Journal (Eugène Delacroix)/19 octobre 1848

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 402-403).

Vendredi 19 octobre. — Je lis ce matin, dans Montesquieu, une peinture à grands traits des exploits de Mithridate. La grande idée qu’il donne du caractère de ce roi diminue beaucoup dans mon esprit l’impression que m’avait laissée la pièce de Racine. Décidément ces petites histoires amoureuses mêlées à la peinture d’un pareil colosse, le réduisent à la proportion d’un homme de notre temps. Quand on songe que Mithridate était une espèce de barbare, commandant à des nations féroces, on se le figure difficilement occupé d’intrigues d’intérieur. … Au reste, il faudrait relire.

— Je recule de jour en jour l’instant de mon départ.

… Ils sont aimables pour moi, et cette molle flânerie dans un lieu que j’aime me berce, et me fait reculer le moment de reprendre mon train de vie ordinaire.

Lu le matin Montesquieu, Grandeur et décadence.

Promené dans le jardin, avant déjeuner. Après cela, en bateau avec la cousine et une partie des petites filles[1] ; j’étais fatigué de la course de la veille et aussi de la vie que je mène, et surtout de ces repas, de ces vins, etc.

Je me suis occupé l’après-midi à composer avec des fragments de vitraux la fenêtre que Bornot veut mettre à l’ouverture laissée dans la chapelle de la Vierge.

Le soir, plusieurs parties de billard avec la cousine, pendant que Bornot dessinait les vues qui nous ont frappés dans les falaises.

  1. M. et Mme Bornot avaient six enfants : un fils, M. Camille Bornot, et cinq filles qui en se mariant devinrent : Mmes Gavet, Lambert, Porlier, Pierre Legrand et Journé.