Journal (Eugène Delacroix)/7 mai 1854

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 350-351).

7 mai. — Dîné chez Barbier. Dagnan[1] me conte l’histoire de Cabarrus qui, directeur de la banque de Charles III, est chargé par lui de porter en France trois millions pour faire évader Louis XVI au moment de son jugement. Sa maîtresse, la duchesse de Santa-Cruz, lui arrache son secret ; il était entendu avec le Roi qu’il irait seul en France, qu’on ne donnerait de chevaux qu’à lui, qu’il serait signalé, mais qu’il fallait qu’il fût seul. Il consent à emmener la duchesse habillée en domestique. Il est arrêté en route ; impossibilité d’aller plus avant. Il parlemente, s’obstine, bref, on envoie à Madrid ; pendant ce temps qu’il perd, le procès de Louis XVI va son train, et il arrive à Paris pour voir le roi guillotiné.

Caton disait, à la fin de sa vie, qu’il ne se repentait que de deux choses : l’une d’avoir dit un secret à sa femme ; l’autre, d’avoir fait par mer un voyage qu’il pouvait faire par terre. On contait cela à propos du naufrage de l’Ercolano.

  1. Isidore Dagnan (1794-1873), paysagiste de mérite.