Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes/Livre XI/Chapitre 28

XXVIII. De la culture du coton.

L’arbriſſeau, qui fournit le coton à nos manufactures, demande un ſol ſec & pierreux. Il préfère celui qui eſt déjà familiarité par la culture. Ce n’eſt pas que la plante ne paroiſſe mieux proſpérer dans un terrein neuf que dans un ſol usé : mais en y pouſſant plus de bois, elle y donne moins de fruit.

L’expoſition du levant eſt celle qui lui convient le mieux. C’eſt en mars, c’eſt en avril & dans les premières pluies du printems, que commence la culture du coton. On fait des trous à ſept ou huit pieds de diſtance les uns des autres, & l’on y jette un nombre indéterminé de graines. Lorſqu’elles ſont levées à la hauteur de cinq ou ſix pouces, toutes les tiges ſont arrachées, à l’exception de deux ou trois des plus vigoureuſes. Celles-ci ſont étêtées deux fois avant la fin d’août. Cette précaution eſt d’autant plus, néceſſaire, qu’il n’y a que le bois pouſſé après la dernière taille qui porte du fruit, & que ſi on laiſſoit monter l’arbuſte au-deſſus de quatre pieds, la récolte ſeroit moins aisée, ſans être plus abondante.

Pour qu’il puiſſe proſpérer, on doit porter une attention très ſuivie à arracher les mauvaiſes herbes qui naiſſent autour de cet arbuſte utile. Les pluies fréquentes lui conviennent, mais elles ne doivent pas être continuelles. Il faut ſur-tout que les mois de mars & d’avril, tems où ſe fait la récolte, ſoient bien ſecs, pour que le coton ne ſoit pas taché ou rougi.

Pour renouveler cet arbriſſeau, on le recèpe tous les deux ou trois ans juſqu’à la racine, qui produit pluſieurs rejetons. Ils ſe chargent de feuilles à trois ou cinq lobes, diſposées alternativement ſur les ſages & accompagnées de deux ſtipules. Au bout de huit ou neuf mois, il paroît des fleurs jaunes, rayées de rouge, aſſez grandes, ſemblables à la fleur de mauve pour la ſtructure & le nombre de leurs parties. Le piſtil, placé dans le milieu, devient une coque de la groſſeur d’un œuf de pigeon, à trois ou quatre loges. Chaque loge, en s’ouvrant, laiſſe apercevoir pluſieurs graines arrondies, enveloppées d’une bourre blanche, qui eſt le coton proprement dit. Cette ouverture du fruit indique ſa maturité & le tems propre à la récolte.

Lorſqu’elle eſt faite, il faut séparer le coton de la graine qu’il recouvre. Cette opération s’exécute par le moyen d’un moulin à coton. C’eſt une machine composée de deux baguettes de bois dur, qui ont environ dix-huit pieds de long, dix-huit lignes de circonférence & des cannelures de deux lignes de profondeur. On les aſſujettit par les deux bouts, & il n’y a de diſtance entre elles que celle qui eſt néceſſaire pour laiſſer paſſer la graine. À l’un des bouts, eſt une eſpèce de petite meule, qui, miſe en mouvement par le pied, fait tourner les deux baguettes en ſens contraires. Elles prennent le coton qui leur eſt préſenté, & en font ſortir, par l’impulſion qu’elles ont reçue, la graine qu’il renferme.