversoit avec ses enfans sur le parti qui leur étoit le plus convenable de prendre. On étoit d’autant plus pénétré, que cette morale se trouvoit dans la bouche d’un parfait honnête homme. Je ne m’ennuyai point ; car le discours ne comportoit ni déclamation, ni portraits vagues, ni figures recherchées, & surtout point de lambeaux de poëtes décousus & fondus dans une prose qui en devient ordinairement plus froide[3].

C’est ainsi, me dit mon guide, que tous les matins on a coutume de faire une priére publique. Elle dure une heure, & le reste du jour les portes de l’édifice demeurent fermées. Nous n’avons guères de fêtes religieuses ; mais nous en avons de civiles, qui délassent le peuple sans le porter au libertinage. En aucun jour l’homme ne doit rester oisif : à l’exemple de la nature qui n’abandonne point ses fonctions, il doit se reprocher de quitter les siennes. Le repos n’est point l’oisiveté. L’inaction est un dommage réel fait à la patrie, & la cessation du travail est au fond un diminutif du trépas. Le tems de la priere est fixé : il est suffisant pour élever le cœur vers Dieu. De longs offices amenent la tiédeur & le dégoût. Toutes les oraisons secrettes sont moins méritoires que celles qui réunissent la publicité à la ferveur.

Écoutez la formule de la priere usitée parmi nous ; chacun la répete & médite sur toutes les pensées qu’elle renferme.

« Être unique, incréé, Créateur intelligent de ce vaste univers ! puisque ta bonté l’a donné en spectacle à l’homme, puisqu’une aussi foible créature a reçu de toi les dons précieux de réfléchir sur ce grand & bel ouvrage, ne permets pas qu’à l’exemple de la brute elle passe sur la surface de ce globe sans rendre hommage à ta toute puissance & à ta sagesse. Nous admirons tes œuvres augustes. Nous bénissons ta main souveraine. Nous t’adorons comme maître : mais nous t’aimons comme pere universel des êtres. Oui, tu es bon, autant que tu es grand ; tout nous le dit, & surtout notre cœur. Si quelques maux passagers nous affligent ici-bas, c’est sans doute parce qu’ils sont inévitables : d’ailleurs tu le veux, cela nous suffit ; nous nous soumettons avec confiance, & nous espérons en ta clémence infinie. Loin de murmurer, nous te rendons grace de nous avoir créés pour te connoître. »

» Que chacun t’honore à sa maniere & selon ce que son cœur lui dictera de plus tendre & de plus enflammé : nous ne donnerons point de bornes à son zèle. Tu n’as daigné nous parler que par la voix éclatante de la nature. Tout notre culte se réduit à t’adorer, à te bénir, à crier vers ton trône que nous sommes foibles, misérables, bornés, & que nous avons besoin de ton bras secourable.

» Si nous nous trompions, si quelque culte ancien ou moderne étoit plus agréable à tes yeux que le nôtre, ah ! daigne ouvrir nos yeux & dissiper les ténebres de notre esprit ; tu nous trouveras fideles à tes ordres. Mais si tu es satisfait de ces foibles hommages que nous savons être dûs à ta grandeur, à ta tendresse vraiment paternelle, donnes-nous la constance pour persévérer dans les sentimens respectueux qui nous animent. Conservateur du genre humain ! toi, qui l’embrasses d’un coup d’œil, fais que la charité embrase de même les cœurs de tous les habitans de ce globe, qu’ils s’aiment tous comme freres, qu’ils t’adressent le même cantique d’amour & de reconnoissance !

» Nous n’osons dans nos vœux limiter la durée de notre vie ; soit que tu nous enleves de cette terre, soit que tu nous y laisses, nous n’échapperons point à ton regard : nous ne te demandons que la vertu, dans la crainte d’aller contre tes impénétrables décrets, mais humbles, soumis & résignés à tes volontés, daigne, soit que nous passions par une mort douce, soit par une mort douloureuse, daigne nous attirer vers toi, source éternelle du bonheur. Nos cœurs soupirent après ta présence. Qu’il tombe ce vêtement mortel, & que nous volions dans ton sein ! Ce que nous voyons de ta grandeur nous fait désirer d’en voir davantage. Tu as trop fait en faveur de l’homme, pour ne pas donner de l’audace à ses pensées : il n’éleve vers toi des vœux si ardens que parce que ta créature se sent née pour tes bienfaits. »

Mais, mon cher monsieur, lui dis-je, votre religion, si vous me permettez de vous le dire, est à peu près celle des anciens patriarches, qui adoroient Dieu en esprit & en vérité sur le sommet des montagnes. — Justement, vous avez trouvé le mot propre. Notre Religion est celle d’Enoch, d’Élie, d’Adam. C’est bien là du moins la plus ancienne. Il en est de la Religion comme de la loi ; la plus simple est la meilleure. Adorer Dieu, respecter son prochain, écouter cette conscience, ce juge qui toujours veille assis au dedans de nous, n’étouffer jamais cette voix céleste & secrette, tout le reste est imposture, fourberie, mensonge. Nos prêtres ne se disent point exclusivement inspirés de Dieu : ils se nomment nos égaux ; ils avouent qu’ils nagent, comme nous, dans les ténebres ; ils suivent le point lumineux que Dieu a daigné nous montrer ; ils l’indiquent à leurs freres sans despotisme, sans ostentation. Une morale pure, & point de dogmes extravagans, voilà le moyen de n’avoir ni impies, ni fanatiques, ni superstitieux. Nous l’avons trouvé ce moyen heureux, & nous en remercions sincérement l’auteur de tout bien.

— Vous adorez un Dieu ; mais admettez-vous l’immortalité de l’ame ? Quelle est votre opinion sur ce grand & impénétrable secret ? Tous les philosophes ont voulu le percer. Le sage & l’insensé ont dit leur mot. Les systêmes les plus diversifiés, les plus poëtiques se sont élevés sur ce fameux chapitre. Il semble avoir allumé par excellence l’imagination des législateurs. Qu’en pense votre siecle ?

— Il ne faut que des yeux pour être adorateur, me répondit-il ; il ne faut que rentrer en soi-même pour sentir qu’il y a quelque chose en nous qui vit, qui sent, qui pense, qui veut, qui se détermine. Nous pensons que notre ame est distincte de la matiere, qu’elle est intelligente par sa nature. Nous raisonnons peu sur cet objet : nous aimons à croire tout ce qui éleve la nature humaine. Le systême qui l’aggrandit davantage nous devient le plus cher, & nous ne pensons pas que des idées qui honorent les créatures d’un Dieu puissent jamais être fausses. En adoptant le plan le plus sublime, ce n’est point se tromper, c’est frapper au véritable but. L’incrédulité n’est que foiblesse, & l’audace de la pensée est la foi d’un être intelligent. Pourquoi ramperions-nous vers le néant, tandis que nous nous sentons des aîles pour voler jusqu’à Dieu, & que rien ne contredit cette hardiesse généreuse ? S’il étoit possible que nous nous trompassions, l’homme auroit donc imaginé un ordre de choses plus beau que celui qui existe ; la puissance souveraine ne seroit donc limitée : j’ai presque dit sa bonté.

Nous croyons que toutes les ames sont égales par leur essence, différentes par leurs qualités. L’ame d’un homme & celle d’un animal, sont également immatérielles ; mais l’une a fait un pas de plus que l’autre vers la perfectibilité ; & voilà ce qui constitue son état actuel, mais qui toutefois peut changer.

Nous pensons ensuite que tous les astres & que toutes les planetes sont habités : mais que rien de ce que l’on voit, de ce qu’on sent dans l’un ne se trouve dans l’autre. Cette magnificence sans bornes, cette chaîne infinie de ces différens mondes, ce cercle radieux devoit entrer dans le vaste plan de la création. Eh, bien ! ces soleils, ces mondes si beaux, si grands, si divers, ils nous paroissent les habitations qui ont été toutes préparées à l’homme : elles se croisent, se correspondent, & sont toutes subordonnées l’une à l’autre. L’ame humaine monte dans tous ces mondes, comme à une échelle brillante & graduée, qui l’approche à chaque pas de la plus grande perfection. Dans ce voyage, elle ne perd point le souvenir de ce qu’elle a vu, de ce qu’elle a appris ; elle conserve le magazin de ses idées, c’est son plus cher trésor ; elle le transporte par-tout avec elle. Si elle s’est élancée vers quelque découverte sublime, elle franchit les mondes peuplés d’habitans qui sont restés au-dessous d’elle ; elle monte en raison des connoissances & des vertus qu’elle a acquises. L’ame de Newton a volé par sa propre activité vers toutes ces spheres qu’il avoit pesées. Il seroit injuste de penser que le soufle de la mort eût éteint ce puissant génie. Cette destruction seroit plus affligeante, plus inconcevable que celle de l’univers matériel. Il seroit de même absurde de dire que son ame se seroit trouvée de niveau à celle d’un homme ignorant ou stupide. En effet il eût été inutile à l’homme de perfectionner son ame, si elle n’eût pas dû s’élever, soit par la contemplation, soit par l’exercice des vertus ; mais un sentiment intime, plus fort que toutes les objections, lui crie : développe toutes tes forces, méprise la mort ; il n’appartient qu’à toi de la vaincre & d’augmenter ta vie qui est la pensée.

Pour ces ames rampantes, qui se sont avilies dans la fange du crime ou de la paresse, elles retournent au même point d’où elles sont parties, ou bien elles retrogradent. C’est pour longtems qu’elles sont attachées sur les tristes bords du néant, qu’elles penchent vers la matiere, qu’elles forment une race animale & vile ; & tandis que les ames généreuses s’élancent vers la lumiere divine, éternelle, elles s’enfoncent dans ces ténebres où jaillit à peine un pâle rayon d’existence. Tel monarque à son décès devient taupe ; tel ministre, un serpent venimeux, habitant des marais empestés : tandis que l’écrivain qu’il dédaignoit ou plutôt qu’il méconnoissoit, a obtenu un rang glorieux parmi ces intelligences amies de l’humanité.

Pythagore avoit apperçu cette égalité des ames ; il avoit senti cette transmigration d’un corps à un autre ; mais ces ames tournoient sur le même cercle, & ne sortoient jamais de leur globe. Notre métempsycose est plus raisonnée, & supérieure à l’ancienne. Ces esprits nobles & généreux qui ont choisi pour guide de leur conduite le bonheur de leurs semblables, la mort leur ouvre une route glorieuse & brillante. Que pensez-vous de notre systême ? — Il me charme ; il ne contredit ni le pouvoir ni la bonté de Dieu. Cette marche progressive, cette ascension dans différens mondes, tout l’ouvrage de ses mains, cette visite de la création des globes, tout me paroit répondre à la dignité du monarque qui ouvre tous ses domaines à l’œil fait pour les contempler. — Oui, mon frere, reprit-il avec enthousiasme, quelle image intéressante que tous ces soleils parcourus, que toutes ces ames s’enrichissant dans leur course où se rencontrent des millions de nouveautés, se perfectionnant sans cesse, devenant plus sublimes à mesure qu’elles s’approchent du Souverain Être, le connoissant plus parfaitement ; l’aimant d’un amour plus éclairé, se plongeant dans l’ocean de sa grandeur ! Ô homme, réjouis-toi ! tu ne peux marcher que de merveilles en merveilles : un spectacle toujours nouveau, toujours miraculeux t’attend ; tes espérances sont grandes ; tu parcouras le sein immense de la nature, jusqu’à ce que tu ailles te perdre dans le Dieu dont elle tire sa superbe origine. — Mais les méchans, m’écriai-je, qui ont péché contre la loi naturelle, qui ont fermé leur cœur au cri de la pitié, qui ont égorgé l’innocence, qui ont régné pour eux seuls, que deviendront-ils ? Sans aimer la haine & la vengeance, je bâtirois de mes mains un enfer pour y plonger certaines ames cruelles, qui ont fait bouillonner mon sang d’indignation à la vue des maux qu’elles ont fait tomber sur le foible & le juste. — ce n’est point à notre foiblesse subordonnée encore à tant de passions, à prononcer sur la maniere dont Dieu les punira ; mais il est certain que le méchant sentira le poids de sa justice. Loin de ses regards, tout être perfide, cruel, indifférent aux maux d’autrui. Jamais l’ame de Socrate ou de Marc-Aurele ne rencontrera celle de Néron : elles seront toujours à une distance infinie. Voila ce que nous osons assurer. Mais ce n’est point à nous à mesurer les poids qui entreront dans la balance éternelle. Nous croyons que les fautes qui n’ont pas entierement obscurci l’entendement humain, que le cœur qui ne s’est point avili jusqu’à l’insensibilité, que les rois mêmes qui ne se sont pas crus des Dieux, pourront se purifier en améliorant leur espece pendant une longue suite d’années. Ils descendront dans des globes où le mal physique prédominant sera le fouet utile qui leur fera sentir leur dépendance, le besoin qu’ils ont de clémence, & rectifiera les prestiges de leur orgueil. S’ils s’humilient sous la main qui les châtie, s’ils suivent les lumières de la raison pour se soumettre, s’ils reconnoissent combien ils sont éloignés de l’état où ils pourroient parvenir s’ils font quelques efforts pour y arriver, alors leur pélérinage sera infiniment abrégé ; ils mourront à la fleur de leur âge : on les pleurera ; tandis que souriant en abandonnant ce triste globe, ils gémiront sur le sort de ceux qui doivent rester après eux sur une planette malheureuse dont ils sont délivrés. Ainsi tel qui craint la mort, ne sait ce qu’il craint ; ses terreurs sont filles de son ignorance, & cette ignorance est la premiere punition de ses fautes.

Peut-être aussi que les plus coupables perdront le précieux sentiment de la liberté. Ils ne seront point anéantis ; car l’idée du néant nous répugne ; il n’y a point de néant sous un Dieu Créateur, Conservateur & Réparateur. Que le méchant ne se flatte point de pouvoir s’y enfoncer ; il sera poursuivi par cet œil absolu qui pénétre tout. Les persécuteurs de toute espece végéteront stupidement dans la derniere classe de l’existence ; ils seront livrés incessamment à une destruction renaissante qui ramenera leur esclavage & leur douleur : mais Dieu seul sait le tems qui doit les punir ou les absoudre.



  1. Les Protestans ont raison. Tous ces ouvrages des hommes disposent le peuple à l’idolâtrie. Pour annoncer un Dieu invisible & présent, il faut un temple où il n’y ait que lui.
  2. Un sauvage errant dans les bois, contemplant le ciel & la nature, sentant, pour ainsi dire, le seul maître qu’il reconnoît, est plus près de la véritable religion qu’un chartreux enfoncé dans sa loge & vivant avec les fantômes d’une imagination échauffée.
  3. Ce qui me déplaît sur-tout dans nos prédicateurs, c’est qu’ils n’ont point de principes stables & assurés en fait de morale ; ils puisent leurs idées dans leur texte & non dans leur cœur : aujourd’hui ils sont modérés, raisonnables ; allez les entendre le lendemain, ils seront intolerans, extravagans. Ce ne sont que des mots qu’ils profèrent : peu leur importe même qu’ils se contredisent, pourvu que leurs trois points soient remplis. J’en ai entendu un qui pilloit l’Encyclopédie, & qui déclamoit contre les Encyclopédistes.