J’avois esté saigné : ma Dame me vint voir

J’avois esté saigné : ma Dame me vint voir
Les Amours, Texte établi par Hugues VaganayGarnier2 (p. 324-325).

XXXII

J’avois esté saigné : ma Dame me vint voir
Lors que je languissois d’une humeur froide et lente.
Se tournant vers mon sang, comme toute riante,
Me dist en se jouant, Que vostre sang est noir !
Le trop penser en vous a peu si bien mouvoir
L’imagination, que l’ame obeyssante
A laissé la chaleur naturelle impuissante
De cuire, de nourrir, de faire son devoir.
Ne soyez plus si belle, et devenez Medée :
Colorez d’un beau sang ma face ja ridée,
Et d’un nouveau printemps faites moy r’animer.

Aeson vit rajeunir son escorce ancienne.
Nul charme ne sçauroit renouveller la mienne :
Si je veux rajeunir, il ne faut plus aimer.