Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XIII/Chapitre 2

II. Premières expéditions des François aux iſles d’Amérique.

Depuis la fin tragique du meilleur de ſes monarques, cette nation avoit été ſans ceſſe bouleversée par les caprices d’une reine intrigante, par les vexations d’un étranger avide, par les projets d’un favori ſans talent. Un miniſtre deſpote commençoit à la charger de fers ; lorſque quelques-uns de ſes navigateurs, auſſi puiſſamment excités par la paſſion de l’indépendance, que par l’appât des richeſſes, tournèrent leurs voiles vers les Antilles, avec l’eſpérance de ſe rendre maîtres des vaiſſeaux Eſpagnols qui fréquentoient ces mots. La fortune, après avoir pluſieurs fois ſecondé leur courage, les réduiſit à chercher un aſyle pour ſe radouber. Ils le trouvèrent à Saint-Chriſtophe en 1625. Cette iſle leur parut propre au ſuccès de leurs armemens ; & ils ſouhaitèrent être autorisés à y former un établiſſement. Denambuc, leur chef, obtint non-ſeulement cette liberté, mais encore celle de s’étendre autant qu’on le voudroit ou qu’on le pourroit, dans le grand archipel de l’Amérique. Le gouvernement exigea pour cette permiſſion, qui n’étoit accompagnée d’aucun ſecours, d’aucun appui, le dixième des denrées qui arriveroient de toutes les colonies qu’on parviendroit à fonder.