Journal (Eugène Delacroix)/12 avril 1824

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 89).


Lundi 12 avril. — Le matin passé chez Soulier. Il n’y était pas. Je voulais avoir sa boîte pour aller copier le Velasquez.

Été chez Champion ; de là à mon atelier. Fièvre de travail. Refait et disposé l’homme près du cheval et l’homme à cheval. Entrain complet. H. Scheffer venu un instant, puis mon neveu.

— Il m’a pris fantaisie de faire des lithographies d’animaux, par exemple : un tigre sur un cadavre, des vautours, etc.

— Dîné chez M. Guillemardet. Mme C… venue le soir est charmante. Maudit insolent que je suis ! Il faut avouer que ma vie est passablement remplie ; je suis toujours possédé d’une petite fièvre qui me dispose facilement à une émotion vive. Elle m’a bien plu : ce chapeau noir et ces petites plumes. Elle a l’air bienveillant avec moi… Il faut que je pense à lui envoyer le marchand d’ombrelles, demain autant que possible.

Le Temps luttant contre le Chaos sur le bord de l’abîme, au jour de la fin de toutes choses.

— Il faut faire une grande esquisse de Botzaris[1] : les Turcs épouvantés et surpris se précipitent les uns sur les autres.

  1. Marcos Botzaris, l’un des héros de la Grèce moderne, qui contribua à l’insurrection de 1820. Il se signala dans de nombreux combats et s’enferma dans les murs de Missolonghi ; cette place étant près de se rendre, il s’efforça de la sauver par un acte de dévouement semblable à celui de Léonidas ; il pénétra de nuit avec trois cents hommes dans le camp des Turcs ; mais il fut atteint d’une balle à la tête et mourut à Carpenitza (1823). (Voir Catalogue Robaut, nos 1407 et 1408.)