Je m’accuse…/Je m’accuse

Édition de « La Maison d’Art » (p. 11-12).



JE M’ACCUSE


très-humblement et très-douloureusement, d’avoir, en 1889, le 21 janvier, publié au Gil Blas, un article sot où je prostituais le nom d’« Antée » à Émile Zola, supposant une grandeur — matérielle seulement, il est vrai, — à cet avorton.

C’était trop, mille fois, je le confesse et mon repentir est sincère.

Sans doute, l’ignominie excessive des dernières œuvres n’avait pas encore éclaté. Mais n’était-ce pas assez des antérieures ordures ?

Pour tout dire, je suis d’autant moins excusable que je ménageais ainsi, pour la première et dernière fois, une situation fort précaire au journal immonde qui m’employait.

Que cela soit dit enfin pour que les confrères excellents, qui passent leur vie sur le trottoir, sachent à quel point je suis leur semblable.

Le rôle de l’Âne dans Les Animaux malades de la peste me plaît fort et je m’y prête volontiers.

Peut-être aussi obtiendrai-je, par ce moyen, le silence de quelques amis redoutables qui ne laissent échapper aucune occasion de me rappeler, avec de cuisants éloges, cette aventure qui me déshonore.

Léon Bloy.