L’église habillée de feuilles/La paix des champs s’étend autour de la chapelle

La paix des champs s’étend autour de la chapelle.
Et, au carrefour poudreux, parmi les avoines,
les menthes, les chicorées et les aigremoines,
se dresse un grand Christ de bois creux où les abeilles
ont fait leur nid. Et on peut voir, dans le soleil,
aller, venir, ces affairées pleines de miel
comme des lettres noires écrites dans le ciel.

De quoi nourrir son Dieu si ce n’est pas de miel?

Parfois le cantonnier qui casse des cailloux
lève la tête et voit le Christ, le seul ami
qu’il ait sur cette route où palpite Midi.
Pour casser les cailloux l’ouvrier est à genoux
dans l’ombre de ce Christ dont le flanc est vermeil.
Et tout le miel alors chante dans le soleil.


Le poète contemple et médite. Il se dit,
devant le lent frisson des champs, que chaque épi
est du peuple de Dieu la sage colonie
dont chaque grain attend, pour être vivifié,
que des grottes du Ciel l’eau se soit élancée.
Il se dit que ce grain désormais va pousser
dans l’azur précieux que tout approfondit
et, qu’image du Fils de Dieu, né lui aussi
dans une grotte, il nourrira ceux qui ont faim.
Et l’épi qui naîtra à son tour de ce grain
aura la forme d’un clocher dans une aurore.