Journal (Eugène Delacroix)/13 mai 1851

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 2p. 60-62).

Mardi 13 mai. — Très beau violet pour la chair : le ton de laque et vermillon mêlé sans trop le confondre avec celui de vert émeraude fin, terre verte et blanc (lesquels sont à côté l’un de l’autre sur la palette qui m’a servi en dernier lieu pour le Python).

— La Femme impertinente[1] était préparée très empâtée et d’un ton très chaud et surtout très rouge. Passé dessus un glacis de terre verte, peut-être un peu de blanc. Cela a fait la demi-teinte gris opale irisée ; là-dessus touché simplement des clairs avec l’excellent ton terre Cassel, blanc et un peu de vermillon ; puis quelques tons orangés francs par places. Tout ceci n’était encore qu’une préparation, mais de la plus grande finesse. La demi-teinte était complètement chair.

— Dans l’Andromède, probablement à cause du fond très chaud, mêler beaucoup de jaune de Naples avec le vermillon dans le clair.

— Pour le Lion dans les montagnes, effet de matin ; pour le ciel sur la toile, frottis noir et blanc. Un peu de cobalt par places. Lumière immanquable avec jaune de zinc le plus clair (celui qui semble avoir du blanc), avec laque brûlée et blanc.

Tons alpestres dans les montagnes : sur frottis de noir, blanc et bleu de Prusse, quelques tons de vert émeraude fin et blanc, ou le ton de vert émeraude, bleu de Prusse et blanc. Mettre du rose dans les tons très lointains.

Belle demi-teinte d’or verdâtre : ocre jaune, vert émeraude. Plus chaude : les mêmes, avec une pointe de chrome foncé.

Approchant de ceux-ci et fort bon pour les chairs, surtout à côté des violets : ocre jaune, vert de Scheele ou ocre jaune, vert de Scheele et chrome no 2, tous deux charmants.

Beau ton de chair : terre d’Italie brûlée, blanc, vert émeraude, terre Sienne naturelle et terre Sienne brûlée remplacent le jaune mars. Beau avec blanc, jaune indien ; bitume remplace le jaune de Rome, laque jaune, équivaut au stil de grain.

Demi-teinte rosée chairs fraîches : vert de zinc, le plus clair à côté de vermillon blanc, une pointe de laque ; mêler ces deux tons tout faits suivant le degré convenable.

Chrome foncé avec vert de zinc foncé ou clair, admirable ton pour paysage. Fait clairs chauds dans les feuilles, soit reflets dans l’ombre. Fait bien surtout sur feuilles préparées d’un vert trop cru — éloigne.

  1. C’était une de ses Baigneuses que Delacroix désignait sous ce titre. « La jeune femme a la tête cernée d’un ruban bleu, qui flotte sur son dos : elle s’appuie sur un banc de verdure, où sont déposés des vêtements qui éclatent en tons blancs et rouges. Les eaux sont d’un bleu intense. » (V. Catalogue Robaut.)