Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XVIII/Chapitre 10

Texte établi par Jean Léonard Pellet, Jean Léonard Pellet (9p. 61_Ch10-62_Ch11).

X. Ce que le Maryland peut devenir.

Entre les Apalaches & la mer, peu de terres ſont auſſi bonnes que celles du Maryland. Cependant elles ſont trop généralement légères, ſablonneuſes & peu profondes, pour récompenſer, les travaux & les avances du cultivateur, le même eſpace de tems que dans nos climats. La fécondité, par-tout inséparable des défrichemens, eſt rapidement ſuivie d’une diminution extraordinaire dans la quantité, dans la qualité du bled. Le ſol eſt encore plutôt usé par le tabac. Lorſqu’on en a demandé, ſans interruption, à un même lieu quelques récoltes, cette feuille perd beaucoup de ſa force. Pour cette raiſon, on créa, en 1733, des inſpecteurs autorisés à faire brûler tout ce qui n’auroit pas le parfum convenable. Cette inſtitution fut ſage : mais elle ſemble annoncer qu’il faudra renoncer, un jour, à la plus importante production de la province, ou qu’inſenſiblement elle ſe réduira à peu de choſe.

Alors ou plutôt, on exploitera les mines de fer qui ſont très-abondantes dans la colonie. C’eſt un moyen de proſpérité que juſqu’ici, on n’a pas pouſſé au-delà de dix-ſept ou dix-huit fourneaux. Une liberté nouvelle, de nouvaux beſoins communiqueront plus de force aux bras, aux eſprits plus de mouvement.

D’autres manufactures s’élèveront auſſi, ſans doute. Le Maryland n’en eut jamais d’aucune eſpèce. Il tiroit de la Grande-Bretagne ce qui ſervoit aux uſages les plus ordinaires de la vie. C’étoit une des raiſons qui le faiſoit gémir ſous le poids accablant des dettes. M. Stirenwith a pris enfin le parti de faire fabriquer des bas, des étoffes de ſoie & de laine, des toiles de coton, toutes les eſpèces de quincailleries, juſqu’à des armes à feu. Ces branches d’induſtrie, maintenant réunies dans un même atelier, avec de grands frais & une intelligence rares, ſe diſperſeront plus ou moins rapidement dans la province, & paſſant le Potowmak, iront ſe naturaliſer auſſi dans la Virginie.