Journal (Eugène Delacroix)/7 février 1852

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 77).

Samedi 7 février. — En sortant de Saint-Germain l’Auxerrois — enterrement Lahure — j’ai rencontré, sur le quai, Cousin qui allait à Passy. J’avais rendez-vous au ministère, et j’allais, à pied, causer avec Romieu. J’ai accompagné Cousin jusqu’à la barrière des Bonshommes, à travers les Tuileries et le long de l’eau. Ensuite longue conversation : il m’a amusé en me parlant des relations intimes de personnes de notre connaissance à tous deux. « Thiers[1], m’a-t-il dit, a le talent et l’esprit que tout le monde sait ; mais autour d’un tapis vert, et la main au timon de l’État, il est au-dessous de tout. Guizot de même, et ne le vaut pas pour le cœur. » Il m’en a donné la plus mauvaise idée. J’irai peut-être le voir à la Sorbonne.

  1. Les entrevues étaient devenues aigres-douces entre Eugène Delacroix et M. Thiers. On conçoit en effet par quels côtés le tempérament de l’homme politique devait déplaire à l’artiste. Quant au fameux article écrit par M. Thiers publiciste, lors des débuts de Delacroix, et que l’on a traité de prophétique, Th. Silvestre fait observer assez justement qu’il n’est qu’une « paraphrase prudhommesque de l’opinion du baron Gérard, de l’aveu de M. Thiers lui-même, qui dit à la fin de son article : L’opinion que j’exprime ici est celle d’un des grands maîtres de l’école. » Th. Silvestre ajoute que M. Thiers loue dans la même page Drolling, Dubufe, Destouches et Delacroix.