Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XVI

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LA guerre pour la ſucceſſion d’Eſpagne avoit embrâsé les quatre parties du monde, où l’Europe a répandu depuis deux ſiècles l’inquiétude qui la tourmente. On ébranloit tous les trônes, pour en diſputer un ſeul, qui, ſous Charles-Quint, les avoit fait tous trembler. Une maiſon, ſouveraine de cinq ou ſix états, avoit donné à la nation Eſpagnole cette grandeur coloſſale qui devoit enchanter ſon imagination. Une maiſon plus puiſſante encore, parce qu’avec un corps moins grand, elle avoit plus de bras, ambitionnoit de commander cette nation ſuperbe. Les noms d’Autriche & de Bourbon, rivaux depuis deux cens ans, faiſoient les derniers efforts pour s’aſſurer une ſupériorité qui ne dût plus être incertaine & balancée entre eux. Il s’agiſſoit de ſavoir lequel ſe glorifieroit de plus de couronnes. L’Europe partagée entre deux maiſons dont les prétentions avoient quelque fondement, vouloit bien qu’elles puſſent étendre leurs branches, mais non que pluſieurs ſceptres fuſſent réunis, comme autrefois, dans une ſeule main. Tout s’arma pour diſperſer ou séparer un vaſte héritage ; & l’on réſolut de le mettre en pièces, plutôt que de l’attacher à une puiſſance qui, avec ce nouveau poids, dût infailliblement détruire l’équilibre de toutes les autres. Une guerre qui fut longue, parce qu’elle étoit ſoutenue de tous côtés par de grandes forces & de grands talens, par des peuples belliqueux & des généraux ſoldats, déſola tous les pays qu’elle devoit ſecourir, ruina les nations même qui n’y avoient aucun intérêt. La victoire devoit faire la loi : mais ſon inconſtance ne ceſſoit d’irriter le feu de la diſcorde. Les mêmes drapeaux proſpéroient dans un pays, & ſuccomboient dans l’autre. Le parti qui triomphoit ſur mer étoit défait ſur terre. On apprenoit en même tems, & la perte d’une flotte, & le gain d’une bataille. La fortune erroit d’un camp à l’autre, pour les dévorer tous. Enfin, après que les états eurent été épuisés d’or & de ſang ; après douze ans de calamités & de dépenſes, les peuples qui s’étoient éclairés par leurs malheurs & affoiblis par leurs efforts, s’empreſſèrent à réparer leurs pertes. On chercha dans le Nouveau-Monde les moyens de repeupler & de rétablir l’ancien. La France tourna ſes premiers regards vers l’Amérique Septentrionale, où ſembloit l’appeler la conformité du ſol & du climat ; & ce fut l’iſle du cap Breton qui fixa d’abord ſon attention.


Un nouvel ordre de choſes s’établit dans les colonies Françoiſes de l’Amérique Septentrionale. À quoi aboutiſſent ces nouvelles combinaiſons ?