Journal (Eugène Delacroix)/10 juin 1850

Texte établi par Paul Flat, René PiotPlon (tome 1p. 448-450).

Lundi 10 juin. — La partie du ciel[1]après les plus grands clairs du soleil, c’est-à-dire déjà foncé : Jaune chrome foncé blancblanc laque et vermillon.

La terre de Cassel et blanc forme la demi-teinte décroissante. En général, excellent pour demi-teinte.

Les clairs jaune clair sur les nuages au-dessous du char : Cadmium, blanc, une pointe de vermillon.

La partie du ciel plus orangé, à partir du cercle lumineux : Sur une préparation orangée, frôler à sec un ton de jaune de Naples, vert bleu et blanc, en laissant un peu paraître le ton orangé.

Ton orangé, très beau pour le ciel : Terre d’Italie naturelle, blanc, vermillon. — Vermillon, blanc, laque et quelquefois un peu de cadmium et de blanc.

Robe de Minerve, sur une préparation convenable : Clairs des plis peints, avec bleu de Prusse et blanc assez cru, peut-être un peu de laque. — À sec, pardessus, clairs avec blanc et chrome ; enfin ton citron. Glacer par-dessus à sec avec cobalt et laque. — Enfin, rehauts sombres et chauds avec terre d’Italie brûlée et carmin fixe.

Apollon, la robe peinte d’un ton rouge un peu fade dans les clairs, glacé avec laque jaune et laque rouge.

Localité des chairs de la Diane : Terre de Cassel, blanc et vermillon. Assez gris partout. Clairs : blanc et vermillon, un peu de vermillon.

Les reflets ton chaud, presque citron ; il y entre un peu d’antimoine, le tout très franchement.

Localité des cheveux de l’Apollon : Terre d’ombre, blanc, cadmium, très peu de terre d’Italie ou d’ocre.

Pour la tunique de la Diane, un ton de reflet analogue à celui de sa chair dans l’ombre : Antimoine, cadmium, etc.

Localité chaude des nuages sous le char : Cadmium et blanc, un peu foncé, et terre de Cassel et blanc, touché par-dessus avec ton froid de terre de Cassel et blanc (tout ceci pour l’ombre).

Demi-teinte du Cheval soupe de lait (l’Arabe passant un gué)[2] : Terre d’ombre naturelle et blanc, antimoine, blanc et brun rouge : le rouge ou le jaune prédominant, suivant la convenance.

  1. Il est question ici du plafond de la galerie d’Apollon du Louvre. Apollon vainqueur du serpent Python : tel est le titre définitif de la composition. Toile 8m × 7m,50. M. Robaut, dans son Catalogue, écrit que le prix fut d’abord fixé à 18,000 francs, et que l’architecte Duban fit de son propre mouvement élever la somme à 24,000 francs. Voici en quels termes Delacroix décrit le sujet de sa décoration :
    « Le dieu, monté sur son char, a déjà lancé une partie de ses traits ; Diane, sa sœur, volant à sa suite, lui présente son carquois. Déjà percé par les flèches du dieu de la chaleur et de la vie, le monstre sanglant se tord en exhalant dans une vapeur enflammée les restes de sa vie et de sa rage impuissante. Les eaux du déluge commencent à tarir et déposent sur les sommets des montagnes ou entraînent avec elles les cadavres des hommes et des animaux. Les dieux se sont indignés de voir la terre abandonnée à des monstres difformes, produits impurs du limon ; ils se sont armés comme Apollon. Minerve, Mercure s’élancent pour les exterminer, en attendant que la sagesse éternelle repeuple la solitude de l’univers ; Hercule les écrase de sa massue, Vulcain, le dieu du feu, chasse devant lui la nuit et les vapeurs impures, tandis que Borée et les Zéphyrs sèchent les eaux de leur souffle et achèvent de dissiper les nuages. Les nymphes des fleuves et des rivières ont retrouvé leur lit de roseaux et leur urne encore souillée par la fange et les débris. Des divinités plus timides contemplent à l’écart ce combat des dieux et des éléments. Cependant, du haut des cieux, la Victoire descend pour couronner Apollon vainqueur, et Iris, la messagère des dieux, déploie dans les airs son écharpe, symbole du triomphe de la lumière sur les ténèbres et sur la révolte des eaux. »

  2. Voir Catalogue Robaut, no 1347.