Hommage à Paul Langevin: la vie, l'oeuvre et l'action

Hommage à Paul Langevin: la vie, l'oeuvre et l'action
Cahiers rationalistes - 1972 - n° 288-289 (extrait Hommage à Paul Langevin, La vie l’œuvre et l’action) (p. 7-42).

LA VIE, L’ŒUVRE ET L’ACTION

par Mme Eliane MONTEL

DE L’ENFANCE A LA THESE

A l'aube de notre Troisième République, la butte Montmartre était un quartier de Paris encore faubourien, parsemé de maisonnettes entourées de jardins et habitées par des ouvriers et par des artistes dont beaucoup en ont chanté la poésie. C'est là que naquit Paul Langevin, le 23 janvier 1872, dans une modeste maison de la rue Ravignan[1]. Il manifesta très tôt des dons exceptionnels, que son père, artisan instruit, et sa mère, fort intelligente, reconnurent et encouragèrent de leur mieux malgré la charge de trois fils. De son père, qui avait dû interrompre ses études, il apprit le goût du savoir et celui du travail bien fait ; de sa mère, le secret du don de soi qu'il lui voyait constamment dispenser avec clairvoyance et discrétion. Par elle, il était descendant du célèbre docteur Philippe Pinel qui, à la fin du 18ème siècle, avait mené une courageuse campagne afin que les aliénés ne fussent plus traités comme des criminels, mais comme des malades.

L'enfant parcourut avec une extraordinaire aisance, dans les écoles primaires successives, une rapide ascension qui l'amena à entrer très jeune, dès l'âge de seize ans, à l'Ecole de physique et de chimie industrielles (EPCI) fondée depuis peu par la Ville de Paris. Classé premier au concours d'entrée, il restera désormais, tout au long de brillantes études, largement en tête de sa promotion. A l'Ecole, il eut comme chef de travaux de physique un jeune savant déjà distingué, qui savait communiquer à ses élèves son ardent intérêt pour la science : Pierre Curie. Il l'admira profondément, et cette influence fut pour lui déterminante. A sa sortie, attiré à la fois par la science pure et par l'enseignement, il renonça à la carrière industrielle et poursuivit d'abord à la Sorbonne ses études vers l'Agrégation, tout en donnant des leçons. Puis en 1893, sur le conseil d'un ancien professeur, il décida de se présenter à l'Ecole normale supérieure. Il y fut reçu avec un plein succès, ayant acquis en peu de mois d'un travail intensif les connaissances spéciales du programme de ce difficile concours, notamment en latin où il put se tirer avec honneur d'une version de Cicéron — ce à quoi les autres candidats s'étaient préparés durant sept ou huit années! Les membres du jury s'étonnèrent à juste titre d'une maturité d'esprit et d'une érudition vraiment exceptionnelles, que vinrent encore approfondir, dans une atmosphère à la fois stimulante et recueillie, ces années d'études tout entières consacrées à la réflexion personnelle au contact d'esprits éminents de très diverses disciplines. Pourvu déjà de la licence de mathématiques, il avait le loisir de lire de nombreux mémoires originaux, et put acquérir ainsi une vaste perspective de l'évolution historique des sciences. Il passait aussi beaucoup de temps au laboratoire, et, dès la première année, prit part aux expériences de son aîné Jean Perrin (alors en troisième année) sur les rayons cathodiques. De cette époque date la grande amitié qui les lia toujours. Après l'Agrégation en 1897, l'occasion fut offerte au brillant lauréat, grâce à une bourse de la Ville de Paris, de passer une année à Cambridge, au Cavendish Laboratory dirigé par l'éminent savant Joseph John Thomson. Il y noua de belles amitiés, notamment avec le maître, et avec plusieurs jeunes chercheurs, dont surtout Ernest Rutherford, ainsi que John Townsend et Charles Thomson Rees Wilson, qui tous trois, devinrent des savants anglais parmi les plus notoires. A Cambridge, les méthodes de recherche étaient pour lui tout à fait nouvelles : on travaillait en équipe, et le « patron », entouré d'une quinzaine de chercheurs, discutait souvent avec eux de leurs résultats et de leurs idées. Il régnait alors dans ce laboratoire, comme dans toutes les grandes universités scientifiques, une intense activité de recherche suscitée par les découvertes retentissantes de cette fin de siècle : celle des rayons X par Röntgen, et celle des phénomènes radioactifs par Henri Becquerel puis par Pierre et Marie Curie. Bien des fois par la suite, au cours de remarquables conférences, Paul Langevin rappela les souvenirs de cette période exaltante, où les nouvelles expériences qui se succédaient amenaient des modifications profondes dans les conceptions théoriques, par une continuelle fécondation réciproque de l'expérience et de la théorie, qui se poursuivit durant tout sa carrière.

L'année même où Paul Langevin arrivait à Cambridge, Joseph John Thomson venait de mettre en évidence l'existence de l'électron en mesurant avec Townsend sa charge électrique négative ; il entreprit alors de multiples expériences sur les ions[2], qui devaient largement contribuer à établir définitivement la théorie atomique naissante, vivement controversée. Paul Langevin prit une part active à ces travaux. Et ce fut là le début d'une longue série de recherches qu'ensuite il poursuivit seul à la Sorbonne pendant plusieurs années, et qui aboutirent à la publication en 1902 d'une brillante thèse de doctorat sur l'ensemble des propriétés des ions gazeux. Cette thèse fut considérée comme un véritable modèle, tant pour la minutie d'expériences fort délicates réalisées avec les moyens peu précis dont on disposait alors, que pour l'analyse théorique approfondie qui en était déduite. Il est très remarquable que tous ces résultats soient restés valables au travers de tous les remaniements ultérieurs de la physique.


Le professeur au Collège de France

Dès avant la soutenance de sa thèse, âgé de trente ans à peine, Paul Langevin est désigné par Marcel Brillouin et par Joseph John Thomson à l'attention du professeur Mascart qui l'appelle à le suppléer au Collège de France — où il lui succèdera en 1909 dans la chaire de physique expérimentale. En cette maison de très haute culture, où tout enseignement porte chaque année sur les plus récents travaux du professeur titulaire ou sur des sujets connexes, le jeune savant s'affirme comme un professeur aux dons d'exposition hors de pair. Lui dont le génie embrassera tous les domaines de la physique de son temps en y apportant des contributions essentielles, il va faire de son enseignement une partie vraiment intégrante de son oeuvre scientifique. Devant un auditoire intensément attentif de physiciens, de mathématiciens, de philosophes, dont certains sont ses collègues, il développe avec une générosité totale le détail de ses travaux personnels, le plus souvent inédits et auxquels on n'hésitera pas à faire de larges emprunts que l'on publiera sans même citer son nom!

Paul Langevin, en effet, ne prenait le temps de rédiger que ses principaux travaux, en des mémoires, il est vrai, d'une grande richesse, mais dont le seul nombre ne donnerait qu'une faible idée de ce que fut l'ampleur de son oeuvre. Il faisait aussi chaque année, au long de ses leçons ou dans de passionnants séminaires, la mise au point magistrale des plus récents progrès de la physique. Ce que fut, pendant près de quarante années, cet enseignement, a été traduit avec émotion par celui qui, de tous ses auditeurs, fut sans doute le plus assidu, le grand mathématicien Jacques Hadamard :

« Par Langevin et — je puis dire — par lui seul, des hommes comme moi, qui ne suivaient pas le détail des mémoires et des discussions, ont été tenus au courant de la marche, ou plutôt de la course folle de la physique contemporaine... Cet enseignement fut peut-être le plus magistral que j'aie connu, parmi les très grands maîtres qu'il m'a été donné d'entendre... L'idée maîtresse était toujours mise en lumière, en même temps que, sans un seul développement inutile et sans jamais la faire perdre de vue, les conséquences en étaient déduites avec toute la rigueur désirable. Un des aspects les moins impressionnants ne fut pas pour moi la sûreté et la puissance avec laquelle le maître utilisait l'outil mathématique. Avouerai-je que nous, mathématiciens, avions souvent à apprendre de Langevin? Et, à travers cette précision scientifique, on sentait une flamme, flamme alimentée par l'amour de la science, mais dont le rayonnement faisait, à travers le savant, deviner l'homme que nous avons connu, pénétré de toutes les idées générales et généreuses... »[3].

Mais cette lumineuse parole ne se fait pas entendre seulement au Collège de France. La vocation pédagogique de Paul Langevin et l'intérêt qu'il porte aux jeunes lui font accepter des enseignements plus classiques. Dès 1905, il se charge, en remplacement de Pierre Curie, du cours d'électricité générale à l'EPCI, où il prendra bientôt la direction des études. Peu après, il accepte avec un grand dévouement d'aller chaque semaine jusqu'à Sèvres — alors à une heure de Paris — où, aux élèves de l'Ecole normale supérieure de jeunes filles, il révèle les beautés insoupçonnées d'une physique dont elles ne connaissaient que l'énoncé de lois bien dépourvues d'attraits!

« Ma joie d'enseigner », dira-t-il à la fin de sa vie, « n'a jamais été plus grande qu'à l'Ecole de Sèvres où, pendant plus de vingt-cinq ans, j'ai profondément ressenti avec quelle ferveur ces auditoires de jeunes filles accueillaient les idées nouvelles et reconnaissaient, par une attention soutenue, les efforts faits pour leur ouvrir les portes du temple de la science un peu plus largement que ne le prévoyaient les programmes officiels »[4].

Mais devant cette ferveur se douta-t-il jamais, dans sa modestie extrême, de tout ce qu'ajoutait, au don spirituel de son enseignement, ce charme personnel auquel furent sensibles tous ceux qui l'approchèrent, et plus particulièrement les âmes féminines? C'est ce que Madame Cotton, qui avait été agrégée préparatrice à Sèvres[5], exprima en ces termes :

« De leur maître Paul Langevin, les élèves de Sèvres gardent un souvenir impérissable... Les images préparaient les raisonnements dans une langue élégante et claire, servie par une admirable diction... Sans notes, la main gauche dans sa poche, (il) couvrait peu à peu le tableau de calculs impeccables, disposés avec une élégance qui faisait notre admiration. On avait, en suivant cette belle ordonnance des équations, cette voix si bien timbrée et ce regard profond..., le choc intérieur qui révèle la perfection »[6].

Il est certes aisé de comprendre que toute une lignée de grands physiciens français soit née sur ces bancs d'Ecoles ou sur ceux du vieil amphithéâtre qui, pendant tant d'années, furent témoins d'un tel enseignement. Parmi les disciples, un Joliot, un Louis de Broglie, pour ne citer que les plus notoires... Mais combien faut-il regretter que presque rien n'ait subsisté de ces admirables leçons! Combien plus vivante que tous les traités classiques serait cette histoire de la physique si merveilleusement contée au jour le jour, dans l'une des périodes les plus passionnantes de son évolution, par l'un de ses artisans les plus glorieux! Car, si notre actuel demi-siècle stupéfie les hommes par les résultats véritablement fantastiques de la technique, on ne se rend plus bien compte aujourd'hui que ces inimaginables prouesses ne seraient jamais devenues possibles sans les héroïques efforts de savants qui, avec des moyens bien rudimentaires, découvrirent et scrutèrent l'atome, puis le domaine intra-atomique et la radioactivité, ou édifièrent, par de patients et puissants efforts de pensée, la théorie des ondes électromagnétiques ou celle de la relativité...


Les grandes recherches théoriques

Dès les premières années de son enseignement au Collège de France, Paul Langevin aborde deux séries de recherches particulièrement remarquables, développées à partir de la notion d'électron et des idées récentes sur la structure des atomes. Elles concernent d'une part le magnétisme, d'autre part la dynamique des électrons. Sa théorie du magnétisme constitue l'une de ses créations les plus originales et les plus fécondes. Reprenant une idée d'Ampère et assimilant à un petit aimant le circuit fermé décrit par un électron autour du noyau de l'atome, il montre que le diamagnétisme[7] est un phénomène très général correspondant à une propriété atomique : résultat qui a été vérifié par de multiples expériences, et qui n'a pas été modifié par l'introduction ultérieure de la théorie quantique. Au contraire, le paramagnétisme[8] dépend du « moment magnétique résultant » que possède un édifice moléculaire, et varie en fonction des effets antagonistes du champ orientant et du désordre créé par l'agitation thermique. Cette théorie de l'orientation moléculaire, et les conséquences du plus haut intérêt que Paul Langevin lui-même en a déduites, ont suscité depuis, dans des domaines très divers, de très nombreux travaux qui se poursuivent encore aujourd'hui. En particulier, la théorie prévoit que la suppression du champ magnétisant doit s'accompagner d'un abaissement de température d'autant plus fort qu'on part d'une température plus basse. La réalisation de ce phénomène a été obtenue pour la première fois par De Haas, qui a pu atteindre par ce moyen une température de 0,25°K[9]. Séduit par toute l'évolution de la théorie électromagnétique, Paul Langevin va y apporter une contribution aussi fondamentale par les développements de la théorie elle-même que par les conséquences philosophiques qu'il en a déduites. Il n'est possible d'en donner ici qu'un rapide aperçu. Reprenant, à partir des conceptions de Joseph John Thomson et Lorentz, l'analyse de la distribution des champs électrique et magnétique créés dans l'espace par une particule électrisée en mouvement uniforme, il montre comment ce « sillage » se modifie quand on communique une accélération à la particule : « onde d'accélération », qui constitue à grande distance le rayonnement émis, implique pour la particule une inertie[10] supplémentaire d'origine électromagnétique. Cette dernière notion devait prendre bientôt une signification beaucoup plus générale. Considérant alors le difficile problème inverse de l'action des champs extérieurs sur les électrons, il démontre pourquoi tous les essais d'interprétation mécanique des problèmes électromagnétiques et optiques conduisent nécessairement à des impossibilités. Les conséquences de ces conclusions quant à la validité — considérée jusqu'alors comme illimitée — de la mécanique classique étaient d'une portée considérable.

Appelé dès 1904 à représenter la France au Congrès de Saint-Louis (USA) en même temps que le plus notoire savant français de ce temps, Henri Poincaré (de vingt ans son aîné), Paul Langevin y fait un brillant exposé d'ensemble sur « La Physique des électrons », montrant les perspectives que les notions nouvelles ouvrent alors à la science. Il conclut ainsi :

« Déjà toute l'optique reçoit une interprétation immédiate que la mécanique s'était montrée impuissante à lui donner ; et cette mécanique elle-même apparaît aujourd'hui comme une première approximation, largement suffisante dans tous les cas de mouvement de la matière prise en masse, mais dont une expression plus complète doit être cherchée dans la dynamique des électrons... La notion d'électron a pris en peu d'années un développement immense, qui lui fait briser les cadres de l'ancienne physique et renverser l'ordre établi des notions et des lois pour aboutir à une organisation qu'on prévoit simple, harmonieuse et féconde »[11].

Cet enthousiasme du jeune physicien ne fut certes pas dès lors partagé par tous ; certains, dont Henri Poincaré, se montraient fort réticents à devoir renoncer à la suprématie de cette mécanique rationnelle dont la puissance avait, pendant deux siècles, dominé toute la science. Cependant, par la hardiesse même de ses vues, par le rôle éminent qu'alors il joua dans le développement de la synthèse électromagnétique, Paul Langevin se situe dans la lignée des grands découvreurs qui, par Faraday, Maxwell, Hertz et Lorentz, permirent le passage de la remarquable construction newtonienne à la géniale intuition d'Einstein. Ainsi, mieux que tout autre était-il préparé à recevoir la révélation qu'apporta en 1905 l'énoncé du principe de relativité. En ce dernier domaine, l'enseignement de Paul Langevin s'éleva à la hauteur d'un véritable apostolat. Il est notoire que, sans lui, la diffusion des idées d'Einstein, devenues plus tard si fondamentales, notamment dans l'expérimentation en physique nucléaire, aurait été retardée de vingt ans au moins.

On sait que le principe de relativité restreinte implique l' abandon du « temps absolu » de la mécanique classique. La notion de « temps relatif »[12], de prime abord si paradoxale, représentait un tel bouleversement dans la démarche de l'esprit qu'elle parut à la plupart des grands savants de l'époque inadmissible et même absurde. Sans négliger les importants travaux dans lesquels il est alors engagé, Paul Langevin accorde de longues méditations à la théorie nouvelle qui vient donner la clé d'expériences de grande finesse sur la vitesse de la lumière, inexplicables en mécanique newtonienne. Et, indépendamment d'Einstein — qu'il ne connaît pas encore —, il déduit comme lui de cette théorie, par des calculs personnels, des conséquences d'une portée fondamentale, telles que l'inertie de l'énergie : la masse d'un corps augmente avec son énergie interne, et en particulier avec son énergie cinétique, c'est-à-dire avec sa vitesse. Inobservable aux vitesses usuelles à notre échelle, cette augmentation de masse devient considérable lorsqu'on se rapproche de la vitesse de la lumière (cette conséquence est aujourd'hui couramment utilisée dans les grands accélérateurs de particules). Cette découverte amène Paul Langevin à la séduisante hypothèse que les écarts des poids atomiques par rapport à des nombres entiers seraient dus au fait que les atomes se formeraient tous par condensation du plus léger d'entre eux, l'hydrogène, avec émission d'énergie : hypothèse pleinement vérifiée par les découvertes ultérieures de l'astrophysique, et qui explique la progressive diminution de masse des étoiles au cours de leur évolution. Ainsi se trouve réalisé ce vieux rêve de l'esprit humain : l'unité de la matière. Désormais, Paul Langevin jouera dans les réunions internationales un rôle de plus en plus prépondérant. En 1911, il est le plus jeune physicien invité à prendre part au premier Conseil Solvay où, sous l'égide du mécène belge[13] et sous la présidence du grand Hendrik Antoon Lorentz, les plus notoires physiciens de tous les pays se réunissent afin de discuter largement des difficultés ardues qui se font jour alors dans une science en plein essor.

Là s'établit définitivement sa renommée mondiale. Là aussi il rencontre Einstein, avec qui il nouera bientôt des liens d'amitié qui deviendront de plus en plus personnels et profonds. En cette période de relative tranquillité, à la faveur d'une illusion générale de paix universelle, ce grand mouvement d'idées qui emporte la physique absorbe partout les savants. Pourtant, Paul Langevin a une nature trop généreuse pour s'enfermer dans une tour d'ivoire. Ainsi qu'il le rappellera au soir de sa vie lors de son Jubilé, ses parents, « témoins oculaires du siège (de Paris) et de la sanglante répression de la Commune, lui (avaient), par leurs récits, mis au coeur l'horreur de la violence et le désir passionné de la justice sociale ». Aussi n'est-il pas étonnant que, dès avant son retour d'Angleterre, sollicité par une lettre de son camarade Charles Péguy, il ait accepté sans hésiter de s'inscrire au nombre des défenseurs du capitaine Dreyfus, dans la fameuse « Affaire » qui fit tant de bruit à l'époque. Et lorsque se fonde à cette occasion la Ligue des Droits de l'Homme, composée en majorité d'intellectuels épris de justice et guidés par des hommes tels que le célèbre romancier Emile Zola ou l'éducateur Ferdinand Buisson, il y adhère aussitôt et en sera, sa vie durant, un participant assidu ; il en devint bientôt l'un des membres les plus actifs, et le Président en ses dernières années.

Par ailleurs, si absorbante que soit son intense activité créatrice, alors en plein épanouissement, Paul Langevin ne néglige pas pour autant les tâches du plus attentif des pères de famille auprès des quatre enfants qui naissent entre 1899 et 1909. Il s'occupe tout particulièrement de l'éducation de ses deux fils aînés, dont il suivra et guidera de très près les études. Souvent, en vacances, il les emmène dans de grandes randonnées pédestres qui sont sa meilleure détente. Et, dans toutes les circonstances de leur vie, tous puiseront sans compter dans ce trésor de tendresse paternelle toujours prête à tous les sacrifices.


La Guerre de 1914-18. — Les ultra-sons

Et survint la guerre de 1914... Dans les premières semaines, les physiciens des deux camps, qui entamaient déjà la préparation du deuxième Conseil Solvay, envisagèrent sérieusement de poursuivre les relations scientifiques « au-dessus de la mêlée » ; mais cette illusion fut de courte durée, car les savants furent bientôt, dans chaque pays, mobilisés pour résoudre des problèmes de science appliquée. L'un des premiers sollicités, Paul Langevin travailla pendant plusieurs mois sur des questions de balistique ; puis, la guerre sous-marine prenant une ampleur inquiétante, on lui demanda d'étudier le difficile problème de la détection en mer, qui s'était déjà posé après la mémorable catastrophe du « Titanic » en 1912, mais n'avait pas été résolu. Des savants anglais, Lord Rayleigh, Richardson, avaient montré que des ondes ultra-sonores (c'est-à-dire de fréquences nettement supérieures aux fréquences audibles) pouvaient se propager dans l'eau en faisceaux dirigés ; cependant, ils n'avaient pas réussi à les produire. Mettant en oeuvre une idée suggérée par l'ingénieur polonais Chilowski, Paul Langevin établit très vite la théorie de l'émission d'ondes acoustiques de haute fréquence par des lames vibrantes ; mais les premiers essais donnèrent une puissance très insuffisante. Il eut alors en 1916 l'idée géniale d'utiliser, comme récepteur d'abord, puis comme source ultrasonore, le quartz piézo-électrique[14] naguère étudié par Pierre et Jacques Curie. Avec autant de patience que d'ingéniosité, aidé notamment par deux de ses anciens élèves, Holweck[15] et Tournier, il poursuivit pendant de longs mois, en laboratoire puis à l'arsenal de Toulon, la réalisation d'une délicate technique grâce à laquelle on parvint enfin à déceler les sous-marins en plongée à des distances de plusieurs kilomètres.

Mais la fin de la guerre survint avant que l'équipement des torpilleurs fût terminé. Cette grande invention servit alors à assurer la sécurité de la navigation par temps de brume, et — grâce aux perfectionnements que Paul Langevin lui apporta encore par la suite — à réaliser le sondage par écho des plus grandes profondeurs océaniques. Si, pour la détection en surface, le radar a remplacé aujourd'hui le quartz piézo-électrique, ce dernier a pris une importance primordiale comme stabilisateur de fréquence dans tous les circuits électroniques, notamment dans certains organes régulateurs du radar. Et l'horloge à quartz permet les mesures de temps avec une très haute précision. Bien d'autres recherches encore, appuyées sur la même technique, ont été poursuivies au cours du dernier demi-siècle dans des domaines très divers de la science pure ou appliquée. Après la guerre de 1914-1918, la Marine française se désintéressa des progrès de la technique ultrasonore dans la détection sous-marine. Fort heureusement, il n'en fut pas de même de l'Amirauté britannique, à qui tous les documents avaient été communiqués. Au cours de la dernière guerre, les émetteurs reçurent d'autres perfectionnements, et, sous le nom d'Asdic, permirent de gagner la bataille de l'Atlantique, jusque là tragiquement compromise[16]. Cette assurance, apportée au grand savant au lendemain de la Libération, fut pour lui, vers la fin de sa vie, une bien grande et légitime satisfaction.


Vers l'action sociale

La cessation des combats de la première guerre mondiale marqua, on le sait, non le retour à une paix véritable, mais le début d'une ère profondément troublée. C'est donc dans un climat peu propice à la sérénité que les intellectuels revinrent à leurs travaux. Au savant dont la générosité de coeur égale la lucidité d'esprit, il n'apparaît désormais plus possible de faire un choix entre ces deux formes d'activité a priori contradictoires, celle, essentiellement intérieure, de l'homme de science, si conforme à son goût profond, et celle, presque tout extérieure, de l'homme d'action. En cette période de sa pleine maturité de pensée, Paul Langevin se dépense alors sans compter, réussissant à mener de front ses multiples tâches d'ordre scientifique et des activités de plus en plus importantes sur le plan humain et social. En 1925, il est nommé directeur de cette Ecole de physique et chimie à laquelle il a déjà, en qualité de directeur des études, consacré beaucoup d'efforts et de dévouement, et qui, sous sa haute autorité, deviendra bientôt un établissement supérieur de premier plan. Dans son bureau (dont il ne refuse jamais l'accès!), les visiteurs affluent dès lors de plus en plus nombreux : les uns pour consulter le savant au jugement si sûr, les autres pour solliciter de l'éducateur éclairé, ou du citoyen épris de justice, une participation à laquelle on attache de plus en plus de prix. La restriction des « jours de visite », dont il finit par accepter le principe, ne diminue guère cet envahissement : vers la fin des années vingt, c'est à plusieurs dizaines que s'élève la liste des associations dont il est membre actif, ou même président effectif. Les petits agendas de ce temps-là, dont presque toutes les pages sont bourrées de rendez-vous, témoignent de l'incessant labeur qu'il s'imposait, sans souci pour sa santé qui, en dépit d'une parfaite maîtrise de soi, se ressentit souvent d'un tel surmenage. Depuis la fin de la guerre, Paul Langevin s'est penché avec un intérêt croissant sur les questions d'enseignement et d'éducation. Bien des fois, dans de remarquables conférences, il a souligné les défauts de notre enseignement secondaire scientifique, beaucoup trop « dogmatique » et strictement « utilitaire », alors que la science en plein essor devrait fournir une riche moisson d'idées neuves, particulièrement fécondes pour le développement de l'esprit. Par ailleurs, il voit dans les progrès de la culture populaire l'un des facteurs essentiels de la solution des problèmes sociaux. Aussi donne-t-il volontiers sa participation aux organismes qui travaillent dans ce sens. Il accepte, entre autres, en 1922, la présidence de la Société française de pédagogie où, pendant une quinzaine d'année, il s'efforcera de favoriser les contacts entre les maîtres de l'Université et les instituteurs dont le dévouement est exemplaire, mais dont l'isolement dans leur cadre est peu favorable au perfectionnement de leur culture. En 1928, il devient aussi président du Groupe français de la Ligue internationale pour l'Education nouvelle, dont il sera jusqu'à sa mort l'un des grands animateurs.

Sur le plan social, pressentant de plus en plus clairement le terrible danger que représenterait, pour l'humanité toute entière, un usage aveugle de la science à des fins destructrices, Paul Langevin devient très vite l'un des membres les plus écoutés de la Ligue des Droits de l'Homme, dont l'action s'élargit peu à peu, sous la pression des circonstances, du plan de la justice individuelle à celui de la justice sociale et internationale. Sollicité par de nombreuses sections provinciales de la Ligue, il ira bien souvent, pendant plusieurs années, faire le dimanche — parfois entre deux nuits de train — des conférences scrupuleusement documentées sur la guerre chimique et bactériologique, et sur la très fallacieuse protection proposée par les marchands de masques à gaz. Souvent aussi, il intervenait à titre strictement personnel, car nombreux étaient à Paris les groupements les plus divers suscités par l'inquiétude générale, qui faisaient appel au grand savant dont la probité intellectuelle et morale était désormais connue de tous.

L'une des plus mémorables circonstances où il intervint se situe dès 1921, dans la très douloureuse affaire de mutinerie de marins survenue quelques mois après l'Armistice. C'était la première fois qu'il acceptait de prendre part, dans une immense salle, à un grand meeting populaire, et l'appréhension qu'il en ressentit nous vaut de posséder le texte de son intervention, qu'il avait complètement rédigée. L'admirable défense prononcée par Paul Langevin après une minutieuse étude du dossier mériterait d'être citée en entier. Voici un extrait du préambule, qui témoigne de manière significative de l'attitude du savant envers les hommes et devant la vie :

« L'effort de comprendre et surtout celui de sentir en commun, le souci pour chacun de pénétrer les sentiments et les mobiles des autres hommes sont les liens nécessaires pour la constitution intime d'une société humaine. A l'oeuvre de destruction, de mensonge et de haine, il nous faut, de toutes nos forces, opposer celle de travail, de lumière et d'amour. Ceux pour qui nous sommes réunis ce soir, les « marins de la Mer noire », expient durement un geste de révolte d'un instant, commis dans des circonstances particulièrement atténuantes même au point de vue de la prompte et brutale justice militaire. »

Rappelant alors les conditions matérielles et physiques effroyables dans lesquelles, après trente-six mois d'une guerre particulièrement dure et dangereuse, se trouvaient ces marins, loin de leurs foyers où beaucoup n'étaient encore jamais revenus, avec une nourriture défectueuse et des vêtements insuffisants par des froids dépassant souvent —15°, Paul Langevin poursuit :

« Les conditions morales étaient pires encore. La guerre était finie, et aucune raison légale ne pouvait être invoquée pour les envoyer combattre un pays dans lequel se passaient des événements mal connus (mais) qui apparaissaient à beaucoup d'entre eux comme l'aube un peu voilée, et d'autant plus belle peut-être, d'un jour nouveau si longtemps attendu. IL N'EST PAS FACILE DE CONSTITUER ET DE MAINTENIR UNE FORCE INCONSCIENTE ET BRUTALE DANS UNE SOCIÉTÉ OU UN PEU DE LUMIÈRE A COMMENCÉ DE PÉNÉTRER. »

On conçoit les réactions que déchaîna, dans l'atmosphère du moment, une prise de position tant politique qu'intellectuelle aussi peu équivoque de la part du grand savant. C'est ainsi que, dès le lendemain de cette réunion, un amiral « d'action dite alors française »[17] lui écrivit qu'il demandait sa révocation du jury du concours d'entrée à l'Ecole navale. « J'ai répondu en envoyant au ministre le texte de mon intervention et rien de fâcheux n'en est résulté pour moi! ».


Les grandes crises scientifiques de l'entre-deux-guerres. — Le rationaliste

Le grand essor scientifique issu des recherches poursuivies partout pendant la guerre rendait plus indispensables que jamais les confrontations entre savants, car les « crises » s'avéraient d'autant plus aiguës que les progrès de l'expérimentation avaient été plus rapides : notamment dans les vastes domaines de la physique corpusculaire et de l'optique électromagnétique. Nous avons dit quel avait été, avant la guerre, le rôle de Paul Langevin dans la crise de la relativité. Celle-ci connut, dès la fin des hostilités, de nouveaux rebondissements, en raison des travaux poursuivis par Einstein en Suisse, où il avait dû se réfugier pour avoir refusé de signer le fameux Manifeste des intellectuels allemands. La nouvelle théorie, dite de relativité généralisée, exigeait, après l'abandon du temps absolu, celui de l'espace absolu de la géométrie euclidienne : d'après les conceptions d'Einstein, l'espace n'est pas une donnée a priori, un cadre rigide aux propriétés intangibles ; au contraire, tout ce qui s'y trouve contenu influe sur les propriétés du cadre lui-même, ce qui implique l'utilisation de géométries très différentes de celle d'Euclide.

Cette théorie souleva de la part des savants, en dépit du succès de la précédente, des objections encore plus véhémentes ; car elle nécessitait un bouleversement encore plus radical, une véritable révolution dans les habitudes ancestrales de l'esprit humain. Paul Langevin, dont l'audace intellectuelle ne reculait devant aucun effort d'adaptation de pensée, considéra cette idée comme la plus géniale du grand savant, et se mit avec ardeur à l'enseigner, menant pendant plusieurs années ce que ses élèves se plurent à appeler la « bataille de la relativité ». Mais il dut le faire dans une atmosphère d'hostilité souvent bien étrangère aux seules difficultés réelles de la théorie. Désireux d'honorer l'ami qu'il admirait autant pour son courage que pour son génie, il lui fallut triompher du chauvinisme de plusieurs de ses collègues pour obtenir qu'Einstein fût invité officiellement à venir faire au Collège de France, en 1922, une conférence sur ses derniers travaux. Lui-même, l'année suivante, accepta sans hésiter une invitation des républicains allemands à aller prendre la parole dans plusieurs de leurs réunions : cela lui fut interdit (de même qu'à Einstein) par le préfet de police de Berlin, mais il fit lire en sa présence la traduction de ses allocutions.

Le même esprit réactionnaire et chauvin régnait alors au sein de l'administration Solvay, où même Einstein ne fut invité qu'au deuxième colloque d'après-guerre, en 1924 — seul Allemand admis, venant d'ailleurs de Leyde où, ayant dû fuir à nouveau son pays, il avait accepté un poste de professeur. Cependant, plusieurs savants allemands, et aussi des Soviétiques, en dépit de conditions générales peu propices, poursuivaient des travaux de si grande importance que le Conseil de 1927 dut cette fois réunir l'équipe internationale tout entière. Il y fut débattu d'une autre grande crise de la physique : celle des quanta. La notion de quantum[18] avait été introduite en 1900 par Max Planck pour interpréter les lois expérimentales de l'équilibre thermique du rayonnement à l'intérieur d'un four, dont la théorie électromagnétique ne permettait pas de rendre compte. Dès avant la guerre, et surtout dans les années qui suivirent, de nombreux travaux rendirent plus flagrante la contradiction entre la théorie électromagnétique classique, domaine du continu, et la conception nouvelle du rayonnement discontinu (photons). Une synthèse s'imposait, à laquelle conduisirent des découvertes essentielles qui illustrèrent notamment les noms des physiciens allemands Heisenberg, Born, Schrödinger, et celui de Louis de Broglie. C'est ce dernier, on le sait, qui, le premier, proposa d'attribuer à la matière, comme on l'avait fait pour la lumière, une dualité de structure : à l'aspect corpusculaire serait associé celui d'ondes, dont les caractéristiques furent peu à peu précisées par le calcul, puis confirmées par l'expérience[19]. Cette synthèse, qui, aujourd'hui encore — non plus que celle de la relativité — n'est pas entièrement achevée, a permis des progrès considérables dans l'étude des phénomènes intra-atomiques, ainsi que dans l'analyse du rayonnement qui nous vient du soleil et des autres étoiles.

En ces années où les problèmes de la physique s'avéraient d'une complexité croissante, Paul Langevin se plaçait plus que jamais à l'avant-garde du progrès. Son intuition d'une extraordinaire perspicacité, son jugement ferme et lucide, d'ailleurs toujours prêt à s'incliner devant le verdict de l'expérience, expliquent qu'il soit devenu le guide et le conseil de ses contemporains au milieu du foisonnement de découvertes et d'idées neuves qui ont jalonné toute sa carrière. Ainsi donna-t-il un appui décisif à Louis de Broglie quand celui-ci vint lui soumettre son hypothèse des « ondes matérielles ». Cette idée lui parut de prime abord bien déconcertante, mais très vite il en comprit toute la puissance de synthèse, et fit alors partager son enthousiasme à ses collègues, et d'abord à Einstein à qui il communiqua ce travail.

Il prit une part non moins active aux vives discussions qui, au Conseil Solvay de 1927, suivirent l'énoncé, par Heisenberg, de son fameux principe d'indétermination. A partir d'une remarque pertinente sur l'action qu'exerce nécessairement tout observateur sur le phénomène observé, Heisenberg aboutit à la conclusion qu'à l'échelle intra-atomique, on ne peut déterminer la trajectoire exacte d'une particule, mais seulement prévoir sa probabilité de présence, à un instant donné, sur telle orbite autour du noyau. Le monde savant se partagea dès lors en deux camps : celui des idéalistes » (Heisenberg, Jeans), tenants d'un libre arbitre des particules — et, par extension, de toute la Nature — ; et celui des « matérialistes » ou déterministes convaincus, avec, à leur tête, Hendrik Antoon Lorentz, Einstein et Paul Langevin. Dès cet instant, la « bataille du déterminisme » succéda pour ce dernier à celle de la relativité. Jamais, pour ce grand rationaliste, ne fut ébranlée la foi dans l' « intelligibilité du monde, ressort essentiel de la science ». Et il affirmait avec force : « LA SCIENCE SERA DÉTERMINISTE, OU ELLE NE SERA PAS ». Envisageant, une fois de plus, la nécessité d'un profond changement des notions, il considère que le concept même de particule individuelle, essentiellement anthropomorphique, est sans doute inadéquat à l'échelle intra-atomique : « On doit se demander, lorsque la nature laisse une question sans réponse, s'il n'y a pas lieu de considérer la question comme mal posée, et d'abandonner la représentation qui l'a provoquée ». En 1930, Paul Langevin fondait, avec le doyen Henri Roger comme président, l'Union rationaliste : association sans aucun caractère politique ayant pour but de diffuser l'esprit rationaliste et la méthode scientifique, de « défendre au grand jour les droits de la raison (et de) propager la confiance dans l'effort scientifique et le progrès humain ». Il y fit au cours des années trente plusieurs grandes conférences d'ordre scientifique et philosophique, dont une série inaugurale particulièrement remarquable sur La science et le déterminisme, dont nous n'avons malheureusement que nos notes personnelles incomplètes. A la mort de Henri Roger en 1938, il devait prendre sa succession à la présidence de l'UR qu'il anima à nouveau, après la longue nuit, pendant ses deux dernières années.


Les missions internationales. — L’humaniste

La période qui s'étend de 1927 à 1933 fut sans aucun doute, dans la vie du savant, celle qui lui apporta les plus riches satisfactions. En 1928, à la mort du grand Lorentz, il fut nommé à l'unanimité président du Comité scientifique Solvay, et il assuma cette charge nouvelle avec sa haute conscience habituelle. Ses rares qualités d'esprit et de caractère firent de lui, pour ses collègues, un « président » par excellence ; et les souverains belges, qui accueillaient toujours le comité à la fin du Congrès, le tenaient aussi en haute estime et considération. A ses intimes, Paul Langevin parlait volontiers, non sans une pointe de fierté malicieuse, de « (son) amie Elisabeth » dont il appréciait, autant que le charme personnel, la grande culture et les opinions très libérales. En cette période d'intense activité lui venaient des grandes Universités du monde entier les plus hautes distinctions honorifiques — bien avant son élection en 1934 à l'Institut de France, que sa répugnance bien connue aux « visites de candidature » avait notablement retardée! Dans le même temps, il recevait de nombreuses sollicitations pour des conférences, ce qui lui donna l'occasion de fort intéressants voyages. Il parcourut ainsi non seulement maint pays d'Europe, allant d'Espagne ou d'Angleterre en Pologne, en Tchécoslovaquie, et jusqu'en Russie soviétique ; mais aussi des contrées plus lointaines encore. Partout il noua des relations amicales, et se pencha avec un vif intérêt sur les réalisations nouvelles qu'il découvrait en matière sociale ou éducative. En 1928, il fait un cours d'été à l'Université de Buenos-Aires, où il séduit les étudiants par son extraordinaire jeunesse de caractère, entonnant à la fin d'un dîner des chansons estudiantines françaises.

Mais, de tous, le voyage qui lui apporta les plus grandes joies fut celui qu'il accomplit en Chine en 1931-1932 comme membre français d'une mission culturelle d'experts, sollicitée auprès de la SDN par cet immense pays aux quarante millions d'enfants d'âge scolaire qui posaient aux dirigeants des problèmes fort complexes. Parcourant pendant trois ou quatre mois villes et campagnes, il reçoit partout les marques déférentes de l'exquise politesse chinoise. Sensible aux efforts déjà accomplis, il conseille avec bienveillance bien plus qu'il ne critique. Il apprécie les dons artistiques remarquables qui se manifestent dans toute la jeunesse, et que la mission, d'un commun accord, recommande de préserver au travers des indispensables progrès techniques.

Aimant la vie dans tout ce qu'elle offre de bon et de beau, le grand savant ne dédaigne pas les plaisirs de la gastronomie, et goûte fort la cuisine chinoise, aussi raffinée — pense-t-il — que la cuisine française! Il admire intensément la beauté des grands paysages de Chine, la lumière du ciel de Pékin, et tous les trésors d'art accumulés au cours des siècles ; mais davantage encore peut-être, la richesse intellectuelle et morale de cette vieille civilisation pleine de sagesse, avec laquelle il se sent en affinité profonde parce que les vertus fondamentales en sont celles qui concernent les relations entre les hommes. Un seul point noir dans ce beau ciel de Chine, le déchaînement de barbarie que constituent les attaques japonaises sur les grands ports, en la présence impassible des navires d'Occident. Là-devant, son indignation est profonde, et il ne l'oubliera jamais. Ce voyage fut le dernier que Paul Langevin put accomplir au loin à des fins purement culturelles, et dont il goûta encore pleinement la joie. A son retour en Europe, au début de 1932, le climat s'était déjà assombri, et devait lui laisser de moins en moins de liberté d'esprit. La publication, par l'Institut de coopération culturelle, du rapport des experts sur leur mission en Chine lui donna l' occasion de préciser sa pensée sur les questions d'éducation et de culture. Pendant l'été de 1932, au congrès de la Ligue internationale pour l'Education nouvelle qui se tient à Nice, Paul Langevin expose devant de nombreux enseignants de cinquante pays ses idées les plus fondamentales sur la culture générale et les « humanités ». Il définit la culture comme « une initiation aux diverses formes de l'activité humaine pour permettre à l'individu de comprendre l'intérêt et d'apprécier les résultats d'activités autres que la sienne propre » ; c'est « tout ce qui rapproche et unit les hommes, tandis que la profession représente trop souvent ce qui les sépare ». Et il en souligne le « caractère DYNAMIQUE (qui) exige pour chaque être humain la possibilité de CONTINUER A S'INSTRUIRE ».

Conscient du grave déséquilibre créé dans la vie collective par le développement si rapide des techniques, le savant voit la cause profonde de la crise actuelle dans le conflit entre les initiations « morale, plus ancienne, et technique, plus récente », restées parallèles et séparées tant dans leur conception que dans les catégories d'hommes auxquelles elles s'adressent. Pour lui, la solution à ce grave problème ne peut être que dans la conjugaison harmonieuse de ces deux initiations en de véritables « humanités modernes » dispensées à tous. Paul Langevin caractérise les difficultés dramatiques de la situation actuelle en cette formule qu'il aura maintes fois l'occasion de développer par la suite : « La science a pris aujourd'hui une avance considérable et dangereuse sur la justice ». A son sens, le seul moyen pour celle-ci de rattraper celle-là est d'en suivre l'exemple dans son esprit et dans ses méthodes, qui ont déjà permis des progrès décisifs aussi bien dans les sciences sociales et humaines que dans celles de la Nature — et il donne comme exemple, en psychologie, la « découverte de l'enfant » si riche de conséquences pour les éducateurs. S'appuyant sur les données de la biologie et de l'évolution, il s'élève alors à cette conclusion générale :

« C'est (non pas par la lutte mais) par l'entraide qu'un enrichissement progressif de la vie a pu être obtenu. Il devient nécessaire aujourd'hui, pour l'adaptation au milieu nouveau que créent les applications de la science, que l'entraide, la différenciation et la collaboration s'établissent entre les nations pour déterminer l'apparition consciente et complète de la forme nouvelle de vie que représentera l'ensemble pacifié de notre espèce. »

Conclusion empreinte d'une ardente confiance, que le proche avenir allait, sinon entamer, du moins rendre infiniment moins sereine! Pourtant, dans le courant de ce même discours, on relève ces phrases significatives, prescience et véritable profession de foi de la part du savant qui va arriver à un tournant décisif de sa vie :

« Nous traversons une période particulièrement difficile, importante et décisive. Je considère que ceux qui ont eu la bonne fortune d'une formation scientifique ne peuvent se désintéresser de ce qui se passe au dehors, bien qu'il soit plus confortable de rester dans la paix des laboratoires, bien que jamais les progrès de la science pure et de ses applications d'ordre matériel n'aient été plus rapides ni plus attachants »[20].


La lutte contre le fascisme

Au fur et à mesure qu'il voit grandir le danger fasciste, Paul Langevin comprend que l'action isolée ne peut plus être vraiment efficace. Pour faire échec aux forces de réaction qui, se conjuguant à l'intérieur et à l'extérieur, deviennent chaque jour plus menaçantes, il faut unir les efforts de tous les hommes de bonne volonté. Avec d'autres intellectuels progressistes, il rejoint alors certains groupements organisés dont le but commun est la lutte contre la guerre et le fascisme, et au sein desquels, après l'instauration du régime hitlérien en 1933, il dépensera de plus en plus de temps et de forces. Ce sera bientôt, en France, un véritable foisonnement de groupes de défense qui se créent dans toutes les couches de la population. Mais, dans tous ces mouvements, en principe « au-dessus des partis », se dressent souvent des antagonistes qui nuisent aux décisions les plus essentielles : notamment les rivalités qui se font jour dans bien des cas entre le groupe socialiste SFIO et le Parti communiste. Sans pouvoir faire ici un historique, même succinct, des remous politiques et des luttes sociales qui, en cette période tourmentée, furent intimement mêlées à la défense des libertés et à la lutte antifasciste, rappelons, en raison de son importance, l'émeute à main armée de factieux d'extrême-droite qui, le 6 février 1934, s'attaqua au Parlement et faillit s'emparer du pouvoir. A cette émeute sanglante qui plongea le pays dans la stupeur répondit en quelques jours, avec une extraordinaire spontanéité, une immense manifestation démocratique dans la France entière : prélude au gouvernement d'unité qui, sous le nom de « Front populaire », devait s'instaurer deux ans plus tard. A l'imposant défilé organisé à Paris par les formations de tous ordres, prirent part les intellectuels de gauche, que les militants se montraient du doigt tant le fait était inusité ; parmi eux Paul Langevin. Ce moment marque l'engagement décisif dans la lutte extérieure, le renoncement définitif à la « paix des laboratoires ». Certes, Paul Langevin n'abandonne pas ses tâches d'homme de science. Grâce à son extrême rapidité de lecture, et d'assimilation, il se tient au courant des nombreux mémoires qui continuent de paraître, et poursuit la « bataille du déterminisme ». Il assure aussi avec tout le soin nécessaire la publication des importantes réunions Solvay de 1933, et commence à préparer le Conseil prévu pour 1936. Mais il n'a plus le temps matériel d'accorder aux questions théoriques d'assez mûres réflexions pour y apporter des contributions personnelles, ce que déplorent nombre de ses élèves et de ses amis ; car les sollicitations du dehors, tant individuelles que collectives, se font de plus en plus pressantes. Sur le plan individuel, c'est bientôt l'incessant défilé de réfugiés politiques de toutes origines, qui savent trouver auprès de lui une aide souvent efficace, et toujours un réconfortant accueil. Jamais il n'écourta d'un geste les confidences prolongées qui lui faisaient perdre un temps précieux pour son travail ou son repos. Et combien de fois devant certains cas difficiles, sa bourse s'ouvrit-elle spontanément pour une aide « momentanée », qui, presque toujours, devint définitive! Sur le plan collectif, parmi les groupements auxquels Paul Langevin donna la participation la plus active, en dehors de la LDH, il faut mentionner d'une part le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA), dans la formation duquel, au lendemain de février 1934, il joua un rôle de premier plan ; et le Comité mondial de lutte contre la guerre et le fascisme[21], rassemblement international créé à l'appel de Romain Rolland et Henri Barbusse. Le CVIA, qui réunissait des intellectuels de toutes tendances, se voulait résolument au-dessus des partis, et en liaison étroite avec les travailleurs : on a pu dire qu'il était un véritable petit Front populaire avant la lettre. Pendant plus de deux ans, il donna un remarquable exemple d'unité : unité que les partis politiques ne devaient réaliser que beaucoup plus laborieusement. Entre ceux-ci, la LDH et le CVIA jouèrent un grand rôle conciliateur, faisant souvent appel à Paul Langevin dont ses amis de combat admiraient la « sérénité ardente »[22] qui le gardait « passionné et sage, toujours calme dans la tempête de la dispute »[23]. Lorsqu'en 1935, le Comité mondial perdit son chef et animateur Henri Barbusse, Paul Langevin et Francis Jourdain reprirent le flambeau sous la présidence d'honneur de Romain Rolland. La tâche des combattants de la paix était rendue de plus en plus ardue par l'aveuglement des « pacifistes intégraux », et bientôt la faille s'accentua au sein du CVIA, où Paul Langevin se dépensa vainement pour essayer de convaincre de leur erreur les partisans de la « non-intervention » en Espagne. Peu de mois avant sa mort, il rappelait en ces termes ce que fut pour lui cette période vraiment dramatique :

« L'action est devenue particulièrement dure pour ceux qui avaient compris l'origine commune des difficultés du dehors et du dedans. Après avoir été en quelque sorte sensibilisé par ma présence en Chine au moment de l'agression japonaise sur la Mandchourie en 1931, et avoir souffert avec le peuple chinois, j'ai été de ceux qui ont souffert de manière toujours plus aiguë avec l'Ethiopie, l'Espagne, l'Autriche et la Tchécoslovaquie. Mais je compte parmi les heures les plus douloureuses de mon existence celles passées à lutter, au sein du CVIA, contre ceux, bien intentionnés pour la plupart, qui croyaient pouvoir en même temps combattre le fascisme dans notre pays et composer avec lui au dehors au nom d'un pacifisme aussi aveugle qu'intégral. Cet état d'esprit nous a valu le succès de Franco en Espagne et la honte de Munich »[24].

Plus qu'en toute autre peut-être, c'est dans cette lutte en faveur de la République espagnole que chaque coup l'atteignait, peut-on dire, en plein coeur. Tel soir, attendu pour dîner chez des intimes, il arriva sur le coup de 22 heures, profondément bouleversé d'avoir, avec Victor Basch, multiplié tout le jour les démarches pour tenter d'obtenir, par l'intermédiaire des instances internationales, des garanties de protection pour les populations civiles de Madrid, dont la chute était imminente. En Angleterre, où la menace hitlérienne ne se précisait que plus lentement, l'influence de Paul Langevin détermina la fondation d'un groupe d'abord attaché surtout à la « défense de la liberté intellectuelle », mais qui, ensuite, s'orienta davantage vers la défense contre le fascisme montant. Lors d'un des voyages qu'il fit à Londres en cette période, il eut un long entretien avec Winston Churchill, et réussit à convaincre l'illustre Premier de l'imminence du danger qui pesait sur les Alliés. Cependant, à ce rythme, son coeur commençait à donner des signes de faiblesse : cette tension continuelle, ces luttes délibérées certes, mais pour lesquelles il n'était point fait, commençaient de porter sérieusement atteinte à sa santé. Dans un tel climat, Paul Langevin trouve encore le moyen d'assumer la préparation attentive du Conseil Solvay en 1936 ; mais trop de savants se trouvaient déjà dispersés ou quasiment prisonniers dans les pays fascistes ; et, devant ces défections, on décide d'ajourner le Conseil à 1939. A cette date, le grand conflit était déjà déchaîné et Paul Langevin ne vit pas ces réunions qui devaient se tenir seulement en 1948, plus d'un an après sa disparition.


La Seconde Guerre mondiale

1939-1940. En France, pendant plusieurs mois, c'est la « drôle de guerre ». Après la signature du pacte germano-soviétique, le Parti communiste français est interdit, ses députés privés de leurs mandats ; un certain nombre d'entre eux sont arrêtés et mis au droit commun. Quelques mois plus tard, lors de leur procès, Paul Langevin vient courageusement à la barre apporter un éclatant témoignage en leur faveur.

Non seulement dans l'action Paul Langevin s'est trouvé souvent en accord avec la position communiste, mais il s'en est aussi peu à peu rapproché du point de vue idéologique, en partie sous l'influence de son gendre Jacques Solomon. Ce jeune et brillant physicien, au cours de ses voyages d'études, avait eu l'occasion de connaître les communistes allemands et la philosophie marxiste, au moment même de la prise du pouvoir par Hitler. Revenu en France, son aptitude pour la pensée abstraite lui permet d'approfondir les idées du matérialisme dialectique, dont il s'entretient souvent avec son beau-père. Et celui-ci, qui avait toujours eu une instinctive défiance à l'égard des systèmes philosophiques, est frappé de constater combien la connaissance de la dialectique éclaire l'évolution de sa propre science, évolution qui « se fait à travers une série de crises où chaque contradiction ou opposition surmontée se traduit par un enrichissement nouveau »[25]. Dans son souci d'information et de clarté, Paul Langevin réunit alors parfois le soir, dans son bureau, un « groupe d'études marxistes » composé de quelques amis intellectuels communistes dont faisaient partie Jacques Solomon. Ces circonstances ne furent pas sans influence sur l'adhésion qu'apporta quelques années plus tard Paul Langevin au Parti communiste. Mobilisé au titre scientifique dès le début des hostilités avec la charge de plusieurs laboratoires, et devant prévoir un repli éventuel, Paul Langevin met à profit l'illusoire répit des premiers mois de 1940 pour chercher un centre d'accueil dans les Universités du Sud de la France.

La catastrophe redoutée se produit : l'exode le trouve calme et ferme. Après la mise en sûreté des appareils de laboratoire les plus précieux, il assure à Toulouse, avec le concours d'amitiés dévouées, l'installation de tout son personnel. Il s'occupe de chacun, encourage, réconforte, trouvant le moyen de mettre de la bonne humeur au milieu de la plus mauvaise fortune. Hélas, au bout de quelques jours, c'est l'effondrement. Aux Français atterrés, une voix chevrotante annonce l'Armistice. Mais aussitôt après, une autre voix venant de loin, énergique celle-là : « La France a perdu une bataille ; elle n'a pas perdu la guerre... ». Un instant, Paul Langevin songe à partir pour l'Angleterre, mais il hésite, craignant des représailles pour les siens. Pourtant, pressé par quelques-uns qui savent depuis longtemps qu'il est sur la « liste noire » des Allemands, il fait une tentative... trop tardive. Rappelé par le Ministère, il rentre alors à Paris reprendre ses fonctions. Et, fin octobre, après seulement deux cours au Collège de France, les nazis se présentent à l'Ecole. Incroyable mais vrai : rien n'a été prévu pour organiser sa fuite! Il ne songe d'ailleurs pas à se dérober. Emmené par un itinéraire aberrant, mis au secret dans une cellule de droit commun, pendant trois semaines privé de lumière, de lecture, de matériel pour écrire, il fait des calculs sur des papiers de fortune avec des bouts d'allumettes trempés dans une poudre de charbon obtenue du médecin de la prison. Son courage tranquille fait l'admiration des gardiens, heureusement français, par qui on apprend où il se trouve. Après ces semaines d'attente anxieuse, il subit un long interrogatoire auquel il fait de fières réponses. On l'accuse d'être « aussi dangereux pour l'hitlérisme que les philosophes français du XVIIIème siècle l'ont été pour la monarchie ». Quoi de plus flatteur pour un grand penseur? Paul Langevin en sourira souvent en rappelant ces instants.

Cette arrestation — la première en date parmi celles de grands intellectuels — donne le signal de la résistance universitaire. Plusieurs collègues protestent ; Joliot, qui est depuis peu d'années professeur au Collège de France, suspend son cours ; des manifestations d'étudiants et de lycéens s' organisent et sont sévèrement réprimées. Plusieurs pays neutres : Suisse, URSS, USA, envoient des invitations officielles à recevoir le grand savant. Devant cette unanimité, les Allemands hésitent, puis libèrent Paul Langevin, mais pour le reléguer aussitôt dans une petite ville de l'Est où il sera astreint à se présenter deux fois par semaine à la Gestapo, et n'aura pas le droit de franchir les limites du département. Renchérissant sur l'occupant, le gouvernement de Vichy le destitue de ses fonctions. Après six semaines de cellule, à Troyes l'amélioration est sensible. L'appartement qui lui est affecté (celui, réquisitionné, d'un Israélite en fuite) est clair et bien chauffé ; et les visites de parents et d'amis venant de Paris ne sont pas interdites. Bientôt les milieux enseignants de la ville se groupent autour de Paul Langevin, l'entourent d'amitié et de respect. Les instituteurs du département, en particulier, lui prouvent leur reconnaissance : souvent, en rentrant de promenade, il trouve à sa porte un colis, parfois anonyme, de denrées princières en ces temps de disette, dont il est heureux de faire profiter ses visiteurs parisiens émerveillés par cette abondance! Et il leur prépare lui-même, avec un soin minutieux, le « vrai » café dont ils ont réussi à lui apporter un petit sac. Mais quel contraste entre ce repos forcé et la vie surmenée des dernières années! Pour meubler ses loisirs, le savant lit beaucoup et revient à ses travaux théoriques de prédilection, longtemps délaissés (théorie des ions, chocs entre particules). Il couvre à nouveau, de sa fine et claire écriture, de nombreux cahiers de calculs que n'entache presque aucune rature, et il enverra plusieurs communications à l'Académie des sciences. A la stupéfaction de Joliot, quelques jours lui suffisent pour élucider un très difficile problème sur les chocs entre neutrons et noyaux atomiques, dont une équipe de jeunes mathématiciens n'a pu venir à bout. Et il élabore en cette période la théorie d'un nouvel « Analyseur de mobilités des ions gazeux », qui donnera lieu, bien peu d'années après, à une importante publication posthume. Saisissant aussi une occasion d'enseigner qui lui paraît utile, il s'offre à faire un cours aux élèves maîtresses de l'Ecole normale du département, qui, avec leurs professeurs, reçoivent cet enseignement avec l'enthousiasme qu'on imagine.


Il confectionne à cet effet des modèles d'atomes avec des balles de ping-pong, et dresse en un grand tableau une nouvelle classification des éléments, qu'il a conçue. Les amis troyens de Paul Langevin apprécient chaque jour davantage le rare bonheur d'approcher sans contrainte cet homme à la fois si grand et si simple, dont l'accueil chaleureux et la conversation passionnante sont une joie toujours renouvelée. Car aucun sujet ne lui est étranger, son érudition et sa curiosité d'esprit s'étendant aussi bien à la littérature, à l'art ou à l'histoire qu'à la philosophie ou aux problèmes sociaux. Dans les moments de détente, on découvre en lui une gaîté spontanée, volontiers malicieuse quoique toujours bienveillante, qui s'exprime par ce rire franc des êtres purs, si bienfaisant aux coeurs inquiets. Cependant, pour le vieil homme, les meilleures périodes sont celles des vacances scolaires, pendant lesquelles il a le bonheur de recevoir près de lui son dernier fils, un jeune garçon né en 1933, dont les réparties font sa joie. Il a l'art de susciter et de satisfaire la curiosité d'esprit de l'enfant, imagine à son intention de petites expériences éducatives (découpage de polyèdres réguliers ou d'une balance dans du carton), l'initie déjà à certaines démonstrations mathématiques et l'emmène dans de longues marches à travers champs et forêts, ou à la découverte des vestiges archéologiques de la région.

En 1942, une cruelle épreuve atteint Paul Langevin : sa fille, et son gendre Jacques Solomon, surveillés depuis de longs mois par la Gestapo comme résistants et communistes, sont arrêtés. Après quelques semaines, Jacques Solomon est fusillé, sa femme déportée à Auschwitz. C'est un coup terrible pour cet homme de soixante-dix ans dont le coeur avait besoin de ménagements. Pourtant, en dépit de l'angoisse qui l'étreint, il garde intacte sa confiance en des jours meilleurs, et sa patience reste inaltérable. Mais son pas alerte s'est ralenti, et il doit désormais éviter toute fatigue. Le temps passe... La défaite allemande s'annonce proche ; mais le risque grandit pour le savant qui peut, au dernier moment, représenter un otage de choix. Au printemps de 1944, des amis organisent sa fuite. Après une dernière signature, muni d'une carte d'identité au nom de Léon Pinel (son grand-père maternel), il prend le train pour Paris où il passe deux jours incognito. Puis le groupe de résistants qui l'a pris en charge le conduit jusqu'en Suisse, où il recouvre enfin la liberté dont il était privé depuis plus de quarante mois.

Hébergé chez un collègue, honoré bientôt d'une pension du gouvernement helvétique, il jouit de l'air bienfaisant de ce paisible pays, rencontre bien des amis, entre autres son ancien sous-directeur de l'Ecole normale supérieure[26], vieil homme qui avait gardé de cet exceptionnel « cacique » un souvenir touchant. Reçu quelques jours au sanatorium universitaire de Leysin (Vaud), il y retrouve avec bonheur un tableau noir, pour la joie des jeunes convalescents auxquels il donne deux passionnantes conférences. Cependant, les communications avec la France sont difficiles, et les nouvelles privées restent rares jusqu'à la fin...


La Libération et les dernières années

La libération de Paris, le 21 août 1944, marque une date décisive pour les réfugiés français. Mais de l'autre côté de la frontière, les partisans livrent encore de durs combats, et Paul Langevin doit attendre un mois encore avant de fouler à nouveau le sol national. Accueilli alors avec enthousiasme par les maquisards en armes, l'émotion qui l'étreint en cette minute est si forte qu'il peut à peine parler le long du trajet vers Annecy où l'attend une chaleureuse réception par les francs-tireurs de Haute-Savoie. Les soldats lui rendent les honneurs militaires, puis, au cours d'un dîner intime, il s'entretient longuement avec les chefs de la Résistance de leur combat, de leurs difficultés, et des espoirs promis à la patrie libérée par le sacrifice de tant des leurs. Après un arrêt à Lyon où il accepte de donner une brève allocution à la radio, on fait sur sa demande un détour par Troyes où il tient à embrasser ses amis, qui ne le reverront plus dans leur ville.

Dès le lendemain de son retour dans la Capitale, son premier geste est d'aller donner son adhésion au Parti communiste — décision longuement mûrie depuis plus de deux ans — « pour y remplacer », dit-il, « son fils spirituel », Jacques Solomon. Tant d'émotions ont raison de ses forces défaillantes, et il doit observer quelque temps un repos absolu. Mais, réintégré dans ses fonctions, dès qu'il revient à son bureau de l'EPCI, les sollicitations affluent à nouveau de toutes parts, les anciens groupements, le Parti, les associations nées de la Résistance, tous tiennent à honorer en lui le grand patriote si durement éprouvé. Il se fait un devoir de remplacer, à la présidence de la LDH, Victor Basch, le vieux compagnon de lutte qui, à plus de quatre-vingts ans, a été, avec sa femme, sauvagement assassiné par la milice en 1944. Il rétablit l'Union rationaliste, assume plusieurs autres présidences, et il est élu Conseiller de Paris. Tant de dispersion, avec les longues réunions qu'elle entraîne, lui imposera une extrême fatigue, inavouée mais évidente pour ses proches. Dès avant son retour en France, deux questions étaient au premier plan de ses préoccupations : redonner vie à « La Pensée », revue créée par lui en 1939 et dont la publication s'était tant bien que mal poursuivie pendant la clandestinité sous le titre de « Pensée libre » ; et oeuvrer à une vaste réforme de l'enseignement qui assure à la France les conditions les plus favorables à son redressement. Ces voeux seront exaucés : très vite, il réussit à grouper un assez grand nombre d'amis progressistes qui collaborent à la nouvelle série de la revue, dont le premier numéro sort dès le dernier trimestre 1944. Et le gouvernement provisoire de la République, conscient des problèmes urgents que pose au pays libéré l'éducation des jeunes, crée en novembre une Commission ministérielle pour la réforme de l'enseignement, dont la présidence lui est confiée. Aidé par deux vice-présidents, dont son ami Henri Wallon, psychologue de l'enfance, Paul Langevin s'entoure d'une vingtaine de membres permanents choisis dans toutes les branches et dans les divers degrés de l'enseignement (primaire, secondaire, supérieur, technique) jusqu'alors complètement cloisonnés.

Et il consultera aussi en maintes occasions d'autres personnalités qualifiées. Pendant deux ans, il animera d'une foi ardente l'élaboration d'un vaste et audacieux plan de réforme, qui sera discuté dans tous ses détails au cours de réunions hebdomadaires, sur le principe général d'une complète démocratisation et dans un souci essentiel de culture et d'humanisme, que Paul Langevin expose devant la Commission en décembre 1944[27]. Nous n'en pouvons donner ici qu'un bref aperçu.

Tous les enfants doivent recevoir une formation de base commune leur offrant un grand choix d'activités très diverses dans lesquelles puissent se manifester leurs goûts et leurs aptitudes. Puis, une organisation souple des options devra permettre, à tout niveau, les changements d'orientation nécessaires, jusqu'au complet développement de la personnalité. En même temps, l'école devra veiller à la formation du caractère, et aussi, dans un esprit strictement laïque, à l'acquisition des « vertus civiques fondamentales : sens de la responsabilité, discipline consentie, sacrifice à l'intérêt général... non par des cours et des discours, mais par la vie et l'expérience ». Dans ce but, le groupe scolaire à structure démocratique sera organisé avec la participation active des enfants, et une alternance judicieuse de travaux individuels et de travaux d'équipe permettra à chacun d'assumer à tour de rôle diverses fonctions et responsabilités à sa mesure, sous la surveillance de maîtres agissant en guides et en conseillers plutôt qu'en censeurs autoritaires. Pour atteindre à la vraie culture générale, « celle qui fait l'homme ouvert à tout ce qui n'est pas lui-même », il faudra ouvrir de plus en plus largement l'école sur la nature et sur la vie, multiplier les contacts avec les choses et avec les êtres, afin que chacun acquière « une conscience aussi claire que possible de l'effort humain, de la parenté des esprits et de la fraternité des oeuvres : c'est ce qui donne un sens au moindre des efforts, une portée humaine à la plus humble des activités ». Dans ce but, au fur et à mesure du développement de l'esprit, on s'efforcera de « rattacher systématiquement les connaissances à leurs origines humaines » par un enseignement historique de la civilisation qui établira un lien étroit entre les diverses disciplines. On retrouve ici tout l'intérêt que Paul Langevin porta toujours à l'histoire des idées, et qu'il avait manifesté dès le temps de ses études à l'ENS.

Sur ces perspectives riches de promesses, la commission se mit avec ardeur à l'ouvrage. L'accord sur tant de points ne se fit pas, il est vrai, sans de nombreuses difficultés : ainsi, de vives discussions opposèrent les spécialistes du latin à ceux des mathématiques. Le président écoutait toujours avec la plus grande attention les arguments de chacun avant de donner son avis. Et lorsque, sur une question qui lui tenait à coeur, il avait réussi à obtenir l'unanimité, son visage amaigri rayonnait d'une grande joie au sortir de la réunion. Bien entendu, il accorda une importance prépondérante à la question essentielle de la formation des maîtres de tous degrés. Il la voulait commune jusqu'à l'Université, les spécialisations diverses d'ordres pédagogique, technique, théorique, ou encore artistique ou sportif, intervenant seulement après la Licence. Quant aux fonctions mêmes de l'Université, elles devaient être non seulement d'assurer les études supérieures et la recherche scientifique, mais également de dispenser aux adultes l'éducation permanente dans tous les domaines, pour répondre soit au besoin de certains perfectionnements, soit plus généralement au goût de la culture inspiré par l'école.

Paul Langevin mena à son terme cette œuvre ultime, aboutissement de toute une vie d'efforts et de réflexion ; mais le temps ne lui fut pas donné d'en parachever la rédaction. La mise au point en fut assurée par Henri Wallon, qui remit le texte au ministre de l'Education nationale au printemps de 1947. A ce moment-là, malheureusement, la grande unanimité de la Libération était déjà bien compromise, et ce vaste projet, qui exigeait à la fois une ferme volonté démocratique et un effort financier considérable, ne vit pas le jour : seuls un petit nombre d'essais furent pratiqués progressivement dans les classes secondaires de quelques « lycées pilotes », où ils donnèrent d'ailleurs les plus heureux résultats. Ce déplorable abandon, dont le hardi novateur eût été ulcéré, vaut très certainement à la France les difficultés qu'elle connaît depuis plusieurs années en ce domaine, et dont elle ne semble pas près de sortir[28]!

En ces deux dernières années de son existence, bien qu'il dépensât encore trop généreusement ses forces déclinantes, Paul Langevin prenait moins souvent la parole en public ; l'une de ses allocutions les plus mémorables reste son message radiodiffusé de Noël 1945. Il dut renoncer à se rendre à bien des invitations d'associations étrangères à l'occasion de commémorations diverses : les « adresses » qu'il envoyait alors pour exprimer sa vive sympathie témoignent du regret douloureux qu'il éprouvait de ces empêchements. Au même moment, il pensait souvent à un ouvrage où il eût souhaité rassembler, sous une forme plus achevée, à la fois les grandes préoccupations qui avaient dominé sa vie, et son indéfectible espérance en un avenir meilleur pour l'humanité. On ne saurait trop déplorer qu'il n'ait eu ni la force ni le temps de laisser à la postérité ce qui eût représenté un précieux document d'éthique et d'humanisme modernes, conçu par l'un des esprits les plus généreux de tous les temps. Une partie de ce testament spirituel se trouve dans le texte d'une des toutes dernières conférences prononcées par lui en mai 1946, sous le titre « La Pensée et l'action », bien significatif de la grande unité qui caractérise l'oeuvre et la vie du savant[29]. Il y brosse un résumé de l'histoire des sciences dans leurs rapports avec les civilisations, et insiste longuement sur l'impérieux devoir qui s'impose désormais au savant de veiller à ce que ses découvertes ne soient plus utilisées à des fins destructrices, mais mises à la disposition de tous les hommes pour diminuer leur peine, accroître leurs loisirs et élever leur culture. Déjà très malade quand il reçut les épreuves de ce texte, il se les fit relire dans le détail, et tint à faire l'effort de les corriger lui-même minutieusement.

Parmi les faits à retenir de cette ultime période, nous devons, pour terminer, rappeler le Jubilé de l'illustre savant, qui fut célébré le 3 mars 1945, sous l'égide de l'Union française universitaire, par tous ses amis et admirateurs réunis dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. A cette cérémonie qui, malgré l'affluence, gardait un caractère intime, prirent part plus de quatre-vingt délégations représentant des millions de travailleurs intellectuels et manuels du monde entier. De nombreux télégrammes et messages arrivèrent aussi, en particulier de Londres et de Moscou ; il s'y trouva des signatures d'enfants d'écoles maternelles et de leurs éducatrices, aussi bien qu'une lettre touchante du vieux maître de l'Ecole normale supérieure, Marcel Brillouin, retenu au loin par ses quatre-vingt-dix ans. Après les allocutions et la lecture des messages, Paul Langevin, très ému, prit la parole pour exprimer à tous sa gratitude, évoquant les souvenirs de son existence, d'abord l'atmosphère familiale de son enfance, puis ses maîtres et ses amis les plus chers, disparus ou présents ; enfin, brièvement, les étapes de la carrière au cours de laquelle il avait connu « les grandes joies de COMPRENDRE, d'ENSEIGNER et d'AGIR », toutes joies que, sa vie entière, il s'était voué à rendre accessibles au plus grand nombre. Exprimant encore sa confiance en l'avenir de l'effort humain, il termina ainsi :

« Cette confiance m'a constamment soutenu dans l'épreuve. Elle doit inspirer et soutenir notre volonté de défendre contre toute agression le trésor de culture et de civilisation lentement, douloureusement accumulé par nos ancêtres au cours des siècles sans nombre, et de le transmettre à nos enfants en y ajoutant toujours UN PEU PLUS DE SCIENCE, UN PEU PLUS DE JUSTICE ET UN PEU PLUS D'AMOUR »[30].

Cet ultime message, il le renouvellera quelques heures seulement avant de s'éteindre, à l'aube du 19 décembre 1946. A un petit nombre de fidèles compagnons de lutte admis quelques instants à son chevet, un dernier éclair illuminant ses yeux affaiblis, il adressa ces mots aussi ardemment qu'il le put : « La bonté, la bonté... pour la justice... par la science ». On lui fit des funérailles nationales. Du Collège de France, à l'entrée duquel une chapelle ardente avait été dressée, un long cortège d'intellectuels et d'ouvriers — beaucoup venus de province, dont des mineurs du Nord dans leur costume de travail, avec leur fanfare — l'accompagna, sur un épais tapis de neige, jusqu'au grand cimetière du Père-Lachaise, à l'autre extrémité de la capitale. Tout au long du parcours, en dépit d'un froid intense, le peuple de Paris, qu'il avait tant aimé, s'était massé pour ce dernier hommage. Deux ans plus tard, le 17 novembre 1948, vint la consécration suprême. Après une longue veillée au cours de laquelle la Symphonie de César Franck résonna inlassablement sous les hautes voûtes du hall du Palais de la Découverte, sa dépouille mortelle fut, conjointement à celle de Jean Perrin, transférée au Panthéon.

  1. La pittoresque placette que forme à cet endroit la rue Ravignan n'a guère changé. Mais la maison elle-même a été récemment incendiée.
  2. Particules chargées résultant de la dissociation des atomes ou des molécules neutres sous l'effet de diverses actions électriques.
  3. Jacques Hadamard, Paul Langevin au Collège de France, « La Pensée », n° 12, 1947, p. 31.
  4. Allocution de Paul Langevin au Jubilé du 3 mars 1945.
  5. Où elle fut plus tard directrice, jusqu'à l'occupation nazie.
  6. Eugénie Cotton, Paul Langevin maître de conférences à l'ENS de Sèvres, « La Pensée », numéro cité, page 41.
  7. Aimantation d'un corps en sens inverse du champ appliqué.
  8. Aimantation d'un corps dans le sens du champ appliqué.
  9. Par le même procédé, on parvient aujourd'hui à 0,001°K (0°K = — 273,16°C).
  10. L'inertie d'un corps mesure la résistance qu'il oppose à un changement de sa vitesse.
  11. Rapport présenté au Congrès de Saint-Louis le 22 septembre 1904, publié dans Paul Langevin, La physique depuis vingt ans (Doin, Paris, 1923).
  12. La mesure du temps n'est pas la même pour des observateurs en mouvement les uns par rapport aux autres, elle dépend du mouvement relatif de ces observateurs. Rappelons à ce sujet le fameux paradoxe du « boulet de Langevin ».
  13. Ernest Solvay (1838-1922), inventeur d'un important procédé de fabrication industrielle de la soude.
  14. Quand on exerce sur une lame de quartz convenablement taillée une compression ou une dilatation normalement à son plan, il apparaît sur les deux faces des charges électriques opposées. Le phénomène inverse fut découvert par Lippmann.
  15. Fernand Holweck (1890-1941), remarquable expérimentateur, fut arrêté par la Gestapo en décembre 1941 et torturé à mort.
  16. Au moment de leur mise en service, les destructions causées par les sous-marins allemands atteignaient le rythme effarant d'un million de tonnes par mois, elles régressèrent en peu de temps à quelques tonnes.
  17. L'« Action française » était entre les deux guerres un des principaux journaux réactionnaires.
  18. Cette notion caractérise le fait que les échanges d'énergie entre la matière et le rayonnement ne peuvent se faire que par quantités finies, et non pas de manière continue.
  19. A l'origine concept purement abstrait, ces ondes devaient déterminer par leur intensité la probabilité de présence d'une particule à une distance donnée du noyau, et se propager à la manière des ondes qui se forment, sur une eau calme, au point de chute d'un caillou. Leur réalité fut confirmée de manière éclatante par les expériences de Davisson et Germer (1927) sur la diffraction électronique.
  20. Le Problème de la culture générale, conférence prononcée au Congrès de Nice en 1932, publiée dans « Pour l'Ere nouvelle », n° 81, octobre 1932.
  21. Comité mondial dit « d'Amsterdam-Pleyel », en raison des lieux où se tinrent les deux premiers grands meetings, en 1932 et 1933.
  22. Albert Bayet.
  23. Francis Jourdain.
  24. La Pensée et l'action, conférence du 10 mai 1946 éditée par l'Union française universitaire en 1947.
  25. Matérialisme mécaniste et matérialisme dialectique, discours prononcé le 10 juin 1945 à l'occasion du deuxième Centenaire de l'Encyclopédie, publié dans « La Pensée », n° cité, page 8.
  26. Paul Dupuy.
  27. Culture et humanités, conférence prononcée le 7 décembre 1944, publiée dans « La Pensée », nouvelle série, n° 1, page 25.
  28. Il est significatif que de larges extraits de ce rapport furent réédités en mai 1968 par les « travailleurs en grève active de l'imprimerie de l'Institut pédagogique national ».
  29. Cf. note 24, et ci-dessous page 59.
  30. Hommage à Paul Langevin, édité par l'Union française universitaire, mai 1945.