Journal (Eugène Delacroix)/30 octobre 1854

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 487-488).

30 octobre. — Temps magnifique depuis trois jours. — Dans la journée, promenade avec ces dames, Berryer et le jeune M. de Quéru, par cet admirable temps et avec un grand sentiment de plaisir. Le clair de lune est magnifique après dîner ; je n’en jouis qu’à moitié, à cause du cher Richomme qui n’a rien de romantique, mais qui est un bonhomme qui me plaît comme cela. Nous avons le soir avec nous M. de Lanrenceau, qui était arrivé avec sa femme pour dîner.

Mme de C…, fort à son avantage au dîner : je tiens mon cœur à deux mains en sa présence, mais seulement quand elle a sa grande toilette et qu’elle montre ses bras et ses épaules ; je redeviens très raisonnable dans la journée, quand elle a sa robe du matin. Elle est venue ce matin voir les peintures de ma chambre et m’a sans façon mené voir celles de la sienne, en me faisant passer par le cabinet de toilette. Ce qui me rassure sur ma sagesse, c’est que j’ai pensé que ce cabinet de toilette et cette chambre avaient vu dans d’autres moments la piquante M…, qui n’a ni ces bras ni cette gorge que je soupçonne, mais qui me plaît par le je ne sais quoi, par l’esprit, par la malice des yeux, par tout ce qui fait qu’on se souvient.

— La grand’mère de M. de Kerdrel lui disant au moment où, après avoir été élu en 1848, il allait siéger à Paris : « Mon fils, vous allez aux États, défendez bien les intérêts de la Bretagne. »

La grand’mère ou la mère de M. de Corbière, à qui on faisait compliment de ce que son fils était ministre : « Mon Dieu ! la révolution n’est donc pas finie, puisque Pierrot est ministre ? »

— Les cygnes qui vont visiter leurs petits.

— Partition d’Olette. Partition des Nozze… tout cela charmant.