Journal (Eugène Delacroix)/1852 sans date

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 136-138).

Sans date[1]. — Penser que l’ennemi de toute peinture est le gris : la peinture paraîtra presque toujours plus grise qu’elle n’est, par sa position oblique sous le jour. — Les portraits de Rubens, ces femmes du Musée, — à la chaîne, etc., qui laissent voir partout le panneau Van Eyck, etc.

De là aussi un principe qui exclut les longues retouches, c’est d’avoir pris son parti en commençant… Il faudrait essayer, pour cela, de se contenter pleinement avec les figures peintes sans le fond ; en s’exerçant dans ce sens, il serait plus facile de subordonner ensuite le fond.

— Il faut, de toute nécessité, que la demi-teinte, dans le tableau, c’est-à-dire que tous les tons en général soient outrés. Il y a à parier que le tableau sera exposé le jour venant obliquement ; donc forcément ce qui est vrai sous un seul point de vue, c’est-à-dire le jour venant de face, sera gris et faux, sous tous les autres aspects. — Rubens outré ; Titien de même ; Véronèse quelquefois gris, parce qu’il cherche trop la vérité.

Rubens peint ses figures et fait le fond ensuite ; il le fait alors de manière à les faire valoir : il devait peindre sur des fonds blancs ; en effet, la teinte locale doit être transparente, quoique demi-teinte ; elle imite, dans le principe, la transparence du sang sous la peau.

Remarquer que toujours, dans ses ébauches, les clairs sont peints et presque achevés sur de simples frottis pour les accessoires.




À la fin de l’Agenda de 1852, se trouvent les notes ci-après :

Le 27 décbre 1852, reçu pour les tableaux de Bordeaux. 700 fr.
Le 27 décembre 1852, reçu de Thomas, pour un Petit Tigre 300 fr.
Le 1er février, reçu de Weill, à compte sur mon marché de 1,500 fr 500 fr.
Le 3 mars, reçu de Thomas, à compte sur mon marché de 2,100 fr 1.000 fr.
Le 10 mars, reçu de M. Didier, pour l’Andromède. 600 fr.
Le 22 — de Beugniet, pour le Petit Christ, et le Lion et Sanglier. 1.000fr.
Le 4 avril, reçu de Weill un second à compte. 500 fr. (reste 500).
Le 10 — de Thomas 1.100 fr.
(J’ai à lui donner les Lions sur ce marché, et en lui livrant la Desdémone dans sa chambre, il n’aura à me donner que 500 fr.).
10 avril, reçu de Mme Herbelin, pour les Pèlerins d’Emmaüs 3.000 fr.
10 avril, reçu de Tedesco, pour les Chevaux qui sortent de l’eau (deux chevaux gris) 500 fr.
1er mai, reçu de Thomas, pour solde (sauf la répétition du Christ au tombeau) 500 fr.
28 juin, reçu de Tedesco, pour le Maréchal marocain 800 fr.
1er marché avec Weill :
Vue de Tanger
Marchand d’oranges
Saint Thomas
La Fiancée d’Abydos[2]
1.500 fr.
De Weill :
J’ai reçu à compte le 1er février, en lui livrant la Vue de Tanger 500 fr.
Depuis, il m’a demandé Saint Sébastien 500 fr.
Répétition du plafond d’Apollon à M. Ronnet[3] 1.000 fr.
Marché avec Thomas :
Desdémone aux pieds de son père
400
Ophélia dans le ruisseau
700
Deux lions sur le même tableau
500
Michel-Ange dans son atelier
500
2.100 fr.
(En avril) Desdémone dans sa chambre 500 fr.
(En avril) La répétition du Christ de M. de Geloës[4] 1.000 fr.
Marché avec Reugniet :
Christ en croix, toile de 6.
Lion terrassant un sanglier.
Marché avec Ronnet :
La répétition du plafond d’Apollon
1.000 fr.
Marché avec le comte de Geloës :
Daniel dans la fosse aux lions[5]
1.000 fr.
Portrait de M. Rruyas[6]
1.000 fr.
Portrait de Talma
1.500 fr.
  1. Sur des notes volantes dans un Agenda portant la date 1852.
  2. La seule Fiancée d’Abydos était en 1874 vendue 32,050 francs. (Voir Catalogue Robaut, nos 772-773.)
  3. Cette superbe toile est au Musée de Bruxelles. (Voir Catalogue Robaut, no 1110.)
  4. La première composition de la Mise au tombeau, ou Christ du comte de Geloës, atteignit à la vente Faure, en 1873, le chiffre de 60,000 francs. Cette répétition est d’un bien moindre format. (Voir Catalogue Robaut, nos 1034 et 1037.)
  5. Ce tableau fut vendu 17,500 francs en 1877. (Voir Catalogue Robaut, no 1213.)
  6. « Le portrait de M. Rruyas, qui fut connu des Parisiens seulement à l’Exposition posthume de l’œuvre de Delacroix, avait été commencé en mai 1853. M. Rruyas, avec l’aide de Th. Silvestre, avait rédigé un catalogue raisonné et illustré de sa collection de peintures modernes. »

    (Voir Catalogue Robaut.)