Alfred Mame et fils (p. 6-8).


§ 2

Point de départ de la doctrine : les analogies et les contrastes
entre l’homme et l’animal.


Les êtres innombrables qui vivent et se meuvent à la surface du globe terrestre sont portés par des instincts innés à s’assurer le bien-être que comporte leur nature. Pour tous, cette situation a pour symptôme la quiétude de l’individu : elle est obtenue quand celui-ci s’est procuré la nourriture nécessaire à sa subsistance, et quand il a assuré la perpétuité de son espèce. Ces conditions du bien-être de l’animal ne sont point subordonnées à l’éducation ou à la volonté des individus : elles leur sont imposées par des tendances instinctives, liées indissolublement à l’organisation physique de l’espèce. Les animaux se montrent passifs, pour la plupart, devant les influences émanant du sol ou du climat. Dans leurs rapports avec le monde extérieur et spécialement avec les individus des autres espèces, ils semblent rester étrangers à toute notion de bien et de mal.

Il existe certaines analogies entre l’homme et l’animal. Elles se manifestent particulièrement par le besoin de nourriture qui est indispensable à la subsistance de chaque individu et par l’existence de l’appétit sensuel qui a pour but la reproduction de l’espèce. En ce qui concerne les autres phénomènes de la vie, on n’a guère d’ailleurs à signaler que des contrastes. Chez l’homme, il est vrai, comme chez l’animal, le bien-être a pour symptôme la quiétude des individus, et pour critérium le règne de la paix ; mais cette heureuse condition n’est plus assurée à chacun par des tendances innées en rapport avec l’action spontanée des organes physiques. Elle est, au contraire, le fruit principal des qualités développées dans l’individu par une bonne éducation et par l’exercice de la volonté. Quand ces qualités existent en effet, l’homme réagit utilement contre les influences inhérentes à l’action spontanée des forces locales. Il peut alors s’élever, grâce à l’usage judicieux de sa volonté, à un état de bien-être qui a pour critérium la paix, qui est nommé, selon les cas, le « bonheur » ou la prospérité, et qui est fort, supérieur au bien-être purement physique des animaux. Toutefois cet état est acquis seulement à celles des sociétés humaines qui, dans leurs rapports avec les autres, subordonnent leurs actions à la distinction du bien et du mal. Quand cette distinction n’est point imposée par l’éducation aux individus, ou quand leur volonté est défaillante, les sociétés humaines peuvent tomber dans un état de souffrance et de dégradation que les animaux ne présentent jamais.