Journal (Eugène Delacroix)/19 janvier 1856

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 129).

19 janvier. — Dîné chez Doucet[1]. Je suis revenu avec Dumas, qui m’a parlé de ses amours avec une vierge veuve d’un premier mari et avec un second en exercice.

Pendant qu’on jouait au baccarat chez Doucet, Augier, que j’aime beaucoup, me parlait de la dignité qu’il y a pour un artiste à ne pas chercher à gagner trop d’argent, et par conséquent la nécessité de ne pas le dépenser en objets de pure vanité. Il trouve qu’un artiste peut vivre dans un intérieur simple. Mme Doucet me disait qu’un dîner qui coûtait à des personnes dans une position modeste 3 ou 400 francs les privait d’avoir souvent, pour cinquante francs, trois ou quatre amis, avec la fortune du pot. Du reste, elle habite dans un petit entresol très bas de la rue du Bac, mais décoré avec tout le luxe et l’éclat modernes : dorures, damas, meubles inutiles, rien n’y manque.

  1. Camille Doucet, auteur dramatique, membre et secrétaire perpétuel de l’Académie française, né en 1812. Il était à cette époque (1856) chef de la division des théâtres au ministère d’État.