Journal (Eugène Delacroix)/1er octobre 1854
1er octobre. — Ce jour, dimanche 1er octobre, j’ai été voir Durieu pour parler de la pétition des Pierret.
J’y trouve M. Charton le père[1], qui me conseille, quand j’irai de Milan à Venise[2], de m’arrêter un jour à Vérone, un jour à Vicence, un jour à Padoue, et de ne voir Venise qu’ensuite. C’est de Gênes qu’il me conseille de prendre, par Lucques, une espèce de voiture de poste pour aller à Pise, Sienne, etc. ; il parle avec grands éloges des paysages.
— Barbotte me conte qu’on peut féconder la vigne au moyen d’abeilles, qu’on porte auprès, quand la pluie a détrempé le pollen. Il me dit qu’à Lima il ne pleut jamais ; aussi tout y est aride.
— Chenavard me dit, à propos de mes idées sur la peinture, que je donne l’exemple et le précepte, et admirablement, dit-il. Il admire beaucoup, au Luxembourg, certaines peintures qui lui paraissent faire ressortir la platitude des autres… « Je me demande quelquefois, dit-il encore, s’il sait bien lui-même tout ce qu’il met dans ces ouvrages-là[3]. »
- ↑ Édouard Charton (1807-1890), littérateur et homme politique, qui fonda successivement le Magasin pittoresque et le Tour du monde.
- ↑ Delacroix n’a jamais réalisé ce projet.
- ↑ Cette observation caractéristique nous rappelle le propos qu’un amateur lança un jour à Corot, en le voyant dans le feu de l’exécution d’un tableau : « Tenez ! vous ne savez pas ce que vous y mettez ! » Corot se retourne un instant, puis reprend son travail en murmurant : « Il a peut-être raison ! »