Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences1 (p. 495-510).
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TRADUCTION D’UNE NOTE HISTORIQUE
DE LORD BROUGHAM
SUR LA DÉCOUVERTE DE LA COMPOSITION DE L’EAU.


Il n’y a aucun doute qu’en Angleterre, du moins, les recherches relatives à la composition de l’eau ont eu pour origine les expériences de Warltire relatées dans le 5e volume de Priestley[1]. Cavendish les cite expressément comme lui ayant donné l’idée de son travail (Trans. philos., 1784, p. 126). Les expériences de Warltire consistaient dans l’inflammation, à l’aide de l’étincelle électrique et en vases clos, d’un mélange d’oxygène et d’hydrogène. Deux choses, disait-on, en résultaient : 1o une perte sensible de poids ; 2o la précipitation de quelque humidité sur les parois des vases.

Watt dit, par inadvertance, dans la note de la page 332 de son Mémoire (Trans. philos., 1784), que la précipitation aqueuse fut observée, pour la première fois, par Cavendish ; mais Cavendish, lui-même, déclare, p. 127, que Warltire avait aperçu le léger dépôt aqueux, et cite, à ce sujet, le 5e volume de Priestley. Cavendish ne put constater aucune perte de poids. Il remarque que les essais de Priestley l’avaient conduit au même résultat[2], et ajoute que l’humidité déposée ne contient aucune impureté (littéralement, aucune parcelle de suie ou de matière noire, any sooty matter). Après un grand nombre d’essais, Cavendish reconnut que si on allume un mélange d’air commun et d’air inflammable, formé de 1000 mesures du premier et de 423 du second, « un cinquième environ de l’air commun et à peu près la totalité de l’air inflammable perdent leur élasticité, et forment en se condensant la rosée qui couvre le verre… En examinant la rosée, Cavendish trouva que cette rosée est de l’eau pure… Il en conclut que presque tout l’air inflammable et environ un sixième de l’air commun deviennent de l’eau pure (are turned into pure Water). »

Cavendish brûla de la même manière un mélange d’air inflammable et d’air déphlogistiqué (d’hydrogène et d’oxygène) ; le liquide précipité fut toujours plus ou moins acide, suivant que le gaz brûlé avec l’air inflammable contenait plus ou moins de phlogistique. Cet acide engendré était de l’acide nitrique.

M. Cavendish établit que « presque la totalité de l’air inflammable et de l’air déphlogistiqué est convertie en eau pure ; » et encore, « que si ces airs pouvaient être obtenus dans un état complet de pureté, la totalité serait condensée. » Si l’air commun et l’air inflammable ne donnent pas d’acide quand on les brûle, c’est, suivant l’auteur, parce qu’alors la chaleur n’est pas intense.

Cavendish déclare que ses expériences, à l’exception de ce qui est relatif à l’acide furent faites dans l’été de 1781, et que Priestley en eut connaissance. Il ajoute : « Un de mes amis en dit quelque chose ( gave some account ) à Lavoisier, le printemps dernier ( le printemps de 1783 ), aussi bien que de la conclusion que j’en avais tirée, savoir, que l’air déphlogistiqué est de l’eau privée de phlogistique. Mais, à cette époque, Lavoisier était tellement éloigné de penser qu’une semblable opinion fut légitime, que jusqu’au moment où il se décida à répéter lui-même les expériences, il trouvait quelque difficulté à croire que la presque totalité des deux airs pût être convertie en eau. »

L’ami cité dans le passage précédent était le docteur, devenu ensuite sir Charles Blagden. C’est une circonstance remarquable que ce passage du travail de Cavendish semble n’avoir pas fait partie du Mémoire original présenté à la Société royale. Le Mémoire paraît écrit de la main de l’auteur lui-même ; mais les paragraphes 134 et 135 n’y étaient pas primitivement ; ils sont ajoutés avec une indication de la place qu’ils doivent occuper ; l’écriture n’est plus celle de Cavendish ; ces additions sont de la main de Blagden. Celui-ci dut donner tous les détails relatifs à Lavoisier, avec lequel on ne dit pas que Cavendish entretint quelque correspondance directe.

La date de la lecture du Mémoire de Cavendish est le 15 janvier 1784. Le volume des Transactions philosophiques, dont ce Mémoire fait partie, ne parut qu’environ six mois après.

Le Mémoire de Lavoisier (volume de l’Académie des sciences pour 1781) avait été lu en novembre et décembre 1783. On y fit ensuite diverses additions. La publication eut lieu en 1784.

Ce Mémoire contenait la relation des expériences du mois de juin 1783, auxquelles Lavoisier annonce que Blagden fut présent. Lavoisier ajoute que ce phycisien anglais lui apprit « que déjà Cavendish ayant brûlé de l’air inflammable en vases clos, avait obtenu une quantité d’eau très-sensible ; » mais il ne dit nulle part que Blagden fit mention de conclusions tirées par Cavendish de ces mêmes expériences.

Lavoisier déclare, de la manière la plus expresse, que le poids de l’eau est égal à celui des deux gaz brûlés, à moins que, contrairement à sa propre opinion, on n’attribue un poids sensible à la chaleur et à la lumière qui se dégagent dans l’expérience.

Ce récit est en désaccord avec celui de Blagden, qui, suivant toute probabilité, fut écrit comme une réfutation du récit de Lavoisier, après la lecture du Mémoire de Cavendish et lorsque le volume de l’Académie des sciences n’était pas encore parvenu en Angleterre. Ce volume parut en 1784, et, certainement, il n’avait pu arriver à Londres ni lorsque Cavendish lut son travail à la Société royale, ni à plus forte raison quand il le rédigea. On doit, en outre, remarquer que, dans le passage du manuscrit du Mémoire de Cavendish, écrit de la main de Blagden, il n’est question que d’une seule communication des expériences : d’une communication à Priestley. Les expériences, y est-il dit, sont de 1781 ; mais on ne rapporte aucunement la date de la communication. On ne nous apprend pas davantage si les conclusions tirées de ces expériences, et qui, d’après Blagden, furent communiquées par lui à Lavoisier pendant l’été de 1783, étaient également comprises dans la communication faite à Priestley. Ce chimiste, dans son Mémoire rédigé avant le mois d’avril 1783, lu en juin de la même année, et cité par Cavendish, ne dit rien de la théorie de ce dernier, quoiqu’il cite ses expériences.

Plusieurs propositions découlent de ce qui précède :

1o Cavendish, dans le Mémoire qui fut lu à la Société royale le 15 janvier 1784, décrit l’expérience capitale de l’inflammation de l’oxygène et de l’hydrogène en vaisseaux clos, et cite l’eau comme produit de cette combustion ;

2o Dans le même Mémoire, Cavendish tire de ses expériences la conséquence que les deux gaz mentionnés se transforment en eau ;

3o Dans une addition de Blagden, faite avec le consentement de Cavendish, on donne aux expériences de ce dernier la date de l’été de 1781 ; on cite une communication à Priestley, sans en préciser l’époque, sans parler de conclusions, sans même dire quand ces conclusions se présentèrent à l’esprit de Cavendish. Ceci doit être regardé comme une très-grosse omission ( a most material omission ) ;

4o Dans une des additions faites au Mémoire par Blagden, la conclusion de Cavendish est rapportée en ces termes : Le gaz oxygène est de l’eau privée de phlogistique. Cette addition est postérieure à l’arrivée du Mémoire de Lavoisier en Angleterre.

On peut observer de plus que dans une autre addition au Mémoire de Cavendish, écrite de la main de ce chimiste, et qui est certainement postérieure à l’arrivée en Angleterre du Mémoire de Lavoisier, Cavendish établit distinctement pour la première fois, comme dans l’hypothèse de Lavoisier, que l’eau est un composé d’oxygène et d’hydrogène. Peut-être ne trouvera-t-on pas une différence essentielle entre cette conclusion et celle à laquelle Cavendish s’était d’abord arrêté, que le gaz oxygène est de l’eau privée de phlogistique, car il suffira, pour les rendre identiques, de considérer le phlogistique comme de l’hydrogène ; mais dire de l’eau qu’elle se compose d’oxygène et d’hydrogène, c’est, certainement, s’arrêter à une conclusion plus nette et moins équivoque. J’ajoute que dans la partie originale de son Mémoire, dans celle qui fut lue à la Société royale avant l’arrivée du Mémoire de Lavoisier en Angleterre, Cavendish trouve plus juste de considérer l’air inflammable « comme de l’eau phlogisliquée que comme du phlogistique pur » (p. 140).

Voyons maintenant quelle a été la part de Watt. Les dates joueront ici un rôle essentiel.

Il paraît que Watt écrivit au docteur Priestley, le 26 avril 1783, une lettre dans laquelle il dissertait sur l’expérience de l’inflammation des deux gaz en vaisseaux clos, et qu’il y arrivait à la conclusion que « l’eau est composée d’air déphlogistiqué et de phlogistique, privés l’un et l’autre d’une partie de leur chaleur latente. »[3]

Priestley déposa la lettre dans les mains de sir Joseph Banks, avec la prière d’en faire donner lecture à une des plus prochaines séances de la Société royale. Mais Watt désira ensuite qu’on différât cette lecture, afin de se donner le temps de voir comment sa théorie s’accorderait avec des expériences récentes de Priestley. En définitive, la lettre ne fut lue qu’en avril 1784[4] Cette lettre, Watt la fondit dans un Mémoire adressé à Deluc, en date du 20 novembre 1783[5] Beaucoup de nouvelles observations, de nouveaux raisonnements, figuraient dans le Mémoire ; mais la presque totalité de la lettre originale y était conservée, et dans l’impression on la distingua des additions par des guillemets retournés. Dans la partie ainsi guillemetée se trouve l’importante conclusion citée ci-dessus. On lit aussi que la lettre fut communiquée à plusieurs membres de la Société royale, lorsqu’en avril 1783 elle parvint au docteur Priestley.

Dans le Mémoire de Cavendish tel qu’il fut d’abord lu, il n’y avait aucune allusion à la théorie de Watt ; mais une addition, postérieure à la lecture des lettres de ce dernier et écrite en entier de la main de Cavendish, mentionne cette théorie (Trans. philos., 1784, p. 140). Cavendish expose dans cette addition les raisons qu’il croit avoir pour ne pas compliquer ses conclusions, comme Watt le faisait, de considérations relatives au dégagement de chaleur latente ; mais elle laisse dans le doute sur la question de savoir si l’auteur eut jamais connaissance de la lettre à Priestley d’avril 1783, ou s’il vit seulement la lettre datée du 26 novembre 1783 et lue le 29 avril 1784 ; sur quoi il importe de remarquer que les deux lettres parurent dans les Transactions philosophiques réunies en une seule. La lettre à Priestley du 26 avril 1783 resta quelque temps ( deux mois d’après le Mémoire de Watt) dans les mains de sir Joseph Banks et d’autres membres de la Société royale, pendant le printemps de 1783. C’est ce qui résulte des circonstances que relate la note de la page 330. Il semble difficile de supposer que Blagden, secrétaire de la Société, ne vit pas le Mémoire. Sir Joseph Banks dut le lui remettre, puisqu’il l’avait destiné à être lu en séance (Trans. philos., 1784, p. 330, note). Ajoutons que puisque la lettre a été conservée aux archives de la Société royale, elle était sous la garde de Blagden, secrétaire. Serait-il possible de supposer que la personne dont la main écrivit le remarquable passage, déjà cité, relatif à une communication, faite à Lavoisier en juin 1783, des conclusions de Cavendish, n’aurait pas dit au même Cavendish que Watt était arrivé à ces conclusions au plus tard en avril 1783 ? Les conclusions sont identiques, avec la simple différence que Cavendish appelle air déphlogistiqué de l’eau privée de son phlogistique, et que Watt dit que l’eau est un composé d’air déphlogistiqué et de phlogistique.

Nous devons remarquer qu’il y a dans la théorie de Watt la même incertitude, le même vague que nous avons déjà trouvé dans celle de Cavendish, et qu’elle provient aussi de l’emploi du terme, non exactement défini, de phlogistique[6]. Chez Cavendish, on ne saurait décider si le phlogistique est tout simplement de l’air inflammable, ou si ce chimiste n’est pas plutôt enclin à considérer comme air inflammable une combinaison d’eau et de phlogistique. Watt dit expressément, même dans son Mémoire du 26 novembre 1783, et dans un passage qui ne fait pas partie de la lettre d’avril 1783, que l’air inflammable, suivant ses idées, contient une petite quantité d’eau et beaucoup de chaleur élémentaire.

Ces expressions, de la part de deux hommes aussi éminents, doivent être regardées comme la marque d’une certaine hésitation, touchant la composition de l’eau. Si Watt et Cavendish avaient eu l’idée précise que l’eau résulte de la réunion des deux gaz privés de leur chaleur latente, de la réunion des bases de l’air inflammable et de l’air déphlogistiqué ; si cette conception avait eu dans leur esprit autant de netteté que dans celui de Lavoisier, ils auraient certainement évité l’incertitude et l’obscurité que j’ai signalées[7].

En ce qui concerne Watt, voici les nouveaux faits que nous venons d’établir :

1o Il n’y a point de preuves que personne ait donné, avant Watt, et dans un document écrit, la théorie actuelle de la composition de l’eau.

2o Cette théorie, Watt l’établit pendant l’année 1783 en termes plus distincts que ne le fit Cavendish dans son Mémoire lu à la Société royale en janvier 1784. En faisant entrer le dégagement de chaleur latente en ligne de compte, Watt ajouta notablement à la clarté de sa conception.

3o Il n’y a aucune preuve, il n’y a même aucune assertion de laquelle il résulte que la théorie de Cavendish (Blagden l’appelle la conclusion) ait été communiquée à Priestley avant l’époque où Watt consigna ses idées dans la lettre du 26 avril 1783 ; à plus forte raison, rien ne peut faire supposer, surtout quand on a lu la lettre de Watt, que cet ingénieur ait jamais appris quelque chose de relatif à la composition de l’eau, soit de Priestley, soit de toute autre personne.

4o La théorie de Watt était connue des membres de la Société royale, plusieurs mois avant que les conclusions de Cavendish eussent été confiées au papier ; huit mois avant la présentation du Mémoire de ce chimiste à la même Société. Nous pouvons aller plus loin et déduire, des faits et des dates sous nos yeux, que Watt parla le premier de la composition de l’eau ; que, si quelqu’un le précéda, il n’en existe aucune preuve.

5o Enfin, une répugnance à abandonner la doctrine du phlogistique, une sorte de timidité à se séparer d’une opinion depuis si longtemps établie, si profondément enracinée, empêcha Watt et Cavendish de rendre complète justice à leur propre théorie[8], tandis que Lavoisier, qui avait rompu ces entraves, présenta le premier la nouvelle doctrine dans toute sa perfection.

Il serait très-possible que, sans rien savoir de leurs travaux respectifs, Watt, Cavendish, Lavoisier eussent, à peu près en même temps, fait le grand pas de conclure de l’expérience que l’eau est le produit de la combinaison des deux gaz si souvent cités. Telle est, en effet, avec plus ou moins de netteté, la conclusion que les trois savants présentèrent. Reste maintenant la déclaration de Blagden, d’après laquelle Lavoisier aurait eu communication de la théorie de Cavendish, même avant d’avoir fait son expérience capitale. Cette déclaration, Blagden l’inséra dans le Mémoire même de Cavendish[9] ; elle parut dans les Transactions philosophiques, et il ne semble pas que Lavoisier l’ait jamais contredite, quelque inconciliable qu’elle fût avec son propre récit.

Malgré toute la susceptibilité jalouse de Blagden en faveur de la priorité de Cavendish, il n’y a pas eu de sa part une seule allusion de laquelle on puisse induire qu’avant de publier sa théorie, Watt avait entendu parler de celle de son compétiteur.

Nous ne serons pas aussi affirmatif, relativement à la question de savoir si Cavendish avait quelque connaissance du travail de Watt avant de rédiger les conclusions de son propre Mémoire. Pour soutenir que Cavendish n’ignorait pas les conclusions de Watt, on pourrait remarquer combien il serait improbable que Blagden et d’autres, de qui ces conclusions étaient connues, ne lui en eussent jamais parlé. On pourrait encore dire que Blagden, même dans les parties du Mémoire écrites de sa main et destinées à réclamer la priorité en faveur de Cavendish contre Lavoisier, n’affirme nulle part que la théorie de Cavendish fût conçue avant le mois d’avril 1783, quoique, dans une autre addition au Mémoire original de son ami, il y ait une citation relative à la théorie de Watt.

Puisque la question de savoir à quelle époque Cavendish tira des conclusions de ses expériences est enveloppée dans une grande obscurité, il ne sera pas sans utilité de rechercher qu’elles étaient les habitudes de ce chimiste quand il communiquait ses découvertes à la Société royale.

Un comité de cette Société, auquel Gilpin était associé, fit une série d’expériences sur la formation de l’acide nitrique. Ce comité, placé sous la direction de Cavendish, se proposait de convaincre ceux qui doutaient de la composition de l’acide en question, indiquée incidentellement dans le Mémoire de janvier 1784, et ensuite plus au long dans un Mémoire de juin 1785. Les expériences furent exécutées du 6 décembre 1787 au 19 mars 1788. La date de la lecture du Mémoire de Cavendish est le 17 avril 1788. La lecture et l’impression du Mémoire suivirent donc, à moins d’un mois de distance, l’achèvement des expériences.

Kirwan présenta des objections contre le Mémoire de Cavendish relatif à la composition de l’eau, le 5 février 1784. La date de la lecture de la réponse de Cavendish est le 4 mars 1784.

Les expériences sur la densité de la terre embrassèrent l’intervalle du 5 août 1797 au 27 mai 1798. La date de la lecture du Mémoire est le 27 juin 1798.

Dans le Mémoire sur l’eudiomètre, les expériences citées sont de la dernière moitié de 1781, et le Mémoire ne fut lu qu’en janvier 1783. Ici l’intervalle est plus grand que dans les précédentes communications. Mais, d’après la nature du sujet, il est probable que l’auteur se livra à de nouveaux essais en 1782.

Tout rend probable que Watt conçut sa théorie durant le peu de mois ou de semaines qui précédèrent le mois d’avril 1783. Il est certain que cette théorie il la considéra comme sa propriété, car il ne fit allusion à aucune communication analogue et antérieure ; car il ne dit pas avoir entendu raconter que Cavendish fût arrivé aux mêmes conclusions.

On ne saurait croire que Blagden n’eût pas entendu parler de la théorie de Cavendish avant la date de la lettre de Watt, si la théorie avait en effet précédé la lettre et qu’il ne se fût pas empressé de signaler cette circonstance dans les additions qu’il fit au Mémoire de son ami.

Il est bon enfin de remarquer que Watt s’en reposa entièrement sur Blagden du soin de corriger les épreuves, et de tout ce qui pouvait être relatif à l’impression de son Mémoire. Cela résulte d’une lettre encore existante adressée à Blagden. Watt vit son Mémoire seulement après qu’il eut été imprimé.


Les notes de M. Watt fils faisaient partie du manuscrit qui m’a été remis par lord Brougham, et c’est sur la demande expresse de mon illustre confrère que je les ai fait imprimer comme un utile commentaire de son travail.



  1. La letre de Warltire, datée de Birmingham le 18 avril 1781, fut publiée par le docteur Priestley dans le 2e vol. de ses Experiments and observations relating to various branches of natural philosophy ; with a continuation of the observations on air, formant dans le fait le 5e vol. des Experiments and observations on different kinds of air, imprimé à Birmingham en 1781. (Note de M. Watt fils.)
  2. La note de Cavendish à la page 127, paraît impliquer que Priestley n’avait aperçu aucune perte de poids ; mais je ne trouve cette assertion dans aucun des mémoires du chimiste de Birmingham.

    Les premières expériences de Warltire sur la conflagration des gaz furent faites dans un globe de cuivre dont le poids était de 398 grammes, et le volume de 170 centilitres. L’auteur voulait « décider si la chaleur est ou n’est pas pesante. »

    Warltire décrit d’abord les moyens de mélanger les gaz et d’ajuster la balance ; il dit ensuite : « J’équilibrais toujours exactement le vase rempli d’air commun, afin que la différence de poids, à la suite de l’introduction de l’air inflammable, me permît de juger si le mélange avait été opéré dans les proportions voulues. Le passage de l’étincelle électrique rendait le globe chaud. Après qu’il s’était refroidi par son exposition à l’air de la chambre, je le suspendais de nouveau à la balance. Je trouvais toujours une perte de poids, mais il y avait des différences d’une expérience à l’autre. En moyenne la perte fut de 129 milligrammes. »

    Warltire continue ainsi : « j’ai enflammé mes airs dans des vases de verre, depuis que je vous l’ai vu faire récemment vous-même (Priestley), et j’ai observé comme vous (as you did) que bien que le vase fût net et sec avant l’explosion, il était après, couvert de rosée et d’une substance noire (sooty substance). »

    En balançant tous les droits, le mérite d’avoir aperçu la rosée n’appartient-il pas à Priestley ?

    Dans les quelques remarques dont Priestley a fait suivre la lettre de son correspondant, il confirme la perte de poids, et ajoute : « Je ne pense pas, cependant, que l’opinion si hardie que la chaleur latente des corps entre pour une part sensible, dans leur poids, puisse être admise sans des expériences faites sur une plus grande échelle. Si cela se confirme, ce sera un fait très-remarquable et qui fera le plus grand honneur à la sagacité de Warltire.

    « Il faut dire encore, continue Priestley, qu’au moment où il (Warltire) vit la rosée a la surface intérieure du vase de verre fermé, il dit que cela confirmait une opinion qu’il avait depuis longtemps : l’opinion que l’air commun abandonne son humidité quand il est phlogistiqué. »

    Il est donc évident que Warltire expliquait la rosée par la simple précipitation mécanique de l’eau hygrométrique contenue dans l’air commun. (Note de M. Watt fils.)

  3. Nous pouvons en toute assurance déduire de la correspondance inédite de Watt, qu’il avait déjà formé sa théorie sur la composition de l’eau, en décembre 1782, et probablement plus tôt. Au surplus, dans son Mémoire du 21 avril 1783, Priestley déclare qu’avant ses propres expériences, Watt s’était attaché à l’idée que la vapeur d’eau pourrait être transformée en des gaz permanents (p. 416).

    Watt lui-même, dans son Mémoire (p. 335), déclare que depuis plusieurs années il avait adopté l’opinion que l’air était une modification de l’eau, et il fait connaître avec détail les expériences et les raisonnements sur lesquels cette opinion s’appuyait. (Note de M. Watt fils.)

  4. La lettre à Priestley fut lue le 22 avril 1784.
  5. Sans le moindre doute le physicien genevois, alors à Londres, le reçut à cette époque. Il resta dans ses mains jusqu’au moment où Watt entendit parler de la lecture à la Société royale du mémoire de Cavendish. Dès ce moment mon père fit toutes les diligences nécessaires pour que le Mémoire adressé à Deluc et la lettre du 26 avril 1783 adressée au docteur Priestley fussent immédiatement lus à la Société royale. Cette lecture, réclamée par Watt, du Mémoire adressé à Deluc, est du 29 avril 1784. (Note de M. Watt fils.).
  6. Dans une note de son Mémoire du 26 novembre 1783 (p. 331), on lit cette remarque de Watt : « Antérieurement aux expériences du docteur Priestley, Kirwan avait prouvé par d’ingénieuses déductions empruntées à d’autres faits, que l’air inflammable est, suivant toute probabilité, le vrai phlogistique sous une forme aérienne. Les arguments de Kirwan me semblent à moi parfaitement convaincants ; mais il paraît plus convenable d’établir ce point de la question sur des expériences directe. »
  7. Au bas de la page 331 des Transactions, dans une partie de sa lettre d'avril 1783, imprimée en Italique, Watt dit : « Ne sommes-nous pas dès lors autorisé à conclure que l’eau est composée d’air déphlogistiqué et de phlogistique, dépouillés d’une partie de leur chaleur latente ou élémentaire ; que l’air déphlogistiqué, ou l’air pur, est de l’eau privée de son phlogistique et unie à de la chaleur ou à de la lumière élémentaire ; que la chaleur et la lumière y sont certainement contenus à l’état latent, puisqu’elles n’affectent ni le thermomètre, ni l’œil ? Si la lumière est seulement une modification de la chaleur, ou une particularité de son existence, ou une partie constituante de l’air inflammable, alors l’air pur ou déphlogistiqué est de l’eau privée de son phlogistique et unie à de la chaleur élémentaire. »

    Ce passage n’est-il pas aussi clair, aussi précis, aussi intelligible que les conclusions de Lavoisier ? (Note de M. Watt fils.)

    L’obscurité que lord Brougham reproche aux conceptions théoriques de Watt et de Cavendish ne me semble pas réelle. En 1784, on savait préparer deux gaz permanents et très-dissemblables. Ces deux gaz, les uns les appelaient air pur et air inflammable ; d’autres, air déphlogistiqué et phlogistique ; d’autres, enfin, oxygène et hydrogène. Par la combinaison de l’air déphlogistiqué et du phlogistique, on engendra de l’eau ayant un poids égal à celui des deux gaz. L’eau, dès lors, ne fut plus un corps simple : elle se composa d’air déphlogistiqué et de phlogistique. Le chimiste qui tira cette conséquence, pouvait avoir de fausses idées sur la nature intime du phlogistique, sans que cela jetât aucune incertitude sur le mérite de sa première découverte. Aujourd’hui même a-t-on mathématiquement démontré que l’hydrogène (ou le phlogistique) est un corps élémentaire ; qu’il n’est pas, comme Watt et Cavendish le crurent un moment, la combinaison d’un radical et d’un peu d’eau ? (Note de M. Arago.)

  8. Personne ne devait s’attendre que Watt, écrivant et publiant pour la première fois, en butte aux soucis d’une fabrication immense et d’affaires commerciales également étendues, pourrait lutter avec la plume éloquente et exercée de Lavoisier ; mais le résumé de sa théorie ( voyez la page 331 du Mémoire ) me paraît à moi, qui, à vrai dire, ne suis peut-être pas un juge impartial, aussi lumineux et aussi remarquable par l’expression, que les conclusions de l’illustre chimiste français. ( Note de M. Watt fils. )
  9. Une lettre au professeur Crell, dans laquelle Blagden donna une histoire détaillée de la découverte, parut dans les Annalen de 1786. Il est remarquable que, dans cette lettre, Blagden dit qu’il communiqua à Lavoisier les opinions de Cavendish et de Watt, et que ce dernier nom figure là pour la première fois dans le récit des confidences verbales du secrétaire de la Société royale. ( Note de M. Watt fils. )