Journal (Eugène Delacroix)/3 mars 1824

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 68-69).

Mercredi 3 mars. — Ce matin, au Luxembourg. Je me suis étonné de l’incorrection de Girodet, particulièrement dans son jeune homme du Déluge. Cet homme, au pied de la lettre, ne sait pas le dessin.

— Été chez Émilie Robert ; mal disposé. Malade de l’estomac.

— Composé, ne sachant que faire, les Condamnés à Venise. — Émilie est venue un instant.

— Remets-toi vigoureusement à ton tableau. Pense au Dante, relis-le continuellement ; secoue-toi pour revenir aux grandes idées. Quel fruit tirerai-je de cette presque solitude, si je n’ai que des idées vulgaires ?

— Hier, couru et été chez D*** ; exécrable peinture.

— Repris l’envie de faire les Naufragés, de lord Byron, mais de les faire au bord de la mer même, sur les lieux.

— Été le soir chez Henri Scheffer[1].

— Aujourd’hui mercredi soir, je rentre de chez Leblond. Bonne soirée ; il avait fait un extraordinaire : Punch, etc… Quelque musique qui m’a fait plaisir… Dufresne est un homme qui dessèche bien quelque peu.

— Je suis donc comme un sabot ? Je ne suis remué qu’à coups de fourche ; je m’endors sitôt que manquent ces stimulants.

  1. Henri Scheffer, peintre français, frère d’Ary Scheffer, né en 1798. Il fut élève de Guérin, et ce fut à l’atelier de Guérin que Delacroix fit sans doute sa connaissance. Il débuta au Salon de 1824, comme peintre d’histoire ; il a cultivé aussi d’autres genres et fait des portraits