L’Amant de Porphyria


L'Amant de Porphyria

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L'Amant de Porphyria


La pluie fit tôt son entrée ce soir,
Et bientôt s'éveilla le vent bougon,
Qui de dépit déchira la cime des ormes,
Et fit de son mieux pour courroucer le lac.
J'écoutais, le cœur prêt à se rompre,

La furtive Porphyria qui entrait ; aussitôt
Elle referma la porte sur le froid et la tempête,
Et s'agenouilla ; le foyer sans joie s'embrasa
Et la chaumière retrouva sa chaleur ;
Cela fait, elle se leva, et dévêtit son corps

Du manteau et du châle ruisselants,
Et posa sur le côté ses gants souillés, dénoua
Son chapeau et libéra sa chevelure mouillée
Et, enfin, s'assit auprès de moi
Et m'appela. Nulle voix ne répondit, alors

Elle plaça mon bras autour de sa taille,
Et dénuda sa douce et blanche épaule,
Et fit s'onduler sa blonde chevelure,
Et s'inclinant, fit que ma joue là se posât,
Et dans la nappe de sa blonde chevelure,

Murmura combien elle m'aimait - elle,
Trop faible, malgré les efforts de son cœur,
Pour libérer sa passion en butte
À l'orgueil, et trancher des liens plus vains
Et s'abandonner à moi pour jamais.

Mais parfois triomphe la passion,
Et l'aimable fête de ce soir ne put contenir

La soudaine pensée de qui blêmit
D'amour pour elle, et pour rien.
Ainsi, bravant pluie et vent, elle était venue.

Soyez-en sûr, je levais les yeux vers les siens
Heureux et fier ; enfin je le savais,
Porphyria m'adorait : la surprise
Gonfla mon cœur, et il grandit encore
Pendant que je délibérais sur quoi faire.

À ce moment elle était mienne, oui, mienne,
Belle et si pure et si bonne : je la trouvais,
La chose à faire, et toute sa chevelure
En un long cordon jaune j'enroulais
Trois fois autour de sa petite gorge,

Et l'étranglais. Elle ne ressentit aucune douleur ;
Je suis bien sûr qu'elle ne ressentit aucune douleur.
Tel un bouton de fleur retenant une abeille,
Ses paupières prudemment je soulevais :
Riaient encore les yeux bleus sans ombre.

Alors je desserrais la tresse
Autour de son cou ; sa joue à nouveau
S'enflamma sous mes baisers brûlants :
Je lui relevais la tête comme avant,
Mais cette fois mon épaule soutenait

Sa tête, sur elle une fois de plus affaissée :
La petite tête souriante et rose,
Tout à la joie que se fît son extrême volonté,
L'objet de son mépris aussitôt enfui,
Et moi, son amour, à sa place conquis !

L'amour de Porphyria : son tendre vœu,
Comment il serait exaucé, elle ne l'avait pas deviné.
Nous voici donc assis ensemble maintenant,
Et de toute la nuit, nous n'avons bougé,
Et Dieu pourtant, qui n'a dit mot !