Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/J’ai lu qu’un batelier

Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 2 (p. 297-299).

VIII[1]


J’ai lu qu’un batelier, entrant dans sa nacelle.
Jetait à l’eau son aviron ;

J’ai lu qu’un écuyer noble et fier sur la selle,
Bien armé d’un double éperon.
D’abord ôtait la bride à son coursier farouche ;
J’ai lu qu’un sage renommé,
Avant de s’endormir, dans le fond de sa couche
Plaçait un tison allumé ;
J’ai lu que, pour franchir des routes difficiles,
Un Automédon pétulant
Enlevait les écrous des quatre orbes agiles
Qui roulaient sous son char brillant ;
J’ai lu qu’un Actéon, à son tour, sur l’arène,
Assouvit la rage et la faim
De ses chiens, par lui seul, pour bien servir sa haine.
Accoutumés au sang humain.
L’Automédon meurtri devint un Hippolyte,
Le sage...............
… l’écuyer à pied descendit au Cocyte.
Le nocher...............
Un sot enfant jouait avec des grains de poudre
....................
....................
....................
Un docte à grands projets rassembla des vipères,
Et leur prêchait fraternité.
Mais, déchiré bientôt par ce peuple de frères.
Il dit : — « Je l’ai bien mérité.
Un seul de ces serpents qui se cache sous l’herbe
Est terrible ; et moi........
Je les réunis tous. Je joins ..... superbe
Et l’audace aux mauvais penchants. »
J’ai lu maints autres faits, tous fort bons à redire ;

Et tous ces beaux faits que j’ai lus,
Barnave, Chapelier, Duport les devaient lire :
Ceux-ci[2] ne lisent pas non plus.

  1. Édition de G. de Chénier.
  2. Ceux-ci, c’est-à-dire ceux qui ont la faveur du peuple en ce moment.