Traduction par André Du Ryer.
Antoine de Sommaville (p. 555-557).



CHAPITRE DE L’ESTOILE,
contenant ſoixante verſets,
eſcrit à la Meque.


AU Nom de Dieu clement & miſericordieux. Je jure par l’Eſtoile qui diſparoit que voſtre amy (Mahomet) n’erre pas, il ne dit rien du ſien, il ne dit que ce qui luy a eſté inſpiré de Dieu tout-Puiſſant & tres-liberal. L’Ange s’eſt approché de luy au plus hault lieu du Ciel de la longueur de deux arcs & encore plus prés, Dieu luy a inſpiré ce qu’il a inſpiré à ſon ſerviteur qui n’a rien changé de ce qui luy a eſté inſpiré. Il a dit ce qu’il a veu, & en quelle figure eſtoit l’Ange ; Ne diſputés pas contre luy de ce qu’il a veu, il a veu une autre fois l’Ange du Ciel auprés de l’arbre qui eſt au coſté droict du troſne de Dieu[1] ; & encore que cet arbre fut couvert de ce qui le couvre, ſa veuë n’a pas eſté eſbloüie, & ne s’eſt pas devoyé ; Certainement il aveu les grandes merveilles de ſon Seigneur. Avez-vous conſideré Alat, Az & Ménat, ces trois Idoles ? Jurerez-vous que Dieu a des filles, & que vous avez des fils ? vous ferez un faux ſerment, & ſerez dans une erreur manifeſte : Ces Idoles n’ont autre choſe que le nom que vos peres & vous leur avez donnez, Dieu ne vous a pas commandé de les adorer, vous ne ſuivez que vos paſſions eſloignées de la verité, Dieu vous enſeigne le chemin ſalut par la bouche de ſon Prophete, l’homme obtient-il des idoles ce qu’il leur demande ? Dieu eſt Dieu au commencement & à la fin, Combieny a-t’il d’Anges au Ciel de qui les prieres ſont inutiles, ſi Dieu ne les a pas agreables[2] ? Ceux qui ne croyent pas au jour du Jugement diſent que les Anges ſont des filles, ils ne ſçavent pas ce qu’ils diſent, ils en parlent par opinion, & cette opinion n’eſt pas conforme à la verité. Eſloigne-toy de ceux qui abjurent noſtre loy & qui ne demandent que les biens de la terre, & qui n’ont cognoiſſance d’autre choſe. Ton Seigneur cognoit ceux qui ſe devoyent du droict chemin, & ceux qui ſuivent la voye de ſalut, tous ce qui eſt aux Cieux & en la Terre eſt à Dieu, il chaſtiera les meſchans & recompenſera les bons ; Il pardonne les pechez veniels à ceux qui fuyent les pechez mortels, il eſt grandement miſericordieux ; Il ſçait qu’il vous a creé de terre, & qu’il vous a formé dans le ventre de vos meres. Ne vous loüez pas vous-meſmes, il cognoit ceux qui ont la crainte devant les yeux. As-tu veu celuy qui a abandonné la foy ? On luy a donné un peu de bien, & rien davantage, ſçait-il ce qui luy doit arriver ? a-t’il la cognoiſſance du futur ? n’apprendra-t’il pas ce qui eſt eſcrit dans les livres de Moïſe, & d’Abraham, à ſçavoir que perſonne ne portera le fardeau d’autruy l’homme n’aura que ce qu’il aura gagné, à la fin il verra ſon travail, il ſera ſalarié ſelon ſes œuvres, & tout ſe verra en la preſence de ton Seigneur. C’eſt luy qui fait rire & pleurer; il fait vivre & mourir, il a creé le maſle & la femelle de toute choſe, il donne & oſte l’ame à l’homme quand bon luy ſemble, il eſt tres-riche, & n’a beſoin de perſonne. Il eſt le Seigneur de la planette que les hommes ont adorée. Il a exterminé Aad & Temod, il a ſubmergé le peuple de Noé qui eſtoit le plus devoyé & le plus injuſte, il a boulversé la ville Loth, & la couverte de pierre bruſlante. En qui croiront-ils s’ils ne croient pas en ton Seigneur. Ce Prophete eſt envoyé pour vous preſcher les peines de l’Enfer comme ont fait les autres Prophetes qui vous ont precedés ; Le jour du Jugement s’approche & perſonne ne ſçair quand il viendra que Dieu, vous emerveillez vous de ce diſcours ? vous vous en mocquez & ne pleurez pas quand on vous parle, mais vous ſerez ſurpris en vos pechez, ſi vous ne vous humiliez devant Dieu, & ſi vous ne l’adorez.

  1. Les Turcs croyent qu’il y a un pommier au coſté droict du troſne de Dieu, & perſonne ne peut monter plus hault que ſes branches, non pas meſmes les Anges. Voy Gelaldin.
  2. Voy Gelaldin, grands & petits pechez.