Histoire des églises et chapelles de Lyon/Chapelle de l'Hôtel de Ville

H. Lardanchet (tome Ip. 55-62).

LA CHAPELLE DE L’HÔTEL DE VILLE

Ce fut la modeste chapelle Saint-Jaquême, située au sud-ouest de la place Saint-Nizier, qui abrita à Lyon, au début du xive siècle, les premières délibérations légales du corps consulaire et reçut d’abord le précieux dépôt des franchises municipales. Dans le même temps, la nef de l’église Saint-Nizier servait aux grandes assemblées de la commune. Après avoir siégé successivement, en 1458, dans la maison du Lion, en 1461 et de nouveau en 1570, dans la maison Charnay, rue Longue, en 1569 à l’hôtel de Milan, rue Grenette, et en 1604 dans la maison de la Couronne encore debout au no 13 de la rue Poulaillerie, le consulat résolut, en 1644, de construire un Hôtel de Ville digne de la cité.

Simon Maupin, voyer de la ville, reçut l’ordre d’en préparer le plan et fut envoyé à Paris, au mois de mars 1646, pour soumettre son projet au contrôle d’un architecte alors « n grande réputation, Gérard Desargues, lyonnais attaché au service de la Couronne. Le 18 mai, les échevins écrivaient à Desargues pour lui accusé réception de ses dessins et le remercier, et le 5 septembre la première pierre du monument de la place des Terreaux était posée par Camille de Neuville, futur archevêque de Lyon, remplissant les fonctions de lieutenant du roi dans la province en l’absence de son frère, le duc Nicolas de Villeroy, gouverneur de Lyon, assisté de Pierre de Sève, baron de Fléchères, prévôt des marchands, et des quatre échevins : Jean Videau, seigneur de la Tour, Jean de Moulceau, secrétaire de la ville, Rémond Severat et François Bastet.

En mémoire de cet événement, on frappa plusieurs médailles : il en existe deux au Musée de Lyon de modules différents, mais portant l’une et l’autre, au droit, la façade ouest de l’Hôtel de Ville dans son état primitif avant l’incendie de 1674, au revers, une inscription qui est la même sur les deux médailles. L’une en cuivre est signée des noms d’Hendriey et de Simon Maupin, l’autre en argent n’est pas signée et est attribuée à Gendre, médailleur lyonnais. Une troisième médaille en ivoire qui figura à l’exposition rétrospective de Lyon en 1877 a été reproduite par M. A. Steyert dans sa Nouvelle histoire de Lyon ; elle est l’œuvre de Jean Guillermin à qui elle fut payée 66 livres par le Consulat ; elle porte sur un côté la façade de l’Hôtel de Ville avec la date du 5 septembre 1646, et, au revers, l’inscription de la pierre fondamentale et trois distiques latins.

L’édifice fut achevé en 1655, du moins dans ses parties essentielles, mais le Consulat n’attendit pas jusque-là pour en prendre possession : le 14 novembre 1652, il y tenait sa première séance et quelques jours après, le 31 novembre, il réglait par une délibération l’affectation des salles terminées aux divers services municipaux. Après avoir dit que la grande salle, où l’on accède par le perron, servira de vestibule d’entrée, et que celle située au-dessus, où l’on est conduit par le grand escalier carré, sera destinée aux élections de MM. les prévôts des marchands et échevins et aux autres assemblées générales, il ajoutait : « La galerie à costé de ladicte salle sera une forme de vestibule, dans lequel est la chapelle pour y célébrer la messe ès-jours que le Consulat trouvera bon. »

L’ancien corps consulaire lyonnais avait coutume d’associer la religion aux actes de son administration. Le plus célèbre témoignage qu’il donna de sa foi fut le vœu des échevins, du 12 mars 1643, à Notre-Dame de Fourvière, pour demander son aide contre le fléau de la maladie contagieuse qui fit à Lyon de si terribles ravages au cours de la seconde moitié du xvie siècle, de la première moitié du xviie et ne reparut plus après l’année 1642. Lorsque, quelques années après, le nouvel Hôtel de Ville fui édifié, le Consulat voulut y assurer le service religieux qui avait toujours la première place dans le programme des fêtes de la commune.

La chapelle de l’Hôtel de Ville était située au même étage que la salle d’honneur, entre celle-ci et la cour haute, éclairée par trois grandes baies cintrées prenant jour sur cette cour. C’est le vestibule actuel de la grande salle des fêtes, avec laquelle il communique par la porte centrale faisant face aux fenêtres du grand balcon de la façade. Cette pièce est qualifiée : galerie, dans la délibération consulaire de 1652. Dès cette époque elle fut affectée au service religieux, mais il est douteux que, dans le plan de l’architecte, elle ait eu d’abord cette destination. Elle paraît plutôt, d’après certains détails de l’établissement des grandes baies, avoir été préparée pour servir de loge ouverte, comme on en
L’Hôtel de Ville, façade du xviie siècle. (Dessin de F. Benoit d’Entrevaux.)

voit dans les palais de Gênes, suivant l’observation de l’architecte Desjardins chargé des réparations de l’Hôtel de Ville exécutées en 1857 et 1858. Dans cet étal, elle serait fort heureusement située au débouché du grand escalier, pour mettre en communication les deux ailes du palais au premier étage, si elle n’était adossée au nord au petit escalier circulaire dit des archives, qui, à cette place, interrompt toute communication autre que celle qui peut se prendre par la grande salle des fêtes, pour aller du salon Henri IV et des salles du Consulat et de la Conservation au grand escalier d’honneur. Tout indique que cette galerie devait servir dans le plan primitif soit de vestibule pour la grande salle, soit de dégagement à toute la partie ouest de l’édifice, et que, la construction de l’escalier des archives décidée après coup, en fermant lune de ses issues, l’a rendue impropre à la seconde de ces deux destinations. Le Consulat, prenant possession des lieux ainsi disposés, en fit la chapelle : ce ne pouvait plus être dès lors le vestibule de la grande salle où l’on dut entrer désormais par la porte ouvrant sur le palier du grand escalier. Dans l’inscription dédicatoire de la chapelle placée dans la grande salle, c’est au contraire la grande salle qui est qualifiée vestibule de la chapelle : « Sacellum hoc in media hujus atrii parte… Christo… dicarunt. »

La chapelle occupait ainsi le premier étage de la tour édifiée en arrière du grand vestibule, couronnée d’abord par un campanile qui reçut l’horloge construite, en 1650, par Daniel Gom, maître horloger, pour un prix supérieur à 4.000 livres, et le beffroi dont la cloche, que l’on mettait en branle avec une corde pendante jusque dans la chapelle, appelait les citoyens en cas d’alarme et aux assemblées. Dans son étal primitif qui est reproduit sur les médailles frappées à l’occasion de la construction de l’Hôtel de Ville, la tour du beffroi était peu élevée au-dessus de la toiture de l’édifice. Gravement endommagée dans sa partie supérieure par l’incendie de 1674, on lui donna, en la restaurant, son élévation actuelle et son couronnement en l’orme de dôme.

D’un inventaire dressé par ordre du Consulat en 1661, il résulte qu’il y avait dans la chapelle, au-dessus de l’autel porté par une trompe en saillie, un tableau dans son cadre doré représentant une « Descente de croix » peint par Jacques Palma dit le Aieux, acquis en 1651 de Benoît Voisin, ex-échevin, pour le prix de 1.200 livres, et deux têtes en marbre blanc sur leurs consoles d’ébène, l’une à droite, l’autre à gauche, le Christ et la Vierge, œuvres de Martin Hendriey, maître sculpteur ordinaire de la ville, pour lesquelles il lui fut compté la somme de 150 livres.

Le 8 janvier 1652, le consulat donnait à exécuter au même Martin Hendriey, par prix fait à lui passé devant Me Jasseron, notaire royal, quatre statues en pierre de Perne, hautes de six pieds et dix pouces et destinées aux quatre niches de la galerie de la chapelle. Ces statues devaient représenter l’Amour divin, la Foi chrétienne, l’Amour de la patrie et la Concorde. Le sculpteur avait deux ans pour les faire. La commande comprenait, en outre, deux figures en pierre de Savoie de huit pieds de hauteur, l’Astrologie et la Géométrie, pour les deux niches situées en dehors et au-dessus de la chapelle. Mais dans la délibération consulaire du 8 août 1662, il est dit que ces deux statues furent décommandées et que le sculpteur reçut de ce chef une indemnité de 100 livres ; il lui avait été promis pour ces six statues, 2.000 livres.

La chapelle était décorée de vitraux, œuvre de Christin Dalais, Jean Ricard et François Nicolas, maîtres peintres verriers, sur lesquels étaient peintes les figures du Christ et de la Vierge et les armes du roi.

Il est fait mention dans les comptes du Consulat d’une dépense de 450 livres pour l’achat d’un dais orné de soubassements, galons, broderies, bouquets et autres ouvrages, devant servir le jour de l’octave de la Fête-Dieu, pour la fête de saint Thomas et en d’autres circonstances, et de l’achat d’une chapelle d’argent du prix de 1.631 livres pour aider à la célébration de la messe et autre service divin. Le 9 août 1663, le Consulat crut devoir prendre une délibération pour interdire formellement que ces riches objets acquis pour le service de la chapelle de l’hôtel commun, fussent prêtés à l’avenir à des habitants ou à des confréries de la ville, qui avaient obtenu précédemment l’autorisation de les emprunter pour servir au dehors dans des églises ou des chapelles.

Pernetti, à l’article « Gros de Boze » des Lyonnais dignes de mémoire, rapporte que, de son temps, on voyait, dans le vestibule de la chapelle de l’Hôtel de ville, le Taurobole découvert à Lyon en 1704, sur la colline de Fourvière, rappelant un sacrifice offert pour le salut d’Antonin le Pieux et acquis, en 1742, par le Consulat, au prix de 3.000 livres.

Au-dessus de la porte donnant accès de la grande salle à la chapelle et du côté de la grande salle, se lisait une inscription latine de dix-neuf lignes, composée par le P. de Bussières, jésuite, pour l’exécution de laquelle le Consulat avait traité, en même temps que pour d’autres ouvrages, avec les peintres Panthot et Blanchet. On ne lira pas sans intérêt la traduction de ce long texte latin : « De ce palais, qui manquait à Lyon, fondé et conduit jusqu’à sa partie supérieure par leur prédécesseurs, s’inspirant, pour sa continuation impatiemment attendue, d’un même zèle pour la splendeur de leur patrie : Charles Grolier, écuyer, seigneur de Cazot et de Bellecize, illustre par son dévoûment aux intérêts de la cité, par la prévôté des marchands, par ses ancêtres lyonnais ; et ses nobles collègues dans le Consulat lyonnais, Claude Laure, Izaac Cognain, Philippe Cropet, seigneur de Pontournis, docteur en l’un et l’autre droit, François Chappuis, tous citoyens et consuls de la ville : ont heureusement continué la construction jusqu’au faîte de la partie principale ; et, en faveur de l’heureux couronnement d’une œuvre si laborieuse, ils ont dédié la présente chapelle, vers le milieu de cette salle, au Christ sauveur, éternel architecte du salut des hommes. L’an 1650. »

Plan de l’Hôtel de Ville.

Contre la face extérieure du mur de la chapelle, du côté de la cour, était gravée une autre inscription de huit vers latins, dont voici la traduction : « Là, où le Rhône précipite ses ondes impétueuses, et où la Saône, indécise dans sa marche, se promène à pas lents, là est placé Lyon, nouveau monde au milieu de l’ancien, ou ancien monde au milieu du nouveau. Cherchez ailleurs ce qui peut vous déplaire : ici se trouve tout ce que vous pouvez souhaiter ; ici, ou nulle part, tous vos désirs seront satisfaits ; Lyon vous fournira tout ce que renferme le monde entier : voulez-vous plus encore ? vous le trouverez à Lyon. » Les six premiers vers sont extraits des Poemata de J.-C. Scaliger, recueil de pièces consacrées par cet auteur aux villes les plus fameuses. Les deux derniers, d’André Falconnet, médecin de Lyon, ne sont qu’une redite de la dernière pensée de Scaliger.

Ils furent ajoutés aux siens afin qu’il y eût quatre vers à graver sur chacune des deux pierres symétriques et carrées où se lisait l’inscription.

La chapelle fut achevée, en 1650, sous la prévôté de Charles Grolier et le consulat des échevins dont les noms sont mentionnés dans l’inscription dédicatoire. Elle fut bénie en 1632 et dédiée au Christ et non sous le vocable de saint Bernard, comme l’affirme l’Almanach de Lyon de 1755. Elle était desservie par les religieux réformés de l’ordre de Cîteaux dits Feuillants, établis à Lyon près du port Saint-Clair, en 1620, avec la protection du consulat et du gouverneur de Neuville d’Halincourt. En échange d’une libéralité du prévôt des marchands et des échevins pour la construction d’un corps de logis et de la promesse d’une pension annuelle, les Feuillants s’étaient engagés à servir d’aumôniers à la chapelle de l’Hôtel de Ville ; chaque jour, un de ces religieux y célébrait la messe. La pension de 800 livres que le Consulat payait aux Feuillants pour cette cause fut réduite de 300 livres en 1687.

À certaines fêtes consulaires, des solennités avaient lieu dans la chapelle de l’Hôtel de Ville. Le matin de l’élection des nouveaux échevins, la messe (ui avait été dite précédemment à cette intention dans la chapelle Saint-Jaquême, fut célébrée à l’Hôtel de Ville, après que le Consulat en eut pris possession. Le prévôt des marchands et les échevins sortants devaient y assister.

Pour la première fois, en 1655, le 21 décembre, jour de la fête de saint Thomas, l’oraison doctorale suivie de la proclamation du nom des nouveaux échevins fut prononcée dans la grande salle de l’Hôtel de Ville, après une messe dite à la chapelle ; auparavant, la fête consulaire avait lieu dans l’église Saint-Nizier.

En 1705, le Consulat prit une décision portant que désormais « aucun capitaine-enseigne ne pourra faire bénir son drapeau que dans la chapelle de l’Hôtel de Ville, par le curé de la paroisse de Saint-Pierre et Saint-Saturnin, en présence du Consulat, et sans que ledit enseigne ne soit accompagné des officiers de son quartier et de la plus nombreuse partie des soldats portant les armes, afin que cette cérémonie soit aussi publique qu’elle est nécessaire ».

La chapelle de l’Hôtel de Ville était parfois de dimension trop restreinte pour contenir tous les invités du Consulat à certaines fêtes religieuses ; en 1728, une messe chantée en musique, pour rendre grâces à Dieu du rétablissement de la santé de Mgr le maréchal duc de Villeroy, fut célébrée dans la grande salle voisine.

Le 13 septembre 1674, un terrible incendie exerça ses ravages dans la partie supérieure des bâtiments à peine achevés du nouvel Hôtel de Ville et faillit tout détruire. Le récit en est consigné dans la délibération consulaire du 17 septembre : le feu se déclara entre midi et une heure dans les combles, entre le couvert du grand escalier et le beffroi ; poussé par le vent du midi, il consuma la toiture, le plafond et les peintures de Blanchet de la grande salle, le beffroi et l’horloge, les charpentes et le couvert de la salle des portraits, de celle du consulat, et aurait dévoré toute l’aile du nord, si l’on n’eût pas pris le parti de faire la part du feu en coupant la toiture au-dessus de la salle des archives. La chapelle eut beaucoup à souffrir de l’incendie du beffroi. Le feu pénétra dans la tour en ruinant l’escalier qui en ouvrait l’accès ; il y détruisit les planchers, l’horloge, des cloches, les poutres qui soutenaient ces derniers, et la chute de ces lourds débris ébranla les voûtes de sa partie inférieure.

Coupe de l’ancienne chapelle.

Les travaux de restauration entrepris après la catastrophe furent d’abord restreints aux plus urgents, notamment à la réfection des toitures. Ce qui restait du dôme menaçait ruine ; le Consulat le fit visiter, en 1677, par des experts, et il résulte de la description qu’ils en donnent dans leur rapport, comme de la vue de l’Hôtel de Ville frappée sur la médaille commémorative de la pose de la première pierre, que le dôme primitif était différent de celui que nous voyons aujourd’hui. Cette partie de l’édifice, comme du reste toute la toiture, fut donc reconstruite sur un nouveau plan. Ces travaux ne furent exécutés qu’en 1701, sous la direction d’Hardouin Mansart, surintendant des bâtiments de la Couronne, assisté de Robert de Cotte et Claude Simon, tous deux architectes du roi.

L’intérieur de la chapelle avait été restauré en 1695 par Guillaume Simon, sculpteur, et Claude Panthot, peintre : ce dernier reçut pour sa part la somme de 166 livres. En 1696, Henri Verdier, peintre ordinaire de la ville, avait été chargé de nettoyer, réparer et revernir la Descente de croix de Jacques Palma placée au-dessus de l’autel. Les délibérations consulaires de 1675 mentionnent l’acquisition de quatre cloches pour remplacer dans le beffroi de l’Hôtel de Ville celles que 1 incendie avait mises hors de service. En 1683, il est question de la nouvelle horloge placée dans le dôme et construite par Guillaume et Antoine Nourrisson.

Les ravages de l’incendie de 1674 n’étaient pas encore complètement réparés lorsque survinrent les événements de la révolution. La journée du 29 mai 1793 dans laquelle l’Hôtel de Aille fut emporté de vive force par la garde nationale soulevée contre Châlier et ses acolytes, le bombardement de la ville par l’armée de la Convention, et enfin un nouvel incendie allumé dans la grande salle par les lampions du li juillet 1803, occasionnèrent dans diverses parties de l’Hôtel de Ville de grands dommages dont les dernières traces ont subsisté jusqu’aux restaurations de 1857.

Quelques souvenirs de l’époque révolutionnaire sont restés attachés à la chapelle de l’Hôtel de Ville. Le 4 décembre 1793, la Commission révolutionnaire établie à Lyon par arrêté des représentants du peuple, Collot d’Herbois, Fouché, Albitte et Delaporte, succédait à la Commission de justice militaire entrée en fonctions le 12 octobre 1793, qui, en trente et une séances, avait prononcé quatre-vingt-seize condamnations contre des soldats du siège, qu’on fusilla à Bellecour, — et à la Commission de justice populaire, installée le 31 octobre, et qui, en vingt-sept séances, envoya cent treize condamnés à la guillotine de la place des Terreaux. La Commission révolutionnaire fonctionna du 4 décembre 1793 au 13 avril 1794, présidée par Pierre-Marie Parrein ; elle prononça seize cent quatre-vingt-quatre condamnations capitales dont soixante le 4 décembre, deux cent huit le 5, soixante-sept le 21, cinquante-cinq le 5 janvier 1794. Sept cent trente-deux condamnés furent guillotinés et neuf cent trente-cinq fusillés.

La Commission révolutionnaire siégeait au premier étage de l’Hôtel de Ville dans la salle du Consulat, éclairée par trois fenêtres sur la cour haute et séparée de la chapelle seulement par l’escalier tournant des archives. Chaque décade, les prisons de la ville pourvoyaient à sa sinistre besogne par l’envoi de prisonniers qu’on entassait dans les salles du premier étage, comme on parque les animaux à l’abattoir avant de les livrer au boucher. La grande salle des fêtes et la chapelle étaient spécialement affectées à ce dépôt de malheureux qui passaient de là dans la salle voisine, d’où, leur sort une fois fixé en quelques minutes employées à l’interrogatoire et au jugement, ils étaient conduits par l’escalier donnant dans la cave du sous-sol, dernière station avant la mort.

Le 11 février 1794, la Commission temporaire de surveillance républicaine, autre invention atroce de Fouché et de Collot d’Herbois pour servir de « supplément révolutionnaire à toutes les autorités constituées », recrutée par le club des Jacobins de Paris, et siégeant rue Sainte-Catherine, n° 8, reçut une réclamation du concierge de la maison commune, qui se plaignait qu’il y existât encore des figures de saints. La commission l’autorisa à les abattre et invita la municipalité à lui payer le déboursé occasionné par ce travail. La commission ainsi informée qu’il restait encore à Commune Affranchie « des monuments honteux de féodalité et de superstition » prit un arrêté ordonnant aux autorités de faire disparaître dans les vingt-quatre heures « tous les emblèmes féodaux et fanatiques. » Ce fut sans doute à cette occasion que disparurent les dernières statues qui ornaient la chapelle. Depuis ce temps, rien ne rappelle plus au visiteur l’ancienne destination de la salle, réduite maintenant au rôle de simple vestibule et qui fut pendant cent cinquante ans la chapelle de l’Hôtel de Ville. Parmi les Lyonnais d’aujourd’hui appelés à la traverser les jours de fêtes municipales, se souvient-on encore que ce lieu fut témoin des manifestations de leur foi, à une époque où les pouvoirs publics rendaient un culte à la Divinité, et plus tard de leurs souffrances aux jours les plus tragiques de l’histoire de la cité ?