JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905

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JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905
CHAMBRE DES DÉPUTÉS
Séance du mardi 21 mars.





SOMMAIRE
1. — Procès-verbal : MM. Lamy, Gaffier.
2. — Excuses et demandes de congé.
3. — Communication de deux décrets désignant des commissaires du Gouvernement pour assister :
Le 1er, le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes ;
Le 2e, le président du conseil, ministre des finances, dans la discussion du projet de loi et des diverses propositions de loi concernant la séparation des Églises et de l’État.
4. — Communication du ministre du commerce, de l’industrie, des postes et des télégraphes relative à la désignation de trois membres de la Chambre devant faire partie du comité consultatif des assurances sur la vie.
5. — 1re délibération sur le projet de loi et les diverses propositions de loi concernant la séparation des Églises et de l’État. — Motion préjudicielle de M. Georges Berry : MM. Georges Berry, Aristide Briand, rapporteur ; Lasies, Bienvenu Martin, ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes ; J. Thierry. Retrait. — Reprise de la motion par M. Trouin et plusieurs de ses collègues. Rejet, au scrutin. — Motion préjudicielle de M. Gayraud : MM. Gayraud, Jean Codet, François Fournier. — Demande de renvoi à la commission : MM. le rapporteur, le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes. Rejet, au scrutin. — Retrait de la motion.
6. — Règlement de l’ordre du jour : M. Decker-David, président de la commission de l’agriculture.
7. — Dépôt, par M. le ministre de l’intérieur, d’un projet de loi tendant à distraire la commune de Pourlans (Saône-et-Loire) du canton de Verdun-sur-Doubs (même département).
8. — Dépôt par M. Maujan d’un rapport, fait au nom de la commission de l’armée sur le projet de résolution de M. Jules-Louis Breton et plusieurs de ses collègues relatif à la réduction à quinze jours des périodes de vingt-huit jours et à la suppression des périodes de treize jours.
Dépôt par M. Charles Chabert d’un rapport, fait au nom de la commission de comptabilité, concernant l’ouverture d’un crédit supplémentaire applicable aux dépenses de la Chambre des députés pour l’exercice 1904.
9. — Dépôt, par M. de Beauregard, d’une proposition de loi tendant à établir un droit protecteur sur le sulfate de baryte en roche et en poudre de provenance étrangère.
Dépôt, par M. Charles Dumont, d’une proposition de loi sur l’administration de l’armée (services de l’intendance et de santé).
10. — Congés.


PRÉSIDENCE DE M. PAUL DOUMER


La séance est ouverte à deux heures.


1. — PROCÈS-VERBAL

M. Lucien Cornet, l’un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de vendredi dernier.

M. le président. La parole est à M. Lamy sur le procès-verbal.

M. Lamy. Dans le scrutin qui a eu lieu vendredi dernier sur l’amendement de M. Cuneo d’Ornano à l’article 51 de la proposition de loi relative à la réduction du service militaire à deux ans, je suis porté à tort comme ayant voté « contre » cet amendement ; en réalité j’ai voté « pour ».

M. Gaffier. Dans le procès-verbal de la dernière séance, je suis porté comme n’ayant pas pris part au vote sur l’ensemble de la loi militaire et je suis indiqué comme étant en congé.

La vérité est que j’ai voté en faveur de la loi réduisant le service militaire à deux ans et, s’il n’a pas été tenu compte de mon bulletin de vote par les scrutateurs, c’est que par suite d’un malentendu, la demande que j’avais formée pour être relevé de congé n’a pas dû leur être remise en temps utile.

M. le président. Il n’y a pas d’autres observations sur le procès-verbal ?…

Le procès-verbal est adopté.


2. — EXCUSES ET DEMANDES DE CONGÉ.

M. le président. MM. Perroche, Massabuau et Mando s’excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour.

MM. Cauvin et de Moustier s’excusent de ne pouvoir, pendant quelques jours, assister aux séances de la Chambre.

MM. Delarbre, du Roscoat, Jehanin, Bourlon de Rouvre et Germain Périer s’excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour et demandent des congés.

Les demandes seront renvoyées à la commission des congés.


3. — DÉCRETS DÉSIGNANT DES COMMISSAIRES DU GOUVERNEMENT

M. le président. J’ai reçu de M. le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes ampliation du décret suivant :

« Le Président de la République française,

« Sur le rapport du ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes,

« Vu l’article 6, paragraphe 2 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics, qui dispose que les ministres peuvent se faire assister devant les deux Chambres par des commissaires désignés pour la discussion d’un projet de loi déterminé,

« Décrète :

« Art. 1er. — Sont désignés en qualité de commissaires du Gouvernement, pour assister le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes, devant la Chambre des députés, dans la discussion du projet de loi relatif à la séparation des Églises et de l’État.

« M. Dumay, conseiller d’État, directeur général des cultes ;

« M. Théodore Tissier, maître des requêtes au conseil d’État, chef du cabinet du ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes.

« Art. 2. — Le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes est chargé de l’exécution du présent décret,

« Fait à Paris, le 19 mars 1905.

« ÉMILE LOUBET.

« Par le Président de la République :

« Le ministre de l’instruction publique,
des beaux-arts et des cultes,
« BIENVENU MARTIN. »

J’ai reçu de M. le ministre des finances ampliation du décret suivant :

« Le Président de la République française,

« Sur la proposition du président du conseil, ministre des finances,

« Vu l’article 6, paragraphe 2 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics, qui dispose que les ministres peuvent se faire assister devant les deux Chambres par des commissaires désignés pour la discussion d’un projet de loi déterminé,

« Décrète :

« Art. 1er. — MM. Moreau, directeur du cabinet et du personnel ; Payelle, conseiller d’État en service extraordinaire, directeur général des contributions directes ; Marcel Fournier, directeur général de l’enregistrement, des domaines et du timbre, désignés en qualité de commissaires du Gouvernement pour assister le président du conseil, ministre des finances à la Chambre des députés, dans la discussion du projet de loi et des diverses propositions de loi concernant la séparation des Églises et de l’État.

« Art. 2. — Le président du conseil, ministre des finances, est chargé de l’exécution du présent décret.

« Fait à Paris, le 19 mars 1905.

« ÉMILE LOUBET.

« Par le Président de la République :

« Le président du conseil,
ministre des finances,
« ROUVIER. »

Acte est donné des communications dont la Chambre vient d’entendre la lecture. Les décrets seront insérés au procès-verbal de la séance de ce jour et déposés aux archives.


4. — COMMUNICATION RELATIVE À LA NOMINATION DE TROIS MEMBRES DU COMITÉ CONSULTATIF DES ASSURANCES SUR LA VIE

M. le président. J’ai reçu de M. le ministre du commerce et de l’industrie la communication suivante, dont je donne connaissance à la Chambre :

« Monsieur le président et cher collègue,

« L’article 10 de la loi du 17 mars 1905 relative à la surveillance et au contrôle des sociétés d’assurances sur la vie et de toutes les entreprises dans les opérations desquelles intervient la durée de la vie humaine, a institué auprès du ministère du commerce un « comité consultatif des assurances sur la vie » qui comprend trois membres de la Chambre des députés élus par leurs collègues.

« Ce comité doit être notamment consulté pour l’élaboration des divers décrets spécifiés à l’article 9.

« L’application de la loi elle-même se trouvant subordonnée à la promulgation de ces décrets, il y a un sérieux intérêt à ce que le comité consultatif des assurances sur la vie puisse se trouver immédiatement constitué et commencer sans délai ses travaux.

« J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien inviter la Chambre des députés à désigner dans une séance très prochaine ceux de ses membres qui doivent faire partie du comité consultatif et je vous serai obligé de me faire parvenir le plus tôt possible un extrait du procès-verbal de la séance dans laquelle il aura été procédé à cette élection.

« Agréez, monsieur le président et cher collègue, l’assurance de ma haute considération.

« le ministre du commerce, de l’industrie,
des postes et des télégraphes
« F. DUBIEF. »

Je propose à la Chambre de procéder à la nomination des trois membres de ce comité consultatif à la séance de jeudi dans les formes ordinaires.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi ordonné.


5. — 1re DÉLIBÉRATION SUR LE PROJET ET LES PROPOSITIONS DE LOI CONCERNANT LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ÉTAT.

M. le président. L'ordre du jour appelle la 1re délibération sur le projet de loi et les diverses propositions de loi concernant la séparation des Eglises et de l'Etat.

Avant d'ouvrir la discussion générale, je dois donner connaissance à la Chambre de deux motions préjudicielles, l'une, de M. Georges Berry, l'autre, de M. l'abbé Gayraud.

La motion de M. Georges Berry est ainsi conçue :

« La Chambre décide qu'il ne sera pas statué, dans cette législature, sur les propositions de séparation des Eglises et de l'Etat et prononce l'ajournement du débat. »

La seconde motion, présentée par M. l'abbé Gayraud, est rédigée de la façon suivante :

« La Chambre, considérant que la loyauté diplomatique et l'honnêteté politique, non moins que l'intérêt de l'ordre public et de la paix religieuse, exigent que la dénonciation du Concordat, l'abrogation de la loi du 18 germinal an X, et la séparation des Eglises et de l'Etat soient faites à l'amiable, décide de surseoir à toute délibération sur le projet de loi relatif à ce sujet et invite le Gouvernement à réunir une commission extraparlementaire de ministres des divers cultes, de concert avec les chefs des Eglises intéressées, afin de préparer un accord avec ces Eglises sur les conditions de la séparation. »

Je donne la parole à M. Georges Berry pour développer sa motion.

M. Georges Berry. J'ai déposé une motion préjudicielle tendant à demander à la Chambre de surseoir à l'examen du projet de séparation des Eglises et de l'Etat jusqu'après les élections de 1906.

J'ai été amené à déposer cette motion en m'inspirant des avis de tous ceux qui ont collaboré à la Constitution qui nous régit aujourd'hui et en particulier de l'opinion de M. Waldeck-Rousseau qui, en 1896, prononçant un discours sur les relations des députés avec le suffrage universel s'exprimait ainsi :

« La Constitution a proclamé que le droit du suffrage universel est permanent et non point temporaire. Elle a voulu qu'aussitôt que l'intérêt du pays l'exigeât, il fût consulté, qu'en tout temps le Parlement lui demeurât subordonné et c'est pourquoi le pouvoir exécutif, par sa prérogative essentielle n'est point son adversaire, mais son témoin et son garant. La faculté de dissolution, inscrite dans la Constitution, n'est point pour le suffrage universel une menace, mais une sauvegarde.

« Elle est le contrepoids essentiel aux excès de parlementarisme et c'est pour elle que s'affirme le caractère démocratique de nos institutions. »

Je ne pouvais pas placer cette discussion sous un meilleur patronage. En effet, n'êtes-vous pas avant tout les hommes du suffrage universel et votre titre de représentants du peuple ne vous interdit-il pas de trancher des questions aussi graves que celle qui nous occupe, avant d'en avoir référé à vos électeurs. (Très bien ! très bien ! à droite et sur divers bancs au centre.)

Or l'importante question que nous allons discuter n'a pas été soumise, que je sache, aux collèges électoraux et, d'autre part, chaque fois qu'elle a été posée aux élections législatives, le corps électoral a répondu très nettement qu'il ne voulait pas de la séparation.

A l'extrême gauche. Jamais de la vie !

M. Georges Berry. Je vais vous le prouver.

Vous savez qu'en 1881 se produisit en France un grand mouvement, plus factice que réel d'ailleurs, en faveur de la séparation des Eglises et de l'Etat ; la plupart des programmes électoraux posèrent la question et la grande majorité des électeurs se prononça contre la dénonciation du Concordat. (Applaudissements à droite et sur divers bancs.)

La Chambre consultée à cette époque repoussa la suppression à une majorité de 300 voix.

Je ne veux pas, messieurs, passer en revue toutes les périodes électorales et j'arrive à la dernière.

J'ai pris soin de faire le relevé des professions de foi contenues dans le livre publié par notre collègue, M. Fouquet, et je suis arrivé à ce résultat : en 1902, 269 élus se sont occupés de la question ; 140 ont affiché qu'ils étaient contre la séparation et 129 qu'ils étaient pour cette séparation.

M. Octave Chenavaz. M. Fouquet a fait un compte absolument inexact. Il n'a pas analysé toutes les circulaires et déclarations écrites faites par les candidats.

M. Georges Berry. Ce n'est pas lui qui a fait ce compte ; c'est moi.

M. Octave Chenavaz. M. Fouquet a fait entrer dans son calcul, comme n'ayant pas dans leur mandat la séparation, des députés qui ont reçu ce mandat depuis longtemps et qui, tout en le maintenant de plano, comme la révision de la Constitution, ne l'ont pas renouvelé dans toutes leurs affiches ou circulaires aux dernières élections. Je suis de ces derniers et c'est pourquoi je dis que les chiffres de M. Fouquet sont inexacts.

M. Georges Berry. Mon cher collègue, je n'ai tenu aucun compte des professions de foi qui ont laissé de côté la question de séparation ; j'ai dit que 269 députés en avaient parlé ; vous n'êtes pas de ceux-là, je ne vous mets pas en cause.

269 députés s'en sont occupés ; 140 ont déclaré qu'ils voteraient « contre », 129 ont déclaré qu'ils voteraient « pour ». Voilà la situation exacte des partis.

Mais, si je laisse de côté tous ceux de nos collègues qui sont des partisans de la séparation et qui n'en ont pas parlé, vous m'avouerez, messieurs, que je ne peux pas passez sous silence, ceux qui s'étant déclarés d'une façon formelle les adversaires de la séparation des Eglises et de l'Etat, ont sans souci de leurs anciennes déclarations voté, le 10 février 1905, le principe même de cette séparation.

J'ai relevé les noms de quelques-uns de nos collègues qui sont dans ce cas — j'aurais pu en citer un grand ombre : cependant, je ne veux pas être trop sévère, espérant que quelques-uns reviendront à des sentiments plus justes. (Mouvements divers.)

A l'extrême gauche. Le scrutin le dira.

M. Georges Berry. J'ai donc relevé les noms de plusieurs de nos collègues, anti-séparatistes hier, et séparatistes aujourd'hui. C'est ainsi que M. Galy-Gasparrou, par exemple, qui déclare d'une façon nette dans sa profession de foi « qu'il est partisan absolu du Concordat », vote, dans la séance du 10 février 1905, la discussion immédiate de la séparation.

Un ministre de M. Combes qui, pendant longtemps, a été antiséparatiste, qui a soutenu cette opinion dans toutes ses manifestations électorales, se disait lors des dernières élections notamment :

« Partisan de toutes les libertés et en particulier de la liberté de conscience, affirmant qu'il voulait voir l'Etat et l'Eglise traiter loyalement sous le régime concordataire. »

Eh bien M. Maruéjouls, car c'est de lui dont il s'agit, a sans doute oublié le 10 février ses anciennes déclarations puisque, ce jour là, il a voté pour la séparation.

M. Lasies. Il a voté pour la discussion ; ce n'est pas la même chose.

M. Georges Berry. Quand on s'est affirmé adversaire de la séparation, on commence par ne pas voter la discussion sur la séparation, sinon on repousse l'opinion qu'on a soutenue devant ses électeurs.

M. Lasies. Vous êtes trop sévère. Tout doit se discuter.

M. Eugène Réveillaud. Ce sont là des arguments ad hominem.

M. Georges Berry. Je ne parle pas de vous, mon cher collègue.

M. Eugène Réveillaud. Vous ne mettrez pas en contradiction ; j'ai toujours eu les mêmes sentiments.

M. Georges Berry. Un autre de nos collègues qui cependant a toujours eu jusqu'à présent une attitude conforme à ses principes, M. Cruppi, écrivait dans sa profession de foi en grosses lettres : « Je suis partisan du budget des cultes. »

Lui aussi a voté la discussion de la séparation.

Il en est de même de M. Chapuis, notre honorable questeur, de M. d'Iriart d'Etcheparre, de M. Mercier de la Haute-Savoir ; ils sont vingt-trois dans le même cas, mais je m'arrête pour ne pas fatiguer la Chambre de cette énumération qui cependant prouverait suffisamment combien il serait utile de revenir devant les électeurs avant d'entamer la discussion qui commence aujourd'hui. Après les promesses que vous avez faites dans vos comices électoraux, avez-vous le droit de dire : nous avons changé d'opinion par suite d'une nouvelle situation ? Assurément non. Car vous ne savez pas si, pour les mêmes motifs, vos électeurs ont, eux aussi, changé d'opinion ? Votre strict devoir vous obliger de leur exposer la cause de votre nouvelle manière de voir et de leur demander s'ils sont toujours d'accord avec vous. Le suffrage universel vous répondra et, si sa réponse est affirmative, la séparation sera votée sans grands débats. (Applaudissements à droite et sur divers bancs.)

Les députés n'en ont pas toujours agi ainsi avec le suffrage universel. Je n'étais pas alors dans la politique, mais l'exemple que je vais citer m'est cependant resté dans la mémoire. Un de nos collègues qui siégeait sur ces bancs (la droite), et qui fut remplacé plus tard par M. Bansard des Bois, M. Dugué de la Fauconnerie, se trouva en désaccord avec ses électeurs sur un point de son programme, il n'hésita pas, il donna sa démission et se représenta devant ses électeurs, qui leur donnèrent tort et le remplacèrent.

M. le baron de Mackau. C'est absolument exact !

M. Georges Berry. Ce fut un honnête homme et un loyal représentant ; je désirerais que tous ici s'inspirassent de cet exemple. (Très bien ! Très bien ! sur divers bancs.)

M. Fabien Cesbron. Vous pourriez rappeler aussi le cas de Janvier de la Motte.

M. Georges Berry. Vous affirmez dans toutes les pages de votre rapport, monsieur Briand, que les électeurs ayant pour la plupart changé d'opinion sont à présent anti-concordataires. La dernière élection de la Seine-Inférieure, qui a eu lieu dimanche dernier, va vous répondre.

Deux candidats étaient en présence ; l'un se recommandant du bloc, l'autre, M. Quesnel, républicain libéral. Eh bien ! chose curieuse qui va à l'encontre de votre thèse, tous deux se sont déclarés les adversaires de la séparation, mais celui qui se prononça le plus énergiquement contre la mesure que vous proposez, c'était M. Lavoinne, l'ami du bloc. Cette concession ne l'a d'ailleurs pas fait élire. (Rires à droite.)

Au moment même où s'ouvre ici la discussion sur la séparation, les électeurs, quelque opinion qu'ils représentent, déclarent formellement qu'ils n'en veulent pas. Vous allez donc de propos délibéré contre la volonté nationale, et vous commettez ainsi une mauvaise action, car vous voulez mettre la France en présence du fait accompli. Croyez-moi, cela ne servira ni vos succès électoraux ni vos idées.

M. Julien Goujon (Seine-Inférieure). Permettez-moi d'ajouter que le concurrent de M. Quesnel, à l'avant-dernière session du conseil général, n'avait pas voté avec ceux qui voulaient le maintien du Concordat, et que, pour les élections, il s'est déclaré absolument opposé à toute séparation. (Mouvements divers.)

A droite. C'est de la logique électorale ! (On rit.)

M. Lemire. La crainte de l'électeur est le commencement de la sagesse.

M. Georges Berry. Mon cher collègue, il en est beaucoup qui voteront la séparation des Eglises et de l'Etat et qui agiront de même au moment des élections.

Réfléchissez, messieurs, à la grave responsabilité que vous allez prendre si vous votez le projet sans consulter le suffrage universel.

Quels sont ceux qui vont souffrir de votre décision ? Evidemment les habitants des communes pauvres, de celles où il n'y a aucun électeur riche capable de subvenir à l'entretien du culte. Vous allez donc priver les humbles, les modestes, ceux qui ont tant de peine à traverser les difficultés de la vie, des secours de la religion qui les aidaient à supporter leurs peines et leurs misères. (Applaudissements sur divers bancs.)

Ce sont ceux-là mêmes qui ont le plus besoin de se laisser bercer par la vieille chanson dont parlait il y a quelques années avant tant d'éloquence notre collègue M. Jaurès, ce sont les pauvres gens que vous allez priver de ceux qui savaient la leur chanter. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)

M. Lasies. Et qu'on n'a pas remplacé !

M. Georges Berry. Non ! On ne l'a pas remplacé, mon cher collègue, du moins dans certains départements qui sont tous désireux de conserver les exercices du culte et qui seront d'autant plus privés de ces services qu'ils seront plus pauvres.

Vous accomplirez là, messieurs, une œuvre antidémocratique, laissez-moi vous le le dire. (Applaudissements à droite.)

M. Goujat. Anticléricale !

M. Georges Berry. Ne confondons pas anticléricale et démocratique ! Je ne suis pas un clérical et je suis un démocrate. Par conséquence je défends ici, non pas une thèse religieuse, mais une thèse libérale, honnête, et surtout garantissons les droits du suffrage universel. (Très bien ! très bien ! à droite.)

Je sais bien qu'on a l'habitude de dire : « Que ceux qui veulent les service du culte l es payent. S'ils ont besoin de curés, d'églises, qu'ils les entretiennent à leurs frais. » C'est là le raisonnement que je retrouve dans toutes les discussions qui ont eu lieu à ce sujet. Véritablement, croyez-vous que ce soit un raisonnement sérieux et digne d'une Assemblée ?

Combien de services publics entretenez-vous qui ne servent qu'à une faible partie de Français et qui surtout ne profitent à aucun des humbles dont je parlais tout à l'heure ! Vous entretenez des théâtres, vous subventionnez l'Opéra, l'Opéra-Comique, le Théâtre-Français, l'Odéon, des écoles de danseuses (On rit), des écoles de déclamation. Est-ce que les paysans de l'Ouest, de la Bretagne, de la Vendée profitent de ces subventions ? (Très bien ! très bien ! à droite.)

Vous donnez aussi de l'argent aux musées. Les populations dont je parle n'en profitent pas davantage.

Dans un ordre d'idées plus élevé, vous accordez des subsides à l'enseignement supérieur. Combien y a-t-il donc d'élèves des écoles primaires de nos campagnes qui sont admis à suivre les cours des lycées ? Aucun, pour ainsi dire.

Par conséquent, vous faites subventionner par ceux qui n'en profitent pas des enseignements, des institutions qui ne servent qu'aux riches. (Applaudissements à droite et au centre.)

Croyez-vous que ce soit là l'oeuvre d'un régime démocratique ? Hélas ! non ; et voyez à quoi vous allez arriver avec la suppression du budget des cultes ! S'il y a une subvention qui serve aux pauvres, c'est évidemment la subvention que vous donnez aux cultes. Eh bien ! vous allez la leur supprimer. Ce sont eux encore qui vont être les déshérités. Voilà ce que vous appelez être républicain, voilà ce que vous appelez être socialiste. (Très bien ! très bien ! à droite et au centre.)

M. Julien Goujon. Mais ce n'est pas du tout une subvention que l'Etat donne aux cultes !

M. Georges Berry. Je la considère comme une subvention, mon chez collègue. Pour vous, c'est une restitution ? Je ne discuterai pas avec vous sur ce point.

D'ailleurs il y a un homme qui a parlé, comme je le fais, en 1848, que ni M. Briand ni M. Deville ne peuvent renier. Il s'appelle Proudhon.

Proudhon se présenta aux élections législatives du 30 mai 1848, et voici ce qu'il disait dans sa profession de foi :

« Tant que la religion aura vie dans le peuple, je veux qu'elle soit respectée entièrement et publiquement. Je voterai donc contre l'abolition du salaire des ministres de cultes. » Et il ajoutait : « Et pourquoi, avec ce bel argument que ceux-là seuls qui veulent de la religion n'ont qu'à la payer, ne retrancherait-on pas du budget social toutes les allocations pour les travaux publics ? Pourquoi le paysan bourguignon paierait-il les routes de Bretagne et l'armateur marseillais les subventions de l'opéra ? » (Très bien ! très bien ! à droite et au centre.)

Et actuellement, depuis les socialistes jusqu'aux plus modérés, tous pensent de même. (Mouvements divers.)

Si vous abordez le débat et si vous prononcez la séparation, vous frapperez les malheureux, les humbles dont je parlais tout à l'heure, mais vous allez aussi troubler la paix sociale. Il n'y a pas à se le dissimuler, c'est Thiers, ce sont tous les hommes politiques qui ont été au pouvoir depuis de longues années qui ont déclaré que le Concordat de 1801 avait assuré et conservé la paix religieuse durant un siècle...

M. Lasies. M. Rouvier n'a cessé de l'affirmer.

M. Georges Berry. Je le sais ; mais je ne parle pas des absents... (Rires sur divers bancs.) M. le président du conseil n'est pas à son banc.

Ainsi, sans avoir consulté vos électeurs, sans avoir consulté le suffrage universel, vous allez déchirer d'un trait de plume un contrat qui a assuré pendant aussi longtemps cette paix religieuse et sociale : vous avouerez que vous prenez là une bien grande responsabilité ; car, vous n'en doutez pas, c'est la guerre civile que vous allez déchaîner... (Protestations à gauche.) Parfaitement ! et je vous en citerai tout à l'heure des exemples.

Ainsi vous possédez un traité qui assure la paix entre l'Eglise et l'Etat, et, d'un cœur léger, vous allez le déchirer ? Pourquoi ? Le Concordat a été, en somme, au moment où il a été signé, l'alliance de l'esprit moderne et de l'Eglise ; il a été la reconnaissance des principes de 1789. Lorsque vous l'aurez dénoncé, vous rejetterez la France dans des difficultés religieuses, et vous savez par l'histoire que les difficultés religieuses sont les plus inextricables. Une fois la République enlisée dans cette aventure, nul ne peut savoir comment elle en sortira.

M. le comte de Ginoux-Defermon. Elle n'en sortira pas !

M. Lasies. C'est ce qui nous console ! (Bruit.)

M. Georges Berry. Tout sera changé au détriment de l'Etat.

L'épiscopat ne sera plus le même, l'esprit du clergé sera complètement changé ; il n'aura plus la même manière de voir, les mêmes attaches avec les partis ni les mêmes relations avec les fidèles. En somme les luttes politiques seront plus violentes, les résistances dans certaines classes plus opiniâtres et vous serez, malgré vous, amenés à prendre des mesures violentes. Croyez-moi, elles amèneront d'autres violences, et la répercussion s'en fera sentir jusque dans les plus humbles hameaux de France. Voilà ce que vous aurez fait avec la séparation des Eglises et de l'Etat ! (Applaudissements à droite et au centre.)

Est-ce là ce que vous voulez ?

J'ajoute que vous assumerez une double responsabilité, non pas seulement celle d'avoir, comme je vous le disais tout à l'heure, excité la guerre civile, mais aussi celle de l'avoir fait contre l'avis de vous les électeurs. Double responsabilité ! double faute ! qui entraîneront des conséquences que vous ne jugez peut-être pas aussi graves qu'elles le seront de fait.

Que vos prédécesseurs furent mieux avisés ! Je ne veux pas parler de Danton, de Robespierre qui assurèrent l'entretien du culte ; — c'est tellement loin de nous ! mais depuis, nous avons passé par la République de 1848. A cette époque de nombreuses pétitions furent envoyées à l'Assemblée pour demander la séparation des Eglises et de l'Etat.

Une commission fut nommée et le rapporteur de cette commission déclara qu'à l'unanimité elle avait rejeté les propositions qui lui avaient été apportées, parce qu'elle n'avait pas le droit, avant que les électeurs aient été consultés, de se prononcer sur une question aussi grave, et que ce n'était d'ailleurs ni de l'intérêt de la patrie ni de celui de la République de priver les pauvres de leur culte. Et le rapporteur ajoutait :

« La suppression du budget des cultes serait à la fois une mesure injuste et impolitique. » (Applaudissements à droite et au centre.)

Peut-être direz-vous que les circonstances ne sont plus les mêmes et qu'il est nécessaire d'en arriver à d'autres solutions plus en rapport avec nos moeurs ? Mais, ceux qui ont fondé la République actuelle, des hommes que vous ne pourrez certainement pas considérer comme des cléricaux, quoi qu'il soit bien facile aujourd'hui de décerner à quelqu'un cette épithète (Très bien ! et rires au centre), ont été les premiers, mon cher rapporteur, à déclarer qu'il ne fallait à aucun prix de la séparation des Eglises et de l'Etat. C'est d'abord Jules Ferry, que vous n'accuserez pas de cléricalisme, lui qui, le premier, a supprimé les congrégations non autorisées d'hommes, et qui a fait voter la laïcité de l'enseignement primaire...

M. le comte de Lanjuinais. Ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux !....

M. Georges Berry. C'est lui, également, qui a imposé aux ecclésiastiques les charges militaires. Eh bien savez-vous comment appelle Jules Ferry traitait vos projets de séparation des Eglises et de l'Etat ? Ecoutez-le :

« La séparation de l’Eglise et de I’Etat, disait-il, loin d’être un élément d’apaisement et loin d’apaiser la question religieuse, la porterait plus vive et plus intense jusqu'au sein même de la famille. J'estime que cette séparation, loin de fortifier l'Etat ne pourrait que l'affaiblir et ne fortifierait que les passions. »

Et le 12 septembre 1881, à Saint-Dié, au lendemain de la lutte où fut posée nettement la question de la séparation des Eglises et de l'Etat, il s'exprimait ainsi : « Il y a, pour les rapports de l'Eglise et de l'Etat, une solution radicale à laquelle se rallie toute l'extrême gauche, c'est la séparation absolue. Eh bien ! j'ai lu ses programmes, je les ai étudiés et je vous déclare que c'est une minorité, une minorité faible des programmes républicains qui contient cette solution, à mon avis aussi redoutable que chimérique, de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. »

M. Goujat. En quelle année Jules Ferry disait-il cela ?

M. Georges Berry. En 1881, au moment de la consultation faite à cette époque et qui est la seule consultation sérieuse qui a eu lieu au sujet de la séparation.

Passons maintenant à Gambetta.

Le 4 mai 1877, il s'écriait à la Chambre des députés : « Quant à moi, qui suis partisan du système qui rattache l'Eglise à l'Etat... » et comme du côté de l'extrême gauche se produisaient des mouvements de protestation, il ajoutait : « Oui ! j'en suis partisan, parce que je tiens compte de l'état moral et social de mon pays ! »

M. Massé. Lisez donc la suite !

M. Georges Berry. Vous la lirez vous-même.

Dans tous les cas, la phrase que je viens de citer existe et cela me suffit ; vous ne pouvez pas dire d'ailleurs que la suite de cette phrase puisse en infirmer le sens très clair.

M. Massé. Mais Gambetta indiquait une condition dont vous ne parlez pas.

M. Georges Berry. Eh bien ! vous indiquerez cette condition. Je ne sais, d'ailleurs, ce que vous voulez dire ; j'ai lu le discours tout entier et je n'y ai trouvé aucune condition qui puisse affaiblir ce que je viens de lire.

Direz-vous aussi que Gambetta, Jules Ferry sont trop loin de nous ? Mais M. Combes lui-même, qui, depuis, a changé d'avis, nous verrons pourquoi.

M. Charles Benoist. Ce n'est pas une autorité !

M. Georges Berry. M. Combes, ancien président du conseil, dans une phrase qui lui fut assez reprochée d'ailleurs par certains journaux de son parti, s'exprimait ainsi à cette tribune, il n'y a pas deux ans :

« Un peuple n'a pas été nourri en vain, pendant une longue suite de siècles, d'idées religieuses, pour qu'on puisse se flatter de pouvoir y substituer, en un jour, par un vote de la majorité, d'autres idées contraires à celles-là. »

Je sais qu'on lui reprocha beaucoup cette phrase et qu'il fît presque des excuses en séance publique et que plus tard même il changea d'avis, mais pourquoi ? Vous le savez aussi bien que moi, messieurs, c'est qu'ayant été mis à la tête du pouvoir avec mission d'expulser toutes les congrégations et d'agiter la question cléricale, quand il vit qu'il n'y avait plus de congrégations en face de lui, il essaya de faire vibrer une autre corde anticléricale, il pensa aux curés et il mit en avant la séparation des Eglises et de l'Etat.

M. Lasies. C'est ce que M. Clemenceau appelle pincer le curé au bon endroit, afin d'éviter l'impôt sur le revenu et autres réformes sociales.

M. Georges Berry. Voilà pourquoi le président du conseil précédent a changé en un an d'avis sur la question ; mais sans les nécessités du pouvoir il aurait été l'adversaire de la séparation, avec tous ceux qui, chargés de gouverner le pays, s'inquiètent de la situation dans laquelle serait plongée la France le jour où l'on voudrait courir cette aventure.

Mais est-ce bien la rupture d'une alliance quelconque que vous voulez faire ? Y a-t-il vraiment alliance entre l'Eglise et l'Etat, entre la papauté et la France ? On ne peut franchement pas appeler alliance le concordat de 1801 : c'est un traité de paix ; c'est un modus vivendi.

Il y avait eu sous la Révolution confiscation des biens du clergé ; les acheteurs avaient peur d'être troublés dans leur possession et une vive agitation s'était produite de ce fait ; le premier consul voulut rassurer ces propriétaires inquiets et il demanda au pape de consentir à signer une entente par laquelle le Saint-Père déclarerait que les possesseurs ne seraient pas troublés, en échange de quoi le Gouvernement donnerait aux prêtres et aux évêques les subventions nécessaires pour l'entretien du culte ; de plus les églises, les presbytères qui n'avaient pas été aliénés, seraient mis à la disposition du clergé. Enfin pour assurer la paix en France, le premier consul se réserva le droit de nommer les évêques qui seraient agréés par le pape.

Voilà ce qu'est le Concordat ; c'est un modus vivendi des plus simples.

Or il n'existe pas au monde une nation qui n'ait avec la papauté un modus vivendi de ce genre. Toutes pensent qu'il est impossible de vivre avec Rome sans un traité de paix ; seuls, vous vous trouverez tout à fait isolés. (Très bien ! très bien ! à droite.)

Mais je ne me fais pas d'illusion. Ce n'est pas la séparation que vous voulez, ce n'est pas la suppression du Concordat ; ce que vous voulez, c'est la suppression pure et simple du budget des cultes. (Applaudissements au centre et à droite.) Vous voulez étrangler les idées religieuses et vous espérer y arriver en prenant aux prêtres les quelques millions que vous leur donniez.

Véritablement, réduire cette question à une question de gros sous, c'est peu digne d'une Assemblée française ! (Très bien ! très bien ! à droite.)

Mais craignez qu'en privant les cultes de quelques millions que vous allez leur refuser, vous ne vous enleviez quelques millions d'électeurs ! (Protestations à gauche.) Cela pourrait fort bien arriver.

Oh ! messieurs, il est bien entendu que je ne fais pas ici de questions personnelles ; je suis convaincu que vous êtes tous trop au-dessus de ces petites et mesquines craintes électorales pour mettre en balance et votre intérêt, et vos principes. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre.) Je ne vous fait pas cette injure, mais je parle seulement de l'intérêt de votre parti. (Applaudissements à droite et au centre.)

Vous aviez si bien conscience de ce que je dis qu'au moment de la nomination de la commission, dans mon bureau, où nous étions, en très petite minorité anti-séparatistes, plusieurs d'entre vous vinrent me trouver, me déclarant qu'ils ne voulaient pas de la séparation, et me demandant de me présenter. Je fis alors une liste avec deux de mes collègues et nous fûmes élus.

J'ai retrouvé les noms de ceux de mes collègues qui m'ont alors accordé leurs suffrages, ils sont parmi ceux qui ont voté en faveur de la discussion de la séparation, au mois de février dernier.

Par conséquent, je puis bien affirmer sans crainte d'être démenti, que si les séparatistes sont suivis dans les scrutins publics, ils sont complètement abandonnés dans les scrutins secrets. (Très bien ! très bien ! à droite.)

Mais croyez-vous que les électeurs ne se lasseront pas d'être dupés ? Je vous demande pardon du mot, mais il exprime bien ma pensée.

M. Jules Galot. Il y a si longtemps qu'ils y sont habitués !

M. Georges Berry. Il y a trois ans, M. Waldeck-Rousseau faisait voter une loi qui n'avait pour but, disait-il, que de régulariser la situation des congrégations non autorisées ; on n'avait en vue, suivant lui, que la suppression de quelques-unes de ces congrégations rebelles ; mais toutes les autres n'avaient qu'à montrer patte blanche et à présenter une demande d'autorisation pour être immédiatement autorisées. On se présenta dans ces conditions devant les électeurs, on les assura qu'il ne serait touché en rien aux congrégations autorisées qui avaient leur droit de cité. Je me souviens même d'un discours dans lequel M. Waldeck-Rousseau, alors le porte-parole de la majorité, déclarait que l'enseignement des frères était remarquable, que ces frères avaient bien mérité du pays et que jamais personne n'oserait toucher à leur privilège.

Vous savez ce qui s'est passé ; les électeurs ont eu confiance dans ces promesses...

M. Cachet. Pas tous ! J'en connais qui ont fait exception.

M. Georges Berry. La plupart ! Je ne veux pas donner la nomenclature des candidats qui, à ce sujet, ont trahi leurs promesses. Mais un grand nombre avaient pris devant leurs électeurs les mêmes engagements que M. Waldeck-Rousseau. (Très bien ! très bien ! à droite.)

Aussitôt que les élections ont été faites, la majorité a jeté à la porte non seulement les congrégations non autorisées, puisqu'on n'a même pas voulu examiner leurs demandes, mais encore toutes les congrégations autorisées, manquant ainsi à la bonne foi et à la loyauté électorales. (Applaudissements à droite et au centre.)

Je sais bien que les moines et les capucins, comme vous les appelez, ne sont plus là pour vous rappeler vos promesses et vos programmes ; mais prenez garde ! si vous faites la séparation, il restera probablement dans beaucoup de départements des prêtres qui hors de l'église garderont leurs droits de citoyens et d'électeurs et qui pourront montrer aux populations qu'après avoir trompé les uns vous trompez encore les autres... (Applaudissements à droite.) et qu'après avoir manqué à vos promesses une première fois en 1903, vous y manquerez encore en 1095. Cela pourra avoir peut-être quelques inconvénients pour vous... (Exclamations à gauche.)

A l'extrême gauche. Vous êtes bien bon !

M. Georges Berry. Je n'envisage la question qu'au point de vue général et j'entends la maintenir dans ces limites ; vous me dites que je suis bien bon, non ! car je ne désire qu'une chose, c'est que ceux qui voteront la séparation soient battus.

M. Braud. C'est réciproque du reste.

M. Georges Berry. Je ne veux pas passionner ce débat et j'aurais terminé si M. le rapporteur n'avait cru devoir répondre d'avance aux considérations que je fais valoir en faveur de ma proposition.

Je demande donc la permission d'examiner ses différentes objections.

Pourquoi, me dit M. le rapporteur, voulez-vous retarder cette discussion sur la séparation ? Il n'y a plus de Concordat ; le pape Pie X l'a déchiré par deux ou trois actes d'absolutisme.

Jusqu'à ce que vous me l'ayez prouvé, j'ai encore la faiblesse de croire que le Concordat est en très bon état et qu'il n'a pas subi la moindre déchirure (Interruptions à l'extrême gauche.)

M. Julien Goujon. Il existe encore, puisque vous l'exécuter et que vous payer le budget des cultes.

M. Georges Berry. Ce n'est pas aujourd'hui seulement que nous avons à constater des difficultés entre l'Etat français et la papauté. Il y en a eu depuis qu'il y a un Concordat. Mais, chacun y mettant de la bonne volonté, elles ont toujours été résolues.

Croyez-vous qu'en 1865, ou mieux à la fin de 1864, lors de la publication du Syllabus et des discours de MM. Bonjean et Rouland au Sénat, croyez-vous, dis-je, que la situation n'était pas plus tendue qu'aujourd'hui ?

Personne alors ne demanda de dénoncer le contrat qui liait la France au pape. Tout s'est arrangé. On a envoyé un ambassadeur à Pie IX qui a accordé ce qu'on lui demandait et l'incident s'est terminé à la satisfaction générale. Plus tard, en 1883, il se manifesta un mouvement analogue à celui d'aujourd'hui.

A la suite de difficultés comme il s'en produit toujours entre deux contractants, un homme qui ne sera pas non plus, j'espère, considéré par vous comme un clérical, Paul Bert, et plusieurs de ses collègues déposèrent une proposition de séparation. La commission qui fut alors nommée confia le rapport à l'auteur même de la proposition. Paul Bert, après quelques jours de réflexion, reconnut qu'il avait été un peu vite et, abandonnant comme rapporteur ses propres propositions, il demanda à la Chambre des les repousser.

Il reconnut qu'il avait eu tort. Vous feriez bien de l'imiter aujourd'hui. (Très bien ! très bien ! à droite et au centre.)

Et le Concordat ne fut pas plus déchiré en 1883 et en 1864 qu'il ne l'est aujourd'hui, comme vous avez tort de l'affirmer, monsieur le rapporteur.

Le Gouvernement n'a qu'à y mettre un peu de bonne volonté et nous continuerons à voir respecter par les uns et par les autres le Concordat de 1801. (Très bien ! très bien ! à droite.)

Vous dites ensuite : « Un an d'émancipation électorale accordée au clergé, quel est le républicain soucieux de sa région qui oserait envisager une telle perspective ? »

Je vous avoue qu'après y avoir bien réfléchi je ne comprends pas.

Eh quoi, vous parlez d'émancipation ! Mais le jour de l'émancipation, ce sera le jour de la séparation. Jusque-là vous ne pouvez pas parler d'émancipation, puisque les prêtres seront liés par le Concordat et qu'il ne leur est pas loisible de faire de l'agitation. L'agitation ne commencera qu'au moment de la suppression du budget des cultes, qu'au moment de la dénonciation du Concordat. Jusque-là il n'y a pas d'émancipation à craindre. Par conséquent, ce n'est qu'en déchirant le Concordat que vous provoquerez l'agitation dont vous parlez. (Très bien ! très bien ! à droite et au centre.)

Mais, ajoutez-vous, tous les électeurs républicains sont favorables à la séparation. (Dénégations à droite.) Entendons-nous ! Oui, tous les électeurs anti-catholiques sont favorables à la séparation, mais pas tous les électeurs républicains.

Je sais bien, mon cher rapporteur, que vous êtes très intransigeant au point de vue de la religion catholique. N'affirmez-vous pas qu'il n'y a presque plus de catholiques en France, parce que la plupart se contentent d'être baptisés, de faire leur première communion, de se marier et de se faire enterrer à l'église ? et vous ajoutez que cela ne suffit pas pour être un vrai catholique. Heureusement, mon cher collègue, que vous n'avez pas embrassé la carrière religieuse, car autrement vous seriez bien sévère pour les pauvres pénitents. (On rit.)

Bien que tous les catholiques ne suivent pas d'une façon absolue les rites de leur religion, ils n'en sont pas moins catholiques de toute coeur, croyez-moi, et le jour où vous aurez atteint leurs familles, leurs femmes, leurs enfants dans leur dévotion, ils seront plus catholiques que jamais et vous obtiendrez ce résultat que vous ne cherchez pas, je suppose, de ranimer, dans ce pays, la foi catholique. (Applaudissements sur divers bans à droite et au centre.)

Vous êtes assurément de très bonne foi, mais vous prenez vos désirs pour des réalités. Vous êtes comme tous ceux qui ont une idée bien arrêtée ; vous croyez que tout le monde la partage. D'autres aussi ont pensé comme vous et ne sont pas arrivés non plus aux résultats qu'ils désiraient.

A côté de nous, en Suisse, à Genève, les partisans de la séparation ont pensé aussi qu'il suffisait de vouloir cette séparation pour la faire aboutir ; mais cependant, plus respectueux que vous ne voulez l'être du suffrage universel, ils ont consulté les électeurs. En 1880, alors que, d'après le discours très net de celui qui dirigeait alors la campagne en vue de la séparation, il ne devait pas y avoir 500 électeurs pour le Concordat, voici quel fut le résultat du référendum : 9,000 voix se sont prononcées contre la séparation ; 4,000 voix pour,soit 5,000 voix d'écart.

Mais on ne se découragea pas et, en 1897, on recommença à parler de séparation. On promit, comme nous l'avons entendu faire ici même, de créer, avec l'économie réalisée, une caisse de retraites ouvrières , et, malgré cet appât, 7,800 voix répondirent : Non, nous ne voulons pas de séparation, tandis que 3,800 voix seulement se prononcèrent en sa faveur.

L'état des esprits en France me paraît être le même et une consultation de ce genre y donnerait, je crois, les mêmes résultats qu'en Suisse.

Mais je poursuis l'examen de vos objections.

Vous ajoutez : « Tout le monde s'accorde à proclamer que la question doit être posée, discutée et tranchée dans le calme, avec sang-froid. Au sortir d'une période électorale, qui n'aurait pu être qu'effroyablement agitée, la Chambre se trouverait-elle dans les conditions désirables pour aborder l'examen du problème ? »

Vous faites là encore erreur, monsieur le rapporteur. J'avais toujours pensé avec beaucoup d'autres que le lendemain des élections une trève se signait entre les différents adversaires et qu'après avoir compté leurs victoires et leurs défaites, ils finissaient par se donner la main, oubliant pour quatre ans les luttes auxquelles ils avaient pris part, tandis qu'au contraire c'est dans la période qui précède l'élection que s'agitent les passions. C'est, en effet, à ce moment-là seulement qu'on se divise, qu'on lutte. Ainsi, déjà à la seule annonce de la séparation, de tous côtés s'organisent en vue des élections des pétitionnements, des réunions et nous recevons les uns et les autres des quantité de lettres d'électeurs républicains, mon cher collègue, qui indiquent un commencement d'agitation.

L'agitation, c'est donc vous qui allez l'inaugurer ; c'est vous qui allez la faire. (Applaudissements sur divers bancs et à droite.)

Enfin, dans une dernière phrase de votre travail, — c'est la dernière que je citerai et je demande pardon à la Chambre d'avoir si longtemps retenu son attention, — vous dites : « Le projet qu'on vous présente n'est pas une œuvre de passion, mais de justice. »

Il faudrait, au moins, mon cher collègue, consulter les intéressés avant de parler ainsi. Vous faites un signe de dénégation. Croyez-vous qu'il soit bien juste qu'un prêtre, âgé de soixante ans, ayant servi le culte pendant quarante ans et n'ayant pas été rétribué par l'Etat pendant vingt ans, se voie supprimer, au bout de quatre ans, toute allocation et toute pension ? Croyez-vous qu'il soit bien juste de forcer à l'aumône ce vieillard, qui, après tout, ayant eu confiance dans le Concordat, a pendant quarante ans donné sa vie au sacerdoce ? (Applaudissements sur divers bancs au centre et à droite.)

Vous appelez votre projet une œuvre de justice, ce prêtre la considérera comme un œuvre d'injustice. (Applaudissements à droite.) Est-il bien honnête aussi de décider que, au bout de sept ans, vous pourrez jeter à la porte de leurs presbytères les curés qui y habitent, et aussi fermer au bout de douze ans les églises, où ne pourront plus pénétrer ni prêtres, ni fidèles ? (Applaudissements sur divers bancs.)

Mais les catholiques ne sont pas seuls à juger comme moi votre œuvre.

Vous avez lu, monsieur le rapporteur, l'enquête très intéressante qui a été faite par le journal le Siècle chez les protestants et chez les israélites. J'ai relevé les réponses fournies par les principaux pasteurs et par les principaux israélites. M. Mathieu, M. Lelièvre, M. Jalabert, doyen honoraire de la faculté de Nancy notamment, d'autres encore dont je n'ai pas relevé les noms, déclarent d'une façon absolue que les projets proposés sont des codes de servitude.

M. Buisson me fait un signe de dénégation.

Vous devez cependant connaître cette enquête, monsieur Buisson, puisque vous êtes rédacteur au Siècle. J'ai conservé toutes les réponses dont je parle et je les tiens à votre disposition.

M. Ferdinand Buisson, président de la commission. Les critiques de M. Jalabert dont vous parlez s'adressent à un projet qui n'existe plus et qui n'est pas celui de la commission.

M. Aristide Briand, rapporteur. M. Jalabert est venu devant la commission. Sa critique s'applique au projet de M. Combes.

M. Georges Berry. Les réponses dont je parle visent le projet actuel. Mais les israélites, sont-ils venus aussi devant la commission. Voici leur réponse : « Les projets de séparation proposés légalisent la spoliation. » Je ne suppose pas qu'ils soient revenus à de meilleurs sentiments puisque la spoliation dont ils parlent figure encore dans le projet actuel.

Voilà donc votre loi jugée au triple point de vue de la justice, de la légalité et de la loyauté.

Je laisse l'opinion des catholiques de côté ; je me contente des objections soulevées et du jugement porté par les protestants et les israélites. (Très bien ! très bien ! à droite et au centre.)

Si la Chambre accepte la séparation telle que vous la proposez, dans douze ans, nous nous trouverons dans la même situation qu'en 1795 ; les prêtres seront comme par le passé poursuivis et réduits à mendier leur pain. (Dénégations à l'extrême gauche.)

Mais parfaitement, messieurs ; les églises seront fermées. (Nouvelles dénégations sur les mêmes bancs.) Vous ne vous faites j'imagine aucune illusion sur ces conséquences et vous protestez ! Vous savez bien cependant qu'après un délai de douze ans...

M. Alexandre Zévaès. Vous n'avez pas lu le projet !

M. Georges Berry. ... les communes et l’Etat s’empareront des églises et des édifices religieux et si le Gouvernement qui siégera alors sur ces bancs a les mêmes idées que le Gouvernement actuel toutes les églises seront fermées, et les prêtres, comme en 1795, seront contraints d’aller dire la messe dans les granges et dans les caves Ce n’est pas douteux. (Applaudissements à droite.) Il faut bien qu’on sache ce que. vous voulez faire. Si vous n’osez pas proposer aujourd’hui la fermeture immédiate des églises, c’est que vous avez peur des élections de demain. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

C’est parce que vous voulez essayer, par des atermoiements, d’endormir l’électeur. Mais, prenez garde, on se chargera de le réveiller, de lui dire toute la vérité et de lui expliquer les conséquences de votre projet. Car c’est un projet sournois, qui n’a rien ni de franc, ni de loyal. (Applaudissements à droite et au centre.)

En somme, disons-le bien haut si vous arrivez à votre but — car j’espère encore que vous ne réussirez pas — vous allez faire voter une séparation dont ne veut pas le pays ; je dirai même plus je suis convaincu que si vous la faites voter, elle le sera par une majorité qui y est hostile. (Exclamations à gauche.)

Je ne veux pas mettre de noms sur les visages, mais tous, ici, vous savez bien que je dis la vérité.

Rien ne change ici bas. Il y a, et il y aura toujours, dans les assemblées la montagne et la plaine : une montagne prodigue de violences et de menaces et une plaine faite de crainte et de veulerie. (Mouvements divers.)

Eh oui ! je l’ai montré, hélas ! Entraînés de faute en faute, de concession en concession, les membres de la plaine en arriveront à voter ce qu’ils ont toujours réprouvé. Je me souviens que l’histoire nous enseigne qu’il y a eu des moments où les modérés se sont repris ; je souhaite qu’ils le fassent aujourd’hui, et qu’en la circonstance, ils estiment qu’ils n’ont pas le droit d’abdiquer ainsi devant une minorité qui les mène aux pires extrémités et à la perte même de la République.

Quant à moi, j’ai dégagé ma responsabilité, j’ai été fidèle à mon programme ; je ne souhaite qu’une chose : c’est que tous vous fassiez de même. (Applaudissements sur divers bancs à droite et au centre.)

Mais quoi qu’il arrive, si vous votez la séparation des Eglises et de l’Etat, croyez-moi, vous n’aurez pas besoin de vivre comme l’a écrit Leroy Beaulieu, les années de Larévellière-Lépeaux ou de Cambon pour voir la France redemander bientôt un autre Concordat. (Vifs applaudissements à droite et sur divers bancs. — Exclamations à l’extrême gauche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Aristide Briand, rapporteur. Messieurs, dans les développements qu’il a donnés à sa proposition, l’honorable M. Berry n’a oublié qu’une chose : envisager la situation de fait en présence de laquelle vous vous trouvez. Elle a cependant son importance et vaut qu’on la discute. C’est ce que je me propose de faire, très rapidement du reste.

En insistant longuement auprès de vous pour obtenir que vous repoussiez la proposition de M. Berry, je craindrais de faire injure à la Chambre, car ce serait la supposer capable de se déjuger à un mois à peine d’intervalle. (Très bien  ! très bien ! à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.)

Le 10 février dernier, vous avez déclaré, à une forte majorité, que les circonstances ayant rendu inévitable la séparation des Eglises et de l’Etat, la discussion et le vote de cette réforme s’imposaient de toute nécessité, dans cette session même. C’était un engagement solennel, pris en pleine connaissance de cause, devant le pays tout entier.

Depuis, la situation s'est-elle modifiée ? Non, messieurs, elle est restée identiquement la même. Les difficultés avec Rome ne sont pas aplanies ; il serait même puéril d'espérer qu'elles puissent être jamais aplanies (Rumeurs à droite), car elles tiennent à des raisons profondes sur lesquelles pas plus le Saint-Siège que la République ne peuvent transiger. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.)

Lorsque Pie X a protesté contre le voyage de M. le Président de la République à Rome, il n'était pas, sans doute, dans son intention de froisser, au moins de parti pris, le sentiment national de ce pays ; il agissait, j'en suis convaincu, sous l'influence pour ainsi dire irrésistible d'une suggestion à laquelle le souci de sa dignité, uni aux exigences traditionnelles de sa fonction, lui faisait un devoir d'obéir.

M. Charles Benoist. Et nous, nous sommes tombés dans un piège.

M. le rapporteur. Je ne juge pas son attitude ; mais j'ai le droit de retenir de cet événement considérable puisqu'il a fait apparaître aux yeux de tous les inconvénients graves, irréductibles, d'un régime qui expose les deux parties intéressées à se trouver sans cesse en conflit sur des questions essentielles d'indépendance et de dignité. (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.)

Quand on se place au point de vue de l'exécution courante du Concordat, on se trouve en présence d'une situation inextricable. Là encore, toutes les causes de conflit persistent. Pour la République, en effet, les principaux avantages du Concordat, je devrais dire tout le Concordat, sont dans les articles organiques. Or, ces articles, Rome ne les a jamais reconnus ; toujours, à toutes les époques, elle a déclaré les tenir pour nul et non avenus.

D'ailleurs la doctrine fondamentale de l'Eglise s'oppose formellement à ce qu'elle les reconnaisse jamais. C'est la tare originelle de cette convention interlope née dans la contrainte et dans la ruse. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.)

C'est de cette équivoque qu'ont surgi toutes les difficultés du passé et elle porte en elle, comme une menace permanente pour l'avenir, le germe de nouveaux et innombrables conflits.

Vous me direz que pendant trente-quatre ans la République a pu s'accommoder de ce régime. C'est vrai ; mais au prix de quelles concessions humiliantes (Exclamations au centre et à droite. — Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche), et de combien de capitulation de principes !

Je conviens qu'avec un pape comme Léon XIII qui était un diplomate avisé et fin, sachant assouplir la politique de l'Eglise aux difficultés de son époque la situation aurait pu se prolonger longtemps encore, quoique dans une assez misérable équivoque.

Mais avec Pie X, tout épris d'absolutisme religieux, la rupture devenait inévitable. Le Concordat devait rester trop étroit pour contenir les mouvements un peu désordonnés d'une foi si vive et si agissante. Aussi les premières tentatives du nouveau pape ont-elles été pour l'affranchir d'obligations gênantes. Mais ses efforts devaient se briser contre la fermeté républicaine d'un chef de Gouvernement qui n'entendait pas laisser compromettre entre ses mains les droits et la dignité de l'Etat laïque. (Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche.)

Il est résulté de ce conflit ce que vous savez. Je n'ai pas besoin de vous rappeler les événements ; vous les avez, pour ainsi dire vécus, et vous y avez pris votre large part de responsabilité.

Par suite de violations successives et pour ainsi dire systématiques du Concordat, les relations avec Rome ont dû être rompues. Vous avez approuvé la rupture. Vous avez fait plus. Par la suppression du crédit de l'ambassade auprès du Vatican, vous avez signifié clairement que vous vous opposiez à toute reprise des relations avec le Saint-Siège.

M. Jules Delafosse. Ce qui est une absurdité.

M. le rapporteur. Poussés par la logique même de ces premiers votes, vous êtes allés plus loin encore. Le mois dernier, vous avez reconnu que la situation appelait une solution rapide et que la seule qui fût à la fois raisonnable et conforme aux intérêts et à la dignité de la République, c'était la séparation des Eglises et de l'Etat.

Au cours des débats qui ont été provoqués par ces événements, il m'avait semblé qu'un rendez-vous général avait été pris, pour ainsi dire d'accord entre toutes les fractions de la Chambre, pour discuter non plus sur une misérable question de procédure, mais sur le fond même de la réforme. (Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche.)

Il me souvient de m'être, il y a plusieurs mois, opposé à cette tribune même, à quelques-uns de mes amis qui, imprudents à mon avis, semblaient vouloir exiger, dès le premier conflit avec Rome, une solution décisive. Pendant que j'expliquais, dans l'intérêt même de la séparation, la nécessité pour mes amis de mettre un peu de patience au service des événements, je voyais sur les bancs de la droite et du centre des sourires ironiques : on me reprochait ce qu'on appelait mon opportunisme. A ce moment, les défenseurs attitrés de l'Eglise et l'Eglise elle-même, semblaient plus pressés que nous de se trouver à pied d’œuvre. Eh bien ! nous y sommes ! (Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche.)

Mais d'ici là, messieurs, que se passera-t-il ? Oh ! c'est bien simple. Si vous aviez l'imprudence d'accorder cet ajournement, d'abord le Saint-Siège ne manquerait pas, et il aurait raison, d'interpréter votre vote comme le signe d'une grande inquiétude.

M. Georges Berry. Il l'interpréterait comme un vote de loyaux représentants. Voilà tout !

M. le rapporteur. ...comme la démonstration de votre impuissance, comme la preuve éclatante que vous redoutez de prendre les responsabilités de l'heure.

M. le comte de Lanjuinais. Il croirait simplement que vous êtes respectueux du suffrage universel.

M. le rapporteur. Son attitude n'en serait pas améliorée ni ses prétentions affaiblies.

Mais ceci n'est rien encore à côté de ce qui pourrait se passer dans le pays même. Votre vote donnerait le signal d'une agitation formidable... (Interruptions à droite.)

M. Lasies. Et après ?

M. Georges Berry. Vous la déchaînerez bien autrement.

M. le rapporteur. ...qui irait croissant jusqu'aux élections générales, c'est-à-dire jusqu'à l'heure décisive de la bataille, d'une bataille dans laquelle les républicains déçus, découragés, par conséquent infériorisés, se trouveraient aux prises avec des adversaires d'autant plus redoutables que le meilleur de leur force aurait été fait de votre faiblesse. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.)

Ah ! messieurs, les ennemis de la République auraient beau jeu dans cette partie.

M. le marquis de la Ferronnays. C’est bien ce que nous espérons.

M. Massé. C’est un aveu à retenir.

M. le rapporteur. Le champ se trouverait librement ouvert devant eux à tous les mensonges, toutes les calomnies contre ce régime. Sur cette question de la séparation que vous auriez posée sans la résoudre, il leur deviendrait loisible de vous prêter les pires desseins, les plus éloignés de vos intentions. Vous les verriez parcourir les campagnes annonçant la fermeture des églises...

A droite. Avec raison !

M. le général Jacquey. Ils useront de leur droit !

M. le marquis de l'Estourbeillon. C'est notre devoir de montrer la vérité aux électeurs.

M. le président. Veuillez faire silence, messieurs. Si vous ne pouvez pas entendre exprimer des opinions qui ne sont pas les vôtres, la discussion ne pourra pas continuer.

M. le rapporteur. Vous les verriez parcourir les campagnes, annonçant la fermeture des églises, la proscription des prêtres, la persécution des fidèles et toutes les atteintes les plus graves à la liberté de conscience. Et vous, messieurs, comment pourriez-vous vous défendre contre ces attaques, si grossières, si invraisemblables fussent-elles ? Vous ne le pourriez pas. (Interruptions à droite.)

M. le président. Toutes les opinions pourront s'exprimer messieurs : il y a plus de soixante orateurs inscrits. Ne perdez pas dès maintenant vos forces en interruption.

M. le rapporteur. Quand on a l'imprudence de s'exposer à être jugé sur des intentions, on peut redouter toutes les erreurs et toutes les injustices. (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche et à gauche.)

Messieurs, j'ai écrit dans les conclusions de mon rapport — M. Berry a bien voulu le rappeler — que renvoyer la question aux électeurs ce serait offrir une prime à l'agitation cléricale ; je persiste dans cette opinion. Comment pourriez-vous en effet tenir les membres du clergé à l'écart d'une bataille dont leur sort serait devenu le principal enjeu ?

Equitablement, vous ne le pourriez pas, vous n'en auriez pas le droit. Si le Gouvernement en avait l'intention et même la volonté, il se trouverait réduit à l'impuissance ; force lui serait d'assister, désarmé, à toutes les fureurs électorales d'un clergé déchaîné par l'âpre souci de ses intérêts.

Je vous le demande, messieurs, quel est le républicain qui consentirait de gaîté de cœur, à jeter la République dans une aussi folle aventure ?

Et pourquoi ? Par respect pour le suffrage universel ? Mais, le suffrage universel, vous en êtes les représentants. (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.)

Vous êtes ses élus...

M. Suchetet. Nous n'avons pas posé la question à nos électeurs.

M. le général Jacquey. Nous n'avons pas été élus sur cette question.

M. le comte de Pomereu. Faites un référendum sur cette question. Vous verrez le résultat.

M. le rapporteur. ...vous restez en contact permanent avec vos électeurs ; vous êtes qualifiés pour apprécier leurs sentiments, leurs tendances, leurs aspirations, au fur et à mesure des circonstances.

M. Georges Berry. C'est vous, partisan du mandat impératif, qui parlez ainsi !

M. le président. Vraiment, messieurs, il est inadmissible que l'on ne puisse pas poursuivre dans le calme et le silence une discussion dans les termes où celle-ci est menée. (Très bien ! très bien !)

M. le rapporteur. Si nous apportions à l'étude et au vote d'un projet de séparation la même passion, la même intolérance que vous mettez dans cette discussion, nous vous ferions une bien mauvaise loi contre laquelle vous auriez le droit de protester.

M. le marquis de Rosanbo. Celui-ci est assez mauvais ; qu'il le soit un peu plus ou un peu moins, la différence ne sera pas fort importante.

M. le rapporteur. En vous envoyant ici, les électeurs n'ont pas prétendu, j'imagine, vous enfermer dans je ne sais quel cercle restreint de prévisions étroites et numérotées à l'avance. Leur confiance en vous, d'une façon générale, a élargi votre mandat aux proportions de toutes les responsabilités que les événements peuvent vous entraîner à prendre au cours d'une législature. (Applaudissements à gauche.) Autrement ce serait la négation du régime parlementaire qui se trouverait par là même exposé à toutes les hésitations, incurablement voué à toutes les impuissances. Nous nous faisons une autre idée de notre mandat.

Du reste je me suis demandé et je me demande encore, j'allais dire surtout après avoir entendu l'honorable M. Berry, sur quoi pourrait bien porter une consultation du suffrage universel. A la rigueur, je comprendrais qu'on appelât les électeurs à se prononcer sur cette question simple : oui ou non le Concordat doit-il être maintenu ?

M. Lasies. Très bien !

M. le rapporteur. Mais déjà la question ne peut plus se poser ainsi. (Applaudissements à gauche.)

A droite. Pourquoi pas ?

M. le rapporteur. Messieurs, j'attends que l'on apporte à cette tribune une proposition nette et claire, invitant le Gouvernement à renouer des rapports avec le Vatican, (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.) Cette proposition elle est peut-être à l'état latent dans beaucoup d'esprits ; mais ce qui la juge, c'est qu'elle n'ose pas se formuler publiquement à la tribune. (Très bien ! très bien ! à gauche.)


M. Georges Grosjean. Vous préjugez l'opinion de vos collègues.

M. le rapporteur. Le Concordat étant, juridiquement sinon en fait, aboli, que vous proposez-vous donc ? Vous n'avez pas, j'imagine, dans un conflit d'intérêt où votre pays est aux prises avec une puissance extérieure, l'intention de demander aux électeurs de prendre parti contre leur pays ?

M. Gayraud. Il ne s'agit pas de Rome, mais des catholiques français !

M. le baron Amédée Reille. Les protestants n'ont rien à faire avec Rome et vous les atteignez aussi avec votre projet !

M. le rapporteur. C'est pourtant ainsi que, dans l'état actuel des choses, la question se trouverait posée devant les électeurs. Nous avons alors à envisager deux éventualités ; si la consultation réussissait au gré des désirs apparents de l'honorable M. Berry, voici ce qui se passerait : Dès sa première réunion, la Chambre nouvelle aurait pour devoir d'inviter le Gouvernement à reprendre les relations avec Rome ; autant dire que la République serait aller faire des excuses au pape. (Exclamations à droite. — Applaudissements à l'extrême gauche.) Il faudrait engager des pourparlers pour un nouveau Concordat ; mais quel Concordat ?

M. Jaurès. Très bien !

M. le duc de Broglie. C'est ce qu'il y aurait de plus simple.

M. le rapporteur. Logiquement, il faudrait en faire disparaître toutes les clauses qui ont éveillé les susceptibilités du Saint-Siège.

Si, au contraire, la consultation des électeurs tournait en faveur de la séparation, alors la nouvelle Chambre se trouverait dans la situation même où est celle-ci, mais avec cette différence peu enviable que, toute chaude encore de la bataille électorale, elle se trouverait dans les pires conditions pour entreprendre une tâche qui exige avant tout du calme et du sang-froid. (Applaudissements à gauche et à l'extrême gauche.)

Je n'insiste plus et je m'excuse auprès de la Chambre d'en avoir tant dit pour démontrer combien est inacceptable la proposition d'ajournement de M. Berry. J'espère que lui-même ne se fait pas de grosses illusions sur le sort qui lui est réservé.

M. Georges Berry. On s'en fait toujours, mon cher collègue.

M. le rapporteur. Cette discussion aura toujours valu à l'Eglise un jour de délai ; je crois que dans cet ordre d'idée et dans les circonstances pressantes où nous sommes c'est tout ce que nous pouvons faire pour elle. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche et à gauche.)

M. le président. La parole est à M. Lasies.

M. Lasies. Messieurs, mes amis et moi nous voterons la motion de M. Berry, inspirée par un sentiment de respectueuse déférence vis-à-vis du suffrage universel.

En la votant, je me permets de constater qu'ici, dans cette Chambre, à peine cent députés se sont, sur leur programme, engagés vis-à-vis des électeurs à demander la séparation des Eglises et de l'Etat. (Interruptions à l'extrême gauche et à gauche.)

Voici les chiffres exacts : 129 députés ont inscrit la séparation sur leur programme. Ceux-là ont le devoir de voter le projet qui vous est soumis. D'autre part je constate qu'une majorité dans cette Chambre s'était engagée, également sur son programme, à voter l'impôt sur le revenu. (Exclamations à l'extrême gauche et à gauche.)

A l'extrême gauche. Chaque réforme à son tour ! — Nous ferons les deux.

M. Lasies. Cette majorité a fait échouer l'impôt sur le revenu à cinq voix parce qu'il gênait de gros intérêts financiers, qui sont sauvés par la rançon de la liberté religieuse que vous allez leur donner. (Très bien ! très bien ! à droite.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des cultes.

M. Bienvenu Martin, ministre de l'instruction publique, des beaux-arts et des cultes. Le Gouvernement est d'accord avec la commission pour repousser la motion d'ajournement de l'honorable M. Berry.

Lorsqu'il a déposé son projet de loi, il a pensé que l'heure de la séparation était venue, que cette mesure devait être la solution inévitable et prochaine d'une situation qui ne pouvait pas se prolonger. Il n'a pas changé d'avis.

En déposant ce projet, le Gouvernement a pris toute sa responsabilité ; il demande à la Chambre de ne pas se dérober à la sienne. (Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche.)

M. le président. La parole est à M. Thierry.

M. J. Thierry. Je considère, aussi bien que M. Berry, qu'il eût été plus respectueux du suffrage universel de ne pas mettre à l'étude une question sur laquelle les électeurs n'ont pas été consultés ; je considère aussi que l’œuvre entreprise nous conduit peut-être au delà des vœux du pays ; mais je considère, d'autre part, la Chambre ayant décidé de passer à la discussion de la loi, qu’il eût été plus expédient de procéder au vote de la proposition de M. Berry à la fin de la discussion générale. La discussion générale comportera l’examen au fond de la loi, et c'est la raison pour laquelle quelques-uns de mes collègues et moi nous nous abstiendrons. (Très bien ! très bien ! au centre.)

M. Georges Berry. J'accepte de reporter le vote sur ma proposition à la fin de la discussion générale. (Bruit à l'extrême gauche.)

M. le président. Vous ne pouvez pas empêcher la Chambre de se prononcer sur une proposition qu'elle vient précisément de discuter.

M. Charles Benoist. M. Berry retire provisoirement sa proposition.

M. Georges Berry. Alors je retire provisoirement ma proposition, en me réservant de la reprendre après la discussion générale. (Dénégations à l'extrême gauche.)

M. César Trouin et plusieurs membres à gauche. Nous la reprenons.

M. le président. M. Trouin et plusieurs de ses collègues reprennent la motion préjudicielle de M. Berry.

M. Charles Benoist. Nous demandons qu'on nous donne les raisons pour lesquelles la proposition est reprise.

M. le président. Monsieur Benoist vous êtes un parlementaire trop expérimenté pour ignorer que c'est une pratique courante.

M. Charles Benoist. C'est incorrect au point de vue parlementaire.

M. le président. Je mets aux vois la motion préjudicielle de M. Berry, reprise par M. Trouin et ses collègues. (Bruit à droite.)

M. Charles Benoist. Mais c'est tout à fait incorrect au point de vue parlementaire ; on a fait une proposition nouvelle qui n'a pas été discutée !

M. Albert-Poulain. Le vote est commencé.

M. le président. Non, tant que le président n'a pas déclaré le scrutin ouvert, le vote n'est pas commencé.

M. Charles Benoist. Qu'on nous dise pourquoi on reprend une proposition retirée par son auteur.

M. le rapporteur. Pour ne pas perdre du temps en recommençant une discussion qui vient d'avoir lieu.

M. Georges Berry. Je demande le renvoi de ma motion à la commission. Cette proposition ne soulève pas la même difficulté et elle a la priorité. (Exclamations à gauche et à l'extrême gauche.)

M. le président. Messieurs, je vous en prie, dans une discussion aussi sérieuse, évitons ces incidents.

M. le baron Amédée Reille. On demande le renvoi à la commission.

M. le président. Il peut plaire à l'auteur de la proposition de la retirer ; mais quand la discussion a eu lieu, il est normal que des membres de cette Assemblée croient devant appeler la Chambre à se prononcer. (Très bien ! très bien ! à gauche.)

Je mets aux voix la motion de M. Berry, reprise par M. Trouin et plusieurs de ses collègues.

Il y a une demande de scrutin, signée de MM. Jules-Louis Breton, Mirman, Levraud, Rouanet, Fournier, Pajot, Bourrat, Petitjean, Péronneau, Guingand, Albert-Poulain, Cère, Vazeille, Desfarges, Colliard, Cadenat, Ferrero, Gérault-Richard, Chamerlat, etc.

Le scrutin est ouvert.

(Les votes sont recueillis. — MM. les secrétaires en font le dépouillement.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin :

Nombre de votants 
383
Majorité absolue 
192
Pour l'adoption 
40
Contre 
343

La Chambre des députés n'a pas adopté.

Nous passons à la seconde motion préjudicielle, celle de M. l'abbé Gayraud.

J'en donne une nouvelle lecture :

« La Chambre, considérant que la loyauté diplomatique et l'honnêteté politique, non moins que l'intérêt de l'ordre public et de la paix religieuse, exigent que la dénonciation du Concordat, l'abrogation de la loi du 18 germinal an X et la séparation des Eglises et de l'Etat soient faites à l'amiable, décide de surseoir à toute délibération sur le projet de loi relatif à ce sujet et invite le Gouvernement à réunir une commission extraparlementaire de ministres des divers cultes, de concert avec les chefs des Eglises intéressées, afin de préprarer un accord avec ces Eglises sur les conditions de la séparation. »

La parole est à M. l'abbé Gayraud.

M. Gayraud. Messieurs, avant d'entrer dans le développement de la motion que j'ai eu l'honneur de déposer, je dois répondre à un argument de M. le rapporteur.

L'honorable M. Briand nous disait qu'après avoir pris rendez-vous pour discuter la séparation des Eglises et de l'Etat, nous semblions craindre aujourd'hui de voir ce débat s'ouvrir et nous proposions des délais afin d'écarter ce projet de loi qui nous terrorise.

Je voudrais bien savoir à quel moment de la discussion nous aurions pu déposer les motions préjudicielles qui vous sont soumises à cette heure. Je crois que l'honorable M. Berry était depuis longtemps décidé à demander à la Chambre de surseoir jusqu'aux prochaines élections au débat sur la séparation. Quant à moi, j'ai toujours pensé que cette séparation devait être préparée de concert avec les Eglises intéressées : nous était-il possible avant ce jour d'apporter à la tribune des motions dans le but de faire accepter nos idées ? Nous sommes donc obligés d'intervenir aujourd'hui pour demander à la majorité parlementaire qu'elle veuille bien reculer l'heure où s'ouvrira la discussion, dans le but unique de donner au pays le moyen de se prononcer et au Gouvernement, et à la majorité elle-même, le temps de prendre tous les renseignements, toutes les informations nécessaires.

A gauche. Nous les avons.

M. Gayraud. Cette réponse faite à l'honorable M. Briand, je viens à mon sujet.

Messieurs, je ne crois pas que depuis l'Assemblée constituante de 1789, un débat plus important que celui qui s'ouvre aujourd'hui sur la question religieuse ait eu lieu dans une Chambre française. Voilà pourquoi, à mon avis, il importe, dès le début de cette discussion, d prendre nettement position et de s'expliquer en toute liberté et avec une entière franchise.

Vous savez que je ne recule pas devant l'expression de mes pensées ni devant l'affirmation nette et précise de la doctrine catholique. Je vais donc, si vous le permettez, vous dire ici très franchement ce que l'Eglise catholique enseigne et ce que tous les fidèles enfants de cette Eglise croient relativement à la séparation des Eglises et de l'Etat.

Pour nous, messieurs, l'idée des rapports entre l'Eglise et l'Etat ne saurait être la séparation. Notre idéal, c'est l'union de la société civile et de la société religieuse...

M. François Fournier. C'est la domination : celle du pape.

M. Gayraud. ...l'union pour la paix des consciences, pour la tranquillité publique et en même temps pour la prospérité de l'Etat et la liberté de l'Eglise.

M. François Fournier. L'Eglise n'a jamais été en paix avec le pouvoir civil. (Exclamations à droite.)

M. Gayraud. Le régime concordataire de 1901 ne réalise pas cet idéal. (Mouvements divers.) Non, messieurs, ne croyez pas que nous considérons le Concordat de messidor comme l'expression fidèle de la doctrine catholique sur les rapports des deux puissances. Dans ce Concordat l'Eglise est reconnue, non pas comme la vraie religion — ce qu'elle est à nos yeux — mais tout simplement comme la religion de la majorité des Français.

M. Bepmale. Cela ne vous suffit pas ?

M. Gayraud. D'après ce Concordat, les nominations ecclésiastiques, les nominations des évêques et des curés sont livrées au Gouvernement.

L'Eglise, se trouve, d'après certains articles du traité, dans l'impossibilité de se suffire à elle-meme au point de vue matériel : vous l'avez condamnée à une sorte de mendicité et de salariat.

M. François Fournier. C'est la critique du Concordat que vous faites ! Alors, dénonçons-le ! (Bruit à droite.)

M. Gayraud. De plus, on a ajouté au Concordat des Articles Organiques, qui en sont en grande partie la contradiction formelle, la violation flagrante.

En dernier lieu, je ferai remarquer que la manière dont le Concordat a été appliqué, surtout dans ces derniers temps, a fait de lui un instrument d'oppression contre l'Eglise et contre les consciences catholiques. (Protestations à gauche.)

Et je me souviens que les cardinaux français dans la lettre qu'ils écrivirent en 1892 au Gouvernement de la République, ne craignaient pas de dire que, si le pape Pie VII avait prévu que le Gouvernement français dût se servir du Concordat comme d'un instrument d'oppression contre l'Eglise, jamais il ne se serait résolu à apposer sa signature au bas de cette convention.

A l'extrême gauche. Qu'est-ce qu'ils en savaient ? (On rit.)

M. Gayraud. Je vous en prie, messieurs, veuillez me permettre de développer ma pensée dans le calme. J'ai besoin, ici, croyez-le, de toute ma tranquillité d'esprit. (Parlez ! parlez !)

M. le président. Chaque orateur y a droit.

M. Gayraud. Vous le voyez, je ne regarde pas le Concordat de 1801 comme l'idéal des rapports entre l'Eglise et de l'Etat. Cependant je n'hésite pas à déclarer que je préfère encore ce régime concordataire à la séparation que vous nous apportez (Interruptions à gauche.) et il est facile d'expliquer mon sentiment. Par la séparation l'Eglise deviendra en réalité, dans ce pays, une association semblable à toutes les autres.

M. Jumel. C'est ce qu'il faut !

M. Gayraud. Le caractère divin qui, aux yeux de notre foi, lui appartient, sera méconnu, nié par la loi et par le Gouvernement de ce pays. (Très bien ! très bien ! à l'extrême gauche.) Elle perdra le bénéfice de la reconnaissance et de l'appui de l'Etat. D'autre part, l'Etat lui-même, par la séparation perd son autorité sur le clergé et compromet gravement les avantages que sa qualité de première nation catholique lui faisait dans le monde. (Exclamations à gauche. — Très bien ! très bien ! à droite.)

Voilà pourquoi je préfère le régime concordataire, même tel qu'il a été réalisé chez nous par la convention de messidor an IX et la loi du 18 germinal an X, au régime séparatiste pris en soi, et surtout à celui que vous vous proposez de réaliser.

Il n'est donc pas étonnant que, dans mon Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/11 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/12 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/13 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/14 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/15 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/16 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/17 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/18 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/19 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/20 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/21 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/22 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/23 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/24 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/25 Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/26 combe (Louis). Lafferre. Lamendin. Lanessan (de). Larquier. Lassalle. Lauraine. Le Bail. Lebrun. Lefèvre. Leffet. Lepelletier (Edmond). Lepez. Leroy (Modeste) (Eure). Lesage. Le Troadec. Levet (Georges). Levraud. Leygue (Honoré) (Haute-Garonne). Leygue (Raymond) (Haute-Garonne). Leygues (Georges) (Lot-et Garonne). Lhopiteau. Lockroy. Loup.

Magniaudé. Malizard. Maret (Henry). Martin (Louis) (Var). Mas. Massé. Maujan. Maure. Menier (Gaston). Merlou. Meslier. Messimy. Michel (Henri) (Bouches-du-Rhône). Mill (Louis). Millerand. Minier (Albert). Mirman. Mollard. Monfeuillart. Morlot. Mougeot. Mulac. Muteau.

Nicolle. Noël. Normand. Noulens.

Ozun.

Pajot Pasqual. Pastre. Paul Meunier. Pavie. Pelletan (Camille). Péret. Péronneau. Petitjean. Peureux. Pichery. Pierre Poisson. Piger. Plissonnier. Poullan. Pourteyron. Pressensé (Francis de). Puech.

Rabier (Fernand). Ragot. Rajon (Claude). Razimbaud (Jules). Régnier. René Rénoult. Reveillaud (Eugène). Réville (Marc) Rey (Emile). Ridouard. Rigal. Robert Sarcouf. Roch. Roche (Ernest) (Seine). Rouanet. Rouby. Rougier. Rousé. Rozet (Albin). Ruau.

Sabatene. Salis. Sandrique. Sarraut (Albert). Sarrazin. Sarrien. Saumande. Sauzède. Schneider (Charles) (Haut-Rhin). Selle (Nord). Sembat. Sènac. Serres (Honoré). Siegfried. Simonet. Simyan. Sireyjol. Steeg.

Tavé. Tenting. Théron. Thierry-Cazes. Thivrier. Thomson. Tiphaine. Torchut. Tourgnol. Tournade. Tournier (Albert). Trouillot (Georges). Trouin.

Ursleur.

Vacherie. Vaillant. Vazeille. Veber (Adrien). Vialis. Videau. Vigne (Octave) (Var). Vigné (Paul) (Hérault). Vigouroux. Villejean. Viollette. Vival. Vogeli.

Walter.

Zévaès.


N’ONT PAS PRIS PART AU VOTE

MM. Adam (Achille). Alsace (comte d'), prince d'Hénin. Amodru. Ancel-Seitz. Anthime-Ménard. Anchdeacon. Arnal. Audigier. Auffray (Jules). Aynard (Edouard).

Ballande. Bansard des Bois. Barrois. Beauregard (Paul) (Seine). Beharelle. Berger (Georges). Berry (Georges). Bertrand (Paul) (Marne). Bienaimé (amiral). Bignon (Paul). Bischoffsheim. Boissieu (baron de). Bonnevay. Bonte. Bonvalot. Borgnet. Boucher (Henry). Boury (de). Brice (Jules) (Meurthe-et-Moselle). Brindeau. Brisson (Joseph) (Gironde).

Caffarelli (comte). Carnot (François). Castellane (comte Boni de). Castelnau (de). Cavaignac (Godefroy). Charles Benoist (Seine). Chevalier. Cibiel. Claudinon. Coache. Cornudet (vicomte). Corrard des Essarts. Coutant (Paul) (Marne).

Dèche. Delafosse (Jules). Delelis. Denis (Théodore). Déribéré-Desgardes. Deschanel (Paul). Desjardins (Jules). Doumer (Paul). Drake (Jacques). Duclaux-Monteil. Dudouyt. Dulau (Constant). Dunaime. Duquesnel Durand. Dutreuil.

Elva (comte d'). Engerand (Fernand).

Fabien-Cesbron. Ferrette. Flandin (Ernest) (Calvados). Flourens. Fouquet (Camille). Fruchier.

Gaffier. Gailhard-Bancel (de). Gaillard (Jules). Galot (Jules). Gauthier (de Cagny). Gauthier (Léon) (Vosges). Gavini (Antoine). Gayraud. Gellé. Gérard (Edmond) (Vosges). Gervaize (Meurthe-et-Moselle). Gontaut-Biron (comte Joseph de). Goujon (Julien). Gourd. Grandmaison (de), Guillain. Guilloteaux. Guyot de Villeneuve.

Harriague Saint-Martin. Haudricourt. Hémon. Hugues (François) (Aisne).

Jacquey (général). Jules Jaluzot.

La Chambre. Lachièze. Lamy. Laniel (Henri). Lannes de Montebello. Laroche-Joubert. La Rochethulon (comte de). Laurençon. Lanrens-Castelet (marquis de). Laville. Lefas. Léglise. Lemire. Le Moigne. Lévis-Mirepoix (comte de). Limon. Lozé. Ludre (comte Ferri de).

Mackan (baron de). Mahy (de). Marot (Félix). Maruéjouis. Maurice Binder. Maurice Spronck. Milevoye. Miossec. Montalempert (comte de). Montjou (de). Morel (Victor) (Pas-de-Calais). Motte. Mun (comte Albert de).

Ornano (Cuneo d'). Ory. Osmoy (comte d').

Passy (Louis). Paulmier. Pichat. Prache. Pradet-Balade. Proust. Pugliesi-Conti.

Quilbeuf.

Raiberti. Reille (baron Amédée). Reille (baron Xavier). Renault-Morlière. Ribot. Riotteau. Ripert. Roche (Jules) (Ardèche). Roger-Ballu. Rose. Rouland. Rousset (lieutenant-colonel). Rudelle.

Saint-Pol (de). Salles (Orne). Schneider (Eugène) (Saône-et-Loire). Sibille.

Tailliandier. Thierry. Thierry-Delanoue. Trannoy. Turigny.

Vallée. Villault-Duchesnois. Villiers.


N'ONT PAS PRIS PART AU VOTE
comme ayant été retenus à la commission du budget :

MM. Cachet.

Krantz (Camille).

Le Hérissé.


ABSENTS PAR CONGÉ :

MM. Arago (François).

Bourgeois (Léon) (Marne) Bouctot.

Cardon. Cauvin (Ernest). Cruppi.

Delarbre.

Faure (Firmin).

Jehanin. Jonnart. Jules Legrand (Basses-Pyrénées).

Kerjégu (J. de).

Lebaudy (Paul).

Mando. Massabuau. Mercier (Jules). Moustier (marquis de).

Pasquier. Périer (Germain). Périer de Larsan (comte du). Perroche.

Roscoat (vicomte du). Rouvre (Bourlon de).

Saint-Martin (de).




Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants 
383
Majorité absolue 
192
Pour l'adoption 
40
Contre 
343

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste de scrutin ci-dessus.




SCRUTIN
Sur le renvoi à la commission de la motion préjudicielle de M. Gayraud oncernant la séparation des Eglises et de l'Etat.
Nombre de votants 
529
Majorité absolue 
265
Pour l'adoption 
144
Contre 
3

La Chambre des députés n'a pas adopté.


ONT VOTÉ POUR :

MM. Adam (Achille). Archdeacon. Arnal. Aubigny (d'). Auflray (Jules).

Bansard des Bois. Baudry d'Asson (de). Beauregard (Paul) (Seine). Benoist (de) (Meuse). Berger (Georges). Berry (Georges). Bignon (Paul). Boissieu (baron de). Bonnevay. Bonvalot. Borgnet. Bougère (Ferdinand). Bougère (Laurent). Bourgeois (Paul) (Vendée). Boury (de). Brice (Jules) (Meurthe-et-Moselle). Brice (René) (Ille-et-Vilaine). Brindeau. Broglie (duc de).

Caffarelli (comte). Caraman (comte de). Castelnau (de). Chambrun (marquis de). Chevalier. Cibiel. Claudinon. Coache. Cochin (Denys) (Seine). Cochin (Henry) (Nord). Constant (Emile) (Gironde). Corrard des Essarts.

Dansette (Jules). Daudé. Dèche. Delafosse (Jules). Denis (Théodore) Desjardins (Jules). Dion (marquis de). Drake (Jacques). Duclaux-Monteil. Dudouyt. Dutreil.

Elva (comte d'). Engerand (Fernand). Estourbeillon (marquis de l').

Fabien-Cesbron. Flandin (Ernest) (Calvados). Flayelle. Fontaines (de). Forest. Fouché. Fouquet (Camille).

Gaffier. Gailhard-Bancel (de). Gaillard (Jules). Galot (Jules). Galpin (Gaston). Gayraud. Gérard (baron) (Calvados). Gervaize (Meurthe-et-Moselle). Ginoux-Defermon. Gonidec de Traisan (comte le). Goujon (Julien). Gourd. Grandmaison (de). Groussau. Guilloleaux. Guyot de Villeneuve.

Halgouet (lieutenant-colonel du). Harrigue Saint-Martin. Hugues (François) (Aisne).

Jacquey (général). Jules Jaluzot.

La Bourdonnaye (comte de). La Chambre. La Ferronnays (marquis de). Lamy. Laniel (Henri). Lanjuinais (comte de). Largentaye (Rioust de). Laroche-Joubert. La Rochethulon (comte de). Lasies. Laurens-Castelet (marquis de). Laville. Lefas. Legrand (Arthur). Lemire. Lerolle. Lespinay (marquis de). Lévis-Mirepoix (comte de). Limon. Ludre (comte Ferri de).

Mackau (baron de}. Maillé (de). Marot (Félix). Maurice Binder. Maurice Spronck. Maussabré (marquis de). Michel (Adrien) (Haute-Loire). Millevoye. Miossec. Montaigu (comte de). Montalembert (comte de). Montjou (de). Mun (comte Albert de).

Ollivier. Ornano (Cuneo d'). Ory. Osmoy (comte d').

Pain. Passy (Louis). Paulmier. Pichat. Pins {marquis de). Plichon. Pomereu (comte de). Prache. Pradet-Balude. Proust. Pugliesi-Conti.

Quilbeuf.

Ramel (de). Rauline (Marcel). Reille (baron Amédée). Reille (baron Xavier). Riotteau. Ripert. Roche (Jules) (Ardèche). Rohan (duc de). Rosanbo (marquis de). Rouland.

Saint-Pol (de). Salles (Orne). Savary de Beauregard. Schneider. (Eugène) (Saône-et-Loire). Suchetet.

Tailllandier.

Villiers.


ONT VOTÉ CONTRE :

MM. Abel-Bernard. Albert-Le-Roy (Ardèche). Albert-Poulain. Aldy. Allard. Alsace (comte d'), prince d'Hénin. Amodru. Andrieu. Antoine Gras. Arbouin. Argeliès. Aristide Briand. Armez. Astier. Astima (colonel). Aubry. Augagneur. Augé (Justin) (Hérault). Augé (Joanny) (Loire). Authier.

Babaud-Lacroze. Bachimont. Bagnol. Balandreau. Balitrand. Baron (Gabriel) (Bouches-du-Rhône). Barthou. Bartissol. Basly. Baudet (Charles) (Côtes-du-Nord). Baudet (Louis) (Eure-et-Loir). Baudin (Pierre). Baudon (Oise). Beauquier. Beauregard (de) (Indre). Begey. Beharelle. Bellier. Bénézech. Bepmale. Bérard (Alexandre). Bersez. Berteaux. Berthet. Bertrand (Lucien) (Drôme). Bertrand(Paul) (Marne). Bichon. Bienvenu Martin (Yonne). Bizot. Bony-Cisternes. Boucher (Henry). Bouhey-Allex. Bourrat. Boutard. Bouveri. Boyer (Antide). Bozonet. Braud. Breton (Jules-Louis). Brisson (Henri) (Bouches-du-Rhône). Brunard. Brunet. Buisson (Ferdinand) (Seine). Bussière. Buyat.

Cadenat. Caillaux. Camuzet. Capéran. Cardet. Carnaud. Carnot (François). Carpot. Castellane (comte Boni de). Castellane (comte Stanislas de). Castillard. Catalogne. Cavaignac (Godefroy). Cazauvieilh. Caze (Edmond). Cazeaux-Gazalet. Cazeuneuve. Cère (Emile). Chabert (Justin) (Rhône). Chaigne. Chaleil. Chambige. Chambon. Chamerlat. Chanal. Chandioux. Chanoz. Chapuis. Charles Bos. Charles Chabert (Drôme). Charonnat. Charpentier. Charruyer. Chastenet (Guillaume). Chaumet. Chaussier. Chautemps (Alphonse) (Indre-et-Loire). Chautemps (Emile) (Haute-Savoie). Chauvière. Chavoix. Chenavaz. Clament (Clément) (Dordogne). Clément (Martinique). Clémentel. Cloarec. Cochery (Georges). Codet (Jean). Colin. Colliard. Congy. Constans (Paul) (Allier). Corderoy. Cornet (Lucien). Coulondre. Coutant (Jules) (Seine). Coutant (Paul) (Marne). Couyba.

Darblay, Dasque. Dauson. David (Alban) (Indre). David (Fernand) (Haute-Savoie). David (Henri) (Loir-et-Cher). Debaune (Louis). Debève (François). Debussy. Decker-David. Defontaine. Defumade. Dejeante. Delarue. Delaune (Marcel). Delbet. Delcassé. Deléglise. Delelis. Delmas. Delombre (Paul). Deloncle (Charles) (Seine). Deloncle (François) (Cochinchine). Delory. Denêcheau. Déribéré-Desgardes. Derveloy. Deschanel (Paul). Desfarges (Antoine). Deshayes. Devèze. Deville (Gabriel). Devins. Disleau. Dormoy. Doumergue (Gaston). Dron. Dubief. Dubuisson. Dufour (Jacques). Dujardin-Beaumetz. Dulau (Constant). Dumont (Charles). Dunaime. Dupuy (Pierre). Durand. Dussuel.

Eliez-Evrard. Emile Chauvin. Empereur. Escanyé. Etienne. Euzière.

Fabre (Léopold). Failliot. Fernand Brun. Féron. Ferrero. Ferrette. Ferrier. Fiquet. Fitte. Flandin (Etienne) (Yonne). Fleury-Ravarin. Flourens. Forcioli. Fould (Achille). Fournier (François).

Gabrielli. Galy-Gasparrou. Gauvin. Gellé. Gentil. Gérald (Georges). Gérault-Richard. Gervais (Seine). Gerville-Réache. Girod. Godet (Frédéric). Gontaut-Biron (comte Joseph de). Goujat. Gouzy. Grosdidier. Grosjean. Grousset (Paschal). Guieysse. Guingand. Guyot-Dessaigne.

Haudricourt. Hémon. Henrique-Duluc. Holtz. Hubbard. Hubert. Hugon. Hugues (Clovis) (Seine).

Iriart d'Etchepare (d'). Isnard (Finistère). Isoard (Basses-Alpes).

Janet (Léon) (Doubs). Jaurès. Jean Morel (Loire). Jeanneney. Jourdan (Louis). Judet. Jumel.

Klotz.

La Batut (de). Labussière. Lachaud. Lacombe (Louis). Lafferre. Lamendin. Lanessan (de). Lannes de Montebello. Larquier. Lassalle. Lauraine. Le Bail. Lebrun. Lefèvre. Leffet. Léglise. Le Moigne. Lepelletier (Edmond). Lepez. Leroy (Modeste) (Eure). Lessage. Le Troadec. Levet (Georges). Levraud. Leygue (Honoré) (Haute-Garonne). Leygue (Raymond) (Haute-Garonne). Leygues (Georges) (Lot-et-Garonne). Lhopiteau. Lockroy. Loque. Loup. Lozé.

Magniaudé. Mahy (de). Malizard. Maret (Henry). Martin (Louis) (Var). Maruéjouls. Mas. Massé. Maujan. Maure. Menier (Gaston). Merlou. Meslier. Messimy. Michel (Henri) (Bouches-du-Rhône). Mil (Louis). Millerand. Minier (Albert). Mirman. Mollard. Monfeuillart. Morel (Victor) (Pas-de-Calais). Morlot. Mougeot. Mulac. Muteau.

Nicolle. Noël. Normand. Noulens.

Ozun.

Pajot. Pasqual. Pastre. Paul Meunier. Pavie. Pelletin (Camille). Péret. Péronneau. Petitjean. Peureux. Richery. Pierre Poisson. Piger. Plissonnier. Poullan. Pourteyron. Pressensé (Francis de). Puech.

Rabier (Fernand). Ragot. Rajon (Claude). Razimbaud (Jules). Régnier. Renault-Molière. René Renoult. Réveillaud (Eugène). Réville (Marc). Rey (Emile). Ridouard. Rigal. Robert Surcouf. Roch. Roche (Ernest) (Seine). Rose. Rouanet. Rouby. Rougier. Rousé. Rousset (lieutenant-colonel). Rozet (Albin). Ruau.

Sabaterie. Salis. Sandrique. Sarraut (Albert). Sarrazin. Sarrien. Saumande. Sauzède. Schneider (Charles) (Haut-Rhin). Selle (Nord). Sembat. Sénac. Serres (Honoré). Sibille. Siegfried. Simonet. Simyan. Sireyjol. Steeg.

Tavé. Tenting. Théron. Thierry-Cazes. Thierry-Delanoue. Thivrier. Thomson. Tiphaine. Torchut. Tourgnol. Tournade. Tournier (Albert). Trannoy. Trouillot (Georges). Trouin.

Ursleur.

Vacherie. Vaillant. Vallée. Vazeille. Veber (Adrien). Vialis. Videau. Vigne (Octave) (Var). Vigné (Paul) (Hérault). Vigouroux. Villault-Duchesnois. Villejean. Viollette. Vival. Vogeli.

Walter.

Zévaès.


N’ONT PAS PRIS PART AU VOTE

MM. Ancel-Seitz. Anthime-Ménard. Audigier. Aynard (Edouard).


PÉTITIONS
RÉSOLUTIONS de la 15e commission des pétitions insérées dans le feuilleton du jeudi 9 février 1905, devenues définitives aux termes de l'article 66 du règlement.


QUINZIÈME COMMISSION


M. Albin Rozet, rapporteur.

Pétition n° 1886. — M. A. Capé, capitaine d'artillerie à Alger, sollicite l'intervention de la Chambre en faveur de la nouvelle langue internationale dite « espéranto ».

Motifs de la commission. — Il y a beaucoup de choses dans la pétition de M. le capitaine Capé ; la commission n'en a retenu qu'une, à laquelle, d'ailleurs, toutes les autres se rapportent, mais plutôt de loin que de près.

M. Capé demande à la Chambre de se prononcer sur l'espéranto, persuadé que son avis ne peut être que favorable et qu'il contribuera puissamment à la diffusion de la nouvelle langue. Peut-être le pétitionnaire eût-il mieux fait de s'adresser à quelque corps savant, tel que l'Institut, le Collège de France ou la Sorbonne ; il ne paraît pas que la Chambre ait qualité pour rendre des arrêts ou des services linguistiques. Cependant la commission n'a pas cru devoir se dérober ; elle a pris connaissance, non seulement des échantillons d'espéranto joints à la pétition, mais encore de toute la littérature spérantiste qu'elle a pu se procurer. Page:JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés — 21 mars 1905.pdf/29