Impressions de guerre allemandes en 1870

Impressions de guerre allemandes en 1870
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 29 (p. 371-395).
IMPRESSIONS DE GUERRE ALLEMANDES
EN 1870

Au moment où toutes les forces de la France se tendent contre l’invasion pour la repousser, toutes ses pensées se tournent vers les envahisseurs pour tenter de les mieux connaître. On aimerait à savoir quel état d’esprit a inspiré leur conception de la guerre, à pénétrer le secret de leurs forces et de leurs faiblesses morales, à apprendre d’eux-mêmes les motifs de leur présomption du début et les raisons de leurs inexplicables cruautés. On interroge à cet effet les rares carnets de route que les hasards de la lutte ont fait passer de leurs mains dans les nôtres, et l’on voudrait dès maintenant pouvoir consulter et comparer les récits dans lesquels ils résumeront leurs impressions après la campagne.

S’il est vrai que l’histoire se répète toujours, il n’est pas impossible de tromper cette impatience et de préjuger les résultats de cette enquête. Il y a quarante-cinq ans déjà, la France a reçu la visite d’ennemis dont beaucoup nous ont laissé le témoignage écrit de ce qu’ils y ont vu et ressenti. D’une génération à l’autre, les traits distinctifs d’une race et d’une armée ne se modifient pas assez profondément pour qu’il soit inutile de chercher dans les souvenirs des pères l’explication des questions soulevées par l’œuvre des fils.


I

Cette étude est facilitée par l’extraordinaire développement qu’a pris au-delà du Rhin la littérature de la guerre de 1870. De tous les Européens, l’Allemand est peut-être celui qui éprouve le plus de peine à se tenir tranquille devant une feuille de papier blanc. Il suffit d’avoir habité son pays ou parcouru ses journaux pour constater combien est impérieux chez lui, à quelque classe sociale qu’il appartienne, le besoin de mettre le public dans la confidence de ses sentimens personnels ou de ses idées générales. Cette incoercible graphomanie devait s’exercer avec une intensité particulière quand il s’agissait d’évoquer d’inoubliables souvenirs patriotiques. Aussi les survivans de la « grande guerre » ont-ils mis un tel empressement à rédiger leurs mémoires, que la série en forme toute une bibliothèque, dont il a pu être dressé des catalogues spéciaux, et dans laquelle presque chaque corps de troupe est représenté.

Ces œuvres de circonstance présentent naturellement une valeur documentaire fort inégale selon leur développement, la date de leur composition et la personnalité de leurs auteurs. — On peut d’abord placer à part, en première ligne, celles des « grands chefs » mêlés aux affaires du haut commandement : le prince de Hohenlohe, dont les mémoires, si vivans et si souvent cités quand ils se rapportent à ses fonctions d’attaché militaire à Vienne, ont malheureusement un caractère un peu trop technique quand ils retracent son activité d’artilleur au siège de Paris[1] ; le général de Wilmowski, auquel sa situation de chef du Cabinet militaire du roi Guillaume a permis d’assister à bien des scènes intéressantes, un peu sèchement relatées dans les notes publiées par son fils[2] ; le lieutenant général de Müller, dont le livre embrasse les deux campagnes de 1866 et de 1870[3]. — On peut ranger au-dessous les ouvrages des officiers subalternes, moins importans peut-être pour la grande histoire, mais plus intéressans à coup sûr pour la petite, parce que leurs auteurs ont vu les choses de moins haut et par suite de plus près. Deux d’entre eux ont mérité d’être récemment traduits en français : celui de Kretschmann[4], qui présente l’inestimable avantage d’être formé de lettres intimes, écrites sous l’impression immédiate des événemens du jour, et celui de Tanera, qui a obtenu à son apparition le même succès de librairie qu’en France le Journal d’un officier d’ordonnance de d’Hérisson, auquel il peut être comparé, non seulement pour la similitude du titre, mais encore pour la vivacité des peintures et le mouvement du récit. On peut citer encore, comme représentant les divers contingens de l’armée d’invasion, les souvenirs de Koch-Breuberg, Bavarois comme Tanera, moins populaire que lui en Allemagne, mais moins entaché de complaisance envers les passions nationales ; ceux des capitaines prussiens Krokisius et Ubisch, intéressans, l’un pour la campagne de l’Est, l’autre pour la campagne du Nord ; les rapides esquisses du Wurtembergeois Fausel et le Journal de route du Hessois Bornemann[5].

Les mémoires des officiers de réserve ou des volontaires d’un an, qui sortent du même milieu social, doivent être mis à part, parce qu’ils représentent dans cet ensemble une note un peu particulière. Ils émanent en effet d’esprits moins uniformément marqués par le pli professionnel, plus sensibles au côté humain des choses, plus curieux des traits de mœurs significatifs, plus propres à nous donner une idée des sentimens de la nation dont ils sortaient. Le plus typique peut-être et le moins connu de ces ouvrages est celui du landwehrien bavarois Bauriedel, qui reflète assez exactement les inclinations dominantes dans les masses de l’armée d’invasion ; celui du volontaire Zeitz, vulgarisé au contraire en Allemagne par une édition populaire illustrée, se recommande par une inspiration plus élevée, un récit constamment pittoresque et parfois même dramatique. On ne peut enfin citer que pour mémoire les relations, parfois anonymes, des innombrables soldats qui jouèrent le rôle d’humbles comparses dans cette grande tragédie. Il en est peu pourtant où l’on ne trouve à glaner quelques traits de mœurs intéressans[6].

L’invasion a eu enfin, sinon pour acteurs, au moins pour témoins de simples civils, auxquels leurs fonctions ou leur fortune ont permis de la voir de près et qui l’ont racontée avec une liberté de jugement inconnue à des hommes dont l’esprit comme la volonté devait se plier aux règles de la discipline militaire. On connaît par leurs traductions françaises les récits autobiographiques du docteur Busch, le commensal de Bismarck, ou de Louis Schneider, ce comédien devenu secrétaire du roi Guillaume pendant la campagne[7]. Celui du docteur Cahn, chancelier de la légation badoise, resté à Paris pour en garder des archives, nous donne les impressions d’un Allemand assiégé par ses compatriotes, et rapportant fidèlement celles qu’il recueille dans son entourage français (il reproduit entre autres une très curieuse conversation avec Renan[8]. — L’odyssée de Théodore Fontane est plus singulière encore. Ce littérateur berlinois avait eu la malheureuse inspiration de choisir le mois d’août 1870 pour se promener en touriste dans la Lorraine à moitié envahie. Arrêté près de Domremy sous l’inculpation d’espionnage, conduit et interne à l’île d’Oléron, il fut ensuite relâché, dès que la méprise eut été reconnue. Cette mésaventure, dont il tira un premier volume de souvenirs (traduit en français), ne l’empêcha pas de chercher la matière de deux autres, moins connus mais plus curieux encore, dans un voyage qu’il accomplit, après l’armistice, à travers les régions occupées par les armées allemandes[9]. Il s’y attache surtout à décrire l’état d’esprit des populations envahies, avec une philosophie surprenante pour un ancien prisonnier de guerre, une impartialité rare chez un vainqueur, un effort de sympathie méritoire chez un ennemi de la veille.

En réunissant autour de quelques points de vue dominans les multiples remarques éparses dans les œuvres des témoins allemands de la guerre de 1870, on peut voir se dessiner avec quelque précision, d’une part l’image qu’ils nous présentent d’eux-mêmes, et d’autre part l’idée qu’ils se forment du pays où les a conduits la fortune des armes.


II

Ils nous fournissent d’abord de précieuses indications sur la valeur militaire de leur armée, la valeur morale de ceux qui la composent et enfin sur sa manière de faire la guerre.

Si l’Allemand ne montre pas toujours dans le malheur toute la dignité désirable, la modestie n’est pas sa vertu dominante lorsqu’il est triomphant. Il ne faut donc point trop s’étonner, ni d’entendre les chefs des troupes victorieuses rendre à leurs qualités un hommage enthousiaste et en partie mérité, ni de voir l’un d’eux s’exalter jusqu’à attribuer leurs succès à ce fait qu’elles représentent vis-à-vis de la France « une conception du monde plus élevée » (eine höhere Weltordnung)[10]. C’est là un langage que nous avons entendu tout récemment dans la bouche de professeurs célèbres. Mais certains aveux involontaires échappés aux auteurs de ces fières déclarations, semblent de nature à en atténuer l’effet. — Le premier est celui de la surprise que semble leur procurer à eux-mêmes la facilité de leur triomphe. On connaît l’exclamation qu’arrachait ce sentiment à Schneider, au lendemain même de l’armistice : « Qui oserait nier, s’écriait-il avec un soupir de soulagement, que nous ayons eu un insolent bonheur ? et que la masse des fautes commises par les Français l’emporte de beaucoup sur le nombre de nos succès mérités et de nos combinaisons heureuses ? » Les officiers subalternes ne pensent pas autrement que le lecteur du roi de Prusse. En annonçant à sa femme la capitulation de Metz, Kretschmann note qu’il faut attribuer un événement aussi surprenant « à la grâce de Dieu bien plus qu’à l’art de la guerre[11]. » En arrivant à Melun avec l’avant-garde bavaroise, Bauriedel ne revient pas de la stupéfaction que lui cause sa course rapide à travers la France : « Pour la première fois, dit-il, nous pûmes faire boire nos chevaux dans la Seine. Qui eût prévu cela il y a deux mois ! Bien peu de gens en Allemagne étaient assez hardis pour y songer. » Plus tard, lorsqu’il se rend à Versailles avec ses camarades, cette visite lui inspire une réflexion analogue à celle que la légende prête au doge de Gènes sous Louis XIV. Ce qui l’étonne le plus dans les splendeurs du château, c’est d’y voir des uniformes allemands[12]. L’expression mille fois renouvelée de ces sentimens s’accorde mal avec la conscience d’une irrésistible supériorité.

Cette supériorité reconnue n’était pas d’ailleurs sans lacunes, ni sans inégalités. Elle tenait, d’après le témoignage d’un général expérimenté, vétéran des grandes guerres, aux qualités des officiers bien plus qu’à celles des soldats, issus d’un peuple qu’il définit lui-même comme « pas guerrier, à peine patriote, et seulement royal[13], » c’est-à-dire entraîné au métier des armes par discipline monarchique et dressage mécanique plus que par enthousiasme national. Et le corps d’officiers lui-même a-t-il toujours donné l’exemple du sentiment du devoir et de la constance dans l’effort ? En décembre, à l’armée de la Loire, plusieurs d’entre eux déclarent ouvertement « qu’ils en ont assez de la guerre[14]. » Lorsqu’elle se termine par l’armistice, le ressort de la discipline, fatigué peut-être par une tension ininterrompue de six mois, se relâche et fléchit au point de se briser. C’est parmi les gradés, même parmi les princes souverains, un assaut de sollicitations auprès du haut commandement pour obtenir un congé et revoir leurs familles ou leurs Etats, en abandonnant leurs corps. Cette hâte indécente produit sur les officiers restés fidèles au drapeau l’impression d’une fuite éperdue ; ils se demandent plaisamment si l’on ne sera pas forcé de lever une nouvelle armée de recrues pour figurer les troupes victorieuses lors de la rentrée solennelle à Berlin[15].

S’il n’existe aucune institution humaine qui reste à l’abri de pareilles défaillances morales, il est du moins un mérite qu’il semblait difficile de contester à l’armée prusso-allemande : c’était la perfection de son organisation matérielle, le fonctionnement impeccable et automatique de ses services administratifs : intendance, santé ou ravitaillement. A cet égard elle a passé en 1870, surtout par comparaison avec l’armée française, pour un modèle impossible à égaler. Là encore, les témoignages des intéressés trahissent un sérieux écart entre l’histoire et la légende. Les soldats bavarois sont partis en campagne avec des effets usagés, qui tombent en loques aux premières intempéries, et leur donnent l’aspect aussi minable que les plus déguenillés de nos moblots. Certains contingens prussiens ne semblent pas mieux partagés. Lorsque le IIe corps, détaché du siège de Paris, accourt à marches forcées pour rejoindre Manteuffel et couper la retraite à l’armée de Bourbaki, il suffit de quelques étapes à travers les plateaux neigeux de la Côte d’Or pour détériorer l’équipement et mettre les bottes en lambeaux : si bien que beaucoup d’hommes les jettent pour les remplacer par des sabots de paysans. Et l’un de leurs chefs, le capitaine Krokisius, de se répandre en imprécations contre l’improbité des fournisseurs et la négligence coupable de l’intendance ! Qui se serait attendu à retrouver dans le camp de nos adversaires ce scandale des « souliers à semelle de carton, » si souvent reproché, à tort ou à raison, au Gouvernement de la Défense nationale[16] ? Sur le front même, des employés de l’administration militaire détournent pour leur usage particulier la plus grande partie des cadeaux que des âmes charitables envoient pour les soldats, ou même pour les blessés. Sous Metz, un inspecteur de Iazareth trouve ainsi le moyen d’envoyer chaque jour à sa femme une somme qui varie entre 50 et 100 thalers. « De tels faits sont vraiment troublans, remarque à ce propos Kretschmann, qui nous révèle en même temps l’indifférence du corps médical à ces honteuses pratiques. Si je commande aujourd’hui à l’ambulance tant de bouteilles de vin et de saucisses pour les malades et que je m’y rende le lendemain, je constate qu’ils n’ont rien reçu. Mais, si je passe ensuite dans la chambre des médecins, je les trouve autour d’une table bien servie, le visage congestionné par le vin[17]. » Voilà une confession à laquelle les débats d’un récent conseil de guerre prêtent un singulier intérêt d’actualité.

Les auteurs de souvenirs sur la guerre de 1870 nous renseignent plus complètement encore sur leurs nombreuses infirmités morales que sur leurs rares insuffisances militaires. De leurs aveux, tour à tour involontaires ou cyniques, ressortent avec netteté les traits distinctifs qui caractérisent et déparent leur conception de la dignité personnelle ou humaine : une insatiable gloutonnerie, l’amour du pillage et de la dévastation, une cruauté systématique envers les vaincus.

Dans tous les mémoires militaires, français ou étrangers, la question de l’alimentation tient une place que l’on serait au premier abord tenté de trouver excessive, si l’on ne se rappelait quelles difficultés elle rencontre et quelle importance elle présente en temps de guerre. On pardonne volontiers cette préoccupation constante au militaire en campagne, mais à la condition qu’elle ne devienne pas exclusive et que la recherche du pain quotidien ne se confonde pas dans son esprit avec l’obsession de la ripaille. Cette distinction semble échapper aux vainqueurs de 1870, car la plupart regardent comme leur unique souci de faire bombance aux dépens des populations envahies. À ce point de vue, le livre de Bauriedel est particulièrement caractéristique et peut être considéré comme l’épopée de la voracité germanique. Faute d’avoir pu combattre suffisamment sur les champs de bataille, où son régiment n’a fait que de rares apparitions, l’auteur signale sa valeur par des exploits culinaires dont il nous laisse la trop complaisante énumération. Il ne nous fait pas grâce d’un de ses menus, ne se rappelle ses garnisons éphémères de France que par les plats nationaux qu’il a appris à y déguster, et dont il célèbre les vertus en termes lyriques. Si l’on retranchait de ses souvenirs tout ce qu’il y défile de « fins dîners, » de « gigots de moutons » et de « pâtés de lapins » français, alternant avec des « poitrines d’oies fumées » poméraniennes, une bonne partie de son œuvre y fondrait, et ce serait dommage, car c’est la seule où il ait mis tout son cœur. On dirait, à l’entendre, lui et ses camarades, une bande d’affamés lâchés dans une cuisine de grande maison après un jeûne de plusieurs années[18]. — Il va sans dire que les plaisirs de la table ont moins de prix encore à ses yeux que ceux de la boisson. Presque à chaque page reviennent sous sa plume l’expression et le récit de « beuveries colossales, meurtrières » (kolossale, mörderische Kneipen), qu’il décore parfois du nom de « batailles terribles » (furchtbare Schlachlen), où le Champagne, le vin rouge et les liqueurs forment un mélange supportable seulement pour un estomac allemand, et dont les occasions peuvent paraître parfois singulièrement déplacées. C’est ainsi que, la nuit de la reprise sanglante d’Orléans, après de durs combats de quatre jours, les officiers bavarois, entrés en ville à une heure du matin, se précipitent à l’hôtel Saint-Aignan, qu’ils ont appris à connaître pendant la première occupation, réveillent le sommelier endormi, vident une infinité de bouteilles de Champagne et se livrent à un « sabbat de sorcières » dont ils ne sortent qu’au petit jour, dans un état d’ivresse complète : pendant ce temps, leurs troupes cherchent un gîte et leurs blessés couvrent par milliers les plaines neigeuses de la Beauce[19]. Le plus surprenant dans le récit laissé par l’un des auteurs de ces agapes intempestives, ce n’est pas qu’il s’y soit laissé entraîner, c’est qu’il ait éprouvé le besoin de s’en vanter.

A défaut de la sobriété, au moins les Allemands se font-ils gloire d’une continence qu’ils se plaisent à opposer à la dissolution des mœurs latines. C’est peut-être la raison pour laquelle la plupart d’entre eux gardent sur ce sujet une discrétion qu’il convient d’imiter et qui fait paraître d’autant plus déplaisantes chez certains (notamment Tanera) d’assez lourdes allusions à de faciles conquêtes, ou même à des avances féminines repoussées. A voir toutefois avec quelle facilité leurs passions se débrident ; lorsqu’ils en trouvent l’occasion, l’on peut se demander s’ils avaient pour les refréner d’autre raison que l’impossibilité de les satisfaire. C’est ce que tendraient à prouver les scènes scandaleuses qui se déroulent au Mans pendant l’occupation prussienne. Un industriel sans scrupules y a installé un café-concert, dont le personnel féminin se recrute dans un milieu facile à deviner, et dont la garnison forme l’unique clientèle. Kretschmann y va faire un tour, poussé par la curiosité, et il en revient chassé par le dégoût : « Les soldats, écrit-il à sa femme, représentaient la partie convenable du public, et les officiers, celle qui ne l’était pas. J’en ai vu un, du 6e hussards, dont les fiançailles venaient d’aboutir assez laborieusement avant la campagne, et qui se comportait d’une façon si malséante que j’en éprouvais de la peine pour sa fiancée. Je me demande où certaines gens laissent leur honneur. Il y avait là également un major marié du même régiment que j’aurais volontiers jeté à la porte[20]. »

Les auteurs de mémoires militaires semblent avoir apporté le même soin à se taire sur les innombrables actes de dévastation et de pillage qui signalaient partout le passage de leur armée. La crainte de justifier une réputation trop bien établie leur a imposé à cet égard une consigne de silence dont ils se sont rarement départis, et qui a été observée jusqu’à nos jours. On se rappelle l’accès de pudeur indignée que suscita, dans le public allemand, la lettre d’un général français qui, lors du premier jubilé de la guerre (1895), racontait dans le Figaro comment son château avait été déménagé par des officiers de la Garde. Mais il n’est pas de dénégations qui résistent à l’évidence, ni de secrets qui puissent être gardés par des milliers de personnes. Il suffit de quelques aveux significatifs pour faire tomber les unes et éclater les autres. On n’a pas à chercher longtemps pour en trouver. Kretschmann, passant devant le charmant château de Moncel, près Metz, raconte l’avoir vu « très vandaliquement dévasté » par les soldats, sous prétexte que le propriétaire en était absent[21]. Plus tard il s’écriera, au spectacle de la rapacité croissante de ses compatriotes : « Je vois venir le moment où nous ferons la guerre pour de l’argent, comme de vrais lansquenets ! » Qu’ajouter enfin à l’éloquente description qu’il nous laisse de Sens, visitée avant lui par les Hessois ! « J’ai trouvé la ville incroyablement saccagée par nos frères d’armes. Deux officiers ayant rencontré dans la rue un civil à cheval, le firent descendre de sa monture, dont l’un s’est emparé, tandis que l’autre prenait la selle. Un officier d’état-major voulait faire ouvrir une armoire par son hôte, qui disait n’en pas avoir la clef ; comme celui-ci cherchait à l’empêcher de la forcer, il répondit à ses observations en l’étendant raide mort. De pareilles scènes vous dégoûtent de la guerre. J’ai dû expliquer aux habitans stupéfaits la différence qu’il y avait à cet égard entre Prussiens et Hessois. » La consolation était mince, et la différence minime. Lorsqu’elles parurent dans la première édition de l’ouvrage, ces révélations semblèrent tellement intempestives que l’éditeur se crut obligé, dans la seconde, de les remplacer par une ligne de points : précaution bien inutile, puisqu’elles sont confirmées par le témoignage autorisé de Wilmowski[22].

De son côté, Bauriedel, retraçant l’aspect d’inutile dévastation d’une ferme de la Beauce où ses hommes n’ont passé qu’une nuit, croit atténuer l’horreur de ce spectacle par cette phrase stéréotypée, si souvent répétée par lui ou par d’autres : « C’est la guerre ! » Sentant toutefois ce que cette excuse présente d’insuffisant dans la circonstance, il la fait suivre d’une déclaration un peu inquiétante : « Dans la grande masse de l’armée allemande, écrit-il en propres termes, il y avait par exception, au milieu des caractères généreux et droits de nos braves soldats, des drôles de la pire espèce : c’est ainsi que je vis un jour à Brou un soldat du train prussien, se croyant inaperçu, s’amuser par pure rage de destruction (aus lauter Zerstörungsluft) à briser avec son sabre toutes les fenêtres du rez-de-chaussée dans la grande rue du village. » Il est permis de croire que, dans bien des cas, l’exception est devenue la règle, en vertu d’une transformation dont l’auteur nous livre le secret., Il raconte avoir vu dans la même localité un escadron de cuirassiers se ruer sur un fût de cognac « trouvé » et aussitôt défoncé, et se gorger de liqueur au point de ne plus pouvoir monter à cheval ; ce qui lui suggère cette réflexion naïve : « Autant le Bavarois se montre débonnaire à jeun, autant il est impossible à tenir et sujet aux pires déréglemens lorsqu’il a bu[23]. » Qui peut mesurer la part que ces accès de délire alcoolique ont eue dans les faits de pillage reprochés aux armées prussiennes, en 1870 comme en 1914 ?

Si l’Allemand semble mettre une sorte de pudeur à dissimuler les atteintes de ses troupes à la propriété, il n’éprouve nul scrupule à relater comme à commettre les plus graves violences envers les personnes : elles lui semblent une application légitime des lois de la guerre, telles qu’il les a formulées pour sa commodité, un moyen d’abréger la lutte par la terreur inspirée aux civils. En feuilletant les mémoires de vétérans de 1870, on n’a que l’embarras du choix entre les citations d’où ressortent l’existence et le renouvellement d’actes de cruauté systématiques et inutiles envers les habitans du pays. Sans rien ajouter au formidable dossier qu’a permis déjà de constituer la guerre actuelle, elles servent du moins à montrer combien est artificielle la distinction que l’on a voulu établir entre la modération relative des Allemands de 1870 et l’inhumanité voulue des envahisseurs d’aujourd’hui. En réalité, les seconds n’ont fait que mettre plus de science au service de plus de barbarie et que perfectionner les procédés d’intimidation imaginés par leurs pères ; les uns et les autres se sont inspirés du même principe pour en tirer les mêmes conséquences. Ce principe, Kretschmann le formulait, bien avant von der Goltz et Bernhardi, en deux phrases d’une expressive concision : « La conduite de la guerre et la pitié représentent deux extrêmes inconciliables, » car « les Français ont avec les Juifs cette ressemblance qu’ils ne comprennent pas la douceur et la considèrent comme une faiblesse à exploiter[24]. » De cette conception découlent naturellement les plus terribles conséquences pour les habitans des régions occupées et des villes investies.

Vis-à-vis des premières, l’incendie, l’amende et le meurtre deviennent des pratiques courantes pour châtier ou même prévenir les moindres simulacres de résistance. On a dénoncé tout récemment, comme une innovation de barbarie raffinée, les « pastilles incendiaires » trop souvent utilisées par les soldats allemands. Cette invention n’est en réalité pas nouvelle, elle n’a été que perfectionnée. A Arpajon, où ils se trouvent cantonnés en octobre 1870, les officiers de chevau-légers bavarois se montrent tout fiers d’avoir imaginé et distribué à leurs hommes des « allumettes » spéciales, formées de tiges de bois enduites de soufre et entourées de paille imbibée de pétrole ; elles serviront à mettre le feu aux habitations au premier signal d’agression[25]. Sur quels légers indices ces alarmes s’élèvent, c’est ce que montre un intermède comique aux tristesses de la guerre. Un vieux lieutenant de landwehr, arrivant de Bavière d’où il n’était jamais sorti, demande un billet de logement. A peine a-t-il pris possession de son gîte qu’il revient tout effaré, en annonçant que son hôte a mis le feu à sa maison pour le brûler vif… Vérification faite, on s’aperçoit que cette panique provenait de l’aspect d’un feu clair flambant dans une cheminée, dont l’usage est inconnu aux Allemands du Sud. On frémit en devinant quelles impitoyables représailles ont pu provoquer dans la Belgique actuelle des méprises analogues[26]. C’est également au sort des prêtres belges que l’on songe en lisant la triste histoire de ce capucin, arrêté sans motif près de Metz, jeté en prison, malmené par les soldats et sauvé à temps d’une exécution sommaire par l’intervention d’un officier. Sa robe seule avait causé sa mésaventure, parce que dans les « romans de guerre » elle servait d’ordinaire de déguisement aux espions[27] !

Toutes les menaces n’aboutissent malheureusement pas à l’éclaircissement d’un malentendu, et c’est par centaines que l’on compte des villages rançonnés, incendiés partiellement ou décimés sous le prétexte qu’un fil télégraphique a été coupé ou un coup de feu tiré sur leur territoire par des franc-tireurs. Les innocens sont ainsi frappés avec les coupables, mais cette considération ne semble pas embarrasser les officiers allemands. Le seul étonnement qu’ils éprouvent, c’est d’entendre qualifier d’aveugle et de barbare ce mode de répression : « Voilà bien la logique française[28] ! » s’écrie l’un d’eux. A quoi un de ses collègues répond fort justement dans une lettre à sa femme : « On fusille sous le plus léger prétexte. Tu peux te douter que nous ne sommes pas tendres. Je n’ose pas trop dire mon avis, car on me tient pour trop doux. Mais je crois avoir raison. Pourquoi s’en prendre à une maison parce que des francs-tireurs se sont jetés dedans pour tirer sur nos troupes ? On la brûle entièrement, et ce sont des habitans inoffensifs qui en pâtissent[29]. » A la fin de la guerre, l’amende n’est même plus employée comme châtiment, mais comme moyen de chantage. Au quartier général de Versailles et à la table royale, on déclare ouvertement qu’il faut redoubler de rigueurs pécuniaires envers les villes occupées, notamment Rouen et Amiens, afin, d’exaspérer chez les habitans le désir de la paix et de les amener à l’imposer au Gouvernement de Bordeaux. Inutile d’ajouter que cette proposition soulève l’enthousiasme de M. de Bismarck, qui la commente en ces termes : « Si nous ne pouvons tout garnir de nos troupes, nous enverrons de temps en temps une colonne volante vers les localités qui se montreront récalcitrantes, nous fusillerons, pendrons et brûlerons. Si cela arrive quelquefois, les Français finiront par devenir raisonnables[30]. »

Les sévérités déployées à l’égard des régions envahies laissent deviner le traitement réservé aux villes investies. Les documens officiels ont assez clairement proclamé à cet égard la nécessité du bombardement comme moyen de hâter le « moment psychologique » où les souffrances des habitans seront plus fortes que la ténacité de la garnison. Ce qu’on pouvait espérer des auteurs de ces mesures inhumaines, c’est qu’ils ne se décideraient à y recourir qu’à contre-cœur, et comme à une dure extrémité militaire. Ce qui frappe au contraire dans leurs souvenirs, c’est la sorte de volupté intime qu’ils mettent à les appliquer. Tandis que Kretschmann regrette aimablement que l’on ne puisse tirer sur Paris 3 000 coups de canon par jour au lieu de 300, le roi Guillaume, tout imprégné pourtant des sentimens chrétiens dont ses lettres à sa femme contiennent l’encombrant témoignage, ne cache pas son impatience de voir commencer et activer le bombardement et ne cesse de presser à ce sujet l’impitoyable Moltke[31]. C’est en sa présence que le pasteur Rogge, aumônier de la première division de la Garde et représentant du Dieu de pitié, prononce une éloquente’ homélie sur l’inopportunité d’une compassion déplacée envers les femmes et les enfans de Paris écrasés par les obus. Ce personnage vraiment évangélique trouva d’ailleurs l’inspiration si heureuse qu’il n’eut garde de la laisser tomber comme échappée à la chaleur de l’improvisation, et qu’il la recueillit pieusement dans ses Mémoires imprimés[32].

Pour compléter ce tableau des Allemands peints par eux-mêmes, il resterait à chercher ce qu’ils pensaient les uns des autres. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que les troupes d’invasion, au lieu d’être fondues par quarante-quatre années de vie commune en un tout homogène, formaient en 1870 des armées alliées, mais distinctes, séparées presque toutes par d’anciennes traditions particularistes, et dont les deux principales, celle de Bavière et celle de Prusse, étaient des adversaires de la veille. On trouve une première trace de ces rivalités persistantes dans l’empressement avec lequel les membres des divers contingens rejetaient sur leurs voisins les accusations qui pouvaient être adressée à la masse. Quant à leurs appréciations sur leurs frères d’armes, elles présentent ce mélange de servilisme et d’arrogance qui caractérise trop souvent les rapports de l’Allemand avec les nations étrangères. Les jeunes officiers bavarois ne cachent pas leur fierté de combattre en égaux à côté de leurs vainqueurs de 1866. Au moment de l’occupation, l’un d’eux, Tanera, invité, lors de son passage à Nancy, au cercle des officiers prussiens de la garnison, considère cet acte de camaraderie comme une insigne faveur, et le relate sur le ton de reconnaissance éperdue d’un domestique admis dans une maison étrangère à la table des maîtres. Les hommes, en revanche, restent rebelles à ce sentiment d’orgueil germanique, et les Prussiens ne font rien pour le leur inspirer. Le soldat Weidner, sortant de l’ambulance et placé à Versailles dans un convoi de convalescens originaires du Nord, se voit, en sa qualité de Bavarois, mis à l’écart ou servi le dernier dans les distributions, et il doit, malgré son esprit de discipline, adresser au chef de l’escorte d’énergiques remontrances pour ne pas être traité en Allemand de 3e classe[33]. — La rigueur de ces procédés ne fait que traduire d’ailleurs les préventions des esprits. Jamais Saint-Simon, dans ses momens de verve, n’a employé contre ses ennemis personnels des expressions d’un dédain aussi écrasant que Kretschmann pour parler des Bavarois. « Tu ne peux t’en faire une idée, écrit-il à sa femme après Beaugency. Par troupes de trois à six, ils couvrent les routes après avoir quitté leur corps, jeté leurs fusils et s’être affublés de tous les oripeaux possibles et imaginables… Le grand-duc (de Mecklembourg, commandant de l’armée de la Loire) a télégraphié : « Les Bavarois sont un ballast inutile. » Il a dit à von der Tann en plein combat : « F…-moi le camp, avec votre ramassis de gueux ! » L’impression produite est déplorable, les officiers n’ont plus figure de chefs, et l’on va envoyer toute la bande à Orléans pour se refaire[34]. »

A juger les Allemands de 1870 par ceux de nos jours, il semble que leurs rivalités locales eussent dû se dissiper et se perdre dans un irrésistible courant d’exaltation patriotique, lorsque la proclamation de l’Empire (18 janvier 1871) les réunit pour la première fois sous un même drapeau. Par les souvenirs des divisions qu’elle devait effacer, par les perspectives de grandeur qu’elle ouvrait pour l’avenir, la cérémonie de la Galerie des Glaces avait de quoi séduire les imaginations. Bien qu’elle eût été représentée comme la réalisation d’un rêve séculaire, elle fut loin pourtant de produire sur les intéressés une impression d’enthousiasme. Elle laissa indifférens les soldats des armées de province, tout entiers aux souffrances de la lutte contre les dernières résistances françaises. A Versailles même, elle ne parvint pas à dissiper la maussaderie d’humeur du principal héros de la fête. Fort préoccupé de la situation encore précaire de ses armées dans l’Est[35], beaucoup moins sensible à l’éclat de sa nouvelle dignité qu’au regret de faire passer en seconde ligne le titre héréditaire de sa maison, le roi Guillaume ne semblait pas éloigné de penser ce qu’écrivait crûment un de ses officiers : « Toute cette histoire d’Empire ne me dit rien qui vaille, et je reste Royal Prussien[36]. » — Enfin, les petits princes allemands, entraînés dans le mouvement qui conduisait leur pays à l’unité, n’éprouvaient qu’une satisfaction mélangée à la perspective d’échanger leur indépendance souveraine contre une position subordonnée dans les cadres d’un Empire centralisé. Dans le dîner qui réunit le soir aux Réservoirs une foule empanachée de hauts personnages, l’un d’eux, le jeune prince Georges de Schwarzbourg, arrivé en retard, leur lança, en défaisant sa cuirasse, cette sonore apostrophe : « Eh bien ! qu’en pensez-vous, vassaux ? » La boutade ne fut pas relevée et jeta un froid dans la brillante assistance[37].


III

Les souvenirs des vétérans de 1870 n’ont pas seulement pour le lecteur français la valeur d’une autobiographie et d’une confession collective ; ils présentent encore l’avantage de refléter les impressions laissées à leurs auteurs par le pays où les a conduits la guerre. Ceux-ci n’ont pu rester six mois en contact avec sa population et en lutte avec ses armées sans se former quelques idées précises sur les hommes et les choses de France.

Sur les choses, ils s’expriment avec d’autant plus de liberté que leur patriotisme n’est pas en jeu, et en des termes d’autant plus favorables qu’ils viennent pour la plupart de régions pauvres et ingrates, partagées entre les plaines sablonneuses de la Prusse et les plateaux arides de la Bavière, restées jusqu’alors étrangères, non seulement aux raffinemens du goût, mais encore aux habitudes de bien-être développées depuis par trente années de prospérité économique. Aussi tout est-il pour eux un objet de surprise admirative dans l’aspect extérieur de la France : ses rians paysages et ses grasses campagnes, l’air d’aisance de ses habitans, l’élégance de leurs intérieurs, et d’une manière générale l’apparence de richesse du pays. A chaque étape parcourue en terre ennemie, Kretschmann, peu suspect pourtant de partialité envers ses adversaires, s’extasie tour à tour sur les environs de Metz, qu’il compare à un « parc anglais, » sur la grande rue de Commercy, mieux bâtie et mieux pavée que Berlin, sur le château de Cirey, qui réalise à ses yeux l’idéal d’une résidence seigneuriale, sur la noblesse et la variété des sites des alentours du Mans, sur les splendeurs de Fontainebleau. Il n’est pas jusqu’au mobilier officiel des préfectures qui ne lui apparaisse comme un modèle de bon goût. « Il est visible, conclut-il avec un soupir, que ces gens ont beaucoup d’argent… C’est en France seulement qu’on apprend à connaître le luxe[38] ! » Encore ses fonctions à l’état-major lui ont-elles valu de loger dans des quartiers de choix. — Bauriedel, moins bien partagé, ne cache pas sa stupéfaction de retrouver le même bien-être dans les classes inférieures de la société. Il est cantonné à Lieusaint dans une grosse ferme dont l’aspect, écrit-il, « rendit de nouveau évident à mes yeux quel pays riche, inépuisable, est la France. Nos meilleures familles bourgeoises ne sont pas aussi confortablement installées que le fermier de Lieusaint, simple laboureur dont l’appartement contenait de superbes armoires à glace, des meubles d’acajou et des lits monumentaux[39]. » On sait quel sentiment de respect presque religieux la cuisine française inspirait aux estomacs de ces hôtes d’un jour[40]. Partout dans leurs lettres revient la même note admirative, l’expression de « romantique » ou d’ « idyllique » appliquée aux moindres paysages et l’évocation du proverbe populaire qui résumait dans la vieille Allemagne l’idéal du bonheur matériel : « Vivre comme Dieu en France. » On devine quel effet cette brusque révélation d’une opulence inconnue jusqu’alors a dû produire sur des natures incultes, quelle poussée de convoitises elle y a provoquée, à quelles manifestations d’envie impuissante et à quels inexplicables actes de vandalisme elle a dû conduire !

Si les envahisseurs s’abandonnent sans arrière-pensée au charme des choses de France, leurs appréciations sur les hommes ne semblent pas inspirées par la même liberté d’esprit. Il faut, pour comprendre leurs dispositions à cet égard, se rappeler de quel poids pesaient sur leur jugement les souvenirs des guerres du premier Empire, la jalousie excitée par les succès éphémères du second, l’antagonisme de race et les haines nationales soigneusement entretenus dans leur pays par l’éducation ou la presse. Ils se gardent soigneusement de toute indulgence malsaine envers l’ennemi héréditaire et semblent, au moins au début, s’abstenir de chercher à le connaître pour ne pas risquer d’arriver à l’estimer. Les unes s’en tiennent à une condamnation sommaire, que leur semble exprimer le terme lourdement ironique de « grande nation, » employé à tout propos par antiphrase. D’autres, enfermés et raidis dans leurs préjugés, ne songent qu’à trouver dans les moindres incidens de la vie courante une occasion de les justifier. Kretschmann peut être considéré comme le type de ces intransigeans. « Peuple de singes et de fous, entièrement pourri, d’une impudence fabuleuse, où tout est mensonge, prétention, effronterie, où personne n’est capable de dire un mot de vrai et de s’échauffer pour une idée ( ? ? ), d’où le bon sens est absent, dont il faut à tout prix rabaisser la superbe[41]… » telles sont les aménités qui alternent avec les effusions sentimentales dans ses lettres à sa femme, auxquelles elles donnent parfois l’apparence d’une véritable anthologie d’injures nationales. Elles montrent par un exemple éclatant et heureusement assez rare l’esprit de magnifique incompréhension des mentalités étrangères qui a été si souvent signalé comme une lacune de la psychologie germanique.

Arrivée à ce degré d’aveuglement, la haine de la France relève de la pathologie et ne peut d’ailleurs représenter qu’une exception. Tous les collègues de Kretschmann ne présentent pas la même aptitude à rester fermés aux enseignemens de l’expérience. Leurs rapports constans avec la population française font peu à peu tomber leurs préjugés de la veille devant leurs impressions favorables du jour, en vertu d’une lente évolution dont il est curieux de suivre les progrès dans leurs témoignages.

Ils ne peuvent, en effet, malgré leurs préventions, rester toujours insensibles aux qualités sociables et aimables qui forment, par contraste avec la nature allemande, le fond du caractère national français. Ils notent avec une reconnaissance émue l’humanité des paysans qui ne refusent jamais leur assistance aux malades, aux blessés ou même aux traînards ; le tact avec lequel les citadins rendent les honneurs funèbres à la dépouille des soldats ennemis décédés dans leur ville ; l’instinct de sociabilité innée qui rend à beaucoup d’officiers le séjour chez des hôtes étrangers plus agréable que chez leurs propres compatriotes[42]. Il n’est pas jusqu’à la légèreté proverbiale des Français qui ne trouve grâce aux yeux des plus cultivés : « Ne nous y trompons pas, avoue même Fontane dans un accès de franchise, rien n’est plus ennuyeux que la solidité toute seule et la conscience qu’on en a[43]. » — Mais ce qui, dans ce voyage de découverte à travers la société française, les remplit d’une stupéfaction croissante et sans cesse renouvelée, c’est l’attitude des femmes. Ils s’attendaient, sur la foi de la légende ou du roman, à les trouver frivoles et coquettes, prêtes à se jeter par curiosité à la tête des vainqueurs. Elles se dérobent au contraire à leurs avances et même à leurs regards, évitent avec eux toute relation, même banale, portent presque toutes des habits de deuil et observent une dignité de maintien qui se manifeste à tous les degrés de l’échelle sociale. A Saint-Denis, où la Garde prussienne est cantonnée pendant l’occupation et entretient, grâce à sa discipline, de bons rapports avec les habitans, les soldats se lamentent de n’avoir jamais pu trouver, comme autrefois à Potsdam, une bonne ou une cuisinière pour tromper la solitude de leurs promenades[44]. A Orléans, les jeunes officiers perdent leur temps à chercher « certaines dames, » ce qui déroute toutes leurs notions sur la moralité française. Au Mans, ils donnent, après l’armistice, des courses de chevaux où ils espèrent voir venir les familles distinguées de la ville : aucune n’y parait : « Je dois avouer, déclare à ce sujet Kretschmann, que cette réserve systématique et exclusive de la curiosité m’en impose d’autant plus qu’on ne la trouverait pas chez nous[45]. » Cette dernière réflexion, qui revient comme un refrain dans ses lettres et dans celles de ses collègues, nous fait toucher du doigt un point douloureux pour l’amour-propre germanique. Dans plusieurs villes d’Allemagne, et notamment à Berlin, les dames de la société avaient témoigné aux officiers français prisonniers, réputés pour des modèles d’élégance et de bon ton, un empressement où la compassion n’avait que peu de part et dont les manifestations déplacées scandalisaient le roi Guillaume lui-même[46].

Au contact des populations envahies, certains officiers en arrivent ainsi à éprouver envers elles un sentiment qui ressemble à l’estime ou à la sympathie. Chez les uns, cette inclination naissante ne s’exprime pas sans critiques. Tel est par exemple le lieutenant d’artillerie Ubisch : cantonné à Croisset, près de la maison de Flaubert, et sollicité par son hôtesse de lui donner son impression sur la société française, il apprécie en termes sévères la corruption et le scepticisme des hommes, mais il fait un éloge dithyrambique des femmes, dont il loue, non seulement la réserve, mais le dévouement sans limites au pays et l’esprit de fraternité en face de l’invasion[47]. Sur d’autres, le charme de la France a opéré assez complètement pour qu’on puisse prononcer à leur sujet le mot de conquête morale. Fontane rencontre après l’armistice des officiers de chasseurs absolument enthousiasmés du pays et de ses habitans ; il ajoute qu’ils sont loin de représenter une exception parmi leurs camarades. Plus tard, dans un restaurant de Sedan, il entend trois généraux prussiens, assis à un table voisine, échanger leurs vues sur la guerre actuelle, s’élever en termes très énergiques contre la légende qui représente la France comme en décadence, et pour réfuter cette assertion, rendre à son courage, à sa vitalité dans le malheur, à ses vertus même un hommage qui tourne à l’apologie sans réserves[48]. Voilà une singulière illustration du vieil adage : Græcia capta ferum victorem cœpit.

Cette estime tardive ne s’explique pas seulement par l’attrait d’une aimable civilisation. L’Allemand a trop le culte de la force pour ne pas la respecter chez ses adversaires. Ce qui lui en impose, malgré lui, dans la France vaincue, c’est le ressort moral que révèle la ténacité de sa résistance. Le soir de Sedan, tous les officiers étaient persuadés que la nation manquerait à l’armée, comme l’armée avait manqué à la nation, et que la guerre était terminée. « Pour la première fois, écrit l’un d’eux, nous commîmes la faute de déprécier nos adversaires. Nous ne pouvions soupçonner qu’un jeune avocat méridional prendrait en mains les rênes du gouvernement, exciterait dans le peuple français un enthousiasme jusqu’alors inconnu et ferait sortir du sol des armées dont les chefs se rangeraient sous ses ordres. Sauver son pays était au-dessus de ses forces ; mais malgré tant de disgrâces, il lui apporta la gloire. Si la France avait traité après Sedan, elle serait morte sans honneur. Son héroïsme malheureux a rempli le vainqueur d’admiration[49]. » Il serait difficile de trouver sous une plume française un plus bel éloge de l’œuvre de la Défense nationale.

Ce jugement d’ensemble concorde d’ailleurs avec les réflexions de tous les combattans. La mort du curé de Bazeilles arrache à l’un d’eux, témoin de son héroïsme, cette exclamation : « Chapeau bas devant de tels hommes ! et plaise au ciel qu’au jour du danger notre patrie allemande puisse en trouver de pareils pour la défendre ! » En parcourant le champ de bataille de Loigny, le même officier ne peut retenir l’expression de son admiration en trouvant des adolescens et des vieillards à cheveux blancs parmi les cadavres entassés au pied des retranchemens allemands[50]. Quarante années enfin après la guerre, un ancien volontaire de 1870, devenu un éducateur de renom, et écrivant, pour ses élèves, ses souvenirs, tirait en ces termes la moralité de la dure campagne qu’il avait faite sur la Loire, d’Orléans au Mans : « Dans quelques ouvrages analogues à celui que j’offre au public, j’ai trouvé à l’égard des Français un ton dédaigneux que je ne puis approuver. Si l’on songe que pendant deux mois nous avons dû conquérir pied à pied, au prix de fortes pertes, chaque lambeau de terrain, que nous voyions chaque jour sortir du sol de nouvelles forces, que nous avions à combattre une armée faite de pièces et de morceaux, alors je me demande de quoi n’eût pas été capable cette armée, si elle avait eu à sa tête des chefs comme les nôtres… Qu’en 1870 maint mobile, las du combat, ait abandonné ses drapeaux, on ne peut le nier. Mais qui ne sait que dans les rangs prussiens se trouvaient aussi des âmes de lièvres ou des fils de famille et que la lâcheté est un vice international ? Gardons-nous donc de ne pas estimer cette nation à sa juste valeur. Si jamais elle devait trouver de grandes idées pour l’animer et des chefs capables pour la conduire, nous n’en viendrions pas à bout si facilement[51]. » Avertissement presque prophétique, si l’on songe qu’il a été écrit au lendemain d’Agadir, et presque à la veille de la guerre actuelle !

Il est enfin un dernier point sur lequel un lecteur français résiste difficilement à la tentation d’interroger les témoins allemands de 1870 : c’est la question de l’Alsace-Lorraine, qui allait pendant des années dominer la politique européenne et compromettre la solidité de l’édifice qu’elle était destinée à couronner. Les hommes dont le sang a servi à la poser, sinon à la résoudre, en ont-ils compris la portée ? Se sont-ils fait illusion sur les sentimens des populations ramenées par force dans le giron de la patrie germanique ? Ont-ils pu croire de bonne foi avoir travaillé à leur libération ? A cet égard, leurs témoignages présentent une unanimité négative précieuse à enregistrer pour un Français, impressionnante même pour un Allemand. Avant la guerre, la revendication de l’Alsace-Lorraine n’apparaissait comme un devoir national pour personne, et le nom même n’en était rappelé que par la vieille chanson de route fredonnée encore dans les régimens : Oh, Strassburg, wunderschüne Stadt[52] ! Plus tard, quand les armées passent la frontière, au début des hostilités, la première chose qui frappe leurs chefs, c’est le contraste évident entre le langage et les sentimens des habitans de l’Alsace et de la Lorraine allemandes. Busch note leur « mine sombre, » von Müller constate, non sans mélancolie, qu’ils sont complètement francisés, et Wilmowski, dont les lettres reflètent les impressions du grand quartier général, déclare tout net que « plus on s’éloigne du Rhin, plus disparait l’illusion que la province riveraine est encore allemande, parce qu’elle l’a déjà été autrefois[53]. » Ces réflexions sont datées de Nomény, près de cette future frontière, dont, quelques jours plus tard (15 septembre), Bismarck dessinera sommairement le tracé sur une carte murale trouvée dans le château du sénateur Larabit, à Buzancy[54]. Pendant la campagne, alors que les premiers bruits de paix commencent à circuler dans l’armée, Krestchmann avoue, avec un sens prophétique assez rare chez un gallophobe, n’être point partisan de vastes annexions, car, dit-il, « à quoi bon recommencer l’expérience, déjà faite si souvent, qu’il n’est pas avantageux de forcer à devenir Allemands des gens qui sont Français[55] ? » — Après l’armistice enfin, quand les troupes victorieuses traversent de nouveau, pour rentrer dans leurs foyers, les provinces qui vont être annexées à l’Allemagne, elles y trouvent les sentimens d’attachement à la France plus vivaces que jamais, et comme exaspérés par la perspective d’une prochaine séparation. Fausel, conduit par son billet de logement chez le médecin de Rothau, entend la femme de son hôte lui adresser une harangue enflammée sur la fidélité éternelle de l’Alsace à son ancienne patrie[56]. Bauriedel, de passage à Strasbourg, va rendre visite à une de ses relations d’avant la guerre. Son interlocuteur le reçoit avec courtoisie, mais refuse catégoriquement de se montrer en public en sa compagnie. Il lui raconte avoir subi récemment quelques heures d’emprisonnement pour avoir jeté son cigare à l’approche d’un officier prussien qui lui demandait du feu[57]. C’est dans cette ville également que le docteur Cahn fait étape à son retour de Paris. Il y abrège son séjour et s’en éloigne au plus vite, indigné d’entendre les gens du peuple s’obstiner à répondre en mauvais français à ses questions en allemand[58]

Enfin Théodore Fontane, qui fait après l’armistice une enquête personnelle, conduite sans préventions, sur l’opinion publique des populations annexées, constate chez elles le même état d’esprit, dont il cherche à approfondir les causes. Autour de Metz, il écoute les habitans des villages de la banlieue protester avec force contre un changement de nationalité forcé, regarder vers Mars-la-Tour, restée française, comme vers la Terre Promise, et soupirer après le moment où ils pourront liquider leurs affaires pour venir s’y fixer. A Strasbourg, où la communauté de langue semblait à Fontane devoir rendre plus facile la résignation au fait accompli, il éprouve, le soir de son arrivée, une vive désillusion. Assis sur une terrasse de la place Kléber, il entend d’abord les clairons prussiens sonner le couvre-feu au milieu du silence général, puis il voit aussitôt après se former un cortège spontané de gamins et même d’adultes, qui parcourent les rues avoisinantes en sifflant les mélodies allègres de l’ancienne retraite française… Il songe avec mélancolie qu’il y a là un état d’âme plus fort que toutes les théories, que « les Strasbourgeois veulent rester Français, » et que la tâche la plus urgente du Gouvernement allemand doit être la conquête morale après la conquête matérielle du pays[59].

Comment cette œuvre de propagande pacifique est comprise par ceux qui en sont officiellement chargés, c’est ce que lui montre bientôt un épisode significatif. Il se rencontre en wagon avec deux conseillers de préfecture, récemment arrivés du fond de la Prusse, et il les entend s’exprimer dans les termes les plus grossièrement méprisans sur leurs nouveaux administrés, se vanter d’avoir menacé de faire fusiller ceux qui répandent des bruits favorables à la France, et recommander à leur égard l’emploi d’une méthode qu’ils caractérisent d’un mot : scharf anfassen (empoigner solidement). En suivant sur le visage de deux notables indigènes, présens à l’entretien, l’impression de stupeur produite par ce langage déplacé, Fontane ne peut se défendre d’un douloureux pressentiment de l’avenir[60]. C’était toute l’histoire future de la politique prussienne en Alsace dont cette scène lui présentait en raccourci une vision anticipée !

Le récit de ce petit incident n’est d’ailleurs pas le seul qui suggère entre le passé et le présent un involontaire rapprochement. Lorsqu’on dépouille les mémoires des vétérans de l’avant-dernière guerre, la comparaison avec leurs successeurs d’aujourd’hui s’impose à l’esprit comme une obsession. On retrouve, dans l’âme de tous, les mêmes instincts de brutalité et de grossièreté, retenus encore chez les uns par l’incertitude du succès final, épanouis et développés chez les autres par l’espérance de l’impunité ; l’emploi des mêmes méthodes de répression, que les premiers ont essayées en parvenus de la victoire, avec une timidité relative, et les seconds, appliquées en théoriciens de la violence, avec une inexorable rigueur ; le même mélange de haine aveugle et de sympathie forcée ou affectée envers cette France dont ils rêvent d’abaisser l’orgueil, mais dont ils ne peuvent s’empêcher de subir le charme. En 1914, les envahisseurs sont donc restés tels qu’ils s’étaient révélés en 1870 : d’une guerre à l’autre, leurs adversaires seuls ont changé, et, avec leurs adversaires, leur fortune.


ALBERT PINGAUD.

  1. Hohenlohe-Ingelfingen, (Prinz zu), Aus meinem Leben, 4 vol. Berlin, 1897-1907.
  2. Wilmowski (Karl von), Feldbriefe 1870-1871, Breslau, 1894. Voir sur ce volume l’étude publiée dans la Revue du 1er mars 1894.
  3. Müller (von), Kriegerisches und friedliches aus den Feldzügen von 1864-1866 und 1870, 1 vol. Berlin, 1909.
  4. Kretschmann (H. von), Kriegsbriefe, 2e édition, Stuttgart, 1904.
  5. Tanera, Ernste und heitere Erinnerungen eines Ordonnanz-Offiziers, 2 vol. Nördlingen, 1887. — Koch-Breuberg, Drei Jahre in Frankreich, Nödlingen, 1891. — Krokisius, Erinnerungen aus dem Feldzug 1870, Berlin, 1907. — Ubisch (Edgar von), Kriegserinnerungen eines preussischen Offiziers, Berlin, 1896. — Fausel (Adolf), Ein Ritt in’s Franzosenland, Stuttgart, 1909. — Bornemann, Kriegstagebuch eines jungen Offiziers, Giessen, 1895. Il faut ajouter à cette liste les intéressans souvenirs, parus plus tardivement, d’un officier de la Garde : Von Pfeil (Richard, Graf von), Vor Vierzig Jahren, Schweidnitz, 1910.
  6. Bauriedel, Meine Erlebnisse während des Feldzugs 1870-1871, Nuremberg, 1895 — Zeitz, Erinnerungen eines Feldzugs freiwilligen. — A signaler parmi les mémoires de soldats : Kayser, Erlebnisse eines rheinischen Dragoners im Feldzuge 1870, Nordlingen, 1889. — et deux ouvrages particulièrement curieux parce que leurs auteurs ont été faits prisonniers et internés en France : Mauerhof, Kriegs-Ërinnerungen aus dem Deutsch-Französischen Krieg, Eilenburg, 1899 et : Bis in die Kriegsgefangenschaft, von einem 67en. On trouvera une analyse très vivante des plus récens et des plus marquans de ces souvenirs militaires dans les Études d’histoire de M. A. Chuquet.
  7. Voir sur ces deux ouvrages la Revue des 1er décembre 1878 et 1er juin 1880, La traduction du premier a paru en français sous ce titré : Le comte de Bismarck et sa suite pendant la Guerre de France, Paris, 1879.
  8. Cahn (Wilhelm), Pariser Gedenkblätter, 2 vol., Berlin, 1898.
  9. Fontane (Theodor), Kriegsgefangen. Erlebtes, Berlin, 1871 ; Aus den Tagen der Occupation. Eine Osterreise durch Nord-Frankreich und Elsass-Lothringen, 2 vol., Berlin, 1872.
  10. Kretschmann, p. 179.
  11. Kretschmann, p. 163.
  12. Bauriedel, pp. 62 et 149.
  13. Von Müller, p. 149.
  14. Kretschmaan, p. 228 ; Koch-Breuberg, p. 88.
  15. Kretschmann, pp. 336, 337 et 340.
  16. Krokisius, pp. 104, 111 et 113.
  17. Kretschmann, pp. 131 et 149.
  18. Bauriedel, passim, et notamment pp. 107, 120, 123, 134, 145, 154 et 157.
  19. Bauriedel, p. 120 ; cf. p. 66.
  20. Kretschmann, p. 296.
  21. Kretschmann, p. 81.
  22. Kretschmann, p. 141 de la première édition ; Wilmowski, p. 35.
  23. Bauriedel, pp. 104 et 106.
  24. Kretschmann, p. 158.
  25. Bauriedel, pp. 82 et 87.
  26. Bauriedel, p. 94.
  27. Kretschmann, p. 224. Cf. l’entrefilet paru tout récemment dans les journaux du soir : « Un moine autrichien arrivant d’Allemagne a raconté à un rédacteur du journal catholique hollandais Tyd ses impressions sur ce pays. — On regrette, a-t-il dit, dans les milieux catholiques allemands, que les régimens saxons et mecklembourgeois qui sont protestans aient été chargés les premiers d’envahir la Belgique. Les hommes n’avaient jamais vu un costume de prêtre. Ils se faisaient une idée très fausse de la puissance des curés en pays catholique. Cela explique leur regrettable attitude vis-à-vis du clergé. »
  28. Bauriedel, p. 72.
  29. Kretschmann, p. 194.
  30. Wilmowski, p. 79 ; Busch, p. 424.
  31. Wilmowski, pp. 77 et 81 ; Kretschmann, p. 265.
  32. Rogge, Aus sieben Jahrzehnten, t. II, p. 231. On trouvera la citation et la référence dans von Müller, p. 197.
  33. Weidner, Kriegstagebuch eines Nürnbergers im K. b. 10e lnf. Regiment, pp. 129 et 132.
  34. Kretschmann, p. 216.
  35. Von Pfeil, p. 193.
  36. Kretschmann, p. 218.
  37. Von Pfeil, p. 198.
  38. Kretschmann, pp. 188 et 190 ; cf. pp. 75, 90, 169, 174, 175 et 289.
  39. Bauriedel, p. 152.
  40. « Ce qu’est une poularde du Mans, s’écrie Kretschmann dans un accès de lyrisme (p. 295), un estomac allemand ne peut s’en faire aucune idée ! »
  41. Kretschmann, pp. 75, 90, 98, 112, 119, 148, 206, 233, 262, 283, 328.
  42. Krokisius, pp. 92 et 102 ; Bauriedel, pp. 80 et 81.
  43. Fontane, I, p. 80.
  44. Von Pfeil, p. 283.
  45. Kretschmann, pp. 229 et 298 ; cf. pp. 201, 297, 299, 304 ; et Fausel, p. 112.
  46. Wilinowski, pp. 27 et 37 ; von Pfeil, p. 129 ; Krokisius, p. 307.
  47. Ubisch, p. 249.
  48. Fontane, II, pp. 48 et 65.
  49. Von Pfeil, p. 106.
  50. Koch-Breuberg, pp. 38 et 76.
  51. Mattias (Adolf), Meine Kriegserinnerungen, Munich, 1911. Préface.
  52. Von Pfeil, p. 7.
  53. Busch, p. 17 ; von Mûller, p. 145 ; Wilmowski, p. 22.
  54. L’anecdote est racontée par Wilmowski, p. 52. Il serait curieux de savoir ce qu’est devenue cette carte, qui représente, avec un autographe de Bismarck, le premier témoignage tangible des intentions de l’Allemagne à l’égard de l’Alsace-Lorraine. D’après le colonel Laussédat {La Délimitation de la frontière franco-allemande), la fameuse « carte au liséré vert » ne fut en effet tracée qu’à la fin d’octobre, après la capitulation de Metz.
  55. Kretschmann, p. 190.
  56. Fausel, p. 147.
  57. Bauriedel, p. 159.
  58. . Cahn, II, p. 305.
  59. Fontane, II, pp. 194-198, 292 et 299.
  60. Fontane, II, p. 300.