Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XIX
NOUS avançons dans une carrière où nous ne nous ſommes pas engagés, ſans en connoître l’étendue, les difficultés ; & que nous aurions abandonnée pluſieurs fois, ſi nous n’avions été ſoutenus par des motifs qui font toujours oublier la diſproportion des forces avec la tentative. On oſe, & l’on exécute quelquefois dans un incendie des choſes qui abattroient le courage, s’il n’étoit irrité par le péril, & qui l’étonnent quand le péril eſt paſſé. Après une bataille gagnée ou perdue, un militaire diſoit, à l’aſpect d’une montagne, qu’il avoit gravie pour aller à l’ennemi : qui eût jamais fait cela, s’il n’y avoit pas eu un coup de fuſil à recevoir ? J’étois ſans doute animé de ce ſentiment, lorſque je commençai ; & il faut bien qu’il m’anime encore, puiſque je continue.
D’abord nous avons montré l’état de l’Europe avant la découverte des deux Indes.
Puis nous avons ſuivi la marche incertaine, tyrannique & ſanglante des établiſſemens formés dans ces contrées lointaines.
Il nous reſte à développer l’influence des liaiſons du Nouveau-Monde ſur les opinions, les gouvernemens, l’induſtrie, les arts, les mœurs, le bonheur de l’ancien. Commençons par la religion.
- ↑ note WS : Index du Tome