La Verdure dorée/Allez et que l’amour vous serve de cornac

I


Allez et que l’amour vous serve de cornac,
Doux éléphants de mes pensées.
Ô poète, tu n’as qu’
À suivre allègrement leurs croupes balancées,
Cependant que l’espoir te tresse un blanc hamac.

Tu as voulu guider ton troupeau vers les cimes,
Vers le glacier que nul vivant n’avait foulé ;
Les éléphants tremblaient sur le bord des abîmes,
Où, tandis qu’ils tondaient un maigre serpolet,
Tu prenais des poses sublimes.
 
Va ! Redescends avec tes monstres affamés
Vers la douceur des terres grasses.
C’est le vallon que tu aimais,
La maison aux volets fermés,
La flûte au bord du fleuve et les vieilles terrasses.

Voici la plaine herbeuse où tu reposeras
Dans le hamac consolateur des infortunes ;
L’air nocturne caressera tes membres las,
Et les bleus éléphants brouteront des lilas,
Sous la clarté tiède des lunes.