Journal (Eugène Delacroix)/12 octobre 1862

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 431-432).

12 octobre. — Dieu est en nous. C’est cette présence intérieure qui nous fait admirer le beau, qui nous réjouit quand nous avons bien fait et nous console de ne pas partager le bonheur du méchant. C’est lui sans doute qui fait l’inspiration dans les hommes de génie et qui les enchante au spectacle de leurs propres productions. Il y a des hommes de vertu comme des hommes de génie ; les uns et les autres sont inspirés et favorisés de Dieu. Le contraire serait donc vrai : il y aurait donc des natures chez lesquelles l’inspiration divine n’agit point, qui commettent le crime froidement, qui ne se réjouissent jamais à la vue de l’honnête et du beau. Il y a donc des favoris de l’Être éternel. Le malheur qui semble souvent, et trop souvent, s’attacher à ces grands cœurs ne les fait pas heureusement succomber dans leur court passage : la vue des méchants comblés des dons de la fortune ne doit point les abattre ; que dis-je ? ils sont consolés souvent en voyant l’inquiétude, les terreurs qui assiègent les êtres mauvais, leur rendent amères leurs prospérités. Ils assistent souvent, dès cette vie, à leur supplice. Leur satisfaction intérieure d’obéir à la divine inspiration est une récompense suffisante : le désespoir des méchants traversés dans leurs injustes jouissances est…[1].

  1. Inachevé dans le manuscrit.