Justice à l’ex-Chambre qui proposait l’abolition de la peine de mort

JUSTICE


À L’EX-CHAMBRE QUI PROPOSAIT L’ABOLITION DE
LA PEINE DE MORT


DËCEMBRE 1830



  Soyez donc inflexible : c’est l’indulgence qui est féroce, puisqu’elle menace la patrie.
Saint-Just.


En vain le meurtrier veut esquiver la hache
              Et le feu vengeur du bourreau :
Il n’est point d’eau lustrale essangeant cette tache.
              Le fer, est sorti du fourreau ;
Nonobstant, en son lieu ne rentrera l’épée
              Qu’après avoir trouvé son flanc,
              Et s’être longuement trempée
              Dans ses entrailles, dans son sang.


C’est en vain, quand la foule et Dieu d’intelligence
              Ont cloué l’opprobre à son front,
Et qu’il n’est pas un seuil où ne soit la vengeance,
              Soupesant son glaive et l’affront.
Qui du glaive se sert périra par le glaive :
              Le Christ débonnaire l’a dit.
              Contre l’assassin tout se lève,
              Et tous les hommes l’ont maudit.

Eh bien ! quel était donc ton erreur, ta folie,
              Où donc s’appuyait ton espoir,
Pauvre et lâche marais d’une Chambre avilie,
               Des rois amovible encensoir ?
En vain, on a voulu, d’un funéraire voile,
              Caparaçonner ta gaîté :
              L’œil du peuple a percé la toile,
              Et vu ta générosité.

Ah ! générosité vraiment de circonstance,
              Cœurs attendris bien à-propos !
Ah ! vraiment, pour le bien, j’aime votre importance,
              Que j’aime à vous trouver dispos !
Vous savez les égards qu’on doit aux gentilshommes ;
              Vrai Dieu ! vous êtes bien appris ;
              À nous, ignorants que nous sommes,
              Pardon ! nous nous étions mépris.


Ce n’est pas dans ces rangs qu’on cherche des victimes :
              Leurs têtes dépassent les lois ;
Les mômes faits qui sont pour nous complots et crimes,
              Pour ces messieurs sont des exploits.
Le tribunal pour eux n’a donc rien qu’on redoute ;
              Il est pour les hommes de rien :
              Le bourreau n’est soldé sans doute
              Que pour frapper le plébéien.

Malheureux !… qu’a-t-il fait ? — Dans sa sombre misère
              Il osa fausser un écu. —
Déjà pour le saisir le juge ouvre sa serre,
              Déjà ce pauvre… il a vécu !…
Mais égard à qui jette injure sur injure
              Et fléaux sur la nation,
              Dont le fer soutient le parjure
              Criant extermination !…

Non, non, cane se peut : levez vos yeux profanes !
              Voyez à l’entour du château,
Voyez-vous, par milliers, s’entre-choquer ces mânes
              Qui semblent brandir un couteau ?
Un sceptre entre leurs mains et sous leurs dents se broie,
              Ils évoquent le talion.
              Ainsi tournant près de sa proie
              Ruit un farouche lion.


C’est Berton ! bien petit au sommet de l’échelle,
              Qui fut brave et tomba poltron ;
Puis ces quatre sergents, héros de la Rochelle,
              Puis cet infortuné Caron ;
Puis, tout criblés de plomb, le fier Labédoyère,
              Les Faucher, Mouton-Duvernet,
              Et cet autre foudre de guerre,
              Le malheureux maréchal Ney !

Puis, découvrez encor ces victimes sanglantes
              Que fit tomber l’arc Saint-Denis :
Hélas ! à vous venger nos haches furent lentes,
              Martyrs, que vos noms soient bénis !
Et vous, qui sur le front avez une auréole,
              Vous qu’à regret la mort cueillait,
              Salut, Farcy ! salut Arcole !
              Salut aux héros de juillet !

Eux seuls auraient le droit de prendre la balance
              Et d’absoudre leur assassin ;
Mais la mort est muette, et, comptant son silence,
              Vous caressez votre dessein.
Mais lorsqu’ils sont tombés, ils ont crié vengeance !
              Vous l’avez entendu crier ?
              Allons, un peu moins d’obligeance,
              Il faut la mort au meurtrier !


Ce n’est pas de cela dont votre cœur s’afflige,
              Cœur où le Corse a mis l’effroi ;
À votre roi chassé rendez hommage lige,
              Pleurez, pleurez sur votre roi.
Vous n’avez rien perdu, point d’ami, point d’amante,
              Peu vous importent nos héros !
              Mais Holyrood se lamente,
              Pleurez, pleurez sur nos bourreaux !