Journal (Eugène Delacroix)/23 avril 1857

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 268-269).

Jeudi 23 avril. — J’ajoute, sur le passage d’Obermann[1], sur la joie secrète que produit la conformité de pensées avec les autres : Cette apparence que nous sommes heureux de donner à notre imagination est un besoin de tous ceux qui composent pour le public, surtout quand leur inspiration est naïve et sincère. Je me figure que les peintres ou les écrivains chez lesquels le lieu commun tient une grande place, n’ont pas autant besoin de cette confirmation qui vient, par la rencontre d’esprits analogues aux leurs, les rassurer sur la valeur de leurs propres pensées. C’est un besoin impérieux pour ceux dont les inventions sont taxées de bizarrerie, et qui, peut-être à cause de leur originalité, ne trouvent qu’un public rétif et peu disposé à les comprendre.

  1. L’Obermann devait être un de ses livres de chevet, car nous le voyons cité déjà à plusieurs reprises dans les précédentes années du Journal. Il s’en trouve extrait des fragments dans le manuscrit original, fragments que nous n’avons pas cru devoir reproduire, non plus que ceux de Balzac sur la condition des artistes, tirés de la Cousine Bette.