Histoire populaire du Christianisme/XIVe siècle

QUATORZIÈME SIÈCLE.




En 1301, Boniface adressa la bulle Ausculta fili à Philippe le Bel, dans laquelle il lui disait : « Dieu nous a établi sur les rois et les royaumes pour arracher, détruire, perdre, dissiper, édifier et planter en son nom. Ne te laisse donc pas persuader que tu n’as point de supérieur et que tu n’es pas soumis au chef de la hiérarchie ecclésiastique. » Mais Philippe le Bel fit brûler à Paris par le bourreau la bulle Ausculta fili.

Cependant le pape ajouta, en 1303, une seconde couronne à la tiare pontificale qui n’en avait qu’une jusque-là, ce qui signifiait qu’il possédait les deux glaives, le spirituel et le temporel. Puis il envoya en France le cardinal Le Moine pour citer le roi à comparaître à Rome, afin de se justifier et de recevoir des ordres. Une assemblée d’archevêques, d’évêques et de nobles, réunie au Louvre, répondit à la citation par une requête au roi, qu’avait rédigée Guillaume de Nogaret, professeur de lois. Il y était dit « que Boniface n’était point pape, qu’il était hérétique manifeste, simoniaque horrible et chargé d’une infinité de crimes énormes. »

Le pape se hâta d’excommunier Philippe, qui convoqua une autre assemblée. Guillaume du Plessis y lut vingt-neuf chefs d’accusation contre Boniface, qui y était atteint et convaincu d’athéisme et d’assassinats. L’Université de Paris adhéra aux décisions de l’assemblée, et Guillaume de Nogaret se rendit en Italie avec Jean Mouschet et deux docteurs. Le pape, insulté à Anagni par Sciarra Colonna et Nogaret, prit la fuite du côté de Rome, où il mourut de colère le 11 octobre 1303. Benoît XI lui succéda et mourut un an après, non sans avoir absous Philippe le Bel.

Bertrand, archevêque de Bordeaux, fut élu à Lyon, sous le nom de Clément V, et fit arrêter, de concert avec le roi, tous les Templiers de France accusés de renoncer à Dieu et à Jésus-Christ en entrant dans l’ordre. En 1308, le pape ordonna de les poursuivre dans toute la chrétienté. Il est bien entendu qu’il s’agissait uniquement pour Clément et Philippe de se partager les riches dépouilles du Temple.

Le séjour définitif du pape à Avignon date de 1309.

En 1310, conquête de Rhodes par les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem.

Le pape Clément V mourut à Avignon le 20 avril de cette année. Le Saint-Siège resta vacant deux ans.

On brûla, en 1315, quelques centaines d’Allemands qui soutenaient que Satan et les autres démons avaient été injustement dépossédés du ciel et qu’ils y seraient rétablis un jour. Ils témoignèrent tous une grande joie de mourir pour une cause aussi juste.

Les cardinaux élurent enfin, à Lyon, l’evêque de Porto, qui prit le nom de Jean XXII et siégea à Avignon.

Le pape ayant déclaré par une bulle, en 1327, qu’il privait l’empereur Louis de Bavière de toutes ses dignités, celui-ci tint un parlement, à Rome, en 1328, qui déposa et dégrada Jean XXII, et qui lui donna pour successeur un moine de l’ordre des Frères mineurs, sous le nom de Nicolas V ; mais, deux ans après, cet antipape tomba aux mains de Jean qui l’enferma pour la vie.

Jean XXII mourut à Avignon, le 4 décembre 1334. Benoît XII lui succéda. On trouva, à la mort de Jean, dans le trésor de l’église, vingt-cinq millions de florins d’or.

Villani rapporte que Benoît XII dit aux cardinaux qui l’avaient nommé : « Mes frères, vous avez élu un âne. » Il mourut le 25 avril 1342. Clément VI lui succéda.

Ce fut Clément VI qui avança de cinquante ans le jubilé établi par Boniface VIII, et qui, en 1344, donna les îles Canaries à Louis d’Espagne. Il confirma par une bulle la condamnation prononcée contre Louis de Bavière par Jean XXII, tandis qu’il était lui-même dépossédé à Rome du pouvoir temporel par le plébéien Cola de Rienzo, qui s’intitulait Tribun auguste, Chevalier du Saint-Esprit, Libérateur de Rome et Protecteur de l’Italie.

Le pape acheta, de Jeanne, comtesse de Provence, Avignon, ses faubourgs et son territoire, pour la somme de 80 000 florins d’or, par autorisation de l’empereur Charles IV.

Le poète Pétrarque dit, dans ses lettres sine titulo, de la cour d’Avignon : « On trouve ici tout ce qu’on peut imaginer de confusion, de ténèbres et d’horreur ; c’est ici la demeure des larves et des lémures, la sentine de tous les vices et de toutes les scélératesses. — Je sais, par ma propre expérience, qu’il n’y a ici ni piété ni charité, aucune foi, rien de saint, rien de juste, rien d’humain. L’amitié, la pudeur, la décence y sont inconnues ; tout est plein de mensonges, l’air, la terre, les maisons, les places publiques, les temples, les tribunaux, le palais pontifical. L’espoir d’une vie future est considéré ici comme une illusion vaine, et Jésus-Christ est mis au rang des inventions puériles. La pudeur y est taxée de sottise, la prostitution mène à la célébrité. Je passe sous silence la simonie, l’avarice, l’insolence et la cruauté. » Les lettres de Pétrarque contiennent de tels détails qu’il nous est impossible de les reproduire.

Matthieu Villani parle d’une lettre fort curieuse qui fut adressée en ce temps-là par le Prince des ténèbres à Clément, pape, vicaire de Satan, et à ses dignes conseillers, les cardinaux, pour les louer, chacun de ses vices particuliers, et tous ensemble du zèle qu’ils mettaient à servir la cause du Diable. La lettre finissait par les compliments de la Superbe, de l’Avarice et de l’Impudicité.

Clément VI mourut le 6 décembre 1352. Innocent VI lui succéda. Celui-ci étant mort le 12 septembre 1362, Urbain V fut élu et revint à Rome en 1367. « Ce pape, dit le chroniqueur Corio, ne tenait point sa parole, parce qu’il était prêtre. » Il revint à Avignon et y mourut le 19 décembre 1370. Grégoire XI lui succéda. Ce pape revint aussi à Rome trois ans après.

Vers cette époque, Jean Wiclef dogmatisa en Angleterre. Il était curé de Lutterworth et professeur à Oxford. Sa doctrine peut se réduire à ceci : «Tout arrive par nécessité, Dieu lui-même y est soumis. La liberté morale et intellectuelle est pure illusion. Il y a des prédestinés et des réprouvés. La confession est inutile ; la hiérarchie est un mensonge ; le pape n’est pas vicaire de Jésus-Christ, et l’Église romaine est la synagogue de Satan. »

Grégoire XI mourut le 27 mars 1378. Le schisme d’Occident commença. Urbain VI fut élu à Rome et Clément VII à Avignon.

En 1380, le pape Urbain excommunia Jeanne de Naples et donna son royaume à Charles de Duras.

Le livre des Conformités de saint François, qui date de cette époque, nous apprend qu’il n’en coûtait pas plus à ce saint de ressusciter un mort que de boire un verre de vin.

En 1382, Wiclef et ses adhérents furent condamnés au Concile de Londres présidé par William de Courtenay, archevêque de Cantorbéry. Trente-deux ans après, le Concile de Constance ordonna que le corps de Wiclef fût exhumé et brûlé. Or, l’hérésiarque anglais étant mort en 1387, ce qui restait de lui devait consister en quelques ossements qu’on réduisit pieusement en cendres, et la sainte Église fut vengée.

Urbain VI était extrêmement féroce. Ayant fait arrêter six cardinaux qu’il soupçonnait de conspirer contre lui, il leur fit donner la question avec tant de cruauté que les tortureurs eux-mêmes en furent épouvantés. Pendant ce temps il lisait tranquillement son bréviaire. Après avoir été assiégé, dans le château de Nocera, par Charles de Duras qu’il excommuniait régulièrement quatre fois par jour, il se retira à Gênes, emmenant les cardinaux prisonniers, et il fit massacrer sur la route l’évêque d’Aquila qui ne marchait pas assez vite au gré de Sa Sainteté.

En 1388, il célébra le jubilé, mais, au lieu d’appeler les pèlerins à Rome, il fit vendre par des quêteurs, dans tous les pays, les indulgences plénières. Comme elles se vendaient fort cher, cela rapporta jusqu’à cent mille florins par province. Puis le Saint-Père condamna tous ses quêteurs à mort et hérita de leurs dépouilles.

Ce vicaire de Jésus-Christ mourut le 15 octobre 1389. Boniface IX lui succéda.

Le pape d’Avignon, Clément VII, mourut le 16 septembre 1394. Benoît XIII lui succéda. Les cardinaux avaient élu ce dernier parce qu’étant cardinal il était très-partisan d’une conciliation qui mettrait fin au schisme ; mais une fois élu, il changea absolument d’avis et ne voulut plus se démettre.



Fin du quatorzième siècle.