Histoire des Météores/Chapitre 7


chapitre vii.
l’atmosphère.

L’air, sa couleur, sa pesanteur. — Expériences diverses. — Pression atmosphérique. — Composition de l’air. — Consommation et altération de l’air. — Effet de l’air raréfié sur ceux qui le respirent. — Conditions nécessaires pour parvenir dans les régions élevées avec sécurité. — Les climats chauds et les climats froids. — Température que peut atteindre l’air confiné.

I.

L’air est ce fluide gazeux qui forme autour du globe terrestre une enveloppe désignée sous le nom d’atmosphère.

Il paraît incolore quand il ne s’étend pas en couche très épaisse ; mais il est d’un beau bleu vu en masse ; c’est lui qui forme cette tenture azurée sur laquelle semblent étinceler les astres, et que le vulgaire regarde comme une voûte céleste.

Répandue autour du globe terrestre, cette masse gazeuse joue un rôle très important dans une foule de phénomènes naturels. C’est un immense laboratoire, où se passent sans cesse les opérations chimiques les plus variées.

Après avoir reçu, sous forme de vapeur, les eaux de la terre, ce vaste réservoir va les déposer sur le sommet des montagnes, d’où elles redescendent en ruisseaux ou en torrents. Il transporte à des distances prodigieuses le pollen et la graine des végétaux, et les œufs de beaucoup d’animaux. Enfin, il entretient la végétation dans les plantes et la respiration chez les animaux :

C’est là, dans l’éternel et grand laboratoire,
Que, sans cesse essayant mille combinaisons,
Récipient commun de tant d’exhalaisons,
La nature distille, et dissout, et mélange,
Décompose, construit, fond, désordonné, arrange
Ces innombrables corps l’un sur l’autre portés ;
Quelques-uns suspendus, d’autres précipités ;
Des soufres et des sels fait l’analyse immense ;
Des trois règnes divers enlève la substance ;
Les œufs de l’animal et la graine des fruits.
Et leur premier principe et leurs derniers produits,
Et la vie et la mort, et les feux et les ondes,
Et dans ce grand chaos recompose les mondes.

(Delille.)

L’air est sans odeur et sans saveur ; il est pesant ; 1 litre d’air à la température de zéro et sous la pression de 0m,76, c’est-à-dire pris au niveau de la mer (car à mesure que l’on s’élève l’air devient moins dense, plus léger), pèse 1gr,29.

L’air a passé longtemps pour un élément impondérable, et c’est seulement depuis le commencement du dix-septième siècle qu’on a pu mesurer l’épaisseur de la couche d’air qui enveloppe le globe, et s’assurer de la pesanteur de ce fluide.

Delille.

Boire au moyen du chalumeau paraît un enfantillage. C’est néanmoins à cet enfantillage qu’on doit la découverte des pompes, dont l’usage est si commode. En principe, une pompe n’est qu’un tuyau dont une extrémité plonge dans l’eau, et dont l’autre est munie d’un appareil qui y fait le vide, comme on le fait en aspirant dans le chalumeau ; on peut ainsi élever l’eau à 10 mètres, si le vide est bien fait.

II.

La pesanteur de l’air fut découverte par Galilée, vers l’an 1640, en cherchant la cause qui pouvait déterminer l’ascension de l’eau dans les corps de pompe vides, et l’y maintenir à une hauteur à peu près constante de 10m,50 environ au-dessus de son niveau extérieur.

Galilée avança que ce phénomène n’était dû qu’au poids de l’air, qui, pressant sur la surface du liquide, le forçait de s’élever dans le corps de pompe jusqu’à ce que le poids de l’eau fit équilibre au poids de l’air.

Torricelli, disciple de Galilée, voulut savoir quel effet produirait la même cause sur un liquide d’une densité différente de celle de l’eau. Il prit du mercure, qui est environ quatorze fois plus pesant que l’eau : si l’explication de Galilée sur l’ascension de l’eau dans les pompes était exacte, le mercure ne devait s’élever dans le vide qu’à une hauteur quatorze fois moindre. L’expérience vérifia cette prévision ; la pesanteur de l’air fut généralement reconnue.

Pascal s’assura ensuite que la pesanteur de l’atmosphère diminuait avec le nombre de ses couches. En 1646, un baromètre transporté sur le sommet du Puy-de-Dôme subit un abaissement de 8 centimètres.

Depuis l’invention de la machine pneumatique, rien n’est plus facile à démontrer que l’air et tous les gaz sont soumis à l’action de la pesanteur, aussi bien que les solides et les liquides.

Il suffit pour cela de peser un ballon avant et après y avoir fait le vide ; on obtient ainsi une différence de poids sensible, qui est le poids de l’air.

On peut s’assurer de cette manière que l’air pèse environ 770 fois moins que l’eau, c’est-à-dire que 770 litres d’air pèsent 1 kilogramme, ou qu’ils ont le même poids que 1 litre d’eau.

III.

Si l’air avait partout la même densité qu’à la surface de la terre, il s’en faudrait bien que l’atmosphère eût la hauteur de quinze à vingt lieues, qu’on lui attribue ; c’est à peine si elle s’élèverait à deux lieues ; car à la surface de la terre l’air étant 770 fois moins dense ou moins lourd que l’eau, en prenant 10 mètres pour la hauteur de la colonne d’eau qui fait équilibre au poids de la colonne atmosphérique de la même base, celle-ci n’aurait que 770 fois 10 mètres ou 7 700 mètres de hauteur, ce qui, comme on le voit, ne ferait pas même deux lieues.

Pascal.

Les couches supérieures de l’air, pesant de tout leur poids sur les couches inférieures, leur donnent des densités proportionnelles aux pressions qu’elles éprouvent ; la densité de l’air va donc en décroissant de la surface de la terre aux limites de l’atmosphère ; c’est ce que démontre l’expérience de Pascal que nous venons de citer.

Le bien-être que le voyageur éprouve au sommet des montagnes provient de la raréfaction de l’air sur ces hauteurs. La poitrine, moins comprimée, se dilate, la respiration devient plus facile ; il semble que la vie circule plus librement dans tous les membres.

Cependant, à une trop grande élévation ce bien-être fait place à des faiblesses, à des vertiges. L’élasticité des fluides intérieurs, qui n’est plus suffisamment contrebalancée par la pression extérieure, peut déterminer des hémorragies dangereuses.

VI.

D’après la pesanteur connue de l’air, si nous voulons évaluer la somme des pressions que la masse atmosphérique exerce sur la surface du globe, nous trouverons, en réduisant celle-ci en centimètres carrés, que la terre supporte une pression, un poids en kilogrammes représenté par 1 suivi de vingt zéros, c’est-à-dire 100 quintillions de kilogrammes.

La surface du corps humain, étant moyennement de 7/4 de mètre carré, supporte, en vertu des pressions que l’air exerce comme les liquides tout autour des corps qui y sont plongés, une somme de pression égale à 17 500 kilogrammes environ.

Le corps résiste à cette force par la réaction égale et opposée des fluides intérieurs qu’il contient ; il n’éprouve ainsi dans les mouvements aucune gêne sensible de la part de la pression de l’air.

Lorsque l’on plonge en nageant, il n’est pas rare que l’on ait deux ou trois mètres d’eau sur la tête ; cependant on les supporte très-bien. Les couches inférieures et latérales font équilibre aux couches supérieures et neutralisent un poids qui, de prime abord paraîtrait assez puissant pour écraser le nageur.

De même que l’eau fait surnager les corps plus légers qu’elle, l’air fait élever ceux qui sont moins pesants que lui ; c’est sur cette propriété qu’est fondée l’invention des aérostats, qui, chargés d’un gaz plus léger, montent jusqu’à ce qu’ils trouvent un air assez raréfié pour leur faire équilibre.

La légèreté de l’air chauffé produit dans le tuyau de nos cheminées ce courant ascensionnel qui nous débarrasse de la fumée incommode du foyer. La même cause produit un courant semblable dans les ventilateurs à feu et dans les fourneaux d’appel, qui nous donnent des moyens efficaces de renouveler et de purifier l’air des lieux infectés, des mines, des salles de spectacle, des fabriques insalubres, des hôpitaux, etc.

L’élasticité de l’air est utilisée dans les fusils à vent pour lancer des projectiles ; la plus fameuse machine de ce genre est le fusil à air de M. Perrot, l’ingénieux inventeur de la perrotine qui sert à colorer les indiennes.

Depuis un temps immémorial, le commerce et la navigation ont mis à contribution des courants atmosphériques produits par la mobilité extrême de l’air, pour faire mouvoir les vastes maisons flottantes qui sillonnent les mers.

V.

Les anciens croyaient que l’air était un corps simple, un des quatre éléments admis alors. Ce furent les expériences publiées en 1630 par Jean Rey, médecin, né à Bugne en Périgord, qui mirent sur la voie de sa composition.

Brun, apothicaire à Bergerac, ayant trouvé que l’étain augmentait de poids dans la calcination, en demanda la cause à Jean Rey, qui répondit que ce phénomène était dû à une absorption d’air.

Ce ne fut, cependant, qu’un siècle et demi plus tard que Bayen tira cette découverte de l’oubli, et prépara les travaux du célèbre Lavoisier et autres savants chimistes, qui découvrirent que l’air est un mélange composé de deux gaz qui paraissent simples.

Les expériences les plus exactes ont démontré que l’air, est composé, à quelque hauteur que ce soit et sur tous les points du globe, de vingt et une parties d’oxygène et de soixante-dix-neuf parties d’azote ; il renferme, en outre, quelques dix millièmes d’acide carbonique et une quantité variable de vapeur d’eau.

M. Dumas, notre éminent chimiste, s’exprimait ainsi dans l’une des dernières séances de l’Académie des sciences : « Les expériences de M. J. Reiset, par leur nombre leur précision, l’importance des volumes sur lesquels elles ont porté, les années mêmes qui les séparent, ont établi d’une manière définitive, deux vérités dont l’histoire du globe aura désormais à tenir compte : la première, c’est que la proportion de l’acide carbonique dans l’air varie à peine ; la seconde, qu’elle s’éloigne peu de trois dix millièmes en volumes[1].  »

Il ajoute que ces résultats sont pleinement confirmés par les travaux des savants les plus spéciaux.

S’il y avait une plus grande proportion d’oxygène dans l’air, la vie serait plus active et toutes sortes de désordres s’ensuivraient dans notre organisation :

Sur nous, comme l’esprit d’une liqueur active,
L’un d’eux exercerait une action trop vive ;
L’autre serait mortel, et de nos faibles corps
Ses dormantes vapeurs détruiraient les ressorts.

(Delille.)

Dans les circonstances ordinaires, l’eau dissout environ la trentième partie de son volume d’air. Lorsqu’il est en dissolution, il n’offre plus la même composition ; il renferme 0,32 d’oxygène à peu près pour 0,68 d’azote, tandis qu’on trouve dans l’air libre 0,21 d’oxygène et 0,79 d’azote. Cette différence tient principalement à l’inégale solubilité des deux gaz.

L’air contenu en dissolution dans l’eau reprend son état ordinaire quand l’eau se congèle ou entre en ébullition.

VI.

L’atmosphère est continuellement agitée ; les courants excités par la chaleur, par les vents, par les phénomènes électriques, en mêlent et en confondent sans cesse les diverses couches. C’est donc la masse générale qui devrait être altérée, pour que l’analyse pût indiquer des différences d’une époque à une autre.

Mais cette masse est énorme. Si nous pouvions mettre l’atmosphère tout entière dans un ballon et suspendre celui-ci à une balance, il faudrait, pour lui faire équilibre, mettre dans le plateau opposé 581 000 cubes de cuivre de 1 kilomètre de côté.

Si l’on suppose maintenant, avec quelques savants expérimentateurs, que chaque homme consomme 1 kilogramme d’oxygène par jour, qu’il y ait un milliard d’hommes sur la terre, et que, par l’effet de la respiration des animaux ou par la putréfaction des matières organiques, cette consommation attribuée aux hommes soit quadruplée ; dans cette hypothèse exagérée, au bout d’un siècle, tout le genre humain réuni et trois fois son équivalent n’auraient absorbé qu’une quantité d’oxygène égale à la pesanteur de 15 ou 16 cubes de cuivre de 1 kilomètre de côté. L’air en renferme près de 134 000.

C’est faire une supposition infiniment supérieure à la réalité, de prétendre que les animaux qui peuplent la surface de la terre puissent, en un siècle, souiller l’air au point de lui ôter la huit-millième partie de l’oxygène que la nature y a déposé.

Parmi les causes d’altération de l’air non renouvelé, la principale est la respiration de l’homme et des animaux. Suivant les expériences de quelques savants, l’homme consomme par heure 177 litres d’air, dont l’oxygène se trouve en totalité converti en acide carbonique.

En admettant que l’air soit vicié quand il a perdu le tiers de son oxygène, on voit que la consommation d’un homme serait de 537 litres d’air par heure, 13 mètres cubes par vingt-quatre heures.

Suivant M. Dumas, ces chiffres seraient exagérés, la quantité d’air vicié par homme ne s’élèverait dans les vingt-quatre heures qu’à 8 mètres cubes.

Il est d’ailleurs à remarquer que la transpiration cutanée et la transpiration pulmonaire paraissent avoir une influence prononcée sur l’altération de l’air non renouvelé, à cause des matières animales entraînées par la vapeur aqueuse exhalée. Ces matières doivent avoir une action nuisible, soit par elles-mêmes, soit par l’effet de la fermentation putride qui s’y développe en présence de l’oxygène de l’air.

VII.

Les effets de l’air raréfié des montagnes varient principalement suivant l’âge et l’état de santé des individus. Chez tous la circulation et la respiration s’accélèrent, mais dans des proportions diverses.

Au grand plateau, dans la chaîne du mont Blanc, à 3 910 mètres au-dessus du niveau de la mer, de Saussure et ses guides souffrirent d’essoufflement, et ne purent se livrer pendant quelques minutes au moindre exercice.

Fig. 28. — Oiseau sous la cloche de la machine pneumatique.

À mesure que l’on s’élève, il devient nécessaire de suspendre le mouvement à des intervalles de moins en moins éloignés. Dans l’immobilité, on n’éprouve aucune gêne de la respiration ; on peut causer sans plus de fatigue que dans la plaine, bien que l’on soit naturellement entraîné à parler plus haut ; on peut même fumer sans la moindre peine ; mais on ne peut courir ou marcher, surtout en montant, plus de quelques instants.

Souvent aussi un trouble des fonctions digestives, analogue au mal de mer, se manifeste d’une manière plus ou moins grave, suivant les individus ; il comprend toutes les phases, depuis la simple diminution de l’appétit jusqu’au vomissement.

On peut reproduire ces phénomènes à volonté chez un animal placé sous la cloche de la machine pneumatique (fig. 28).

Il est cependant à remarquer que les fatigues de toutes sortes et la privation de sommeil, conditions inséparables de ces voyages, entrent nécessairement pour quelque chose dans les phénomènes physiologiques qu’on y observe. Par un séjour prolongé, on s’acclimate et l’on cesse de souffrir de cet air rare. Il y a des villes et des villages dans le haut Pérou, situés à 3 900 et 4 350 mètres d’altitude.

L’accélération que la respiration subit dans un air rare, s’explique facilement par la moindre quantité d’oxygène que chaque inspiration introduit dans les poumons ; un air encore plus rare produirait la mort par asphyxie.

Ainsi, deux choses principales sont à craindre dans les excursions à de grandes hauteurs : l’asphyxie par le manque d’air, et les congestions par la diminution de la pression atmosphérique.

Il est vrai que les oiseaux s’élèvent impunément jusque dans les régions où l’air est beaucoup plus raréfié que sur la terre ; mais ils sont organisés de manière à pouvoir rétablir sans cesse l’équilibre entre l’air et leurs fluides intérieurs. L’air ne pénètre pas seulement dans leurs poumons ; leur cavité abdominale, leurs os même en sont remplis ; et selon qu’ils s’élèvent ou s’abaissent dans l’atmosphère, ils peuvent, par la fréquence et l’étendue plus ou moins grande de leurs inspirations, remplir ou vider plus ou moins complètement leurs cellules aériennes.

L’homme ne possédant pas cette faculté, ne pourra parcourir avec sécurité les régions élevées de l’atmosphère, qu'à l'aide d'appareils qui lui fourniront tout à la fois une pression et une respiration artificielles ; quelques inventeurs déjà sont en bonne voie pour cette ingénieuse réalisation.

VIII.

On a essayé de purifier l’air au moyen du charbon.

Une des propriétés les plus curieuses du charbon de bois, et que tout le monde connaît, est celle d'absorber une grande quantité de gaz ; il est pour les gaz ce que l'éponge est pour l'eau : il peut en absorber jusqu'à quatre-vingt-dix fois son volume ; c'est ce qui le rend propre à désinfecter les matières en putréfaction.

Par suite d'observations qui lui sont propres, M. Stenhouse, membre de la Société royale de Londres, a construit une sorte de filtre à air, propre à désinfecter ce fluide élastique. Ce filtre peut être employé pour l'assainissement des habitations, des navires, des bouches d'égoût, etc. Il consiste en une couche mince de charbon pulvérisé, enfermé entre deux toiles métalliques.

Un de ces appareils a été établi dans la salle d'audience, à Mansion-House, où l'air, puisé dans une rue fort étroite, était tellement vicié par des émanations provenant de plusieurs causes voisines d'infection qu'on ne cessait de s'en plaindre. Or, depuis que l'air du ventilateur traverse le filtre, l'atmosphère de la salle est complètement purifiée.

M. Stenhouse a de même appliqué ce principe à la fabrication de masques munis de filtres de charbon, et destinés à purifier l’air avant son arrivée dans les poumons.

IX.

Sous l’influence d’une atmosphère très chaude toutes les fonctions perdent leur énergie, les facultés morales et intellectuelles languissent. Sous le ciel brûlant des tropiques l’esprit n’est pas moins énervé que le corps. L’homme retrouve son énergie dans les climats moins chauds, tels que les contrées méridionales de l’Europe.

Les climats très froids sont aussi défavorables à l’intelligence que les climats très chauds. Sous un ciel moins sévère, dans les contrées septentrionales de l’Europe, par exemple, les facultés intellectuelles renaissent ; mais elles sont remarquables par d’autres qualités que celles qui caractérisent l’intelligence de l’habitant du Midi.

Dans les contrées chaudes et marécageuses, où la matière végétale morte est exposée à l’action de la chaleur et de l’humidité, surtout à l’embouchure des grands fleuves, sur le littoral des golfes qui reçoivent un grand nombre de torrents, en un mot dans toutes les localités où les eaux douces viennent se mélanger avec les eaux salées, on remarque de funestes influences sur la salubrité générale du pays.

Entre les tropiques, de semblables localités sont très communes, et l’on a constaté que c’est toujours après l’époque des pluies, lorsque le sol commence à se dessécher, que l’insalubrité s’y manifeste. Dans les steppes de Saint-Martin, à l’est de Santa-Fé de Bogota, les fièvres se déclarent chaque année régulièrement après la saison pluvieuse ; il suffit alors qu’un habitant des montagnes descende dans la plaine pour tomber malade presque à l’instant même.

Fig. 29. — Paysage intertropical.

Sous la zone torride, un défrichement est un combat à mort entre l’homme et la végétation ; la première colonie qui prétend conquérir la forêt vierge languit et s’éteint.

X.

M. Babinet a présenté à l’Académie une note intéressante sur la température que peut atteindre l’air confiné :

« La chaleur des rayons solaires, dit-il, passe au travers de l’air transparent ; mais la chaleur obscure des corps terrestres traverse en bien moins grande quantité l’air et les vitres.

« Saussure, pour s’assurer que les rayons du soleil sont bien plus chauds dans les régions supérieures de l’atmosphère qu’à la surface de la terre, plaçait un thermomètre dans une boîte noircie intérieurement et couverte de plusieurs glaces ou vitres. Le thermomètre, ainsi renfermé, montait plus haut au sommet des montagnes que dans la plaine. Au cap de Bonne-Espérance en 1837, sir John Herschel, en plaçant une boîte noircie recouverte d’une seule vitre sans mastic, sous un châssis vitré de jardinier, a obtenu des températures bien supérieures à celles de l’eau bouillante. En peu de temps, des œufs, des fruits et une forte étuvée de viande et de légumes (en français, un bœuf à la mode), furent cuits et mangés à la grande satisfaction de nombreux convives.

« Avis à ceux qui, comme dans l’Égypte, vivent sous les rayons d’un soleil ardent, que sir John Herschel appelle clair de soleil. »

Dans un ouvrage des plus intéressants, M. Mouchot vient d’exposer un moyen pratique de recueillir et d’utiliser directement les rayons solaires au profit de l’agriculture et de l’industrie. Déjà il a obtenu de beaux résultats qui ont eu la sanction des hommes compétents. Il s’est occupé avec le même succès de la cuisson au soleil de la viande, des légumes et du pain, etc.

Pendant le courant de l’année 1875, il a soumis à l’Académie des sciences la suite des applications industrielles que l’on peut obtenir de la chaleur solaire ; les encouragements qui lui arrivent de points très éloignés, lui sont un nouveau témoignage que leur importance est vivement sentie de tous ceux qui vivent sous un climat brûlant. Dans le courant de 1876, il a présenté à la même Académie, un appareil qui permet d’utiliser la chaleur solaire pour porter des liquides à l’ébullition, et faire cuire des aliments dans l’espace d’une demi-heure[2].

Les alambics solaires ont également fourni d’excellents résultats. Munis de miroirs de moins d’un demi-mètre carré, ils portaient trois litres de vin à l’ébullition en moins d’une demi-heure, et donnaient une eau de vie fine, franche de tout mauvais goût. Le récepteur solaire du Trocadéro qui a fonctionné pour la première fois le 2 septembre 1878, a porté, en une demi-heure, 70 litres d’eau à l’ébullition[3].


  1. Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1882, 1er semestre.
  2. Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance du 2 octobre 1876.
  3. Ibid. 1878, 2me semestre.