Journal (Eugène Delacroix)/11 juin 1856

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 3p. 157-158).

11 juin. — Teinte locale de l’enfant grand de la seconde Médée[1] : brun, rouge et blanc. Cesser d'être cru par ces tons de l’ombre chauds, légèrement orangés et, dans les chairs, rompus de vert, de rose, de jaune et blanc.

Les clairs de la Médée, de sa joue, de sa gorge, du torse, etc., basés sur le ton de terre d’ombre blanc et laque jaune avec blanc et laque. Le cadmium avec des tons rompus domine dans la localité ; peu de tons rouges ; cependant un peu de tons de brun rouge blanc avec laque jaune et terre d’ombre et blanc (cette dernière combinaison excellente pour beaucoup de localités un peu brunes).

Pour le ton vert rose chaud de la joue dans une femme fraîche et brune, le cadmium et blanc, jaune zinc clair et vert émeraude, blanc et laque ou vermillon et blanc, suivant l’effet ; le blanc et vert émeraude, qui est un vert froid, s’y marie bien.

En substituant l’ocre de ru et blanc au cadmium, on a des localités de sujets plus bruns : le vermillon et blanc y convient avec le zinc jaune et vert, de même.

Un mélange de tous ces tons fait une excellente localité de chair.

  1. Delacroix avait exécuté une première fois en 1838 une composition de Médée furieuse, au sujet de laquelle Th. Gautier avait écrit qu’elle était « peinte avec une fougue, un emportement et un éclat de couleur que Rubens ne désavouerait pas ». Nous trouvons au Catalogue Robaut (no 1435) une autre Médée furieuse, indiquée comme variante du tableau de 1838. Il ajoute cette intéressante anecdote : « Delacroix avait fixé à huit mille francs le prix de cette toile avant de l’avoir achevée. Surpris des difficultés d’exécution, il crut pouvoir demander à M. Émile Péreire (l’acheteur) de l’indemniser des efforts inattendus qu’il avait dû faire. M. Péreire s’empressa de modifier les conditions primitives. Mais Delacroix, pris de scrupule, retira ses nouvelles prétentions. M. Péreire les maintint quand même, et porta ainsi à dix mille francs le prix du tableau, qui fut cédé plus tard pour trente mille à M. Laurent Richard, et atteignit le chiffre de cinquante-neuf mille francs à la vente faite par cet amateur. »