Histoire du Canada, tome IV/Livre XVI/Chapitre III

Imprimerie N. Aubin (IVp. 285-318).


CHAPITRE III.




UNION DES DEUX CANADAS.


1838-1840.

Effet des troubles de 1837 en Angleterre, en France et dans les États-Unis. — Mesures du parlement impérial. — Débats dans les deux chambres. — Suspension de la constitution. — Lord Durham nommé gouverneur. — Son arrivée à Québec ; train royal qu’il mène. — Sa proclamation au peuple. — Il organise son conseil. — Les accusés politiques sont amnistiés ou éloignés temporairement. — M. Wakefield député secrètement vers M. Papineau, et quelques autres chefs. — Attitude des partis. — Lord Durham dans le Haut-Canada. — Il y rafle la majorité à son plan d’union. — Réunion des gouverneurs des provinces du golfe à Québec. — L’ordonnance d’amnistie qui exile quelques accusés à la Bermude, est désavouée en Angleterre. — Lord Durham résigne son gouvernement. — Adresses qu’il reçoit et ses réponses. — Il s’embarque pour l’Europe. — Sir John Colborne lui succède. — Une nouvelle insurrection s’organise dans la Rivière Chambly et est abandonnée. — Colborne y marche avec 7 à 8000 hommes. — Il incendie le pays. — Arrestations nombreuses. — Procès des accusés. — 89 sont condamnés à mort et 13 exécutés. — 47 sont exilés. — Rapport de lord Durham. — Le bill d’union introduit dans le parlement impérial. — Il est ajourné à l’année suivante. — M. Poulett Thomson gouverneur. — Il arrive à Québec. — Il monte dans le Haut-Canada et y convoque les chambres. Il leur fait agréer les conditions du bill d’union, qui est enfin passé malgré les pétitions du Bas-Canada, et l’opposition du duc de Wellington et de lord Gosford. — L’union proclamée en Canada. — Remarques générales. — Population et autres renseignemens statistiques du Bas-Canada, au temps de l’union. Conclusion.

Maintenant qu’allait-il advenir de cette résistance inattendue et aussitôt vaincue qu’offerte ? Ce que le gouvernement désirait depuis si longtemps, une occasion de réunir les deux Canadas. Quoiqu’il eût échoué en 1822, l’adresse de sa politique avait enfin amené les choses au point où il voulait pour assurer un succès complet. La précipitation de M. Papineau avança sans doute le terme ; mais le bureau colonial y tendait sans cesse, et pour un œil clairvoyant, cette tendance devait amener ses fruits, c’est-à-dire un choc plus au moins tardif ; car il est dans la nature des choses d’offrir de la résistance avant de cesser d’exister ou de changer de nature. C’est une loi morale comme une loi physique. Le mensonge ne remplace pas la vérité sans combat, et la lutte constitue en morale ce que l’on appelle la conscience. Malgré leur beau langage, les ministres n’étaient pas encore assez simples pour croire que l’on prendrait au pied de la lettre ce qu’ils disaient, et ils savaient bien que les Canadiens s’opposeraient au mal réel qu’on voulait leur faire sous des prétextes spécieux et le prestige des maximes libérales les plus avancées.

Les troubles qui venaient d’avoir lieu dans un pays dont les annales avaient été jusque là pures de toute révolte, firent sensation non seulement en Angleterre, mais aux États-Unis et en France. En Angleterre aux premières nouvelles, on prit des mesures pour envoyer des renforts de troupes. Aux États-Unis, le gouvernement avait de la peine à retenir les citoyens qui se portaient par centaines sous les drapeaux de MacKenzie, et qui continuèrent tout l’hiver à inquiéter le Haut-Canada. En France où le Canada était si profondément oublié, on se demandait ce que c’était, et on se rappela en effet qu’on y avait eu des frères autrefois. On tourna les yeux vers nous, et un journal républicain parlait déjà de la formation d’une légion auxiliaire, pour venir à notre aide. La gazette de France plus grave, observait : « Là encore, nous retrouvons l’Irlande opprimée, soumise au joug arbitraire de la conquête, opprimée dans ses croyances, nominalement unie, mais séparée par une choquante inégalité politique… On a cru que la conquête pouvait faire des nationalités au gré d’une diplomatie sans entrailles, que la terre pouvait se diviser comme une pièce d’étoffe et les peuples se partager comme des troupeaux ; parceque l’invasion et les combats ont livré un territoire et une population au vainqueur, celui-ci s’est cru en droit de se les approprier, de leur imposer ses lois, sa religion, ses usages, son langage ; de refaire par la contrainte toute l’éducation, toute l’existence d’un peuple, et de le forcer jusque dans ce qu’il y a de plus sacré parmi les hommes, le sanctuaire inviolable de la conscience… De quoi s’agit-il en effet à Québec et à Montréal. Du vote de l’impôt, du droit commun, de la représentation de ces principes de nationalité que les émigrans français au nord de l’Amérique ont transportés avec eux, de même qu’Énée, selon la fable, emporta avec lui ses dieux, les mœurs d’Illion et ses pénates…

« Et comme pour donner au monde une marque visible de la nature de ce mouvement et de son accord avec le principe de vérité, les deux hommes que l’on voit à la tête sont un Français, Papineau, et un Irlandais, O’Callaghan, tous deux catholiques, tous deux réclamant la liberté religieuse, la liberté politique, les institutions et les lois sous lesquelles les sociétés auxquelles ils appartiennent se sont formées et développées. »

Si la révolte eût été sérieuse, le gouvernement des États-Unis eût été entraîné et plus tard peut-être celui de France, ce qui aurait été plus que suffisant pour assurer l’indépendance des deux Canadas. Mais comme les troubles qui venaient d’éclater, était plutôt le fruit d’une lutte politique prolongée, qu’une détermination formelle de rompre avec l’Angleterre, les chefs du mouvement ne s’étaient laissés entraîner qu’à la fin, et encore dans l’adresse des six comtés, si on faisait des menaces on parlait aussi de redressement de griefs. Cela est si vrai, que nuls préparatifs n’avaient été faits pour une insurrection. On n’avait ramassé ni armes, ni munitions, ni argent, ni rien de ce qui est nécessaire à la guerre. À St.-Denis, comme à St.-Charles, les trois quarts des hommes n’avaient pas de fusils, et l’attaque vint des troupes chargées d’appuyer des officiers civils et non pas d’eux. Néanmoins comme cela était d’un dangereux exemple, il fallait sévir sur le champ, car en pareil cas une colonie qui se révolte devient comme une nation étrangère qui déclare la guerre. La métropole entière s’arme contre elle. Dès le jour de l’ouverture des chambres impériales 16, janvier, lord John Russell annonça les mesures qu’il entendait prendre au sujet du Canada, et fit passer une adresse pour assurer la reine que le parlement était prêt à l’appuyer dans la suppression des troubles qui venaient d’y éclater, et le lendemain il présenta un bill pour en suspendre la constitution.

Ce bill suscita des débats qui se renouvelèrent dans les deux chambres pendant plusieurs jours ; mais une partie de l’opposition n’avait saisi l’occasion que pour faire la guerre au ministère, et non pour défendre les intérêts des Canadiens-français. C’étaient des récriminations entre les torys et les whigs, entre sir Robert Peel et lord John Russell, lord Howick, etc. M. Roebuck fut entendu devant les deux chambres, comme agent du Canada, et fit un discours de quatre heures, devant celle des communes, Mais son influence y était alors en baisse ; et d’ailleurs sa conduite n’était pas toujours prudente. Ainsi il avait assisté à une assemblée tenue à Londres, sous la présidence de M. Hume, après avoir déclaré que la possession du Canada n’était d’aucun avantage pour l’Angleterre, attendu qu’elle donnait un prétexte pour maintenir le monopole commercial, on invitait le peuple à rassembler dans tout le royaume, pour pétitionner le parlement et engager les ministres à renoncer à leurs mesures contre cette colonie. Agiter une pareille question pour un pareil motif à l’époque d’un mouvement insurrectionnel, c’était paraître l’encourager et augmenter les soupçons contre les Canadiens. Néanmoins lord Brougham, lord Glenelg, le duc de Wellington dans la chambre des lords ; lord John Russell, M. Warburton, M. Hume, M. Leader, M. Stanley, dans celle des communes, blâmèrent la conduite des ministres et leur attribuèrent les événemens qui étaient arrivés. Lord Brougham surtout fit un long et magnifique discours, dans lequel il recommanda la clémence envers les insurgés, et justifia le droit de révolte ; « Lorsqu’on blâme les Canadiens avec tant de véhémence, dit-il, qui leur a appris à se révolter, je le demande ? Où, dans quel pays, de quel peuple ont-ils pris la leçon ? Vous vous récriez contre leur révolte, quoique vous ayez pris leur argent contre leur consentement, et anéanti les droits que vous vous faisiez un mérite de leur avoir accordés. Vous énumérez leurs autres avantages ; ils ne payent pas de taxes ; ils reçoivent des secours considérables de ce pays ; ils jouissent de précieux avantages commerciaux que nous payons cher, et vous dites : toute la dispute vient de ce que nous avons pris vingt mille louis sans le consentement de leurs représentans ! Vingt mille louis sans leur consentement ! Certes, ce fut pour vingt shillings qu’Hempden résista, et acquis par sa résistance, un nom immortel, pour lequel les Plantagenets et les Guelfes auraient donné tout le sang qui coulait dans leurs veines ! Si résister à l’oppression, si s’élever contre un pouvoir usurpé et défendre ses libertés attaquées, est un crime, qui sont les plus grands criminels ? Qui sont-ils, si ce n’est nous-même peuple anglais ? C’est nous qui avons donné l’exemple à nos frères américains. Prenons garde de les blâmer trop durement pour l’avoir suivi !

« D’ailleurs vous punissez toute une province, parce qu’elle renferme quelques paroisses mécontentes ; vous châtiez même ceux qui vous ont aidés à étouffer la révolte. »

La minorité contre le bill des ministres dans les communes ne fut que de 7 ou 8, la moitié des membres étant absens. Cette opposition cependant fit restreindre les pouvoirs temporaires qu’on voulait donner au gouverneur et au conseil spécial auxquels on allait abandonner l’administration du Canada pendant la suspension de la constitution et la nouvelle enquête qu’on allait faire sur les lieux. Lord Durham qu’on avait choisi pour cette double mission, en homme adroit, pour disposer favorablement les Canadiens en sa faveur, fit un discours dans la chambre des lords dans lequel après avoir annoncé qu’il ferait respecter la suprématie de l’Angleterre jusque dans la chaumière la plus reculée, il ajoutait qu’il ne reconnaîtrait aucun parti, français, anglais ou canadien ; qu’il les regarderait tous du même œil, et qu’il désirait assurer à tous une égale justice et une égale protection.

Dans ces débats les ministres cachèrent leur but secret avec le plus grand soin, et montrèrent jusqu’à la fin une adresse inconcevable, qui en imposa à beaucoup de gens. Lord John Russell déclara que la couronne userait de sa prérogative pour autoriser lord Durham à faire élire dix personnes dans le Bas-Canada, vu qu’il était presqu’impossible de réunir l’ancienne chambre, et un pareil nombre dans le Haut, s’il le jugeait à propos, pour lui servir de conseil sur les affaires de la colonie, afin que la nouvelle constitution qu’on pourrait adopter ne parût pas provenir uniquement de l’autorité des ministres et du gouverneur, mais de personnes versées dans les affaires de la colonie et qui y eussent des intérêts. Lord Howick fit un long discours surtout en réponse à sir Robert Peel, dans lequel il affecta fort d’insister sur la nécessité de rendre justice aux Canadiens. Ainsi il disait : « Si je pensais que la grande masse de ce peuple fût entièrement sans amour pour ce pays, je dirais que la seule question que nous aurions à considérer, serait de voir comment une séparation finale pourrait s’effectuer sans sacrifier les intérêts des Anglais. Mais je ne pense pas que la masse des Canadiens soit hostile à l’Angleterre parceque leur alliance avec elle leur est plus nécessaire à eux qu’à nous ; que si c’est pour leurs lois et leurs usages particuliers qu’ils combattent, entourés qu’ils sont par une population de race différente, si la protection de l’Angleterre leur était retirée, ils auraient à subir un changement beaucoup plus violent, beaucoup plus subit, beaucoup plus général que celui qui aura lieu probablement. »

Il croyait que le nombre de ceux qui voulaient l’indépendance était peu considérable ; que l’on avait été conduit pas à pas là où l’on en était, chacun espérant amener ses adversaires à ce qu’il voulait. Il ne désespérait point de satisfaire les deux partis ; mais le système responsable était inconciliable avec les rapports qui devaient subsister entre une colonie et une métropole. Lord Howick répéta la même opinion et, comme tous les autres, évita avec soin de parler de l’union des deux Canadas.

Dans tous les débats qui eurent lieu, on observa la même réserve ; on ne voulut rien dire de ce que l’on avait intention de faire ; on se renfermait dans des termes généraux. Sir W. Molesworth désapprouvait la suspension de la constitution ; mais approuvait le choix de lord Durham. « Si la violation partielle de la constitution, ajoutait M. Grote, a déterminé les Canadiens à s’armer pour la défense de leurs droits, si lord Gosford a provoqué une révolte en adoptant quelques résolutions, quelle ne devrait pas être la conséquence d’une mesure qui suspendra la constitution et confisquera les libertés populaires ? » M. Warburton se déclarait pour l’émancipation. « L’Angleterre a aidé, disait-il, à préparer la liberté en Grèce, en Pologne, dans l’Amérique du sud, en Hanovre, pourquoi vouloir exclure de ce bienfait le peuple canadien ? »

Ces idées avancées ne faisaient pas sortir les ministres de leur silence. M. Ellice, qui n’était pas toujours dans leur secret, quoique leur ami, et qui n’avait pas, comme on sait, leur finesse, approuvait le choix de lord Durham, tout en recommandant de gouverner le Canada comme l’Irlande.

Les lords Brougham, Ellenborough et Mansfield protestèrent contre la suspension de la constitution, parce qu’elle était devenue inutile depuis la suppression de la révolte. Lord Ellenborough leur reprocha de vouloir unir les deux Canadas, et que c’était pour cela qu’ils insistaient sur cette suspension. Lord Glenelg, dévoilé par cette apostrophe subite, désavoua hautement une pareille intention, et déclara que le gouvernement voulait seulement modifier la constitution existante, parce que l’union ne pouvait se faire que du consentement des deux provinces. On croyait pouvoir en imposer d’autant plus facilement par ce langage que les ministres affectaient dans les débats de parler des Canadiens comme d’hommes ignorans et simples, faciles à tromper, malgré les troubles récens, qui prouvaient, cependant, qu’ils savaient du moins apprécier leurs droits.

Après beaucoup de petits désagrémens que l’opposition leur fit subir dans les deux chambres, et qui étaient dûs peut-être au langage mystérieux dans lequel ils s’enveloppaient en ne cessant point d’invoquer les noms de la liberté, de la justice, de la conciliation, et de s’appesantir sur les vices de la constitution canadienne, le parlement leur accorda enfin tous les pouvoirs essentiels qu’ils demandaient, et lord Durham fit ses préparatifs pour passer en Canada.

Lord Durham tout radical qu’il était en politique, aimait beaucoup le luxe et la pompe. Il avait représenté la cour de Londres avec splendeur pendant son ambassade à St.-Pétersbourg en 1833. Il voulut éclipser en Canada par un faste royal tous les gouverneurs qui l’avaient précédé. Le vaisseau de guerre qui devait l’amener, fut meublé avec magnificence. Il s’y embarqua avec une suite nombreuse de confidens, de secrétaires, d’aides de camp. Une musique fut mise à bord pour dissiper les ennuis de la traversée. Déjà un grand nombre de personnes attachées à sa mission s’était mis en route. On embarqua deux régimens des gardes et quelques hussards pour Québec. Enfin tout annonçait une magnificence inconnue dans l’Amérique du nord. On s’empara du parlement pour loger le somptueux vice-roi ; ce qui était d’un mauvais augure aux yeux des hommes superstitieux pour les libertés canadiennes ; c’était comme un vainqueur qui marchait sur les dépouilles de son ennemi abattu. Aussitôt que la constitution avait été suspendue par le parlement impérial, l’ordre avait été envoyé à sir John Colborne de former un conseil spécial pour expédier les affaires les plus pressantes. Ce conseil composé de 22 membres, dont 11 Canadiens, s’assembla dans le mois d’avril. La tranquillité était déjà tellement rétablie que l’on renvoyait partout dans leurs foyers les volontaires armés pendant les troubles.

Quand lord Durham arriva à Québec le 27 mai, tout était dans une paix profonde. Il débarqua le 29, au bruit de l’artillerie et au milieu d’une double haie de soldats, pour se rendre au château St.-Louis, où il fit son installation et prêta les sermens ordinaires. Il voulut signaler son avénement au pouvoir par un acte de grâce en faveur des détenus politiques ; mais lorsqu’il demanda les officiers de la couronne, aucun ne se trouva présent pour lui répondre. Contre l’usage les conseillers exécutifs ne furent point assermentés. Il adressa une proclamation au peuple en se servant du langage d’un homme qui se méprend complètement sur la manière avec laquelle on doit s’exprimer en Amérique, et qui veut en imposer par une affectation recherchée au peuple dont le sort est entre ses mains. « Ceux qui veulent sincèrement et consciencieusement la réforme et le perfectionnement d’institutions défectueuses, recevront de moi, disait-il, sans distinction de parti, de race ou de politique, l’appui et l’encouragement que leur patriotisme est en droit d’avoir ; mais les perturbateurs du repos public, les violateurs des lois, les ennemis de la couronne et de l’empire britannique trouveront en moi un adversaire inflexible. » Et plus loin en parlant du rétablissement de la constitution, il observait : « C’est de vous peuple de l’Amérique britannique, c’est de votre conduite et de l’étendue de votre coopération avec moi qu’il dépendra principalement que cet événement soit retardé ou immédiat. J’appelle donc, de votre part, les communications les plus franches, les moins réservées. Je vous prie de me considérer comme un ami et comme un arbitre, toujours prêt à écouter vos vœux, vos plaintes et vos griefs, et bien décidé d’agir avec la plus stricte impartialité… »

Or ce langage, comme on le verra, ne pouvait faire qu’en imposer au loin, car dans le pays même, il ne devait avoir aucune signification puisque tous les pouvoirs politiques étaient éteints, excepté ceux que lord Durham réunissait en sa personne. Cela était si vrai, qu’il renvoya immédiatement le conseil spécial de sir John Colborne, qui avait déjà passé trop d’ordonnances plus ou moins entachées de l’esprit du jour ; qu’il fit informer les membres du conseil exécutif, cette cause première de tous les troubles, qu’il n’aurait pas besoin de leurs services pour le présent ; et qu’il se nomma, pour la forme, un conseil exécutif et un conseil spécial composés de son secrétaire, M. Buller, de l’amiral Paget qui arrivait dans le port, du général Clitherow, du major général MacDonell, du colonel Charles Grey, et de diverses autres personnes de sa suite, de cinq des juges, de M. Daly, secrétaire provincial et de M. Routh, commissaire général, qu’il prit dans le pays, parce qu’il y fallait quelqu’un qui en connût quelque chose.

Il organisa ensuite diverses commissions, pour s’enquérir de l’administration des terres incultes, de l’émigration, des institutions municipales, de l’éducation. La seigneurie de Montréal, les bureaux d’hypothèques occupèrent aussi son attention. La seigneurie de Montréal lui fournit une occasion de neutraliser le clergé en lui prouvant qu’il ne lui en voulait pas à lui-même. Cette seigneurie appartenait au séminaire de St.-Sulpice, et le parti anglais cherchait depuis longtemps à la faire confisquer au profit de la couronne comme on avait déjà confisqué les biens des jésuites et des récollets. Lord Durham qui savait de quelle importance il était pour ses desseins de ne pas exciter les craintes de l’autel, saisit cette occasion pour lui prouver ses bonnes dispositions en accordant un titre inébranlable aux sulpiciens.

Cet acte était très sage et très politique. Il savait que depuis M. Plessis surtout, le clergé avait séparé la cause de la religion de celle de la politique, et que s’il rassurait l’autel, il pourrait faire ensuite tout ce qu’il voudrait sans que le clergé cessât de prêcher l’obéissance au pouvoir de la couronne quel qu’il fut. Lord Durham était trop éclairé pour négliger une pareille influence.

Une chose qui devait devenir extrêmement embarrassante pour son administration, extrêmement irritante pour le public, c’était le procès de ceux qui se trouvaient impliqués dans nos troubles récens. Les procès politiques sont toujours vus d’un mauvais œil par le peuple, et les gouvernemens n’en sortent presque jamais sans y laisser une partie de leur popularité et quelque fois de leur force. Lord Durham pensant qu’il ne pourrait obtenir de jurés qui voulussent condamner les accusés, à moins de les choisir parmi leurs adversaires politiques, résolut d’adopter une grande mesure pour terminer cette question malheureuse d’un seul coup et sans discussion ; cette mesure fut une amnistie générale, qu’il proclama le jour même fixé pour le couronnement de la reine Victoria. Il n’excepta que vingt-quatre prévenus, auxquels on laissa cependant la perspective de rentrer dans leurs foyers aussitôt que cela paraîtrait compatible avec la paix et la tranquillité publique, et les assassins d’un Canadien et d’un officier qui portait des dépêches dans le pays insurgé, qui avaient été tués au commencement des troubles. Ceux sur les vingt-quatre qui se trouvaient en prison, devaient être envoyés aux îles de la Bermude, et ceux qui se trouvaient à l’étranger devaient y rester jusqu’à ce qu’on pût permettre aux uns et aux autres de revenir dans le pays. Il ne pouvait adopter de moyen plus sage, ni plus humain pour sortir d’un grand embarras ; mais malheureusement en en exilant quelques uns aux îles de la Bermude sans procès, il violait les lois, et aussitôt que cet acte fut connu en Angleterre, il excita un grand bruit parmi ceux qui tiennent non sans raison aux formalités de la justice, ainsi que parmi les ennemis de ses prétentions dans son pays.

En Canada cette amnistie fut bien reçue, et comme lord Durham se tenait toujours dans l’ombre vis-à-vis des Canadiens sur les mesures qu’il entendait recommander à leur égard, ils aimaient à en tirer un bon augure et à se bercer d’espérances qu’entretenaient avec art les émissaires du nouveau vice-roi. Ainsi le Canadien du 8 juin contenait un article d’un employé du gouverneur, M. Derbyshire, contre l’union des deux Canadas en réponse aux journaux anglais de Montréal. Dans toutes les occasions on parlait des abus crians des administrations précédentes, de l’ignorance et de la vénalité des fonctionnaires, de la modération des représentans du peuple d’avoir enduré si longtemps un pareil état de choses. Mais tout cela n’était que pour attirer la confiance, comme la proclamation dont nous avons parlé plus haut, dans laquelle lord Durham invitait tout le monde à venir épancher dans son sein ses griefs et ses douleurs.

M. Wakefield fut député secrètement vers quelques-uns des meneurs canadiens. Il vit M. LaFontaine plusieurs fois à Montréal ; il chercha à le persuader des bonnes intentions du gouverneur, qui nonobstant les ordres contraires de lord Glenelg, scandalisé par un procès déshonorant intenté à ce serviteur zélé, avait persisté à le retenir à son service ; il était parti, disait-il, pour aller voir M. Papineau aux États-Unis, non comme envoyé de l’administration, mais comme ami de sir William Molesworth et de M. Leader aux noms desquels il le priait de lui donner une lettre pour le chef canadien, espérant voir résulter beaucoup de bien de cette entrevue. Il dit encore à M. Cartier, en passant à Burlington, que lord Durham, M. Buller et M. Turton étaient tous amis de ses compatriotes. Cet émissaire ne put voir cependant M. Papineau. À son retour il se trouva à des entrevues entre M. Buller et M. LaFontaine où l’on parla de l’ordonnance touchant les exilés et de la constitution. Plus tard, après le désaveu de l’ordonnance par les ministres, d’autres affidés cherchèrent à engager plusieurs Canadiens à convoquer des assemblées publiques en sa faveur sans succès.[1]

Tout cela se faisait autant que possible à l’insu du parti anglais, avec lequel on tenait un autre langage.

On trouve peu de faits plus honteux dans l’histoire, que la conduite de tous ces intrigans cherchant à tromper un peuple pour qu’il aille se précipiter de lui-même dans l’abîme. Après avoir cherché à surprendre la bonne foi des Canadiens sans succès, retournés en Angleterre, ils les calomnient pour appuyer le rapport que lord Durham faisait sur sa mission. Après avoir passé des heures et des jours entiers dans leur société, en se donnant pour leurs amis, ils déclarent publiquement,[2] dans les journaux de Londres, qu’ils avaient été trompés et aveuglés ; que les malheureux Canadiens ne méritent aucune sympathie, et qu’ils prennent cette voie pour les désabuser sur les sentimens de l’Angleterre à leur égard. Ceux qui les ont reçus avec bienveillance comme M. LaFontaine et quelques autres, sont dépréciés et peints comme des hommes d’une intelligence bornée, sans éducation, sans lumières, aveuglés par d’étroits préjugés. On rougit en exposant de pareilles bassesses.

Dans le même temps, des rapports intimes s’établissaient entre les Anglais de Montréal, qui marchaient à la tête de tous ceux du pays, et lord Durham. Il y avait bien quelque méfiance chez quelques uns d’eux ; mais les hommes les plus influens paraissaient saisis de la vraie pensée du chef du gouvernement, et l’appuyaient de tout leur pouvoir. Ils le reçurent avec les plus grands honneurs lorsqu’il passa par leur ville pour se rendre dans le Haut-Canada dans le mois de juillet. Dans cette tournée, Lord Durham rallia la majorité du Haut-Canada à son plan d’union après les explications qu’il donna aux chefs ; il fut reçu partout de manière à le satisfaire.

Mais il devait se hâter de jouir de ces honneurs, car bientôt des désagrémens plus sensibles pour lui que pour un autre, devaient appesantir dans ses mains le sceptre de sa vice royauté. Un mécontentement inexplicable était resté dans le parlement contre sa mission. Le secret dont on l’entourait au sujet des Canadiens, semblait causer de l’inquiétude et comme de la honte. Tout était décidé d’avance dans le secret de la pensée, et cependant on feignait d’agir comme si on ignorait complètement ce qu’on allait faire. La chambre des lords surtout était blessée de ce système de déception qui entraînait après lui des actes illégaux de clémence et des actes légaux de tyrannie, comme l’étaient l’amnistie et la constitution des deux conseils composés de serviteurs stipendiés et dépendans de la couronne. Lorsque l’ordonnance du conseil spécial qui graciait les accusés politiques ou les exilait à la Bermude, fut connue en Angleterre, elle fut aussitôt déclarée illégale et contraire à l’esprit de la législation anglaise. Lord Lyndhurst dit que jamais mesure plus despotique n’avait déshonoré les fastes d’un pays civilisé. Les ministres essayèrent de défendre leur gouverneur, et déclarèrent que ce langage était imprudent au plus haut degré ; que c’était trahir les intérêts du pays et les sacrifier aux intérêts de parti et à l’envie d’attaquer un individu. Lord Brougham, lord Ellenborough déclarèrent que le conseil formé par lord Durham n’était pas ce que la législature impériale avait eu en vue en autorisant la constitution d’un conseil spécial. On blâma encore l’emploi de M. Turton, qui avait subi une condamnation en Angleterre pour crime d’adultère. Lord Brougham introduisit un bill pour légaliser autant que possible l’ordonnance du conseil spécial, qui entraîna des débats dans lesquels le duc de Wellington se prononça contre la mesure de lord Durham. Les ministres se trouvaient dans le plus grand embarras. Lord Melbourne ne put s’empêcher d’avouer sa vive anxiété, vu les grands intérêts qui étaient en jeu et les conséquences qui pourraient résulter de ce qui allait être interprété d’une manière favorable pour les rebelles. Néanmoins l’ordonnance était illégale et il devait conseiller à sa Majesté de la désavouer.

La nouvelle de ce désaveu solennel arriva en Canada dans le moment même que lord Durham était entouré des gouverneurs et des députés de toutes les provinces anglaises de l’est, venus à Québec pour discuter avec lui des questions qui pouvaient concerner leurs peuples. Elle le blessa au cœur et l’humilia. Il résolut sur le champ de donner sa démission, et dès ce moment il prit moins de soin à cacher ce qu’il se proposait de recommander au sujet des Canadiens. Il parla avec plus d’abondance, et déclara aux députés qui l’entouraient, qu’il était sur le point de promulguer des lois propres à assurer protection à tous ces grands intérêts britanniques qu’on avait trop négligés jusque là. À Québec, à Toronto, les Anglais s’assemblèrent et passèrent des adresses pour exprimer leur regret des discussions prématurées du parlement impérial et du départ de Lord Durham, et leur pleine confiance dans ses talens et dans les mesures qu’il allait proposer pour régler toutes les difficultés. Ceux de Montréal allant plus loin, le prièrent de recommander l’union des deux Canadas. Un M. Thom, l’un des plus violens ennemis des Canadiens, que lord Durham avait d’abord voulu nommer à deux différens emplois dans le pays, et qu’il avait été forcé par l’opinion publique de placer dans les contrées sauvages du Nord-Ouest, voulait une confédération de toutes les provinces, parce qu’il y avait trop de républicains dans le Haut-Canada. Mais sa suggestion fut repoussée. Le discours qu’il prononça réveilla les craintes du Canadien. Ce journal qui avait jusque là soutenu l’administration, fut surpris de voir l’orateur favorisé de lord Durham déclarer que ses mesures montraient qu’il était déterminé à faire du Bas-Canada une province vraiment britannique.

Déjà les amis du parti anglais s’étaient assemblés à Londres et avaient fait parvenir aux ministres l’expression de leur pleine confiance dans la politique du chef du gouvernement canadien. L’association coloniale leur avait fait part de son côté ainsi qu’au duc de Wellington et à sir Robert Peel, de son vif regret de ce qui s’était passé dans le parlement ; et les négocians en rapport avec les deux Canadas avaient renouvelé leur demande de l’union. En même temps à Montréal et à Québec, on brûlait les lords Brougham, Glenelg et Melbourne en effigie, et les Canadiens de cette dernière ville s’assemblaient et passaient des résolutions pour repousser ces outrages et remercier lord Brougham et M. Leader de la part qu’ils prenaient à la défense de leurs droits dans le parlement impérial. Partout cependant le parti anglais à Londres, à Québec, à Montréal, faisait voir, par la spontanéité de ses mouvemens et la concordance de ses vues, qu’il était sûr maintenant de celles de lord Durham et que les Canadiens allaient enfin leur être sacrifiés. Pendant que le gouverneur du Haut-Canada était encore à Québec, où il était venu comme les gouverneurs de l’est, pour s’entendre sur les affaires de sa province, lord Durham annonça sa retraite au peuple dans une longue proclamation, où tout en blâmant le mystère qui avait enveloppé jusqu’ici la marche des affaires les plus importantes aux habitans des colonies, il commettait lui-même la même faute en cachant soigneusement ce qu’il allait recommander à la métropole à leur égard et en se tenant dans des termes généraux sans définition précise. Néanmoins il en dit encore plus qu’il n’avait fait jusque là, et annonça qu’il cherchait à donner au Bas-Canada un caractère tout-à-fait anglais, à lui donner au gouvernement libre et responsable, à noyer les misérables jalousies d’une petite société et les odieuses animosités d’origines dans les sentimens plus élevés d’une nationalité plus noble et plus vaste. Cela était peu rassurant pour les Canadiens pour lesquels les mots de liberté, de sentimens élevés, de nationalité plus noble et plus vaste voulaient dire anéantissement de leur langue, de leurs lois et de leur race ou ne voulait rien dire du tout, car les troubles avaient été précisément causés par le refus absolu de toutes ces choses par la métropole.

Lord Durham se plaignait ensuite que sa conduite avait été exposée à une critique incessante dans le parlement impérial, dans un esprit qui annonçait une ignorance complète de l’état du pays. Le même jour il répétait ce qu’il disait dans sa proclamation dans la réponse qu’il faisait aux Anglais de Québec : « Je ne retourne pas en Angleterre par aucun sentiment de dégoût pour le traitement que j’ai personnellement éprouvé dans la chambre des Lords. Si j’avais pu être influencé par de pareils motifs, je me serais rembarqué dans le vaisseau même qui m’avait amené ici ; car le système de persécution parlementaire auquel je fais allusion, commença du moment que je laissai les rives d’Angleterre.

« Je m’en retourne pour les raisons suivantes et ces raisons seulement. Les procédés de la chambre des Lords, auxquels le ministère a acquiescé, ont privé le gouvernement de cette province de toute considération, de toute force morale. Ils l’ont réduit à un état de nullité exécutive, et l’ont assujetti à une branche de la législature impériale… En réalité et en effet, le gouvernement du Canada est administré maintenant par deux ou trois pairs de leurs siéges en parlement…

« Dans ce nouvel état de choses, dans cette anomalie, il ne serait ni de votre avantage, ni du mien que je restasse ici. En parlement, je puis défendre vos droits et vos vœux, et exposer ce qu’il y a d’impolitique et de cruel dans des procédés qui, en même temps qu’ils ne sont que trop attribuables à l’animosité personnelle et à l’esprit de parti, sont accompagnés d’un danger imminent pour le bien être de ces importantes colonies et la permanence de leur alliance avec l’empire. »

Il s’embarqua pour l’Europe avec sa famille le 1 novembre, en laissant les rênes du gouvernement entre les mains de sir John Colborne, et en disant aux imprimeurs anglais : « Je déplore que votre exemple patriotique n’ait pas été suivi par d’autres, (les imprimeurs canadiens)… Engagés dans la tâche coupable de fomenter d’anciens abus et d’anciens préjugés, et d’enflammer des inimitiés nationales, ils paraissent oublier la ruine et le malheur certains auxquels ils exposent une population crédule et malheureusement trop disposée à prêter l’oreille à leurs conseils insidieux. S’ils réussissent à produire ce déplorable résultat, c’est sur eux qu’on reposera la terrible responsabilité et ils mériteront les plus durs châtimens. »

Pendant que ce langage mettait en défiance de plus en plus les mécontens, les réfugiés aux États-Unis et les Américains qui sympathisaient avec eux, et qui répandus sur la frontière du Haut et du Bas-Canada, passèrent l’été en allées et venues, en profitèrent pour organiser une invasion et un nouveau soulèvement dans les deux provinces à la fois. Ils tinrent des assemblées à Washington, à Philadelphie et ailleurs, où parut le Dr. Robert Nelson, le frère de celui qui commandait les insurgés à St.-Denis, pour exciter la sympathie des Américains et obtenir des secours. Ils se réunirent à New-York, à Albany et dans quelques villes des frontières et réussirent à entraîner en multipliant les mensonges quelques Canadiens du district de Montréal. Dès avant le départ de Lord Durham, l’exécutif était informé que dans la ville seule de Montréal plus de 3000 hommes s’étaient liés par des sermens secrets à prendre les armes ;[3] c’était une grande exagération, mais ce rapport n’était pas complètement inexact, car au commencement de novembre, des soulèvemens partiels eurent lieu sur plusieurs points de la rivière Richelieu, à Beauharnais, à Terrebonne, à Chateauguay, à Rouville, à Varennes, à Contrecœur, et dans quelques autres paroisses, tandis qu’un corps d’Américains et de réfugiés pénétrait en Canada sous les ordres du Dr. Nelson et prenait possession du village de Napierville. Sir John Colborne qui s’y attendait, assembla aussitôt le conseil spécial, proclama la loi martiale, arma les volontaires, fit arrêter toutes les personnes suspectes, puis marcha avec 7 à 8 mille hommes, soldats, miliciens et Sauvages venant de différens points, sur le pays insurgé où tout était déjà rentré dans l’ordre quand il y arriva.

Les hommes qui devaient prendre part au soulèvement n’ayant point de fusils ni de munitions, s’étaient armés de piques et de bâtons. Plusieurs s’étaient dirigés, un sac seulement sur le dos, vers les points où on leur avait dit qu’ils trouveraient tout ce qui leur fallait ; mais n’y trouvant rien, ils étaient presque tous rentrés dans leurs foyers ou retournés aux États-Unis d’où ils venaient, de sorte qu’au bout de quelques jours tout était rentré dans l’ordre avec à peine la perte de quelques hommes.

Sir John Colborne n’eut qu’à promener la torche de l’incendie. Sans plus d’égard pour l’innocent que pour le coupable, il brûla tout et ne laissa que des ruines et des cendres sur son passage.

Dans le Haut-Canada les Américains et les réfugiés de cette province qui s’étaient joints à eux, débarquèrent à Prescott, et prirent possession d’un moulin où ils furent obligés de se rendre au bout de quelque temps aux forces considérables qui les cernèrent. D’autres inquiétèrent la frontière tout l’hiver, attaquèrent Windsor, le Détroit et quelques autres points, mais n’exécutèrent rien de sérieux.

L’oligarchie qui avait été furieuse l’année précédente de ce qu’on ne s’était pas servi de l’échafaud pour punir les rebelles, ne voulait pas être trompée cette année. Elle voulait du sang. Elle voulait aussi faire un grand effet en Angleterre. Elle s’était fait armer avec la police dans les villes ; elle avait fait saisir toutes les armes qu’il y avait chez les armuriers. Elle fit suspendre trois juges canadiens dont deux à Québec, parce qu’ils ne voulaient pas violer la loi de l’habeas-corpus. Elle fit retrancher un grand nombre de Canadiens de la magistrature. « Pour avoir la paix, s’écriait le Herald, il faut que nous fassions une solitude ; il faut balayer les Canadiens de la face de la terre… Dimanche au soir tout le pays en arrière de Laprairie présentait l’affreux spectacle d’une vaste nappe de flammes livides, et l’on rapporte que pas une seule maison rebelle n’a été laissée débout. Dieu sait ce que vont devenir les Canadiens qui n’ont pas péri, leurs femmes et leurs familles pendant l’hiver qui approche, puisqu’ils n’ont devant les yeux que les horreurs de la faim et du froid. Il est triste, ajoutait ce journal hypocrite qui était dans la joie du sang, il est triste de réfléchir sur les terribles conséquences de la rébellion, de la ruine irréparable d’un si grand nombre d’êtres humains qu’ils soient innocens ou coupables. Néanmoins il faut que la suprématie des lois soit maintenue et inviolable, que l’intégrité de l’empire soit respectée et que la paix et la prospérité soient assurées aux Anglais même aux dépens de la nation canadienne entière. » Jamais Marat ne s’est servi d’un langage plus atroce.

Sir John Colborne revenu de sa courte campagne, organisa sans délai des conseils de guerre, et fit commencer devant les officiers de l’armée le procès des prisonniers qu’il ramenait et des accusés qui remplissaient les prisons. Lui qui détestait les Canadiens, il ne serait pas arrêté cette fois par Lord Gosford. Tous les Canadiens notables de Montréal et des campagnes, coupables ou non, avaient été arrêtés, un grand nombre sous accusation de haute trahison. À Québec, aux Trois Rivières où tout était parfaitement tranquille, les arrestations ne cessaient point non plus. Pendant ce temps là les cours martiales se hâtaient d’achever leur tâche, en procédant avec toute la rapidité possible. Elles condamnèrent quatre-vingt-neuf accusés à mort et quarante-sept à la déportation dans les îles de l’Océanie, et confisquèrent tous leurs biens. Le Herald était radieux. « Nous avons vu, disait-il, le 19 novembre, la nouvelle potence faite par M. Bronsdon, et nous croyons qu’elle va être élevée aujourd’hui au devant de la nouvelle prison, de sorte que les rebelles pourront jouir d’une perspective qui ne manquera pas sans doute d’avoir l’effet de produire un sommeil profond et des songes agréables. Six ou sept pourront s’y trouver à l’aise ; mais on peut y en mettre davantage dans un cas pressé. »

Treize condamnés périrent sur l’échafaud aux applaudissemens de leurs ennemis accourus pour prendre part à un spectacle qui passait à leurs yeux pour un triomphe. Tous subirent leur sort avec fermeté. On ne peut lire sans être ému les dernières lettres de l’un d’eux, M. Chevalier de Lorimier, à son épouse, à ses parens, à ses amis, dans lesquelles il proteste de la sincérité de ses convictions ; et il signa avant de marcher au supplice une déclaration de ses principes, qui témoigne de sa bonne foi et qui prouve le danger qu’il y a de répandre des doctrines qui peuvent entraîner des conséquences aussi désastreuses.

Lorsque l’échafaud eut satisfait dans le Bas-Canada comme dans le Haut, où se passait une partie des scènes du Bas, la vengeance du vainqueur, on tourna les yeux vers l’Angleterre pour voir comment elle allait prendre les derniers événemens, et recevoir Lord Durham et ses suggestions pour la pacification du pays. Déjà le duc de Wellington avait jugé du dernier soulèvement et blâmé, par ce jugement là même, la cruauté du pouvoir, dans les débats sur l’adresse en réponse au discours que la reine avait prononcé en ouvrant le parlement au commencement de 1839. « L’insurrection du Canada n’a été, dit-il, qu’une insurrection frivole et limitée à un coin du pays ; mais elle a été accompagnée d’invasions et d’agressions contre les personnes et contre les propriétés des sujets de sa Majesté sur toutes les parties de la frontière des États-Unis par des habitans des États-Unis. » Déjà M. Roebuck avait publié plusieurs lettres dans les journaux de Londres pour blâmer la conduite de Lord Durham, qui, en sa qualité de chef du parti radical, n’allait pas manquer cependant d’amis dans la presse pour prendre sa défense. Il s’était entouré depuis longtemps de partisans et de créatures qui vantaient en toute occasion son patriotisme et ses talens. Ils se mirent tous à louer son énergie dans sa mission et le rapport qu’il venait de présenter au gouvernement. Tous leurs coups se dirigèrent naturellement contre les Canadiens.

Ce rapport excessivement long, mais écrit avec beaucoup d’art et de soin, était un plaidoyer spécieux en faveur de l’anglification, tout en donnant gain de cause aux principes que la chambre d’assemblée avait de tout temps défendus. Le séjour qu’il avait fait parmi les Canadiens avait complètement changé ses idées, disait Lord Durham, sur l’influence relative des causes auxquelles on devait attribuer les maux existans. Il s’attendait à trouver une lutte entre un gouvernement et un peuple, et il avait trouvé deux nations se faisant la guerre au sein d’un seul état ; non une guerre de principes mais une guerre de race ; l’une éclairée, active, entreprenante ; l’autre ignorante, inerte, et soumise aveuglément à des chefs que conduisaient d’étroits préjugés ; celle-ci composée de torys déguisés qui cherchaient à cacher leur hostilité à l’émigration anglaise sous l’apparence d’une guerre de principes contre le gouvernement ; l’autre de vrais démocrates, d’hommes vraiment indépendans ; les deux enfin toujours en présence, mais séparés en deux camps qui ne se mêlaient jamais. « Tel est, ajoutait-il, l’état lamentable et hasardeux des choses produit par le conflit de race qui divise depuis si longtemps le Bas-Canada, et qui a pris le caractère formidable et irréconciliable que je viens de dépeindre. »

Après s’être étendu longuement sur cette division, sur ses causes et sur ses effets, il passe au remède pour y mettre fin. « Il y a deux modes, dit-il, de traiter un pays conquis. Le premier est de respecter les droits et la nationalité des possesseurs du territoire, de reconnaître les lois existantes et de conserver les institutions établies, de ne donner aucun encouragement à l’émigration du peuple conquérant, et sans entreprendre de changemens dans les élémens de la société, d’incorporer simplement la province sous l’autorité générale du gouvernement central. Le second est de traiter le pays conquis comme s’il était ouvert aux vainqueurs, d’encourager leur émigration, de regarder les anciens habitans comme entièrement subordonnés et de s’efforcer aussi promptement que possible d’assimiler leur caractère et leurs institutions à ceux de la grande masse de l’empire. » Dans un vieux pays on doit suivre le premier ; dans un nouveau, le second.

Malheureusement la révolution américaine avait empêché l’Angleterre de suivre celui-ci en Canada, où la nationalité des habitants avait été conservée comme moyen d’une séparation perpétuelle, et complète avec leurs voisins.[4] Aujourd’hui que les choses sont changées et qu’on n’a plus besoin d’eux, l’on peut revenir au premier. Tel est le raisonnement non pas écrit, mais impliqué du représentant de l’Angleterre à notre égard dans le rapport qu’il fait à l’Angleterre.

Quant à la véritable cause de dissensions entre le gouvernement et la chambre d’assemblée, il justifie complètement celle-ci, en attribuant le refus d’une liste civile à sa détermination de ne pas renoncer au seul moyen de soumettre les fonctionnaires du gouvernement à quelque responsabilité. « C’était une vaine illusion, dit-il, de s’imaginer que de simples restrictions dans la constitution ou un système exclusif de gouvernement, induiraient un corps fort de la conscience qu’il avait avec lui l’opinion de la majorité à regarder certaines parties du revenu public comme hors de son contrôle, et à se restreindre à la simple fonction de faire des lois en restant spectateur passif ou indifférent pendant qu’on exécuterait ou qu’on éluderait ces lois et que des hommes dont les intentions ou la capacité desquels il n’avait pas la plus légère confiance conduiraient les affaires du pays. L’assemblée pouvait passer ou rejeter des lois, accorder ou refuser les subsides, mais elle n’avait aucune influence sur la nomination d’un seul serviteur de la couronne. Le conseil exécutif, les officiers judiciaires, tous les chefs de département étaient nommés sans aucun égard pour les vœux du peuple ou de ses représentans, et il ne manquait pas même d’exemples que la simple hostilité à la chambre d’assemblée fit élever les personnes les plus incompétentes aux postes l’honneur et de confiance. » C’était ainsi que les gouverneurs venaient en lutte avec les représentans, que ses conseillers regardaient comme leurs ennemis. Du reste l’entière séparation des pouvoirs législatif et exécutif est l’erreur naturelle des gouvernemens qui veulent s’affranchir du contrôle des institutions représentatives. « Depuis le commencement donc, continuait-il, jusqu’à la fin des querelles qui signalent toute l’histoire parlementaire du Bas-Canada, je regarde la conduite de l’assemblée comme une guerre constante avec l’exécutif pour obtenir les pouvoirs inhérens à un corps représentatif d’après la nature même du gouvernement représentatif. »

Lord Durham ne pouvait justifier en termes plus forts la conduite de la chambre d’assemblée, et cependant après l’avoir justifiée il s’appuie de cette même conduite pour recommander l’union des deux Canadas, parce que le seul pouvoir qui puisse arrêter d’abord la désaffection actuelle et effacer plus tard les Canadiens-français, c’est celui d’une majorité loyale et anglaise.

Il serait bien pour l’union de toutes les provinces de l’Amérique du Nord ; mais cette union nécessiterait une centralisation qui répugne à l’esprit des populations du Nouveau-Monde. D’ailleurs il faudrait pour satisfaire ces populations, conserver les assemblées provinciales avec des pouvoirs municipaux seulement, ou encore mieux des assemblées de districts ou d’arrondissemens plus petits. Il recommanderait bien sans hésiter l’union législative de toutes ces provinces s’il s’élevait des difficultés dans les provinces inférieures, ou si le temps permettait de les consulter avant de régler la question des deux Canadas ; mais si elles se remuent plus tard on pourra les noyer dans une union qui les mettra en minorité. En attendant il recommande l’union des deux Canadas seuls, en donnant à chacun le même nombre de membres, des municipalités électives pour les affaires locales, un conseil législatif mieux composé, un bon système d’administration pour les terres, l’abandon de tous les revenus de la couronne moins celui des terres à la législature pour une liste civile suffisante, la responsabilité de tous les officiers du gouvernement à la législature excepté le gouverneur et son secrétaire, l’indépendance des juges, et enfin des ministres responsables placés à la tête des différens départemens de l’exécutif et tenus de commander la majorité dans les chambres.

Tel est le plan auquel Lord Durham s’est arrêté, et qu’il soumet à la métropole comme le plus propre entre tous ceux qu’on lui a suggérés pour rétablir l’ordre, l’harmonie et la paix. Il y en a qui voulait frapper les Canadiens en masse d’ostracisme, et les priver comme Français du droit de vote et d’éligibilité. D’autres proposaient une union législative des deux Canadas ou de toutes les provinces avec une seule législature, en diminuant le nombre des membres canadiens à un chiffre nominal. D’autres encore proposaient une union fédérale. Lord Durham dit qu’à son arrivée à Québec il penchait fortement en faveur de ce dernier plan, et que ce fut avec ce projet en vue qu’il discuta une mesure qui embrassait toutes les colonies avec les députations des provinces inférieures, avec les corps publics et avec les hommes marquans du Canada, qu’il avait mandés à Québec ; que tout en conciliant les Français du Bas-Canada en leur laissant le gouvernement de leur propre province et leur propre législation intérieure, il aurait assuré la protection des intérêts britanniques au moyen du gouvernement général, et la transition graduelle de toutes les provinces en une seule société homogène ; mais qu’après quelque séjour dans le pays et la consultation du parti anglais il avait été obligé de changer d’opinion et de croire que l’époque de l’anglification graduelle était passée.

Ses recommandations furent adoptées par les ministres. L’association coloniale de Londres n’était pas satisfaite cependant du sacrifice des Canadiens. Elle voulait les priver de tout droit politique en leur ôtant jusqu’à celui de voter aux élections, et s’opposait au système responsable. Mais Lord Durham et les ministres repoussèrent ces prétentions, et Lord Melbourne présenta au parlement le 4 mai 1839, un message de la reine pour recommander l’union. Cette mesure fut retardée par la résignation du ministère à l’occasion d’une loi qui concernait la Jamaïque, au sujet de laquelle il s’était trouvé dans une majorité si faible qu’il n’osa plus compter sur l’appui des chambres. Néanmoins les difficultés s’arrangèrent ; lord John Russell resta au pouvoir, et après quelque discussion dans le mois de juin, il introduisit enfin son bill pour unir les deux Canadas ; après sa deuxième lecture et l’adhésion de sir Robert Peel et de M. Hume, ce bill fut ajourné à la session suivante, afin d’avoir le temps d’aplanir dans l’intervalle certaines difficultés qui se présentaient. L’existence du conseil spécial fut prolongée, et M. Poulett Thomson, membre des communes et réformateur radical, fut envoyé comme gouverneur à Québec pour les faire disparaître. Il arriva dans cette ville dans le mois d’octobre, et partit presqu’immédiatement pour Montréal et le Haut-Canada. Il entra à Toronto à la fin de novembre, et ouvrit les chambres le 3 du mois suivant. Sa mission principale était de leur faire adopter les bases du rapport de Lord Durham, qui ne s’accordaient pas avec les résolutions de l’assemblée de cette province, qui portaient que le siége du gouvernement serait dans le Haut-Canada, que les trois comtés inférieurs du district de Québec seraient annexés au Nouveau-Brunswick, que les représentans du Bas-Canada seraient moins nombreux que ceux du Haut, qu’après 1845, les comtés en seigneuries ne fussent plus représentés au parlement, que la langue française fut abolie, et que la dette du Haut-Canada, qui dépassait un million, fut payée par les deux provinces réunies, le Bas-Canada n’ayant pas de dette, et de se procurer des informations sur lesquelles les ministres pussent soumettre au parlement une mesure plus parfaite que le bill présenté aux communes. Il devait les convaincre que les ministres étaient eux-mêmes persuadés de l’opportunité de leur projet, et dissoudre l’assemblée si elle ne recevait pas ses ouvertures dans un esprit convenable ; faire rapport des collèges électoraux, et nommer, s’il le jugeait à propos, un certain nombre de personnes influentes pour préparer les conditions de l’union.[5]

Dans une dépêche subséquente, Lord John Russell argumentant contre le principe du système responsable dans les colonies, citait quelques faits survenus dans le Bas-Canada, où s’était élevée d’abord la demande d’un pareil système, et représentait M. Papineau et la majorité de la chambre comme des rebelles. Les chambres furent saisies de la question dès le commencement de la session. Les débats se prolongèrent, mais le gouvernement l’emporta à la fin, et la mesure fut approuvée dans la forme à peu près que l’Angleterre désirait. Il est inutile de dire que le conseil spécial du Bas-Canada, nommé par la couronne, l’approuva dans tout son esprit. Trois membres seulement votèrent contre, MM. Neilson, Cuthbert et Quesnel.[6] Quant aux Canadiens qu’on ne consulta pas, ils protestèrent dans le district de Québec et des Trois-Rivières avec tout le clergé catholique. 40,000 signatures couvrirent les pétitions de ces deux districts au parlement impérial, contre lesquelles le gouverneur mit Lord John Russel en garde, en lui mandant que le nombre des signatures n’était pas si considérable qu’on s’y attendait ; que l’assemblée des Anglais qui avait eu lieu à Québec en faveur de l’union exprimait les sentimens de la très grande majorité de la population fidèle à l’Angleterre ; que le clergé se méprenait sur cette mesure, et qu’il désirait au fond la continuation du conseil spécial quoiqu’il demandât le rétablissement de la constitution de 91.

L’approbation donnée par les chambres du Haut-Canada et le conseil spécial du Bas, rassura pleinement le ministère, qui poussa sa mesure avec toute la vitesse possible. Les communes l’adoptèrent presque sans débat, M. Hume votant pour et M. O’connell contre. La langue anglaise fut reconnue comme seule langue parlementaire. La mesure éprouva plus d’opposition dans la chambre des Lords, où lord Gosford, le duc de Wellington, et plusieurs autres membres votèrent contre et protestèrent, lord Ellenborough parce que le bill était fondé sur une double erreur, celle d’une défiance indue contre la population française et celle d’une confiance indue dans toute la population d’origine britannique ; parce que les changemens apportés à la représentation du Bas-Canada étaient injustes dans leur caractère, ayant pour objet d’augmenter indirectement encore plus la disproportion entre la représentation de la population anglaise et celle de la population française… ; parce que si l’on voulait priver les Canadiens-français d’un gouvernement représentatif, il valait mieux le faire d’une manière ouverte et franche, que de chercher à établir un système permanent de gouvernement sur une base que le monde entier s’accorderait à qualifier de fraude électorale. Ce n’était pas dans l’Amérique du Nord qu’on pouvait en imposer aux hommes par un faux semblant de gouvernement représentatif, ou leur faire accroire qu’ils n’étaient qu’en minorité de votes lorsqu’ils étaient de fait défrancisés ; parceque l’union entre les deux provinces était imposée à l’une par défiance contre sa loyauté, sans son consentement et à des conditions qu’elle devait juger injustes, et acceptée par l’autre en considération d’avantages fiscaux et de l’ascendance législative.

Lord Melbourne insista sur la nécessité d’apaiser l’esprit de mécontentement qui avait éclaté dans les deux Canadas ; il fit observer que c’étaient de pareils mécontentemens qui avaient amené autrefois l’indépendance des États-Unis, événement qui ne serait pas arrivé s’ils avaient été mieux liés à la métropole. Les divisions intestines avaient été la principale cause qui avait fait perdre à l’Angleterre en 1450, le beau territoire qu’elle possédait en France et qu’elle tenait de ses princes normands, et dans le dernier siècle ses anciennes colonies. Le duc de Wellington lui répondit qu’il ne fallait pas tant se presser ; qu’il fallait attendre de meilleures informations ; qu’il fallait attendre que le peuple eût repris ses sens, dans une province après une insurrection, dans l’autre après une rébellion, et que dans les États-Unis il y eût moins de disposition à encourager l’une et l’autre. Il fallait réfléchir avant de former une législature de trois ou quatre différentes nations et de gens d’une douzaine de religions. Il se plaignit de la manière avec laquelle on avait obtenu le consentement du Haut-Canada. On s’était assuré du concours du parti tory en publiant la dépêche de Lord John Russell au sujet des emplois, et de l’appui du parti républicain en supprimant une autre de ses dépêches qui aurait déplu aux partisans du gouvernement responsable. Lord Brougham était convaincu que lorsque le Canada se séparerait de l’Angleterre, ce qui devait arriver tôt ou tard, ce serait par suite de la manière avec laquelle la mesure de l’union était emportée, et cette séparation se ferait dans des circonstances d’autant plus regrettables que les deux partis se quitteraient ennemis.

Lord Gosford se leva ensuite ; son langage devait avoir d’autant plus de poids qu’il avait résidé dans le pays, qu’il en avait eu l’administration entre les mains et qu’il en connaissait les partis, les sentimens et les tendances. « Je regarde, dit-il, l’union comme une expérience très dangereuse, et comme une mesure injuste et arbitraire en elle-même. Si, comme je le crois, ceux qui l’appuyent le font parce qu’ils sont convaincus que la population française est en état de résistance organisée au régime britannique, jamais ils ne furent dans une plus grande erreur. Pour ma part, je ne crois pas que dans aucune de nos colonies, sa Majesté ait un peuple qui, par inclination autant que par intérêt, ait plus de désir de rester sur un pied d’amitié et d’alliance avec l’Angleterre. Je n’ignore pas les fausses représentations que l’on a répandues avec trop d’activité dans ce pays, mais je ne crains pas de déclarer, malgré tout ce que l’on peut prétendre au contraire, que ce que je dis ici est fondé sur la vérité et peut-être pleinement prouvé. On a beaucoup parlé de ce qu’on appelle la révolte récente ; ce sont là des mots qui sonnent bien haut, et qui sont fort utiles aux intérêts de ceux qui leur donnent cours. Mais si je suis disposé à réprouver toute espèce de soulèvement et de troubles, je dois également reconnaître qu’il n’est que juste de regarder de plus près au véritable état des choses avant de stigmatiser les événemens qui ont eu lieu en termes qui doivent produire des préjugés très forts et très funestes contre ceux contre qui on les dirige. La partie du Bas-Canada agitée par les troubles, n’embrassa jamais qu’une petite section du district de Montréal sur la rivière Richelieu. Maintenant quel était son état politique avant les troubles ? Elle était déchirée par les divisions les plus violentes et les plus haineuses, fruit d’élections contestées avec acharnement ; l’esprit de parti, comme c’est le cas en semblables circonstances, était monté au plus haut degré d’exaspération, et contribua beaucoup à ce qui est arrivé. À l’appui de mon assertion, je puis citer un fait très concluant. Le seul endroit au nord du St.-Laurent où il y ait eu des troubles, est le comté des Deux-Montagnes. Eh bien ! ce comté se trouvait justement sous le rapport de la violence des luttes électorales dans le même cas que les environs de la rivière Richelieu. Il y a, et il y a eu une certaine partie de la population anglaise, principalement à Montréal et dans les environs, à laquelle tous les hommes libéraux et indépendans ne peuvent qu’être hostiles, et dont les actes et la conduite ont été caractérisés par un esprit de domination au préjudice de toute la population d’origine française ; elle a toujours aspiré à posséder la domination et le patronage du pays. C’est à elle qu’il faut principalement attribuer les troubles et les animosités qui viennent d’avoir lieu. À l’appui de ce que j’avance, je n’ai qu’à rappeler à vos seigneuries une de ses premières démarches peu de temps après mon arrivée en Canada. À une assemblée qu’elle avait convoquée, il fut résolu de lever un corps militaire sous le nom de British Rifle Legion, ou quelque nom semblable, et une de ses règles était que les membres de ce corps éliraient leurs officiers. Je pris la première occasion de faire, d’une manière amicale, des remontrances contre un pareil procédé ; mais ce fut en vain. Je fus obligé de les abattre par une proclamation, après m’être assuré, en consultant les hommes de loi de la couronne, que leur conduite était illégale et inconstitutionnelle. Une section intéressée et violente du parti mercantile voulait en persévérant dans ses fausses représentations, faire appuyer ses desseins par ses amis en Angleterre ; et ce sont ces fausses représentations, ainsi répandues, qui ont amené les maux qui sont malheureusement arrivés. Tant qu’on encouragera ce parti ou qu’on l’appuyera en aucune façon, la méfiance et le mécontentement régneront. Je suis heureux cependant de pouvoir dire que ces remarques ne s’appliquent qu’à une petite portion de la population britannique, fixée principalement aux environs de Montréal, et à quelques partisans à Québec. Bien des Anglais ont souvent, et dans les termes les plus énergiques, réprouvé la violence de ceux dont je parle. Il est aussi un fait curieux, c’est que lorsque les troubles éclatèrent aucune des populaces, car je puis presque les appeler ainsi, qui y ont pris part, n’était commandée par des Canadiens-français. À St.-Denis, c’était un Anglais, M. Wolfred Nelson ; à St.-Charles, un M. Brown, moitié Anglais, moitié citoyen américain ; à St.-Benoît, un Suisse, qui agissaient comme chefs. Les troubles, comme je l’ai déjà dit, éclatèrent dans une partie seulement du district de Montréal. Dans le reste de ce district, dans les quatre autres districts du Bas-Canada, Gaspé, St.-François, Québec et les Trois-Rivières, tout demeura tranquille, et les autorités civiles y conservèrent toute leur force. Les troubles furent complètement supprimés dans l’espace de trois semaines ; il me fut envoyé des adresses de toutes parts pour réprouver la conduite et la violence de quelques hommes égarés, poussés par des gens mal intentionnés et désespérés, et pour me déclarer leur détermination d’appuyer le gouvernement. La paix et la tranquilité étaient rétablies dans toute la province du Bas-Canada avant mon départ. Mais cela ne faisait pas le compte du parti qui voulait écraser la population française.

« Convaincu de l’exactitude de ce que je dis, je ne puis m’empêcher de regarder l’union des deux provinces que comme un acte des plus injustes et des plus tyranniques, proposé pour priver la province inférieure de sa constitution, sous prétexte d’actes de quelques hommes mal intentionnés, et la livrer, en noyant la population française, à ceux qui, sans cause, lui ont montré tant de haine ; car ce bill doit la noyer. Vous donnez à 3 ou 400,000 habitans la même représentation qu’au Bas-Canada, qui a une population d’au moins 700,000 ; et ensuite vous imposez la dette de la province supérieure, qui est, dit-on, d’un million, à une province qui n’a presque aucune dette. Peut-il y avoir rien de plus arbitraire et de plus déraisonnable ? En vérité, la légalité d’un tel procédé peut être mise en question ; car, j’apprends qu’aucune partie de la dette contractée par la province supérieure n’a été sanctionnée par le gouvernement de ce pays, je dois déclarer de nouveau que ma conviction est que tout cela vient d’une intrigue mercantile.[7] Je dis que la population française désire vivre sous la protection et dans l’alliance anglaise, et que la très grande majorité des habitans des deux Canadas est opposée à l’union… Je ne puis donc consentir à une mesure fondée, comme je le crois consciencieusement, sur de fausses informations et sur l’injustice. Tant que je vivrai, j’espère que je ne donnerai jamais ma sanction à une mesure semblable à celle qui est sous la considération de vos seigneuries. J’ai dit ce que je crois fermement être la vérité, et ce qui pourrait être appuyée du témoignage de tout esprit calme dans les Canadas. »

Nous donnons une grande partie du discours de ce gouverneur pour faire mieux apprécier la politique du bureau colonial.

L’aristocratie anglaise ne vota pour la mesure qu’à contrecœur, parce que le parti mercantile, qui a eu une grande influence dans tous les temps sur la politique des colonies le demandait. Le Haut-Canada devait un million à la maison Baring et se trouvait à la veille d’être incapable de faire face à ses engagemens. Cette maison puissante fit tous ses efforts pour engager le parlement à consentir à l’union afin d’assurer sa créance. Beaucoup de marchands, de capitalistes et peut-être de membres du parlement y étaient intéressés. Devant tous ces motifs personnels ajoutés aux préjugés nationaux, la cause des Canadiens-français devait succomber. Dans l’acte d’union il est expressément stipulé qu’après les frais de perception payés, la première charge sur le revenu du Canada sera l’intérêt de la dette publique au moment de l’union. Le salaire du clergé et la liste civile ne viennent qu’après.

L’acte d’union adopté par les deux chambres mit fin, en recevant la sanction royale, à l’acte de 91, passé pour soustraire à la domination des Canadiens-français la petite population anglaise du Haut-Canada, et révoquée plus tard pour mettre ces mêmes Canadiens sous la domination de la population anglaise, devenue ou devenant plus nombreuse.

À l’époque où se consommait ce grand acte d’injustice à notre préjudice, la population, le commerce, l’agriculture, l’industrie avaient fait d’immenses progrès dans le pays. La population que nous avons estimée à 125,000 âmes à peu près lors de l’introduction de la constitution de 91, s’était redoublée cinq fois depuis. Les dissensions politiques n’avaient pas empêché chacun de remplir sa tâche avec son activité ordinaire. En Amérique le mouvement des choses entraîne toutes les théories avec lui, tous les systèmes des métropoles. Tout s’y assied sur des bases immenses qui n’ont pour ainsi dire de limites que les limites du continent lui-même. En Europe le propriétaire est au sommet de la pyramide sociale ; en Amérique il est où il doit être pour le bonheur et la paix de ceux qui la composent, à la base. En 1844, où s’est fait le recensement le plus rapproché de l’union, la population du Bas-Canada était de 691,000 âmes, dont 524,000 Canadiens-français, 156,000 Anglais et étrangers, et 573,000 catholiques. Il y avait 76,000 propriétaires et 113,000 maisons, d’où l’on peut conclure que chaque famille a sa maison et que presque toutes les familles sont propriétaires.

Les productions agricoles s’élevèrent à 925,000 minots de blé, à 1,195,000 minots d’orge, à 333,000 minots de seigle, à 7,239,000 minots d’avoine, à 1,219,000 minots de pois, à 141,000 minots de blé-d’inde, à 375,000 minots de blé sarrasin, à 9,918,000, de pommes de terre. Les érablières produisirent 2,272,000 livres de sucre. On comptait 7,898 ruches d’abeilles, 470,000 têtes de bétail, 147,000 chevaux, 198,000 cochons et 603,000 moutons dont la toison donnait 1,211,000 livres de laine. Les animaux devaient être en proportion de l’agriculture, mais cette proportion est plus petite dans les pays froids que dans les pays chauds. L’hiver sera toujours un grand obstacle à l’élévation des bestiaux dans le Bas-Canada, parce qu’il faut les nourrir à l’étable près de six mois de l’année.

Il sortit des métiers domestiques 747,000 verges de drap du pays, 858,000 verges de toile de fil et de coton, 655,000 verges de flanelle et de droguet.

L’industrie faisait rouler 422 moulins à farine, 153 à gruau, 911 à scie, 14 à l’huile de lin, 153 à fouler, 169 à carder, 469 à battre, 8 à papier et 24 à clous, etc. 69 fonderies mêlaient leurs noires vapeurs au bruit de ces grands élémens de progrès et de richesses. Il y avait encore 36 distilleries, 30 brasseries, 540 manufactures de potasse et 86 autres de différens genres, que faisaient marcher le vent, l’eau, la vapeur ou la force animale.

Maintenant au dessus de ces puissances physiques et matérielles il y avait 64 collèges ou écoles supérieures et 1569 écoles élémentaires, qui répandaient les lumières sur 57,000 enfans au bruit des forêts qu’on abattait et des chantiers qu’on ouvrait partout pour agrandir le champ des nouvelles Sidons modernes, dans ce continent sorti à peine du sein des ondes et des mains de Christophe Colomb et de Jacques Cartier. La rigueur du climat de Québec ne peut rien pour dompter l’énergie productive des enfans du St.-Laurent. C’est au milieu des frimas qui emprisonnent les ondes qu’ils construisent ces nombreux vaisseaux qui doivent sillonner les mers du globe, et qu’ils préparent ces bois qui doivent servir à abriter les peuples de l’Europe et des tropiques. 2090 ouvriers construisirent à Québec seul dans l’hiver de 1840, 33 navires jaugeant ensemble 18,000 tonneaux ; et 1175 navires jaugeant 384,000 tonneaux venant d’Europe et d’ailleurs, étaient arrivés dans le cours de l’été précédent dans le port de cette ville commerçante.

Enfin en 1840, la totalité du revenu du Bas-Canada monta à £184,000, et la dépense à £143,000. Aujourd’hui à l’aide de quelques modifications dans nos lois fiscales, le revenu des deux Canadas unis a presque triplé ; il excède £800,000.

Nous allons terminer ici notre récit. L’union des deux Canadas doit former une des grandes époques de nos annales coloniales. Nous l’avons peut-être amené trop près des temps présens ; mais nous y avons été forcé par l’enchainement des événemens, qui seraient restés sans signification bien précise sans la conclusion qui nous les explique en expliquant la pensée de la métropole. Si en retraçant ces événemens, nous avons pu blesser les susceptibilités des hommes, des races, du pouvoir ou des partis qui ont exercé de l’influence sur notre patrie, nous dirons comme M. Thiers, nous l’avons fait sans haine, plaignant l’erreur, révérant la vertu, admirant la grandeur, tâchant de saisir les profonds desseins de la providence dans le sort qu’elle nous réserve, et les respectant dès que nous croyons les avoir saisis.

CONCLUSION

Nous avons donné l’histoire de quelques émigrans français venus pour fixer les destinées de leur postérité à l’extrémité septentrionale de l’Amérique du Nord. Détachés comme quelques feuilles d’un arbre, le vent les a jetés dans un monde nouveau pour être battus de mille tempêtes, tempêtes de la barbarie, tempêtes de l’avidité du négoce, tempêtes de la décadence d’une ancienne monarchie, tempêtes de la conquête étrangère. À peine quelques milles âmes lorsque ce dernier désastre leur est arrivé, ils ne doivent pas en vouloir trop à leur ancienne mère-patrie, car la perte de la noble colonie du Canada fut une des causes déterminantes de la révolution, et l’univers sait quelle vengeance cette nation polie et fière a exercé sur tous ceux qui avaient la main de près ou de loin au timon de l’état qui nous abandonnait au moment du danger.

Malgré toutes les tourmentes passées déjà sur le Canada, quelques centaines de colons français ; car nous craindrions d’exagérer en disant quelques milliers, avaient atteint le chiffre fort peu important en Europe de 60,000 âmes environ au jour de la conquête. Aujourd’hui après 90 ans, ce chiffre atteint 700,000,[8] et cet arbre s’est accru de lui-même, sans secours étranger, dans sa propre foi religieuse, dans sa propre nationalité. Pendant 150 ans il a lutté contre les colonies anglaises trente à quarante fois plus nombreuses sans broncher d’un pas, et le contenu de cette histoire nous dit comment il s’acquittait de son devoir sur le champ de bataille.

Quoique peu riche et peu opulent, ce peuple a montré qu’il avait conservé quelque chose de la grande nation dont il tire son origine. Depuis la conquête sans se laisser distraire par les philosophes ou les rhéteurs sur les droits de l’homme et autres thèses qui amusent le peuple des grandes villes, il a fondé sa politique sur sa propre conservation, la seule base d’une politique recevable par un peuple. Il n’était pas assez nombreux pour prétendre ouvrir une voie nouvelle aux sociétés, ou se mettre à la tête d’un mouvement quelconque à travers le monde. Il s’est resserré en lui-même, il a rallié tous ses enfans autour de lui, et a toujours craint de perdre un usage, une pensée, un préjugé de ses pères malgré les sarcasmes de ses voisins. Le résultat c’est que jusqu’à ce jour, il a conservé sa religion, sa langue, et bien plus un pied à terre à l’Angleterre dans l’Amérique du Nord en 1775 et en 1812. Ce résultat quoique funeste à la république des États-Unis, à ce qu’il aurait paru au premier abord, n’a peut-être pas eu les mauvaises suites qu’on aurait pu en appréhender. Le drapeau royal anglais flottant sur la citadelle de Québec a obligé la jeune république d’être grave, de se conduire avec prudence, de ne marcher en avant que graduellement, et non pas de s’élancer comme une cavale sauvage dans le désert. La conséquence, disons-nous, c’est que la république des États-Unis est devenue grande, puissante et un exemple pour le monde.

Les Canadiens sont aujourd’hui un peuple de cultivateurs dans un climat rude et sévère. Il n’a point en cette qualité les manières élégantes et fastueuses des populations méridionales, et ce langage qui semble sortir de cette nature légère et intarissable qu’on ne connaît point dans les hautes latitudes de notre globe. Mais il a de la gravité, du caractère et de la persévérance. Il l’a montré depuis qu’il est en Amérique, et nous sommes convaincus que ceux qui liront son histoire avec justice et bonne foi, avoueront qu’il s’est montré digne des deux grandes nations aux destinées desquelles son sort s’est trouvé ou se trouve encore lié.

Au reste, il n’aurait pu être autrement sans démentir son origine. Normand, Breton, Tourangeau, Poitevin, il descend de cette noble race qui marchait à la suite de Guillaume le conquérant, et dont l’esprit enraciné ensuite en Angleterre, a fait de cette petite île une des premières nations du monde ; il vient de cette France qui marche à la tête de la civilisation européenne depuis la chute de l’empire romain, et qui dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, se fait toujours respecter ; qui sous ses Charlemagne comme sous ses Napoléon ose appeler toutes les nations coalisées dans des combats de géans ; il vient surtout de cette vendée normande, bretonne, angevine dont le monde respectera toujours le dévouement sans bornes pour les objets de ses sympathies royales et religieuses, et dont le courage admirable couvrira éternellement de gloire le drapeau qu’il avait levé au milieu de la révolution française.

Que les Canadiens soient fidèles à eux-mêmes ; qu’ils soient sages et persévérans, qu’ils ne se laissent point emporter par le brillant des nouveautés sociales ou politiques. Ils ne sont pas assez forts pour se donner carrière sur ce point. C’est aux grands peuples à essayer les nouvelles théories. Ils peuvent se donner des libertés dans leurs orbites assez spacieuses. Pour nous, une partie de notre force vient de nos traditions ; ne nous en éloignons ou ne les changeons que graduellement. Nous trouverons dans l’histoire de notre métropole, dans l’histoire de l’Angleterre elle-même de bons exemples à suivre. Si l’Angleterre est grande aujourd’hui, elle a eu de terribles tempêtes à passer, la conquête étrangère à maîtriser, les guerres religieuses à apaiser et bien d’autres traverses. Sans vouloir prétendre à une pareille destinée, notre sagesse et notre ferme union adouciront beaucoup les difficultés de notre situation, et en excitant leur intérêt rendront notre cause plus sainte aux yeux des nations.

  1. Lettre de M. LaFontaine au rédacteur de l’Aurore. Montréal, 17 janvier 1839. 1838.
  2. Lettre de E. G. Wakefield au London Spectator. Londres, 22 novembre 1838.
  3. Lettre de sir John Colborne au marquis de Normanby, 6 mai 1839.
  4. Dépêche de lord Bathurst à sir J.E. Sherbrooke, 1 juillet 1816.
  5. Dépêche de lord John Russell, à M. C. P. Thomson, 7 septembre 1839
  6. Le gouverneur fit prier M. Neilson de venir le voir pour le consulter sur les affaires du pays, surtout sur l’union. Sur ce dernier point, M. Neilson lui dit que cette mesure mécontenterait un grand nombre de citoyens et en satisferait peu, puisqu’elle avait pour objet d’opprimer les Canadiens. Le gouverneur le voyant continuer sur ce ton, lui dit : « Vous êtes donc contre l’union. Oui, répondit M. Neilson. Alors nous ne pourrons pas nous accorder, répliqua l’agent proconsulaire. » Je tiens ceci de M. Neilson lui-même.
  7. De la maison Baring, à laquelle était dûe une grande partie de cette dette.
  8. Le recensement de cette année porte la population canadienne française à 695,943 âmes.