Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XVIII/Chapitre 15

Texte établi par Jean Léonard Pellet, Jean Léonard Pellet (9p. 93_Ch15-94_Ch16).

XV. Ce que les deux Carolines ont de commun.

Les deux contrées réunies occupent plus de quatre cens milles ſur la côte, & environ deux cens milles dans l’intérieur des terres. C’eſt une plaine généralement ſablonneuſe que le débordement des rivières, que des pluies fortes & fréquentes rendent très-marécageuſe. Le ſol ne commence à s’élever qu’à quatre-vingts ou cent milles de la mer, & il s’élève toujours davantage juſgu’aux Apalaches. Sur ces plages & au milieu des pins qu’y a irrégulièrement jetés la nature, ſe nourriſſent d’une herbe forte & groſſière quelques moutons dont la chair & la toiſon ont extrêmement dégénéré ; un aſſez grand nombre de bêtes à corne qui n’ont pas conſervé toute leur force, toute leur beauté ; une multitude innombrable de porcs qui paroiſſent s’être perfectionnés.

Le pays eſt arrosé par un grand nombre de rivières dont quelques-unes ſont navigables. Elles le ſeroient dans un plus long cours, ſans les rochers & les chûtes d’eau qui en interrompent la navigation.

Quoique le climat ſoit auſſi variable que dans le reſte de l’Amérique Septentrionale, il eſt ordinairement d’une température agréable. Un froid piquant ne ſe fait guère ſentir que le matin ou le ſoir, & les chaleurs ſont rarement fort vives. Si les brouillards ſont ordinaires, du moins ſe diſſipent-ils au milieu du jour. Malheureuſement dans les mois de juillet, août, ſeptembre & octobre règnent dans la plaine des fièvres intermittentes, quelquefois funeſtes aux régnicoles même, & trop ſouvent mortelles pour des étrangers.

Telle eſt l’organiſation phyſique des deux Carolines. Il faut voir ce qui les diſtingue.