Kama Soutra (trad. Lamairesse)/Titre III/Chapitre 2

Kama Soutra, règles de l’amour de Vatsyayana.
Traduction par Pierre-Eugène Lamairesse.
(p. 46-47).
CHAPITRE II


Des embrassements ou étreintes.


Les embrassements pour se témoigner un amour réciproque, sont de quatre sortes : par le toucher, par la pénétration, par le frottement ou la friction, par la pression.

Le premier a lieu lorsqu’un homme, sous un prétexte quelconque, se place à côté ou en face d’une femme, de telle sorte que les deux corps se touchent.

L’embrassement par pénétration se produit lorsque, dans un lieu solitaire, une femme se penche pour prendre quelque objet, et pénètre, pour ainsi dire, de ses seins l’homme qui, à son tour, la saisit et la presse[1].

Ces deux premières sortes d’embrassement se font entre personnes qui ne peuvent se voir et se parler librement.

Le troisième embrassement a lieu quand deux personnes qui se promènent lentement, dans l’obscurité, ou dans un lieu solitaire, frottent leurs corps l’un contre l’autre.

Lorsque, dans les mêmes circonstances, l’un des amants presse fortement le corps de l’autre contre un mur ou un pilier, c’est de l’embrassement par pression.

Ces deux derniers contacts se font d’un accord commun.

Dans un rendez-vous, on se livre aux embrassements partiels, visage contre visage, sein contre sein, Jadgana contre Jadgana (partie du corps comprise entre le nombril et les cuisses), cuisses contre cuisses, et aux étreintes de tout le corps, avec toutes sortes de mignardises, la femme laissant flotter ses cheveux épars.

Ces étreintes portent les noms suivants : 1° celle du lierre ; 2° celle du grimpeur à l’arbre ; 3° le mélange du sésame avec le riz ; 4° celui du lait et de l’eau.

Dans les deux premières, l’homme se tient debout ; les deux dernières font partie de la confection.

1° La femme enserre l’homme comme le lierre l’arbre ; elle penche la tête sur la sienne pour le baiser en poussant de petits cris : sut, sut ; elle l’enlace et le regarde amoureusement.

2° La femme met un pied sur le pied de l’homme et l’autre sur sa cuisse, elle passe un de ses bras autour de son dos et l’autre sur ses épaules, elle chante et roucoule doucement, et semble vouloir grimper pour cueillir un baiser.

3° Contact : l’homme et la femme sont couchés et s’étreignent si étroitement que les cuisses et les bras s’entrelacent comme deux lianes et se frottent pour ainsi dire.

4° L’homme et la femme oublient tout dans leur transport ; ils ne craignent et ne sentent ni douleur, ni blessures ; se pénétrant mutuellement, ils ne forment plus qu’un seul corps, une seule chair, soit que l’homme tienne la femme assise sur ses genoux, ou de côté, ou en face, ou bien sur un lit.

Un poëte a formulé cet aphorisme sur le sujet :

« Il est bon de s’instruire et de converser sur les embrassements, car c’est un moyen de faire naître le désir ; mais, dans la connexion, il faut se livrer même à ceux que le Kama Shastra ne mentionne pas, s’ils accroissent l’amour et la passion. »

On observe les règles du Shastra tant que la passion est modérée ; mais quand une fois la roue de l’amour tourne, il n’y a plus ni Shastra ni ordre à suivre.

  1. Ce passage fait supposer qu’à l’époque où écrivait Vatsyayana les femmes allaient le sein nu, comme cela a lieu encore aujourd’hui dans quelques basses castes et pour les Pariahs. Dans certaines peintures ou sculptures très anciennes, on voit les femmes, même celle du roi, avec la gorge découverte.