Je me repens de vous avoir aimée

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 31).


JE ME REPENS DE VOUS AVOIR AIMÉE


Je me repens de vous avoir aimée,
Puisque autrement n’avez voulu mon bien,
Et que jamais ne voulûtes en rien
Chose qui soit au gré de ma pensée.
 
Je vous tenais sur toute femme née
La plus parfaite, mais je vois maintenant
Qu’il vous faudra nommer totalement
La sans merci : c’est male renommée.
 
Hé Dieu ! hélas ! que fera ma pensée
Ce temps d’été, ce mois de mai qui vient ?
Réconfortez ce pauvre languissant,
Las ! qui ne sait où est sa mieux aimée.
 
Vrai dieu d’amour, qui savez ma pensée,
Je vous supplie et requiers humblement
Que devant vous soit fait le jugement
D’elle et de moi qui a sa foi faussée.
 
Et si j’ai tort, sentence soit donnée
Encontre moi le plus cruellement,
Et condamné sois perpétuellement
En une tour obscure et bien fermée.
 
Hélas ! madame, tant vous ai désirée
Non point en mal mais toujours en tout bien !
J’ai trop aimé ce qui n’était pas mien :
Plus sagement me tiendrai l’autre année.
 
C’est grand’ folie à créature née
Mettre son cœur en ce qui n’est pas sien :
L’un jour s’en va et puis l’autre revient ;
Amours s’en vont comme fait la rosée.