Histoire naturelle de l’Homme
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 31 (p. 155-175).
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HISTOIRE NATURELLE
DE L'HOMME

UNITE DE L'ESPECE HUMAINE.

II.
L'ESPECE. - LA VARIETE. - LA RACE.

L’application que nous ayons faite à l’homme des procédés de la méthode naturelle et des règles adoptées pour la répartition des corps tant organiques qu’inorganiques nous a conduit à le séparer du reste de la création, à le regarder comme constituant à lui seul un groupe primordial, un règne. Or tous les autres groupes de même ordre se montrent à nous comme composés d’espèces extrêmement nombreuses, et présentant, entre elles des différences très profondes. Ces deux circonstances ont déterminé les classifications qui, systématiques ou méthodiques, ont toujours pris l’espèce pour point de départ, pour unité. Parmi ces unités, il en est qui, rapprochées par l’ensemble de leurs caractères, forment le genre, c’est-à-dire le groupe élémentaire de toutes les nomenclatures en botanique et en zoologie. La réunion des genres les plus voisins constitue la tribu, et en procédant toujours de la même manière on obtient les groupes supérieurs, désignés par les noms de famille, d’ordre, de classe, d’embranchement[1], groupes qui sont de plus en plus élevés et séparés les uns des autres par des caractères de plus en plus tranchés.

Les populations humaines se prêtent-elles à une semblable répartition ? Ici du moins nous constatons un remarquable accord parmi les anthropologistes. Quelle que soit leur doctrine fondamentale, qu’ils fassent de l’homme un ordre de la classe des mammifères ou un règne de la nature, tous reconnaissent qu’on ne saurait partager les populations humaines même en familles ou en tribus distinctes. Mais pour les polygénistes les différences qui les séparent constituent autant de caractères spécifiques, et ils les réunissent dans un seul genre, composé d’un nombre d’espèces qui varie singulièrement au gré des savans. Les monogénistes de leur côté ne voient dans ces différences que des caractères de race, et rattachent ainsi tous les groupes humains à une seule espèce. Il est donc évident qu’on ne peut aborder le problème tant débattu entre les deux écoles qu’après avoir résolu celui-ci : qu’entend-on en histoire naturelle par les mots espèce et race ? C’est bien certainement faute de s’être sérieusement posé cette question que tant de naturalistes d’un incontestable mérite, de l’un et l’autre camp, ont embarrassé la science de notions confuses ou de graves erreurs.

Voyons d’abord ce qu’il faut entendre par l’expression d’espèce. Ce mot est un de ceux que l’on retrouve dans toutes les langues qui possèdent des termes abstraits. Il traduit par conséquent une idée générale, vulgaire, et cette idée est avant tout celle d’une très grande ressemblance extérieure ; mais, dans le langage ordinaire même, cette idée n’est pas simple. Il est facile de s’en convaincre en s’adressant par exemple à un éducateur de bestiaux choisi parmi les plus illettrés. Présentez à ce juge deux mérinos ; il n’hésitera pas à les déclarer de même espèce. Placez sous ses yeux un mérinos ordinaire et un de ces moutons à laine brillante et soyeuse que nous devons à M. Graux de Mauchamp, et il répondra avec non moins d’assurance que ces animaux sont de deux espèces différentes. Apprenez-lui alors que tous deux ont eu le même père et la même mère ; l’homme pratique hésitera, son langage traduira la confusion de son esprit, et pour peu qu’il soit au courant du vocabulaire généralement employé en zootechnie, il vous dira : « Le mauchamp est une variété du mérinos. » Cette expérience, facile à faire, nous apprend que, même pour le vulgaire, quand il s’agit de l’espèce, l’idée de filiation vient se placer à côté de l’idée de ressemblance.

En réalité, la science ne fait ici que préciser ce qu’avait pressenti l’instinct populaire. Elle aussi, pour déterminer les espèces, s’appuie sur la ressemblance, et il est inutile d’insister sur ce point ; mais elle aussi, dès ses débuts, et sans même s’en rendre bien compte, a pris en considération les phénomènes de la reproduction. Sur ce dernier point, elle est de nos jours plus affirmative que jamais. Elle a démontré définitivement que la génération est un fait supérieur aux forces physico-chimiques ; elle a prouvé en outre que ce fait est déterminé exclusivement par l’influence de la vie et par l’intermédiaire d’un organisme préexistant[2]. Toujours un être vivant quelconque provient d’un autre être vivant. L’ensemble des êtres organisés, considéré dans le temps, se compose donc de séries ininterrompues, et il est impossible de ne pas voir dans ces séries ce que le vulgaire comme les savans ont appelé les espèces.

Théoriquement parlant, un parent, ou être engendrant, et un-fils, ou être engendré, qui deviendrait parent à son tour, peuvent suffire à l’établissement indéfini d’une de ces séries. En fait, nous savons que les choses se passent autrement, et que toujours les deux termes précédens sont au moins doubles, et comprennent un père et une mère, un fils et une fille. C’est encore là un des beaux résultats que la science moderne a su dégager du chaos apparent des observations précédemment accumulées[3]. L’idée de filiation se précise ainsi en se complétant. Les séries spécifiques ne nous apparaissent plus comme composées seulement d’individus, mais bien comme formées de familles qui se succèdent, et dont chacune provient d’une ou de deux familles précédentes. La famille physiologique est donc le point de départ, l’unité fondamentale de l’espèce, comme celle-ci l’est du règne tout entier[4]. Ces idées générales seront facilement comprises en tant qu’elles intéressent les animaux, ceux surtout qui vivent le plus communément sous les yeux de l’homme. Peut-être paraitra-t-il étrange à quelque lecteur d’en faire l’application aux végétaux ; mais qu’on ne l’oublie pas, dès qu’il s’agit des fonctions de la reproduction, des rapports qui relient les unes aux autres les générations successives, il se manifeste entre les deux règnes des ressemblances qui vont jusqu’à l’identité. À diverses reprises, et surtout dans mes études sur les métamorphoses, j’ai insisté ici même sur une multitude de faits qui mettent hors de doute ce résultat fondamental. Chez la plante comme chez l’animal, il y a des époux et des épouses, des pères et des mères, des fils et des filles. Seulement ces liens de parenté sont souvent voilés par les dispositions, la structure, surtout l’état d’agrégation des organismes végétaux. Ici l’individualité elle-même se dissimule parfois et devient indécise pour l’homme étranger à la science ; mais celle-ci, nous l’avons vu, a su aller au-delà des apparences, déterminer l’individu et reconnaître son sexe. Il lui est donc facile de remonter à la famille physiologique et de constater qu’elle se retrouve dans le règne végétal tout comme dans le règne animal.

Qu’il me soit permis d’insister sur quelques exemples propres à faire mieux comprendre combien il est difficile de séparer l’idée de filiation de l’idée d’espèce. La famille physiologique peut n’être composée que des quatre élémens que nous avons nommés plus haut : deux parens et deux enfans de différens sexes. Quelques espèces animales, le chevreuil par exemple, réalisent ce groupe typique ; mais elle peut aussi s’étendre prodigieusement, et les enfans peuvent, soit pendant toute leur vie, soit à certaines phases de leur existence, ressembler fort peu à leurs parens directs. Chez les espèces animales dont la reproduction présente des phénomènes de généagenèse, chez les méduses entre autres, la famille comprend l’ensemble des générations et des individus qui se succèdent jusqu’au moment où reparaissent, avec les formes du père et de la mère, les attributs sexuels. Or les individus intermédiaires n’ont, soit entre eux, soit avec leurs parens immédiats, que des analogies déforme et d’organisation extrêmement éloignées. Pour celui qui jugerait seulement d’après les ressemblances, ces individus appartiendraient non-seulement à des espèces, mais même à des classes très distinctes. Ainsi en ont jugé pendant des siècles les savans les plus spéciaux eux-mêmes, avant que les observations de Saars, de Siebold, et la synthèse de Steenstrup les eussent ramenés à des idées plus justes. Aujourd’hui, pour tous les naturalistes, la larve ciliée, qui se meut à la manière d’un infusoire, les animaux hydriformes qui couvrent la tige et les rameaux du polypier fixé à demeure sur quelque rocher, la méduse isolée et libre, qui mène en plein océan une vie vagabonde, sont autant d’individus d’une même espèce. Ce qui est vrai des médusaires l’est à plus forte raison des insectes en général. Quoi de plus éloigné en apparence qu’un papillon, une chrysalide, une chenille ? Et pourtant ces êtres sont sortis d’autant d’œufs pondus peut-être par une même mère, et peuvent appartenir non pas seulement à la même espèce, mais encore à la même famille.

Ainsi l’idée d’espèce est essentiellement complexe et repose sur deux considérations d’ordres très distincts. Ce n’est pas d’emblée que la science est arrivée à ce résultat. Pas plus au moyen âge et aux premiers temps de la renaissance que dans l’antiquité, les hommes qui jetèrent les premiers fondemens de la zoologie ou de la botanique ne se rendirent compte de ce qu’ils appelaient des espèces. M. I. Geoffroy a parfaitement démontré qu’on avait exagéré sous ce rapport les mérites d’Aristote et d’Albert le Grand. Ni l’un ni l’autre ne purent même soupçonner qu’il y eût là un problème à résoudre. Il faut arriver jusqu’à la fin du XVIIe siècle pour voir des naturalistes se préoccuper de cette question. Elle avait été évidemment comprise par Jean Ray, qui, en 1686, dans son Historia plantarum, regarda comme étant de même espèce les végétaux qui ont une origine commune et se reproduisent par semis, quelles que soient leurs différences apparentes ; mais elle ne fut réellement posée qu’en 1700 par notre illustre Tournefort. Dans ses Institutiones rei herbariœ, il se demande : « Que faut-il entendre par le mot d’espèce ? » Il avait défini le genre « l’ensemble des plantes qui se ressemblent par leur structure ; » il appelle espèce « la collection de celles qui se distinguent par quelque caractère particulier. » Malgré le vague des idées et des expressions, on voit que ces deux illustres, précurseurs de la science moderne s’étaient placés chacun à l’un des deux points de vue sur lesquels nous venons d’insister. Ray avait compris l’importance de la filiation ; Tournefort ne tenait compte que de la ressemblance dans son essai de définition.

À en juger par les termes qu’ils ont employés pour définir l’espèce, on pourrait rattacher à Tournefort un assez grand nombre de naturalistes dont les préoccupations habituelles sont rarement dirigées vers l’étude des fonctions organiques, tels que des entomologistes, des ornithologistes, des paléontologistes. La plupart des physiologistes au contraire ont adopté les idées de Ray et les ont parfois exagérées en ce qu’ils ont supprimé de leurs définitions toute allusion à l’importance des caractères communs[5]. Dans les deux cas, il y avait une véritable erreur par omission. Pour avoir une notion complète de l’espèce, il faut on le sait, tenir compte des deux élémens. C’est ce que comprirent fort bien Linné et Buffon. Le premier, il est vrai, n’a donné nulle part une définition proprement dite ; mais A. Laurent de Jussieu n’a guère fait que formuler ses idées à cet égard quand il a dit : « L’espèce est une succession d’individus entièrement semblables perpétués au moyen de la génération. » Quant à Buffon, il est on ne peut plus explicite ; pour lui, « l’espèce n’est autre chose qu’une succession constante d’individus semblables et qui se reproduisent. »

La plupart des définitions données par les naturalistes modernes se rattachent de près ou de loin aux précédentes. Je me bornerai à citer les principales[6]. — Cuvier définit l’espèce « la collection de tous les corps organisés nés les uns des autres ou de parens communs, et de ceux qui leur ressemblent autant qu’ils se ressemblent entre eux. » — Pour de Candolle, « l’espèce est la collection de tous les individus qui se ressemblent entre eux plus qu’ils ne ressemblent à d’autres, qui peuvent, par une fécondation réciproque, produire des individus fertiles, et qui se reproduisent par la génération, de telle sorte qu’on peut par analogie les supposer tous sortis originairement d’un seul individu. » — Pour Blainville, « l’espèce est l’individu répété dans le temps et dans l’espace. » — Vogt regarde l’espèce comme résultant « de la réunion de tous les individus qui tirent leur origine des mêmes parens et qui redeviennent, par eux-mêmes ou par leurs descendans, semblables à leurs premiers ancêtres[7]. »

Ces définitions et un grand nombre d’autres que nous pourrions rappeler ont cela de commun qu’elles affirment la ressemblance des individus de même espèce sans aucune restriction. D’autres font sur ce point des réserves plus ou moins explicites. Ainsi, pour Lamarck, « l’espèce est une collection d’individus semblables que la génération perpétue dans le même état tant que les circonstances de leur situation ne changent pas assez pour faire varier leurs habitudes, leur caractère et leur forme. » — M. Isidore Geoffroy définit l’espèce « une collection ou une suite d’individus caractérisés par un ensemble de traits distinctifs dont la transmission est naturelle, régulière et indéfinie dans l’ordre actuel des choses. » — Enfin, pour M. Chevreul, « l’espèce comprend tous les individus issus d’un même père et d’une même mère : ces individus leur ressemblent autant qu’il est possible relativement aux individus des autres espèces ; ils sont donc caractérisés par la similitude d’un certain ensemble de rapports mutuels existant entre des organes de même nom, et les différences qui sont hors de ces rapports constituent des variétés en général. »

Les naturalistes que nous venons de citer sont incontestablement ceux qui, à divers titres, jouissent dans la science de l’autorité la plus grande et la plus méritée. Ils appartiennent à des branches diverses de l’histoire naturelle et à des écoles qui ont parfois lutté avec plus que de l’énergie l’une contre l’autre. Et cependant on voit qu’au fond les idées qu’ils se sont faites de l'espèce se ressemblent beaucoup. Les légères différences que présentent ces définitions ne portent guère que sur un point, très important il est vrai, et qu’il nous faut indiquer ici. Remontons à Linné et à Buffon. Tous deux, abordant sérieusement l’étude de l’espèce et y rattachant l’idée de filiation, furent conduits à poser ces questions si graves : les individus dont l’ensemble constitue une espèce demeurent-ils indéfiniment semblables entre eux et avec leurs premiers parens ? ou bien peuvent-ils revêtir des caractères qui les éloignent les uns des autres au point que le naturaliste ne puisse plus reconnaître la parenté ? Le nombre des séries spécifiques a-t-il été fixé dès l’origine, et s’il peut diminuer par l’extinction de quelques-unes d’entre elles, peut-il s’accroître en revanche grâce à certaines modifications éprouvées par des individus servant de point de départ à de nouvelles séries ? En d’autres termes, l’espèce est-elle fixe, ou est-elle variable ?

M. Isidore Geoffroy a fort bien démontré, par des citations empruntées aux écrits de Linné et de Buffon, que ces grands législateurs des sciences naturelles ont eu les mêmes hésitations quand ils ont cherché à résoudre ce difficile problème, et que tous deux avaient professé tour à tour des doctrines opposées. Au début et pendant presque toute sa vie, Linné affirme la fixité, l’invariabilité de l’espèce. Appuyé sur la Bible, il déclare que toujours le semblable engendre son semblable, et qu’il n’y a point d’espèce nouvelle. Plus tard, entraîné par un mélange de choses vraies et d’idées inexactes, il fait à la variabilité une part des plus larges. Il admet que toutes les espèces d’un même genre de plantes proviennent, d’une espèce unique à l’origine, et pour lui le croisement, l'hybridation, est le procédé à peu près exclusivement mis en œuvre par la nature pour atteindre ce résultat. L’immense majorité des végétaux n’aurait dans cette hypothèse, qu’une origine de seconde main pour ainsi dire, et des espèces nouvelles pourraient chaque jour prendre naissance sous nos yeux.

Comme Linné, Buffon crut d’abord à la fixité absolue, et représenta la nature comme imprimant sur chaque espèce ses caractères inaltérables. Plus tard, il embrassa la croyance contraire, et admit dans chaque famille, à côté des altérations particulières qui produisent de simples variétés une dégénération plus ancienne et de tout temps immémoriale, transformant les espèces elles-mêmes. Ici encore il se rencontra avec son illustre rivale du moins quant au fait général ; mais Buffon regarda comme les causes du changement, de l’altération et de la dégénération, la température du climat, la qualité de la nourriture, et pour les animaux domestiques les maux de l’esclavage. C’était substituer la doctrine des actions de milieu, de l’influence des conditions ; d’existence, à la théorie linnéenne de l’hybridation. Au reste, après avoir exploré pour ainsi dire les deux hypothèses extrêmes de la fixité absolue et d’une variabilité presque indéfinie, Buffon se trouva ramené par ses propres travaux à une doctrine moyenne nettement exprimée dans ses derniers écrits. « L’empreinte de chaque espèce, écrivit-il alors, est un type dont les principaux traits sont gravés en caractères ineffaçables et permanens à jamais ; mais toutes les touches accessoires varient. » Le milieu resta d’ailleurs pour lui la cause de ces variations. Là, est la doctrine définitive de Buffon, qu’on peut appeler celle de la variabilité limitée ; là est aussi la vérité.

Les opinions tour à tour professées par Linné et par Buffon ont servi de point de départ à autant de doctrines qui se sont propagées jusqu’à nos jours. Cuvier et toute l’école positive, qui le reconnaît pour chef, se sont déclarés pour la stabilité de l’espèce. Blainville, qui d’ordinaire semble se préoccuper avant tout de ne pas être de l’avis de Cuvier, se rencontre ici avec lui, et va plus loin encore ; Pour lui, « la stabilité des espèces est une condition nécessaire à l’existence de la science. » En revanche, l'école philosophique adopta généralement la croyance d’une variabilité indéfinie ; Pour Lamarck, « la nature n’offre que des individus qui se succèdent les uns aux autres par voie de génération, et qui proviennent les uns des autres. Les espèces parmi eux ne sont que relatives, et ne le sont que temporairement. » Il admettait, et la plupart de ses disciples ont admis après lui, la transformation des espèces, la formation d’espèces nouvelles. En outre il reconnaissait pour causes de ces phénomènes la tendance à satisfaire certains besoins, les actions, les habitudes, c’est-à-dire des actes pour ainsi dire spontanés. La variation avait donc ici sa cause dans l’individu lui-même, au moins lorsqu’il s’agissait des animaux.

On a souvent cherché à rattacher aux doctrines de Lamarck celles de Geoffroy Saint-Hilaire. À nos yeux ce rapprochement est complètement erroné. Malgré toute l’impétueuse ardeur de son génie, Geoffroy, on l’oublie trop souvent, en appelle toujours à l’expérience et à l’observation. Lamarck avait voulu remonter jusqu’à l’origine des choses : Geoffroy a évidemment senti que le problème de l’espèce, ainsi posé, échappe à ces deux instrumens de toute recherche scientifique sérieuse. Aussi ne l’a-t-il même pas abordé. Sans doute il s’est déclaré partisan de la variabilité, mais c’est à la manière de Buffon, soit qu’il s’agisse du phénomène lui-même, soit que l’on remonte aux causes qui le déterminent. À diverses reprises, il repousse l’idée de variations incessantes et indéfinies. Pour lui, l’espèce est fixe tant que le milieu ambiant reste le même ; elle change seulement quand ce milieu se modifie et dans la mesure de ces modifications. L’action modificatrice vient donc du dehors et s’exerce sur l’être vivant, qui ne fait que réagir. Telle est aussi la croyance de Buffon. On voit que M. Isidore Geoffroy a dit avec raison : « Si Geoffroy Saint-Hilaire est, dans l’ordre chronologique, le successeur de Lamarck, on doit voir bien plutôt en lui, dans l’ordre philosophique, le successeur de Buffon, dont le rapproche en effet tout ce qui l’éloigne de Lamarck. »

Si Geoffroy Saint-Hilaire s’était borné à juger les doctrines de ses prédécesseurs et à développer les meilleures, l’Académie des Sciences n’eût point assisté à ces discussions à la fois solennelles et ardentes dont le souvenir est encore vivant chez tous les naturalistes ; mais il avait en outre abordé, avec sa hardiesse habituelle, un problème tout nouveau, que commençaient à poser sérieusement, que posent chaque jour plus impérieusement les découvertes paléontologiques. À la suite d’études approfondies sur les crocodiliens, il avait été vivement frappé des ressemblances existant entre certaines espèces fossiles et d’autres espèces actuellement vivantes. Il s’était demandé si celles-ci ne pourraient pas descendre des premières par une filiation interrompue et si les différences constatées entre ces représentans de deux faunes appartenant à des époques géologiques distinctes ne devaient pas être attribuées aux changemens survenus dans les conditions d’existence, dans le milieu ambiant. Plus tard il généralisa cette question, et, sans prétendre la résoudre, il fit valoir chaudement les raisons qui militent en faveur d’une réponse affirmative. Cuvier s’était formellement prononcé pour la négative. L’auteur des Mémoires sur les Ossemens fossiles se voyait attaqué sur un terrain où il avait jusque-là régné en maître ; il dut se défendre, et ainsi surgirent les grands débats qui se sont prolongés, on peut le dire, jusqu’à nos jours. D’une part, dans un livre tout récent et remarquable à bien des titres, un naturaliste anglais, M. Darwin, a cherché à expliquer l’origine de la multiplicité des espèces animales et végétales. Il les fait toutes descendre d’un archétype primitif, modifié, transformé successivement de mille manières par des actions extérieures et les conditions d’existence ; il paraît rattacher ces changemens surtout aux phénomènes géologiques. M. Darwin a ainsi fondu ensemble, dans sa théorie, les idées de Lamarck sur la variabilité des espèces et celles de Buffon sur les causes de leurs variations, tout en faisant de sa théorie des applications qui rappellent les doctrines de Geoffroy. Le naturaliste anglais a d’ailleurs poussé les unes et les autres bien au-delà de tout ce qu’avaient admis ses devanciers français. D’autre part, M. Godron a publié un excellent ouvrage, exclusivement consacré à la question de l’espèce : le professeur de Nancy se prononce de la manière la plus tranchée dans le sens de l’invariabilité. En ce qui concerne les espèces vivantes, il va aussi loin que Blainville, sans pourtant se placer complètement sur le même terrain, et résout dans les termes suivans la question paléontologique : « Les révolutions du globe n’ont pu altérer les types originairement créés ; les espèces ont conservé leur stabilité jusqu’à ce que des conditions nouvelles aient rendu leur existence impossible : alors elles ont péri, mais elles ne se sont pas modifiées. »

Ces conclusions absolues dans un sens ou dans l’autre sont certainement prématurées ; Nous ne possédons pas encore les données nécessaires pour résoudre le problème posé par Geoffroy. L’expérience et l’observation nous fournissent des faits suffisans pour aborder la question de l’espèce, considérée dans la période géologique actuelle ; l’une et l’autre nous font à peu près complètement défaut quand nous voulons remonter aux âges antérieurs. Ici il faut presque toujours renoncer à la certitude et même à la probabilité scientifiques pour se contenter de possibilités. Or on sait combien est grande la distance qui sépare le possible du réel : nul n’a le droit de conclure de l’un à l’autre. C’est là ce qu’a très nettement exprimé M. Chevreul dans son beau rapport sur l'Ampélographie du comte Odart. Après s’être formellement prononcé pour la permanence des types qui constituent les espèces sous l’empire des conditions actuelles, ce savant ajoute : « Si l’opinion de la mutabilité des espèces, dans les circonstances différentes de celles où nous vivons, n’est point absurde à nos yeux, l’admettre en fait pour en tirer des conséquences, c’est s’éloigner de la méthode expérimentale, qui ne permettra jamais d’ériger en principe la simple conjecture. » Dans l’état actuel de nos connaissances, telles sont aussi, sur la question dont il s’agit, nos convictions bien arrêtées. En conséquence, nos études porteront exclusivement sur les temps géologiques les plus rapprochés de nous. Là seulement nous rencontrerons les faits qui se passent sous nos yeux, les résultats vraiment comparables d’expériences séculaires, et nous pourrons conclure en connaissance de cause. Toutefois, en restant ainsi sur le terrain de la science positive, nous n’entendons nullement blâmer outre mesure ceux qui sont allés, ceux qui vont encore au-delà. Ces spéculations hardies ont aussi leur valeur : elles ouvrent parfois des voies nouvelles et préparent ainsi l’avenir ; mais pour qu’elles aient une utilité réelle, pour qu’elles ne nous égarent pas, il faut les prendre pour ce qu’elles sont et ne pas les accepter avant le temps comme des vérités démontrées.

Telles sont les idées générales professées jusqu’à ce jour par les maîtres de la science relativement à l’espèce ; mais ce n’est point assez de les avoir exposées rapidement : il faut signaler dès à présent un fait bien digne d’attention. On a pu remarquer que les diverses écoles de naturalistes diffèrent parfois considérablement en théorie ; il n’en est que plus remarquable de les voir dans la pratique agir comme si leurs principes étaient identiques. Aussitôt qu’ils abandonnent le champ des généralités pour en arriver aux applications, les disciples de Lamarck ne se distinguent guère de ceux de Cuvier, et la réciproque est tout aussi vraie. En agissant ainsi, ils ne font du reste qu’imiter leurs chefs eux-mêmes. Lamarck, partisan de la variabilité indéfinie, n’en a pas moins consacré la majeure partie de sa vie à des travaux de détermination d’espèces, qui lui valurent le surnom, — exagéré, il est vrai, — de Linné français. Cuvier, qui proclamait si haut l’invariabilité, n’en reconnut pas moins des races très différentes dans plusieurs espèces animales, et alla bien plus loin encore quand il admit que des espèces distinctes peuvent concourir à la formation d’une race mixte. Blainville aussi n’a jamais hésité à rapporter à un type spécifique unique des animaux d’apparence fort peu semblable. Pressées par l’évidence, les deux écoles extrêmes sont donc ramenées en fait à une sorte de juste-milieu toutes les fois qu’elles soumettent leurs doctrines absolues à l’épreuve de la réalité. À lui seul, ce résultat ne proclame-t-il pas hautement que la vérité ne se trouve ni dans l’une ni dans l’autre, qu’on la rencontrera seulement chez les hommes qui ont admis avec Buffon la variabilité limitée ?

Je me range sans, hésiter sous la bannière de ce grand maître. Pour moi, l’espèce est quelque chose de primitif, de fondamental. Nés et développés dans des conditions identiques, tous les représentans d’une espèce animale ou végétale seraient rigoureusement semblables entre eux ; mais dans l’un et l’autre règne cette condition est à peu près impossible à remplir. Des actions de milieu très diverses ont modifié et modifient sans cesse les types premiers ; l'hérédité, intervient tantôt pour maintenir, tantôt pour multiplier ou accroître ces modifications. Ainsi prennent naissance les variétés et les races. Les limites des variations résultant de ces actions diverses sont encore indéterminées ; mais, en y regardant avec soin, il est facile de constater qu’elles sont parfois remarquablement étendues. Toutefois il ne se forme pas pour cela des espèces nouvelles, et la parenté des dérivés d’un même type spécifique peut toujours être reconnue par voie d’expérience, quelles que soient les différences très réelles qui les séparent. En conséquence je crois pouvoir donner de l’espèce la définition suivante : « l’espèce est l’ensemble des individus, plus ou moins semblables entre eux, qui sont descendus ou qui peuvent être regardés comme descendus d’une paire primitive unique par une succession ininterrompue de familles[8]. » Cette définition repose et sur les données que j’ai exposées plus haut et sur les propositions générales qui la précèdent. Ces propositions seront développées, l’exactitude en sera démontrée dans la suite de ce travail. Commençons par examiner avec quelques, détails la question de la fixité et de la variabilité de l’espèce. Cette étude même nous conduira à des notions nouvelles.

Quand des hommes de génie contemporains, et disposant par conséquent des mêmes élémens de conviction, hésitent entre deux doctrines, quand des esprits éminens se laissent aller chacun dans son sens à des exagérations évidentes, on peut être certain d’avance que le problème agité présente des difficultés sérieuses. Tel est le cas pour la question de la fixité et de la variabilité de l’espèce. L’affirmative et la négative peuvent également s’appuyer sur des observations et des expériences précises empruntées à l’histoire des végétaux aussi bien qu’à celle des animaux, et dans la recherche des causes nous en trouverons qui agissent alternativement dans les deux sens. Voyons d’abord les raisons principales qui militent en faveur de la fixité.

Laissons de côté les faits cités par une foule de botanistes, et qui démontrent l’invariabilité des espèces végétales pendant des périodes de deux ou trois siècles ; remontons tout de suite jusqu’aux premiers temps historiques. Les hypogées égyptiens nous fournissent sur la végétation de ces époques reculées des données parfaitement précises. On y a retrouvé une foule de végétaux qui croissent encore dans le voisinage, et la comparaison entre les échantillons recueillis dans ces antiques tombes et les plantes vivantes a prouvé que non-seulement les espèces proprement dites, mais encore certaines races, n’avaient pas varié depuis l’époque des premiers Pharaons. Cette identité de caractères a été même constatée d’une façon assez piquante dans le cas suivant. Le voyageur Heninken avait rapporté de la Haute-Égypte des pains trouvés dans les tombeaux remontant à l’époque la plus reculée. Ces pains furent remis au célèbre botaniste Robert Brown, qui retira de leur pâte des glumes d’orge parfaitement intactes[9]. En les étudiant avec soin, il reconnut à la base de ces glumes un rudiment d’organe qu’on n’avait pas indiqué dans les orges de nos campagnes, et peut-être crut-il un moment avoir sous les yeux une preuve de variation dans ces enveloppes florales ; mais un nouvel examen lui fit retrouver dans nos orges ce même organe rudimentaire. L’étude attentive de ce débris d’une plante broyée depuis cinq ou six mille ans a donc révélé l’existence d’un caractère assez peu saillant pour avoir échappé à la loupe d’une foule de botanistes, et qui n’en a pas moins traversé sans altération cette longue suite de siècles.

Parmi les espèces végétales actuellement vivantes, il en est qui fournissent à ce résultat une contre-épreuve curieuse. On sait que l’âge des arbres dicotylédones se reconnaît au nombre des couches concentriques, dont se compose leur tronc. Même parmi nos arbres européens, il en est qui à ce compte dateraient d’une époque bien reculée. On a compté 280 de ces couches sur un if dont la circonférence était seulement de 1 mètre 50 centimètres environ. Or l’if de Foullebec, dans le département de l’Eure, avait en 1822 6 mètres 80 centimètres de pourtour. Celui de Fortingall, en Écosse, atteint, dit-on, près de 16 mètres de circonférence. Deslongchamps en tire la conséquence que si les conditions du développement ont été les mêmes pour ces différens arbres, l’if de Foullebec est âgé de onze à douze cents ans, et celui de Fortingall de plus de trois mille. Le chêne de nos forêts prête à de semblables calculs : il croît très lentement, et après un siècle il n’a parfois pas plus de 35 centimètres de diamètre. À partir de cette époque, son accroissement se ralentit encore, et cependant on cite des chênes d’environ 4 mètres de diamètre. À juger de leur âge par leur grosseur, le même Deslongchamps déclare qu’on pourrait les croire âgés de plus de douze siècles.

Quant aux arbres exotiques, ils permettent de remonter bien plus haut. Adanson a mesuré au Cap-Vert un baobab dont le tronc avait 22 mètres de circonférence ; en le comparant à des individus plus jeunes, et dont il avait pu reconnaître l’âge, il estima que ce géant devait avoir vécu plus de cinq mille ans. Golbery a observé un autre représentant de la même espèce plus monstrueux encore : celui-ci atteignait 34 mètres de pourtour ; il devait par conséquent être, selon toute apparence, plus âgé que le précédent. Enfin l’espèce de pin colossal récemment découverte en Californie, le gigantesque séquoia, s’élève parfois à une hauteur de 100 mètres et présente, dit-on, une épaisseur de 10 mètres. On a compté les couches concentriques d’un de ces immenses troncs ; on en a trouvé plus de six mille. Cet arbre était donc contemporain des premières dynasties égyptiennes. Eh bien ! tous ces vétérans de la flore contemporaine ressemblent entièrement, aux dimensions près, aux plus jeunes arbres de même espèce qui les entourent et qui sont séparés d’eux par des milliers de générations.

Tous les exemples précédens sont pris dans la période géologique actuelle. Toutefois nous pouvons ici dépasser la limite qui nous arrêtera d’ordinaire et demander des enseignemens à l’époque reculée où se passa le dernier phénomène général qui ait laissé des traces sur notre globe. En remuant les sables du diluvium, on a ramené au jour des graines enfouies et qui avaient conservé leurs propriétés germinatives pendant un nombre de siècles indéfini, mais à coup sûr bien supérieur à celui qui nous sépare de la civilisation égyptienne même à son aurore. Les graines ont germé, et les individus qui en sont sortis se sont montrés entièrement semblables à ceux qui ont poussé dans les conditions ordinaires[10].

L’étude des animaux nous présente des faits entièrement pareils à ceux qui résultent de l’examen des espèces végétales. Ici encore nous nous adresserons sur-le-champ à l’Égypte. Les peintures des hypogées abondent en élémens propres à éclairer la question. Les premières nous montrent une foule d’espèces et de races animales représentées avec une fidélité dont nous pouvons encore juger par nous-mêmes. Les seconds sont pour ainsi dire des cabinets d’histoire naturelle où sont admirablement conservés les représentant de la faune des Pharaons. Sur ce point, les recherches les plus modernes n’ont fait que confirmer les conclusions tirées par Geoffroy Saint-Hilaire de ses longues études dans les nécropoles de Thèbes, et que Lacépède résumait ainsi dans un rapport demeuré célèbre : « Il résulte de cette partie de la collection du citoyen Geoffroy que ces animaux sont parfaitement semblables à ceux d’aujourd’hui. »

Grâce à la résistance que présentent le squelette et les coquilles, les animaux ont laissé dans les terrains quaternaires des restes faciles à étudier et à reconnaître en plus grande quantité que les végétaux. Les brèches osseuses, les cavernes à ossemens, aussi bien que les sables et les alluvions ont conservé un grand nombre d’espèces que la paléontologie a su distinguer et comparer aux espèces existantes. Or les résultats de ce rapprochement sont très importans. Dans un remarquable travail sur les cavernes, M. Desnoyers a résumé tous les faits principaux recueillis touchant les mammifères contemporains de l’époque dont nous parlons. Les espèces en sont fort nombreuses et se partagent naturellement en trois groupes. Dans le premier se placent celles que leurs caractères séparent nettement des espèces actuelles, qui par conséquent ont disparu ou bien se sont modifiées de manière à devenir méconnaissables par suite des révolutions géologiques. Au second appartiennent les espèces qui se retrouvent dans la faune actuelle, mais qui ne vivent aujourd’hui que dans des contrées plus ou moins éloignées de celles où l’on a découvert leurs restes fossiles, qui par conséquent semblent avoir émigré à la suite des mêmes révolutions. Le troisième groupe se compose d’espèces identiques à celles qui vivent aujourd’hui encore dans les mêmes lieux et qui par conséquent ont résisté sans modification aux mêmes cataclysmes. Dans les trois groupes, on rencontre parfois le même genre représenté par des espèces distinctes. Ces espèces ont donc été contemporaines, et quelle que soit l’opinion que l’on adopte, il faut reconnaître que l’action exercée sur elles par la modification du milieu a été bien différente.

L’histoire des animaux inférieurs, celle des mollusques et des zoophytes, présente des faits tout pareils. À vouloir citer de nombreux exemples, nous n’aurions que l’embarras du choix. Bornons-nous à indiquer les résultats recueillis par M. Agassiz lors de son exploration des côtes de la Floride. On sait que certains zoophytes des mers tropicales vivent en familles innombrables sur certains points circonscrits, et que leurs générations successives, superposant sans cesse les polypiers calcaires habités par ces petits êtres, finissent par élever d’abord au niveau des vagues, puis jusqu’au-dessus des flots, des écueils, des îles, des archipels entiers. Ce curieux phénomène, constaté d’abord dans l’Océan-Pacifique, où il se développe sur une échelle immense, se retrouve dans le golfe du Mexique, et a été pour M. Agassiz le sujet d’études approfondies. Ce naturaliste croit pouvoir préciser le temps qu’ont mis à se former quatre récifs de corail remarquables par leur disposition concentrique, et qu’il a trouvés à l’extrême pointe méridionale de la Floride. D’après ses calculs, il aurait fallu environ huit mille années pour les amener à leur état actuel. Bien plus, la Floride elle-même, dans une étendue de 2 degrés en latitude, lui paraît n’être composée que de récifs de corail élevés de même par les polypes, et soudés les uns aux autres par l’action des siècles. Il estime à deux cent mille années environ le temps nécessaire à la formation de cette presqu’île. Or les roches de cette terre, les masses de ces récifs, d’origine essentiellement animale, nous montrent des polypiers, des coquilles identiques à ceux qu’on pêche encore aujourd’hui, pleins de vie, dans toutes les mers voisines. Ainsi, d’après M. Agassiz, les mollusques, les zoophytes du golfe du Mexique, auraient conservé tous leurs caractères pendant deux mille siècles.

On le voit, les partisans de l’invariabilité s’appuient sur des faits importans bien observés et sur des argumens sérieux. Ils peuvent dire à leurs adversaires : Nous poursuivons un certain nombre d’espèces végétales ou animales jusqu’aux premiers temps de l’histoire, jusqu’à six ou huit mille ans en arrière, et nous les voyons semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui. Nous dépassons les limites de l’époque géologique actuelle, et nous retrouvons encore certaines espèces identiques à ce qu’elles sont de nos jours. En outre, parmi ces espèces qui ont assisté à la dernière révolution de notre globe, toutes n’ont pu supporter les nouvelles conditions d’existence qui leur étaient faites. De celles-ci, les unes ont émigré, sans pour cela se modifier ; d’autres ont disparu. Pourquoi admettre que ces dernières sont les ancêtres immédiats de nos espèces actuelles ? Nous ne connaissons ces animaux éteints que par leurs restes fossiles ; mais ces restes suffisent pour faire reconnaître entre eux et ceux qu’on veut regarder comme leurs petits-fils des différences parfois très grandes. Où sont les traces des modifications progressives qui auraient inévitablement relié entre elles ces formes diverses, si elles dérivaient en effet les unes des autres ? Nulle part. À en juger par, tous les faits connus, par toutes les expériences possibles, la transformation, la variation de l’espèce est donc une pure hypothèse, et la vérité ne peut être que dans la doctrine de la fixité.

Telle est en résumé l’argumentation de Cuvier, de Blainville et de leurs disciples plus ou moins avoués ; mais, nous l’avons vu, sous ces expressions absolues, il y a des sous-entendus et des réserves. L’invariabilité, que cette école proclame si haut, ne s’entend que des caractères essentiels, fondamentaux. Jamais elle n’a pu parler d’une identité qui n’existe nulle part. En fait, Lamarck lui-même admettait une certaine constance ; de même l’école qui le combat admet une certaine variabilité. Nous allons maintenant aborder l’étude des phénomènes de cet ordre, et rappeler d’abord ceux qu’on observe chez l’individu isolé lui-même, lorsqu’on l’observe à diverses époques de son existence.

Sans parler des animaux à métamorphoses, où les différences d’un âge à l’autre sont si énormes ; sans parler des changemens si considérables qui s’accomplissent chez le fœtus encore enfermé dans l’œuf ou dans le sein de sa mère, qui ne sait que dans tous les groupes du règne animal il est des espèces dont les jeunes ressemblent si peu aux adultes, que des observations suivies permettent seules de les identifier ? Qui ne sait que chez l’homme lui-même, l’enfant, l’homme fait, le vieillard, sont au premier coup d’œil trois individus distincts ? Ces changemens, dira-t-on, tiennent à l’essence même des êtres ; ils sont la conséquence de leur évolution normale. Cela est vrai, mais le fait n’en est que plus important à rappeler ici. À lui seul, il suffit pour prouver que l’individu vivant n’est pas quelque chose d’absolument fixe, d’immuable. C’est seulement un champ limité, défini, où la vie apporté et d’où elle emporte des matériaux, tantôt d’une manière continue, tantôt à des momens donnés, maintenant, mais modifiant aussi dans certaines limites, et par une épigenèse incessante, les formes qui sont pour nous des caractères spécifiques. Quiconque tiendra suffisamment compte de ces phénomènes sera préparé à comprendre et à accepter des faits d’un autre ordre, et bien plus importans au point de vue qui nous occupe.

En effet, à côté des modifications en quelque sorte nécessaires dont nous venons de parler, on en constaté d’autres qui n’ont aucun rapport avec le développement normal, et ne peuvent être regardées que comme accidentelles. Pour s’en tenir à l’homme seul, on voit chez lui des individus revêtir alternativement quelques-uns des caractères propres à des groupes humains justement distingués les uns des autres. S’il existe des races blondes et des races brunes, on voit tous les jours des enfans blonds et roses se changer en adultes à la chevelure noire, au teint pâle et foncé. Quoique plus rare, la réciproque se présente quelquefois ; et j’en connais un exemple. Dans les races blanches, le mélanisme, c’est-à-dire la coloration noire de là peau, se montre assez souvent d’une manière partielle et temporaire, chez les femmes enceintes par exemple. Camper cite à ce sujet l’observation recueillie chez une jeune femme dont le corps tout entier, à l’exception de la face et du cou, avait pris à sa première grossesse la couleur d’une véritable négresse. Un de mes auditeurs, ancien médecin, m’a dit avoir rencontré un fait à peu près semblable dans sa pratique. D’autre part, le docteur Hammer et Buffon rapportent des exemples bien authentiques de nègres qui sont devenus blancs. Il s’agit d’un jeune homme et d’une jeune fille. Tous deux, vers l’âge de quinze ou seize ans, commencèrent à blanchir, le premier à la suite d’un léger accident, la seconde sans cause connue. Les phénomènes furent d’ailleurs à peu près identiques dans les deux cas. Le changement de coloration eut lieu d’une manière progressive, La teinte générale s’affaiblit d’abord, puis des taches blanches apparurent, grandirent peu à peu, et envahirent le corps tout entier. Chez les deux individus, la teinte primitive persista sur quelques points peu étendus, et les parties transformées conservèrent des marques semblables à des grains de beauté ou à des taches de rousseur. En général, les villosités, les cheveux, participèrent à ce changement, et devinrent ou blancs ou blonds là où la peau avait blanchi. Les deux individus conservèrent une santé parfaite. Toutes leurs fonctions continuèrent à s’exercer très régulièrement. La peau, surtout ne présenta jamais de traces de maladies ; elle était rosée et semblable en tout à celle d’un individu de race blanche. Hammer et Buffon ont insisté avec raison sur ces derniers détails, qui prouvent qu’il s’agit ici d’une véritable transformation, et que le changement de couleur ne saurait être attribué à quelqu’une de ces affections cutanées observées par plusieurs voyageurs, et surtout par M. d’Abadie, affections qui ont pour résultat de donner à la peau noire de certaines races une couleur blanche mate et blafarde.

Ainsi l’individu n’est jamais identique à lui-même dans tout le cours de sa vie, et de plus il peut subir des changemens très considérables sans que son existence soit mise en péril. De ces faits généraux, on peut déjà conclure qu’en acceptant dans toute sa rigueur la définition de Blainville lui-même, on doit s’attendre à rencontrer entre les représentans de chaque espèce des différences plus ou moins tranchées. L’expérience de tous les instans s’accorde avec cette conclusion. Chez les végétaux aussi bien que chez les animaux et chez l’homme, l’identité n’apparaît qu’à titre de fait entièrement exceptionnel. On sait ce qui arriva aux courtisans d’Alphonse le Sage à la recherche de deux feuilles exactement semblables ; tout bon berger reconnaît et distingue fort bien chaque brebis de son troupeau, et la fable des ménechmes, sauf entre jumeaux, ne s’est peut-être réalisée qu’une seule fois dans la personne de Martin Guerre et d’Arnaud du Tilh.

Les différences très légères, servant seulement à distinguer les uns des autres les représentans d’une même espèce, ne sont autre chose que les traits individuels, les nuances, comme les appelle M. Isidore Geoffroy, Dès que ces différences dépassent une certaine limite, elles donnent naissance à la variété. Celle-ci, presque toujours individuelle chez l’homme et chez les animaux ou les plantes, qui se reproduisent seulement par voie de générations successives, peut comprendre au contraire un nombre indéterminé d’individus quand il s’agit d’une espèce pouvant se multiplier par un procédé généagénétique quelconque ; mais, même dans ce dernier cas, les caractères différentiels de la variété ne passent jamais d’une génération à l’autre. J’emprunte ici à M. Chevreul un exemple bien remarquable propre à faire comprendre cette distinction. En 1803 ou 1805, M. Descemet découvrit dans sa pépinière de Saint-Denis, au milieu d’un semis d’acacias (robinia pseudo-acacia), un individu sans épines qu’il désigna par l’épithète de spectabilis. C’est de cet individu, multiplié par marcottes, boutures ou greffes, que proviennent tous les acacias sans épines qu’on rencontre aujourd’hui dans le monde entier. Or ces individus produisent des graines, mais ces graines, mises en terre, n’engendrent que des acacias épineux, L’acacia spectabilis est resté à l’état de variété.

La variété peut être définie un individu ou un ensemble d’individus appartenant à la même génération sexuelle, qui se distingue des autres représentans de la même espèce par un ou plusieurs caractères exceptionnels. Ces caractères eux-mêmes peuvent être plus ou moins accusés, et il en résulte que la variété passe insensiblement d’un côté aux simples traits individuels dont nous parlions tout à l’heure, et de l’autre côté aux monstruosités les plus légères, appelées hémitéries par M. Geoffroy[11]. On comprend dès lors combien peuvent être nombreuses et diverses les variétés d’une seule espèce. Il n’est aucune partie de l’être qui ne puisse s’exagérer, s’amoindrir, se modifier de mille manières, et toutes les fois que l’accroissement la diminution, la modification, dépasseront la limite, indécise il est vrai, mais pratiquement appréciable, des traits individuels, on aura à constater une variété de plus.

Lorsque les caractères qui distinguent une variété passent aux descendans du végétal ou de l’animal qui les avait présentés le premier, lorsqu’ils deviennent héréditaires, il se forme une race. Par exemple, si un des acacias dont nous venons de parler portait des graines d’où sortiraient des arbres également sans épines, si ceux-ci à leur tour jouissaient de la même propriété, si l’acacia spectabilis en arrivait ainsi à se reproduire naturellement, il cesserait d’être une simple variété ; il constituerait une race. La race sera donc l’ensemble des individus semblables appartenant à une même espèce, ayant reçu, et transmettant par voie de génération les caractères d’une variété primitive. — Au fond, cette définition, tout en précisant davantage l’idée d’origine, revient à celle de Buffon, qui disait : « La race est une variété constante et qui se conserve par génération, » ou à celle du botaniste Richard, qui s’exprime ainsi : « Il y a certaines variétés constantes et qui se reproduisent toujours avec les mêmes caractères par le moyen de la génération ; c’est à ces variétés constantes qu’on a donné le nom de races. » Si je multipliais ces citations, on verrait que sur ce point de la science il existe entre les naturalistes de toutes les écoles un accord vraiment remarquable, et que les disciples de Lamarck eux-mêmes se rencontrent, ici avec ceux de Cuvier[12].

Le nombre des races pouvant provenir d’une même espèce est tout aussi indéfini, il peut être tout aussi considérable que celui des variétés elles-mêmes, car il n’est aucune de celles-ci dont les caractères ne puissent devenir héréditaires dans des conditions données. En outre, ces races primaires, sorties immédiatement de l’espèce commune, sont à leur tour susceptibles d’éprouver des modifications qui peuvent rester individuelles ou devenir transmissibles par générations. Chacune d’elles donne ainsi naissance à des variétés, à des races secondaires. Le même phénomène peut se répéter indéfiniment. Nos végétaux, nos animaux domestiques fournissent une foule d’exemples de ces faits. On voit combien se trouvent multipliées par là les modifications du type spécifique primitif. Considérée à ce point de vue, chaque espèce nous apparaît comme un arbre dont la tige élevée fournit en tous sens, et à diverses hauteurs des branches maîtresses plus ou moins nombreuses, sous-divisées elles-mêmes en branches secondaires, en rameaux, en ramuscules, tous distincts et cependant tous issus médiatement ou immédiatement du tronc primitif. Pour pousser la comparaison jusqu’au bout, on peut dire que, dans cet arbre hypothétique, les variétés sont représentées par les bourgeons avortés.

Cette image a cela d’utile qu’elle fait sentir plus aisément les relations existantes entre ces trois catégories d’êtres trop souvent confondues dans le langage, — l’espèce, la race, la variété. On voit que toute race, toute variété se rattache à une espèce, comme toute branche, tout bourgeon tient à une tige quelconque ; on voit que chaque espèce comprend, avec les individus qui ont conservé le type primitif, tous les individus plus ou moins éloignés de ce type, mais qui s’y relient par une filiation ininterrompue, de même que l’arbre est composé de ses branches, de ses rameaux, tous rattachés au tronc qui les porte et dont ils sont autant de divisions. Enfin on ne peut toucher au moindre ramuscule sans agir sur l’arbre dont il fait partie, et cette simple considération justifie une autre conséquence fort importante pour la question qui nous occupe : à savoir que toute modification imprimée à une race quelconque porte en réalité sur l’espèce d’où cette race est issue immédiatement ou médiatement.

Et maintenant qu’on suppose le tronc de notre arbre réduit à une courte souche que des alluvions auraient profondément enfouie et cachée sous terre : comment reconnaître si les maîtresses branches, qui sortent isolément du sol, sont les produits communs de cette souche, ou bien les tiges d’autant d’arbres distincts ? les naturalistes se trouvent trop souvent dans un embarras pareil à ce qu’éprouverait le forestier sommé de décider à première vue. Considérées à part et abstraction faite de l’origine, la race et l’espèce se ressemblent beaucoup. Dans les races bien établies, les caractères sont aussi semblables d’individu à individu, de père à fils, que dans les espèces les plus pures et les moins modifiées ; la transmission en est tout aussi régulière. Par suite, les naturalistes se trouvent chaque jour en présence de groupes animaux ou végétaux semblables à certains égards, dissemblables sous certains autres, et dont ils ignorent les relations ; ils ont donc à se demander bien souvent si ces groupes doivent être isolés les uns dès autres et former autant d’espèces distinctes, ou bien s’ils doivent être réunis à titre de races en une seule et unique espèce. C’est précisément en ces termes que se pose la question lorsqu’il s’agit de l’homme. Pour lever ces difficultés, une étude comparative sérieuse était nécessaire, et nous ne craignons pas de le dire, cette étude ne pouvait guère être entreprise que de nos jours. Il a fallu les efforts réunis de la science et de l’industrie modernes pour résoudre une foule de ces questions de détail qui, en histoire naturelle, conduisent seule, aux doctrines générales. S’il est permis de conclure aujourd’hui, c’est que, grâce à ce concours, on peut grouper une somme suffisante de résultats et montrer qu’ils nous conduisent tous au même but en s’appuyant sur une double série de faits qui eux-mêmes répondent aux deux idées dominantes dans la définition de l’espèce, — l’idée de ressemblance et celle de filiation. Ce sont ces ; résultats qu’il faudra maintenant exposer, en faisant d’abord l’histoire des races.


A. DE QUATREFAGES.

  1. Je ne compte ici ni la sous-famille ni le sous-genre, divisions entièrement arbitraires et employées à peu près exclusivement pour venir en aide à la mémoire.
  2. On voit que nous regardons comme définitivement condamnée la doctrine des générations spontanées. Il devient en effet bien difficile de s’expliquer comment cette doctrine peut compter encore quelques partisans parmi des hommes dont le mérite est d’ailleurs très réel. Au reste, leur nombre diminue rapidement, et la plupart d’entre eux répètent sans doute l’exclamation que nous avons entendue sortir de la bouche d’un chimiste très habile qui avait eu longtemps une foi entière aux générations spontanées. « Encore une illusion qui s’en va ! » s’écriait-il après une assez longue causerie sur les expériences si concluantes de M. Pasteur. Ces expériences répondent en effet aux dernières chicanes qu’on pouvait adresser encore à plusieurs autres savans, à MM. Schwann et Henle entre autres. Ceux-ci avaient déjà opéré d’une manière comparative sur des infusions ou des mélanges dont les uns étaient exposés à l’air libre, tandis que les autres ne recevaient que de l’air tamisé à travers des acides énergiques ou des tubes rougis au feu. Toujours ils avaient vu les premiers donner promptement naissance à des moisissures, à des infusoires, tandis que les seconds ne présentaient aucune trace de production organique. Schwann, Henle et presque tous les naturalistes avaient conclu de ces faits que les végétaux et les animaux inférieurs qui apparaissent dans les infusions proviennent des germes que l’air y dépose sous forme de poussière, et nullement de la réaction des élémens morts qui entrent dans la composition de l’infusion ou du mélange. Ils avaient admis également que, pour empêcher l’apparition des moisissures, des infusoires, etc., il suffisait de désorganiser ces germes soit par la chaleur, soit par un tout autre moyen. Les partisans de la génération spontanée répondaient qu’en passant soit dans un tube fortement chauffé, soit sur des acides, l’air, bien que ne changeant pas de composition, devenait impropre à donner naissance à un être organisé ; ils disaient que cet air était devenu inactif. En outre ils niaient l’existence des germes, bien que ceux-ci eussent été vus et décrits, notamment par Ehrenberg. Or M. Pasteur, grâce aux dispositions ingénieuses qu’il a imaginées, a recueilli ces germes et les a semés dans des infusions plongées dans une atmosphère de cet air prétendu inactif ; ils s’y sont parfaitement développés. D’autre part, le même expérimentateur a montré qu’il suffisait de donner au ballon qui renferme une infusion quelconque une forme telle que les germes ne pussent pas arriver jusqu’au liquide pour que celui-ci ne présentât aucune trace de moisissure, alors même qu’il était en communication directe avec l’air ordinaire. L’existence des germes, le rôle qu’ils jouent dans les prétendus phénomènes de génération spontanée, ont été mis ainsi hors de toute discussion pour quiconque ne cherche ses convictions que dans l’observation et l’expérience. Ajoutons que les belles recherches de M. Balbiani sur la reproduction sexuelle des infusoires ont fait rentrer ce groupe dans la loi commune et enlevé aux partisans de la génération spontanée jusqu’aux argumens qu’ils auraient, pu tirer de l’ignorance où l’on était naguère encore sur ce sujet.
  3. Voyez sur cette question la série sur les Métamorphoses et la Généagénèse dans la Revue des Deux Mondes du 1er et 15 avril 1855 ; du 1er et 15 juin ; et du 1er juillet 1856.
  4. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, guidé par des considérations différentes de celles que nous venons d’exposer, est arrivé le premier à cette conclusion, dont le lecteur comprendra aisément l’importance capitale. M. Geoffroy désigne la famille physiologique dont il s’agit ici par le nom de compagnie, pour la distinguer de la famille naturelle, simple groupe de classifications et par cela même toujours plus ou moins arbitraire.
  5. J’ai moi-même donné dans cette exagération sous la première influence des découvertes relatives aux phénomènes généagénétiques ; mais je n’ai pas tardé à revenir à des idées plus justes, et en 1856 j’ai donné dans mon cours au Muséum la définition que cette étude fera connaître.
  6. M. Geoffroy a réuni dans son livre un grand nombre d’autres définitions de l’espèce, et je ne puis mieux faire que de renvoyer le lecteur à cet ouvrage.
  7. On voit que ce naturaliste fait ici allusion aux phénomènes de généagenèse.
  8. A part le dernier membre de phrase qui précise plus que je ne l’avais fait auparavant l’idée de famille, cette définition est celle que j’ai donnée au Muséum en 1856, et reproduite plus tard dans la Revue Histoire naturelle de l’Homme, — Du Croisement des Races humaines, livraison du 1er mars 1857).
  9. On appelle glume ou baie l’enveloppe extérieure de la fleur des graminées.
  10. Ce fait remarquable a été observé par M. Michelet aux environs de Dôle. La plante qui a ainsi reparu est le galium anglicum, qui, à peine connu dans la localité, a couvert les sables du diluvium à mesure que les ouvriers en pelleversaient les bancs, demeurés jusqu’à cette époque entièrement intacts.
  11. Histoire générale et particulière des anomalies de l’organisation.
  12. Il ne s’agit que des races proprement dites. Quant aux races hybrides, c’est-à-dire aux séries zoologiques ou botaniques résultant du croisement de deux espèces distinctes, nous les examinerons plus tard avec le soin qu’elles méritent, en réduisant à sa juste valeur ce qui a été dit à ce sujet.