Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XIV/Chapitre 39

XXXIX. La Grande-Bretagne entre en poſſeſſion de la Dominique.

La Dominique étoit habitée par ſes propres enfans. En 1732, on y trouva neuf cens trente-huit Caraïbes, répandus dans trente-deux carbets. Trois cens quarante-neuf François y occupoient une partie de la côte que les ſauvages leur avoient abandonnée. Ces Européens n’avoient pour inſtrumens, ou plutôt pour compagnons de leur culture, que vingt-trois mulâtres libres, & trois cens trente-huit eſclaves. Tous étoient occupés à élever des volailles, à produire des denrées comeſtibles pour la conſommation de la Martinique, & à ſoigner ſoixante-douze mille deux cens pieds de coton. Le café vint augmenter la maſſe de ces foibles productions. Enfin l’iſle comptoit ſix cens blancs & deux mille noirs à la paix de 1763, qui en fit une poſſeſſion Angloiſe.

Dès la fin du dernier ſiècle, la Grande-Bretagne, qui marchoit à l’empire des mers, en acculant la France d’aſpirer à la monarchie du continent, avoit montré pour la Dominique la même ardeur qu’elle témoigna dans les dernières négociations, où la victoire lui donnoit le droit de tout choiſir. Sur cette iſle ſe ſont ſucceſſivement établies neuf paroiſſes, où, au premier janvier 1778, on comptoit quinze cens ſoixante-quatorze blancs de tout âge & de tout ſexe ; cinq cens ſoixante-quatorze mulâtres ou noirs libres ; quatorze mille trois cens huit eſclaves.

Ses troupeaux ne s’élevoient pas au-deſſus de deux cens quatre-vingt-huit chevaux, de ſept cens ſept mulets, de trente-quatre ânes, de dix-huit cens trente bêtes à corne, de neuf cens quatre-vingt-dix-neuf cochons & de deux mille deux cens vingt-neuf moutons ou chèvres.

Pour ſes cultures, elle avoit ſoixante-cinq ſucreries qui occupoient cinq mille deux cens cinquante-ſept acres de terre. Trois mille trois cens ſoixante-neuf acres plantés en café, à raiſon de mille pieds par acre. Deux cens ſoixante-dix-ſept acres plantée en cacao, à raiſon de cinq cens pieds par acre. Quatre-vingt-neuf acres plantés en coton, à raiſon de mille pieds par acre. Soixante-neuf acres d’indigo & ſoixante arbres de canéfice.

Ses vivres conſiſtoient en douze cens deux acres de bananiers, ſeize cens quarante-ſept acres d’ignames ou de patates ; & deux mille ſept cens vingt-neuf foſſes de manioc.

Dix-neuf mille quatre cens ſoixante-dix-huit acres étoient occupés par les bois ; quatre mille deux cens quatre-vingt-ſeize par des prairies ou ſavanes ; trois mille ſix cens cinquante-cinq étoient réſervés pour la couronne ; & trois mille quatre cens trente-quatre entièrement ſtériles.

C’étoit tout ce que quinze ans de travaux avoient pu opérer ſur un ſol extrêmement montueux & très-peu fertile.