Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XIV/Chapitre 12

XII. À quoi ſe réduit l’établiſſement formé par les Anglois à Montſerrat.

Cette iſle, reconnue en 1493 Par Colomb & occupée en 1632 par les Anglois, n’a que huit ou neuf lieues de circonférence. Les ſauvages qui y vivoient paiſiblement en furent, ſelon l’uſage, chaſſés par les uſurpateurs. Cette injuſtice n’eut pas d’abord des ſuites fort heureuſes. La marche du nouvel établiſſement fut long-tems ſi lente, que cinquante-ſix ans après ſa fondation, on y comptoit à peine ſept cens habitans. Ce ne fut que vers la fin du ſiècle que la population en blancs & en noirs devint ce qu’elle pouvoit être dans une poſſeſſion ſi reſſerrée. Des cannes furent alors ſubſtituées aux denrées de peu de valeur qui avoient fait languir leurs cultivateurs dans la misère. La guerre & les élémens renversèrent, à pluſieurs repriſes, les eſpérances les mieux fondées, & forcèrent les colons à contracter des dettes qui ne ſont pas encore acquittées. À l’époque où nous écrivons, la vigilance de mille perſonnes libres & le travail de huit mille eſclaves font naître cinq à ſix millions peſant de ſucre brut ſur de petites plaines ou dans des vallons que fertiliſent les eaux tombées des montagnes. Un des déſavantages de cette iſle, où la dépenſe publique ne paſſe pas annuellement 49 887 livres, c’eſt qu’elle n’a pas une ſeule rade où les chargemens, où les déchargemens ſoient faciles. Les navires même ſeroient en danger ſur ſes côtes, ſi ceux qui les conduiſent n’avoient l’attention, lorſqu’ils voient approcher les gros tems, de prendre le large ou de ſe retirer dans les ports voiſins. Nieves eſt exposée au même inconvénient.