Kama Soutra (trad. Lamairesse)/Titre IV/Chapitre 1

Kama Soutra, règles de l’amour de Vatsyayana.
Traduction par Pierre-Eugène Lamairesse.
(p. 67-71).


CHAPITRE I

Classification des hommes et des femmes
d’après les dimensions de leurs organes sexuels, l’intensité
de leur passion et la durée de l’acte charnel.


On divise les hommes en trois classes, d’après les dimensions de leur linga.

Classe N° 1, 'Le lièvre. — N° 2, Le taureau. — N° 3, L’étalon.

On divise également les femmes en trois classes correspondantes d’après les dimensions de leur yoni.

N° 1, La gazelle. — N° 2, La cavale. — N° 3, L’éléphant (Voir l’Appendice, N° 1).

Il y a ainsi trois unions égales, c’est-à-dire entre des classes qui se correspondent, et six inégales, c’est-à-dire qui ne se correspondent pas.

Les unions du N° 2 (taureau) avec le N° 1 (gazelle), et du N° 3 (étalon) avec le N° 2 (cavale), sont dites supérieures.

Celle du N° 3 (étalon) avec le N° 1 (gazelle) est dite très supérieure.

Les unions N° 1 (lièvre) avec N° 2 (cavale), et N° 2 (taureau) avec N° 3 (éléphant), sont dites unions inférieures.

Celle N° 1 (lièvre) avec N° 3 (éléphant) est dite très inférieure.

Les unions supérieures sont celles qui procurent le plus de satisfaction.

On classe de la même manière les hommes et les femmes, d’après le degré d’intensité de la passion génésique, faible, moyen et fort (Appendice N° 2).

Ce point de vue donne, pour les unions, autant de combinaisons que le précédent.

Il y a, en outre, une troisième classification semblable, d’après le temps au bout duquel se produit, chez l’homme et chez la femme, le spasme génésique, et elle donne lieu, pour les unions, aux mêmes combinaisons (Appendice N° 3).

En combinant entre eux les numéros des trois classifications, on a un très grand nombre de cas.

Il appartient aux hommes, et surtout aux maris, de prendre, dans chaque cas, les moyens les plus propres à atteindre le but de l’union (Appendice N° 4).

Dans le premier acte d’une réunion pour l’accouplement, la passion de l’homme est intense et son terme court ; c’est le contraire dans les actes suivants. Chez la femme, c’est l’inverse qui a lieu.

APPENDICE AU CHAPITRE I


N° 1. — Dimensions des organes.

Beaucoup de rhétoriciens connaissent les distiques suivants :

Ovide

Noscitur e pedibus quantum sil virginis antrum
Noscitur e nase quanta sit hasta vire.

Chez une femme : petit pied, petit bijou ;
Chez un homme : gros nez, gros membre.

Martial

Mentula tam magna est, tantus tibi, Papile nasus
Ut possis, quoties arrigis, olfacere.

Littéralement : Ton nez est si long, Hapilus, et ta mentule si grande que tu peux la flairer quand elle est debout.

En vers : Jean a le nez si long et la verge si grande
Qu’il peut se moucher quand il bande.

Le même, Livre XI, 71.

Lydie est aussi large que le derrière d’un cheval de bronze, qu’un vieux soulier tombé dans la boue, qu’un matelas vide de sa laine. On dit que j’ai besogné Lydie dans une piscine d’eau de mer ; c’est bien plutôt une piscine que j’ai besognée.

N° 2. — Intensité de la passion.

Martial X. 60. — Sur Chloé et Phlogis.

Vous demandez laquelle de Chloé ou Phlogis vaut le mieux pour l’amour. Chloé est plus belle, mais Phlogis est un volcan qui rajeunirait Nestor. Chloé, au contraire, ne sent rien, ne dit rien. On la croirait absente ou de marbre. Dieu fasse que Phlogis ait les formes de Chloé et Chloé le feu de Phlogis.

Docteur Villemont, Amour conjugal. — C’est un péché plus grand de forniquer avec une laide qu’avec une belle. Se griser avec du bon vin est un péché véniel ; avec du mauvais, un péché mortel.

Docteur P. Garnier. — La science repousse aujourd’hui l’ancienne théorie de la toute puissance du clitoris sur la production des désirs vénériens chez la femme et son développement exagéré n’est point la cause directe de la luxure et de la tribadie. Beaucoup de femmes sont insensibles aux titillations de cet organe puisqu’un certain nombre se masturbent en introduisant dans le vagin des corps qui ont la forme de phallus.

L’absence de l’un des organes génitaux, clitoris, vagin ou ovaire, suffit quelquefois, mais exceptionnellement, à éteindre le désir chez la femme. Le sens génésique se trouve dans toutes les parties du système génital de la femme, il n’est exclusivement dans aucune d’elles. Certaines femmes très amoureuses n’éprouvent aucune sensibilité spéciale dans le clitoris et dans les bulbes du vagin, cette sensibilité est répandue uniformément dans tout l’appareil génital, dans les seins plus qu’ailleurs. C’est du cœur et de l’imagination qu’émanent les désirs de la femme et c’est en excitant ses sentiments qu’on peut et qu’on doit les provoquer.

La menstruation ne se développe pas seule. L’excitabilité génitale se décèle souvent avec cet âge par le prurit et la masturbation chez les petites filles et persiste encore plus souvent après chez de vieilles femmes lascives.

L’état passif de la femme dans la copulation lui rend cet acte possible indéfiniment, tandis que l’âge et les excès limitent l’homme étroitement à cet égard.

L’embonpoint n’éteint point le désir chez la femme, mais les femmes passionnées sont généralement très maigres.

La frigidité féminine a ses degrés et n’est souvent que relative. Malgré sa fréquence, la répulsion en est très rarement la cause ; l’attraction, le plaisir font seuls défaut. Elle n’empêche que très rarement la femme de se marier, ne la rend jamais stérile ni mère imparfaite.

Il existe des hommes et des femmes qui vivent continuellement’sous l’influence des organes génitaux. Ce sont ordinairement des sujets pauvres d’intelligence et des idiots.

Phacès cite un prince maure qui, en trois jours, donnait satisfaction à ses quarante femmes. On cite une femme publique qui, pendant dix ans, a reçu tous les jours dix hommes sans en souffrir.

C’est surtout chez la femme douée d’une ardente imagination que la continence provoque l’exaltation cérébrale et celle de l’organe génital.


N° 3. — Durée de l’acte charnel.
Ovide, Art d’aimer, Livre II.

Allez doucement dans l’hymenée et ne vous hâtez pas d’atteindre le but ; ne laissez pas votre maîtresse en arrière, et ne souffrez pas non plus qu’elle vous devance dans la course. Le plaisir n’est parfait que lorsque, également vaincus, l’homme et la femme rendent en même temps les armes.

J’aime à entendre la voix émue de ma maîtresse exprimer son bonheur et me prier de le faire durer.

Qu’il m’est doux de la voir se pâmer de plaisir et me demander merci.

La nature n’a point accordé cet avantage à la première jeunesse de la femme ; il est réservé à l’âge qui suit le septième lustre.

À cet âge, et même à un âge plus avancé, les femmes instruites par l’expérience, qui seule forme les artistes, savent mieux tous les secrets de l’art d’aimer.

Elles rajeunissent leur corps à force de soins ; par mille attitudes savantes, elles savent varier et doubler les plaisirs de Vénus ; elles font goûter le plaisir sans recourir à des moyens honteux pour rallumer vos feux ; la jouissance qu’elles procurent, elles la partagent également. C’est pour vous, c’est pour elles qu’elles agissent alors.

Nous emprunterons la note suivante et quelques autres au Bréviaire de l’amour expérimental de Jules Guyot, petit livre publié après la mort de l’auteur par trois savants très haut placés dans l’estime publique, pour l’usage des gens du monde, même les plus chatouilleux au point de vue de la décence.


N° 4. — Simultanéité des spasmes.

Docteur Jules Guyot, 11e méditation.

La meilleure préparation pour la fécondation est la continence de l’homme.

L’époque la plus favorable à la conception est le septennale qui suit la menstruation.

Les conditions nécessaires sont la simultanéité des deux spasmes ou, à défaut, le spasme de la femme provoqué le plus tôt possible après celui de l’homme.

L’ignorance ou la négligence de cette pratique est la cause des neuf dixièmes des unions stériles (cela explique et corrobore le conseil de Sanchez).

Cependant, par une déplorable facilité à la conception, la fécondation se produit très souvent sans que le spasme de la femme ait eu lieu.