Journal (Eugène Delacroix)/30 avril 1853

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 175-176).

Samedi 30 avril. — Ébauche le Christ dans la tempête[1], pour Grzymala. — Avancé le Christ montré au peuple, esquissé Mme Herbelin, et quelques touches à celui de M. Roché ; tout cela avec assez de succès, quoique dans une mauvaise disposition de corps et d’esprit… Qu’est-ce que cette inquiétude, pour une raison tantôt fondée, tantôt vague, et ne se prenant à rien ?

Dîné chez Chabrier avec son ami Chevigné[2], dont il me vante les talents en poésie : il n’a pas celui de l’éloquence, il ne s’exprime point comme tout le monde, et il cherche ses mots pour la moindre phrase. Ce dîner à quatre n’était pas suffisamment animé.

Le soir, Mme L… m’a plu, quoiqu’elle ne soit pas jeune. Elle était près de Mme de F…, en grands frais de toilette. Le mari de Mme de F… est un homme charmant. Il s’étonne que je n’aille pas en Italie[3] ; il me cite les lacs du nord de l’Italie comme des merveilles qu’il faut voir absolument, et qu’on voit très facilement ; on peut même faire son excursion en deux fois, s’il le faut : une fois, Florence, Rome et Naples ; une autre fois, Milan, Venise, etc.

  1. D’après le Catalogue Robaut (voir nos 1214-1220), il existe six ou sept peintures différentes sur ce même sujet. La couleur générale de l’œuvre et sa signification demeurent toujours identiques ; elles diffèrent simplement par le groupement des personnages ou par la dimension de la barque par rapport au cadre.
  2. Ce Chevigné était un médiocre rimeur qui s’était fait une réputation de salon.
  3. Sur les projets de voyage en Italie, voir notre Étude, p. xlv et xlvi.